Nations Unies

CAT/C/SR.964

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

7 novembre 2012

Français

Original: anglais

Comité contre la torture

Quarante-cinquième session

Compte rendu analytique de la 96 4 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le lundi 8 novembre 2010, à 10 heures

Président: M. Grossman

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l'article 19 de la Convention

Rapport i nitial de la Mongolie (suite)

La séance est ouverte à 10 heures.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l'article 19 de la Convention

Rapport initial de la Mongolie (suite) (CAT/C/MNG/1; HRI/CORE/MNG/2005)

1. Sur l'invitation du Président, les membres de la délégation mongol e re prennent place à la table du Comité.

2.Le Président invite la délégation mongole à répondre aux questions posées par les membres du Comité à la séance précédente.

3.M.  Bayasgalan (Mongolie) dit que la version préliminaire du rapport initial de la Mongolie a été rédigée par un groupe de travail qui l'a soumis à la Commission nationale des droits de l'homme aux fins d’observations. La version finale du rapport a été affichée sur un site web officiel à l'intention du public. Aucune observation n'a été reçue en retour de la part soit de la Commission soit des ONG.

4.Pendant l'état d'urgence de quatre jours décrété le 1er juillet 2008, quatre personnes ont été abattues et une est décédée par intoxication à l'oxyde de carbone. L'Unité d'enquête du Département général de la police a enquêté sur les fusillades qui impliquaient six agents de police et quatre de leurs supérieurs. Six ont été acquittés pour insuffisance de preuves et quatre ont été libérés en application de la loi d'amnistie de 2010.

5.La Commission nationale des droits de l'homme est un organisme totalement indépendant qui respecte pleinement les principes concernant le statut des institutions nationales (Principes de Paris) et que le Comité international de coordination a accrédité du statut "A". L'état d'urgence n'a pas porté atteinte à son indépendance.

6.Quarante pour cent des affaires criminelles enregistrées chaque année en Mongolie concernent des infractions mineures, qui n'entraînent pas de détention provisoire. Cinquante pour cent correspondent à des infractions graves qui entraînent une détention provisoire de quatre mois au maximum et les autres concernent des infractions extrêmement graves assorties d'une détention provisoire de 12 mois au maximum.

7.En application de l'article 10 de la Constitution, les traités internationaux auxquels la Mongolie est partie sont incorporés dans la législation nationale et ont force de loi. Le Code pénal a été modifié en février 2008 pour en aligner les dispositions sur celles de la Convention. Ainsi, l'enquêteur qui commet des actes de torture entraînant des lésions corporelles encourt une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à 15 ans en application de l'article 251 du Code pénal. La définition de la torture correspond à celle qui figure dans l'article premier de la Convention.

8.Répondant à l'observation selon laquelle les peines prescrites par les articles 96, 98 et 100 du Code pénal sont trop légères, M. Bayasgalan explique que les articles s'appliquent aux lésions résultant d'altercations entre deux personnes sans participation d'un agent de la fonction publique.

9.Une Unité d’instruction, créée dans le Bureau du Procureur général, est chargée de traiter des infractions commises par les enquêteurs et les procureurs. D'après les derniers chiffres disponibles, 188 plaintes pour torture ont fait l'objet d'enquêtes à la suite desquelles 38 affaires criminelles ont été enregistrées, dont 10 ont été renvoyées aux services d'un procureur pour complément d'enquête. En 2003, par exemple, un agent de police de la province d'Omnogovi a été inculpé pour avoir roué de coups un suspect. En 2007, un autre a été incarcéré pendant deux ans et un mois pour extorsion d’aveux par des méthodes coercitives.

10.En application de l'article 59 du Code de procédure pénale, les agents de police peuvent dans certaines circonstances demander aux services du procureur compétent de placer un suspect en garde à vue pendant 24 heures. Cette durée peut être prolongée pendant 48 heures. Dans 30% des cas seulement, la détention dépasse 72 heures.

11.L'article 30 de la Loi relative à l'expulsion des ressortissants étrangers prévoit l'expulsion pour les raisons ci-après: entrer dans le pays avec un passeport non valable ou un document falsifié: ne pas quitter le pays après l'expiration du visa ou du retrait ou de l'annulation du permis de séjour; occuper un emploi rémunéré sans permis de travail ou occuper un emploi autre que celui pour lequel le permis de travail est délivré; commettre une infraction à la loi sur les stupéfiants; contribuer à la propagation du VIH/sida. Les décisions en la matière sont prises par l'Office de l’immigration et des naturalisations et sont susceptibles d'appel devant le Tribunal administratif qui peut infirmer la décision s'il la juge injustifiée. La plupart des expulsions concernent des personnes qui se livrent à des activités commerciales illicites; ce sont souvent des ressortissants chinois qui sont entrés dans le pays avec un visa de touriste.

12.En 2007, le Gouvernement a examiné la possibilité de ratifier la Convention de 1951 sur le statut des réfugiés et a renvoyé la question devant Conseil de sécurité de la Mongolie. Si le Conseil approuve la proposition, elle sera transmise au Parlement pour adoption.

13.L'extradition des citoyens mongols est régie par l'article 46 du Code de procédure pénale et par des accords bilatéraux. Les affaires pénales ne font l'objet d'aucune disposition précise.

14.Des cours de formation sont organisés tous les ans entre novembre et avril à l'intention des membres de la police et des procureurs. Le programme porte beaucoup sur l'interdiction de la torture. Le code de conduite applicable aux enquêteurs et aux procureurs contient aussi des dispositions sur la torture et les mauvais traitements. De plus, bien que le Protocole d'Istanbul n'ait pas force obligatoire, les directives et normes qui y sont énoncées sont largement citées lors des cours de formation.

15.Une question a été posée au sujet du centre de détention de Denjiin Myanga, dont la capacité n'est que de 150 détenus mais qui en compte plus de 200. Le Bureau du Procureur général et le Bureau spécial des inspections exercent une surveillance régulière sur les centres de détention. Le procureur compétent se rend dans les centres une fois par mois. Des inspections trimestrielles et semestrielles sont aussi organisées et des visites spéciales sont faites en cas de plaintes spécifiques. Six centres de détention qui ne répondaient pas aux normes requises ont été fermés. Les normes sont pleinement respectées dans les autres centres. Les détenus du centre de Denjiin Myanga sont inculpés pour des infractions administratives et non pénales. Les conditions de détention y laissent certes beaucoup à désirer. En général, un rang de priorité élevé est accordé à l'amélioration des conditions dans les centres de détention. La construction d'un centre de détention provisoire pouvant héberger 1 000 personnes sera achevée avant la fin de l'année. Le centre de détention de Gants Khudag sera fermé.

16.Une place prioritaire a aussi été faite ces dernières années à la reconstruction et à la rénovation des prisons. Plus de dix prisons ont été rendues conformes aux normes internationales et de nouveaux bâtiments y ont été ajoutés. M. Bayasgalan appelle l'attention sur une publication récente qui contient des photographies "avant et après". Quelque 3 500 détenus, c'est-à-dire plus de 50%, ont bénéficié jusqu'à présent de l'amélioration des conditions. Plusieurs millions de tugriks ont été investis dans le projet. Les experts étrangers et les organisations spécialisées qui ont visité les prisons ont conclu que les normes internationales y sont respectées.

17.Toutes les condamnations à mort sont maintenant commuées en peines de 30 ans d'emprisonnement. Ceux qui purgent des peines de cette durée ont le droit d'apprendre des langues étrangères et de se former à l’informatique. Des normes nutritionnelles élevées sont imposées et contrôlées quotidiennement par le Bureau du Procureur général.

18.Après la ratification de la Convention et l'incorporation de ses dispositions dans le droit interne, le nombre des personnes condamnées pour actes de torture ou mauvais traitements en application du Code pénal a diminué. Des fonctionnaires ont été licenciés à l'issue d'une procédure administrative. M. Bayasgalan convient qu'il est nécessaire d'établir des statistiques sur ces affaires.

19.Dans le passé, c’est le Code de procédure pénale qui permettait d’offrir une protection aux victimes et aux témoins, mais il est prévu d'adopter une législation spéciale à cet effet. Un groupe de travail a été chargé d'en rédiger une version préliminaire, qui sera examinée à la session parlementaire du printemps 2011. L'expérience de pays comme le Canada sera prise en compte.

20.Conformément à l'article 16 (14) de la Constitution, les citoyens mongols ont droit à réparation des torts qui leur sont causés illégalement par autrui. En application de l'article 493 (2) du Code de procédure pénale, si le tort est dû à un acte illicite commis par un agent de la fonction publique, l'État sera responsable de la réparation – par exemple, lorsqu’une lésion est causée pendant une arrestation, une détention ou un traitement médical forcé. Les dommages causés aux biens sont remboursés. Une réadaptation peut être prévue en cas de préjudice psychologique. Des services d’orientation juridique sont aussi prévus par le Code de procédure pénale. Quand un tribunal accorde réparation, la victime présente une facture dont le Gouvernement assure le paiement par prélèvement sur un fonds spécial. Selon les statistiques les plus récentes, plus de 500 millions de tugriks ont été versés à plus de 20 petites entreprises à titre de réparation pour des illicites imputés à des agents de police, des enquêteurs et des procureurs. Une modification de la Loi relative au fonds spécial du Gouvernement permettra de procéder à un plus grand nombre de réparations. Conformément à la modification, les réparations apportées par l'État concerneront 12 types d'affaires pénales précisées dans le Code pénal et le Code de procédure pénale - y compris les actes de torture conformément à l'article 251 du Code pénal.

21.Un membre du Comité a demandé si le moratoire pour la peine de mort annoncé par le Président aboutira à l'abolition de cette peine. Le Gouvernement appuie officiellement l'adhésion au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à l'abolition de la peine de mort. Les commissions parlementaires permanentes, compétentes en la matière, ont déjà approuvé la proposition correspondante qui sera probablement adoptée prochainement par le Parlement, en session plénière.

22.La Mongolie n'a pas encore reconnu, en application de l'article 22 de la Convention, la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications présentées par ou pour le compte de particuliers relevant de sa juridiction.

23.Au total, 20 373 affaires pénales ont été enregistrées en 2009: 38,6% concernent des infractions mineures, et 49,1 pour cent des délits de moindre gravité; 28,6% de toutes les infractions ont été commises sous l'influence de l'alcool; 10,6% ont été commises par des femmes et 4,8% par des mineurs.

24.La traite des jeunes femmes et des fillettes est une grande source de préoccupation. Le Gouvernement a décidé de promulguer une loi sur la traite des êtres humains qui régira le statut juridique des victimes ainsi que les services juridiques et médicaux qui doivent être mis à leur disposition. Comme il y a de nombreuses filles mongoles qui seraient victimes de cette pratique à Macao, la Mongolie a signé avec Macao le 18 octobre 2010 un mémorandum d'accord sur la coopération en matière de lutte contre la traite des êtres humains. Il faut espérer que le mémorandum servira de modèle à d'autres pays.

25.Le Gouvernement envisage de dresser la liste des pires formes de travail infantile pratiquées dans le pays et de modifier la loi pour y incorporer les recommandations du Comité et celles qui sont issues de l'examen périodique universel (EPU) sur la question.

26.Le Code pénal ne contient pas de disposition particulière sur le viol conjugal, mais la question est traitée dans la Loi sur la violence domestique. Cette violence diminue dans le pays, des programmes spéciaux ont été mis en place à l'intention des femmes, et quatre foyers reçoivent les victimes de cette violence à Ulaanbaatar. À l'avenir, un réseau complet de foyers sera créé dans tout le pays. De plus, le Parlement examine actuellement un projet de loi sur l'indemnisation des victimes de torture. Le Gouvernement reconnaît que la violation des droits des minorités sexuelles très préoccupante, et il prévoit de collaborer avec le centre des lesbiennes, homosexuels, bisexuels et transgenres (LGBT) pour sensibiliser le public et former les policiers aux droits de ces minorités.

27.La responsabilité des centres de détention ayant été transférée en 2002 de la police à l'Autorité chargée de l’application des décisions de justice, la décision de placer une personne en détention n'est plus influencée par l'attitude partiale de certains enquêteurs et membres des forces de l’ordre, et les changements arbitraires de cellule ne se produisent plus. Les durées de détention des mineurs sont différentes de celles des adultes (voir par. 134 du rapport de la Mongolie). La période initiale de détention des mineurs est d'un mois, mais la détention peut être prolongée jusqu'à huit mois au maximum en cas de délit très grave. Les agents de police peuvent détenir un suspect pendant 24 heures au maximum, après quoi l'Autorité chargée de l’application des décisions de justice se prononce sur la prolongation de la détention.

28.Les traités internationaux auxquels la Mongolie est partie ont juridiquement le même statut que la législation interne. Cependant, il est nécessaire de dispenser aux juges une formation intensive à ces traités. Le Ministère des affaires étrangères et du commerce a publié un manuel de référence, qui renferme le texte de la Convention contre la torture et de tous les autres traités auxquels la Mongolie est partie.

29.Si un ressortissant étranger commet une infraction en Mongolie, le Gouvernement traitera l'affaire en application de la législation interne; le ressortissant étranger a le droit de recours devant un tribunal mongol. Les étrangers peuvent aussi faire appel des décisions d'expulsion devant le Tribunal administratif. Le Gouvernement envisagera d'apporter des modifications d'ordre législatif aux dispositions concernant les actes de torture commis pendant la procédure d'expulsion.

30.Étant donné que la Mongolie ne reconnaît pas la double nationalité, les membres de la minorité kazakh qui, après s’être installés au Kazakhstan et avoir obtenu la citoyenneté kazakh, sont revenus en Mongolie, peuvent faire une demande de récupération de leur citoyenneté mongole. Le Président a octroyé la citoyenneté à environ 200 membres de cette minorité. Avec l'essor récent de l'industrie minière, la protection des droits des mineurs des petites compagnies minières est une question très importante pour le Gouvernement. Dernièrement encore, il n'y avait pas de réglementation applicable aux petites industries minières, mais le Parlement a adopté récemment une modification à la Loi sur les industries minières qui permet aux mineurs des petites compagnies de former des coopératives, ce qui leur offre une certaine protection.

31.En ce qui concerne la structure du système judiciaire, la Cour suprême est l'instance supérieure, suivie par les tribunaux d’aimag et le tribunal de la capitale, tandis que les juridictions inférieures sont les tribunaux des soum, les tribunaux des intersoum et les tribunaux de district. Les juges sont désignés par le Conseil général des tribunaux et nommés par le Président pour un mandat de six ans. L'indépendance des juges est régie par le Code de procédure pénale et le Code administratif, et des experts internationaux ont conclu que la procédure de nomination des juges était en parfaite conformité avec les dispositions internationales.

32.La définition de la torture dans le Code pénal est identique à celle de la Convention. La visite du Rapporteur spécial sur la torture a été très utile, et le Gouvernement a pris plusieurs mesures pour mettre en œuvre ses recommandations: il a en particulier modifié le 1er février 2008 le Code pénal pour y inclure une définition de la torture conforme à celle de la Convention, réduit la durée de la détention et amélioré les conditions carcérales. Dix nouvelles prisons ont été construites, et un centre de détention provisoire sera achevé au cours de l'année.

33.M. Bayasgalan n'est au courant d'aucun cas précis de mauvais traitements qui auraient été infligés par la police à des membres de minorités sexuelles, mais à l'avenir le centre LGBT pourra signaler tous cas de ce type aux autorités.

34.Actuellement, le Gouvernement fournit certains renseignements aux proches et aux conseils des personnes qui ont été condamnées à mort. Si la Mongolie ratifie le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, elle pourra modifier ou abroger certains textes légaux sur la question.

35.M. Bayasgalan ne peut pas nier le fait que des aveux sont parfois obtenus par la force, mais un tribunal ne peut pas en tenir compte. Si des aveux sont obtenus par des moyens contraires à la loi, des sanctions pénales peuvent s'appliquer. S'agissant de l'affaire de Munkhbayar Baatar, ce dernier est décédé en garde à vue dans une cellule de "dégrisement" à cause d'une mauvaise utilisation des menottes spéciales qui servaient à le maîtriser. L'affaire a fait l'objet d'une enquête par les autorités, et l'agent de police incriminé a été condamné à une peine de 7 ans d'emprisonnement.

36.L'article 30 du Code pénal stipule que la tentative d'infraction est punissable. Les victimes de torture, définies comme étant des personnes qui ont souffert physiquement ou non physiquement d’actes de torture, ont droit à réparation et à un traitement médical. L'aide d’experts internationaux en matière d’évaluation des préjudices non corporels ou psychologiques sera bienvenue. Si la victime décède, son ou ses enfants peuvent hériter du droit à réparation.

37.Alors que les articles 14 et 19 de la Constitution sont les dispositions de base qui régissent la question des crimes de haine, cette question n’apparaît pas explicitement dans la législation mongole, mais elle a été soulevée au cours de l’EPU, si bien que le Gouvernement mongol devra l'étudier pour voir comment la traiter dans le Code pénal. Par le biais de ses missions diplomatiques à l'étranger, le Gouvernement échange souvent des renseignements sur la situation et les conditions des citoyens mongols qui vivent à l'étranger, et des accords bilatéraux d'entraide judiciaire ont été conclus avec plus de 20 pays. Plus de 15 000 Mongols vivent et travaillent actuellement dans la République de Corée, et certains ont été blessés ou sont décédés du fait que la réglementation en matière de sécurité du travail n'a pas été respectée.

38.Très souvent, les femmes mongoles qui épousent des étrangers en recourant à un intermédiaire deviennent victimes de violence domestique, et ces mariages sont considérés comme une forme de traite des êtres humains. Le Gouvernement a signé un mémorandum d'accord bilatéral sur la question avec Macao et envisage de signer des accords similaires avec d'autres gouvernements. La police et les forces de répression adoptent une position très ferme à l'encontre de ces intermédiaires.

39.Il est vrai que M. Bat Khurts, haut fonctionnaire du service civil mongol, a été arrêté à Londres. La délégation mongole est certaine que la question sera réglée équitablement dans le plein respect des droits de l'homme.

40.M.  Bruni (Rapporteur pour la Mongolie), demande si la torture est interdite par l'article 100 ou l'article 251 du Code pénal. L'article 44 (1) du Code pénal paraît contredire les dispositions de l'article 2 (3) de la Convention, qui précise que l'ordre venant d'un officier supérieur ou d'une autorité publique ne peut pas être invoqué pour justifier la torture. M. Bruni aimerait que la délégation fasse p0art de ses commentaires sur cette question.

41.Il aimerait savoir si le régime spécial d'isolement, en application duquel des détenus purgent des peines de 30 ans de prison pratiquement dans l'isolement, est toujours en vigueur, en particulier du fait que le Rapporteur spécial sur la torture a conclu que ce régime équivalait à un traitement cruel et inhumain, voire à la torture.

42.Compte tenu des renseignements fournis par le Gouvernement, selon lequel depuis 2007 sur les 744 affaires de torture qui ont été signalées, il n'y a eu qu'une seule condamnation (A/HRC/13/39/Add.6, p. 6), M. Bruni demande comment il est possible de nier les allégations d'impunité.

43.Il se félicite de l'intention de l'État partie de ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et encourage l'État à faire une déclaration au titre de l'article 22 de la Convention contre la torture. Étant donné que 6 des 50 dernières condamnations à mort ont été commuées en peine de réclusion à perpétuité, il demande quelle est la situation des 44 autres prisonniers en attente d'être exécutés, d'autant plus que le Rapporteur spécial sur la torture a indiqué que les conditions de détention de ces derniers sont extrêmement mauvaises.

44.M me Kleopas (Co-Rapporteuse pour la Mongolie), demande à la délégation de faire part de ses observations sur les rapports des ONG selon lesquels la nouvelle définition de la torture dans la législation pénale de l'État partie ne s'applique qu'aux enquêteurs et aux inspecteurs, et non à tous les agents de la fonction publique. Elle relève que la définition doit aussi couvrir la tentative de torture, la complicité ou la participation à des actes de torture. En tout cas, sans définition précise de la torture, Mme Kleopas ne comprend pas comment l'État partie peut engager des poursuites pour torture ou imposer les sanctions appropriées. Comme le Rapporteur spécial sur la torture l'a relevé en 2010, malgré les efforts législatifs mis en œuvre par l'État partie pour incriminer la torture, la définition de la torture n'est pas conforme aux dispositions des articles premier et 4 de la Convention. Mme Kleopas renvoie l'État partie à l'observation générale no 2 du Comité sur l'application de l'article 2 de la Convention.

45.Rappelant à l'État partie l'obligation qui lui incombe au titre des articles 12 et 13 de la Convention d'enquêter sur toute allégation raisonnable de torture, Mme Kleopas dit que les signalements d'impunité sont très nombreux. Elle aimerait en particulier que la délégation lui fasse part de ses commentaires sur l'affaire de Ts. Zandankhuu.

46.Tout en se félicitant de l'intention de l'État partie d'adopter une législation spécifique sur la traite des êtres humains et de l'accord bilatéral qu'il a signé avec Macao, Mme Kleopas reste préoccupée par l'absence de protection des victimes de traite. L'État partie doit prendre immédiatement des mesures pour remédier à cette situation, au moins en apportant un soutien aux ONG qui peuvent fournir aux victimes un abri et un traitement adéquats. Il est nécessaire également de sensibiliser, en particulier la police et les procureurs, au problème de la traite des êtres humains, car très rares sont actuellement les cas qui font l'objet de poursuites, voire d'enquêtes.

47.Mme Kleopas demande instamment au Gouvernement de modifier sa législation pour faire en sorte que le viol conjugal figure parmi les actes de violence domestique. En outre, l'État partie doit prendre des mesures pour apporter l'aide voulue aux victimes de cette violence. En particulier, il doit faire en sorte que les femmes des zones rurales puissent disposer immédiatement de moyens de réparation et de protection, notamment sous forme d'ordonnances de protection, d'accès à des foyers sûrs, de soins médicaux et d'une aide à la réadaptation. Il doit mettre au point un système pour établir des statistiques sur le nombre de cas de violations des dispositions de la Convention, ventilés par âge, sexe et type d'infraction.

48.Mme Kleopas demande si les aveux obtenus hors de la présence d'un avocat sont recevables devant les tribunaux et si l'État partie envisage de procéder à des vidéo-enregistrements des enquêtes afin de s'assurer que les aveux ne sont pas obtenus sous la torture.

49.Mme Kleopas aimerait avoir des éclaircissements quant à la question de savoir si la nouvelle loi que l'État partie envisage d'adopter établira un droit exécutoire en matière civile, que l’auteur des actes de torture ait été condamné ou non.

50.Mme Kleopas demande comment sont nommés les membres de la Commission nationale des droits de l'homme, si des ONG sont consultées au sujet de la composition et si l'État partie pourra renforcer la Commission en lui allouant des fonds suffisants pour lui permettre de s'acquitter de son mandat.

51.M me Gaer reste préoccupée par le fait que, si la définition de la torture énoncée dans la Convention est pleinement incorporée dans le droit interne, elle n'apparaît dans aucun texte de loi spécifique. Étant donné cette situation, elle ne comprend pas comment une personne peut être inculpée pour torture dans l'État partie. Elle aimerait en particulier avoir des exemples d'affaires dans lesquelles des accusations de torture ont été portées pour un motif fondé sur une discrimination.

52.Mme Gaer demande si les autorités ont pris des mesures contre les groupes nationalistes et xénophobes qui ont menacé les résidents chinois dans l'État partie.

53.Étant donné que dans son dernier rapport, le Rapporteur spécial sur la torture a indiqué que l'État partie n'avait suivi aucune de ses recommandations, elle demande si le Gouvernement envisage d'établir un rapport sur les mesures qu'il a prises à la suite de ces recommandations.

54.Mme Gaer demande si le Gouvernement a choisi de n'examiner aucun des cas de discrimination exercée à l’encontre de membres des minorités sexuelles que le Comité lui a communiqués. Elle croit comprendre que le centre LGBT peut soumettre aux autorités des rapports sur les actes de discrimination commis, mais elle ne voit pas très bien à quel organisme le centre transmettra ses rapports sans crainte de représailles.

55.Mme Gaer demande si des renseignements sur les personnes qui ont été condamnées à la peine de mort dans le passé ont été fournis à leurs proches.

56.Il serait utile de savoir en application de quel article du Code pénal le gardien de prison responsable du décès de Munkhbayar Baatar a été incriminé, s'il reste incarcéré et si la famille de la victime a été indemnisée. À propos des tortures qu'aurait subies Damien Enkhbat en prison en 2006, Mme Gaer demande si une enquête sur le traitement subi a jamais été ouverte et si une sanction disciplinaire ou répressive a été prononcée dans cette affaire.

57.M me Sveaass félicite l'État partie pour ses efforts de sensibilisation aux droits des membres des minorités sexuelles. Étant donné les violations de ces droits qui ont été rapportées au Comité, elle encourage le Gouvernement à mettre en place un moyen de porter plainte sans crainte de représailles.

58.Compte tenu des événements du 1er juillet 2008, elle aimerait avoir des renseignements sur les mesures que l'État partie prend pour restaurer la confiance du public dans la police.

59.Elle demande un complément d'informations sur les garanties juridiques offertes aux personnes qui sont internées de force dans les établissements psychiatriques et demande si la Commission nationale des droits de l'homme procède régulièrement à des visites de surveillance inopinées dans ces établissements. Il serait utile de savoir si des efforts ont été faits pour mettre en place des programmes de formation sur la santé mentale, étant donné en particulier que les membres du personnel médical qui ont des connaissances spécialisées en psychologie et en psychiatrie sont peu nombreux.

60.Tout en se félicitant du fait que les châtiments corporels sont interdits dans les écoles, Mme Sveaass ne comprend pas pourquoi ils n’ont pas été aussi explicitement interdits dans les institutions de placement et le milieu familial. Elle demande instamment au Gouvernement de remédier à cette situation au plus vite.

61.M.  Mariño Menéndez demande si la Convention est jugée être un accord international auquel la Mongolie est partie afin d'assurer l’application internationale du Code pénal, comme indiqué au paragraphe 68 c) du rapport initial.

62.Il serait utile de savoir si le Gouvernement envisage de modifier la loi de 1993 sur le statut juridique des ressortissants étrangers, étant donné que la situation en ce qui concerne les migrants, les demandeurs d'asile et les réfugiés a beaucoup changé depuis cette date.

63.M.  Wang Xuexian demande si l'État partie se propose de modifier son Code pénal pour y inclure les crimes de haine, ou s'il adoptera une loi distincte pour interdire ces crimes.

64.Il demande si l'État partie peut confirmer les rapports selon lesquels, entre 2004 et 2007, 326 travailleurs mongols qui vivaient et travaillaient dans la République de Corée sont décédés.

65.M me Belmir a reçu des réponses partielles à certaines de ses questions. La délégation a déclaré que des progrès ont été faits en ce qui concerne les délais de présentation des personnes en détention provisoire devant un juge. Néanmoins, au paragraphe 153 du rapport l'État partie, les renseignements relatifs à l'installation de systèmes de vidéosurveillance visant à prévenir le changement arbitraire de cellule afin d’intimider les détenus pour qu’ils se reconnaissent coupables n’empêchent pas que des adultes ou des mineurs en détention puissent être forcés de faire des aveux. Le procureur peut émettre une sanction avant qu'une affaire ait été portée devant un juge: Mme Belmir aimerait en connaître la raison, étant donné que cela équivaut à un jugement anticipé de l'affaire.

66.S'agissant du paragraphe 79 du rapport initial, Mme Belmir aimerait savoir quels sont les critères appliqués pour déterminer la gravité d'une infraction et, par conséquent, la durée possible de la prolongation de la détention provisoire.

67.Enfin, il est difficile d'admettre que les personnes victimes de traite à des fins d'exploitation sexuelle soient obligées de prouver qu'elles ne savaient pas qu'un contrat de travail en tant que chanteuse ou danseuse comprendra automatiquement la prestation de services sexuels.

68.Le Président, prenant la parole en tant que membre du Comité, dit qu'il est très utile de savoir que les traités relatifs aux droits de l'homme sont directement applicables devant les tribunaux mongols dès qu'ils ont été ratifiés. Or, il faudra que les juges, en particulier ceux qui ne connaissent pas le droit international, bénéficient tous d'une formation à l'application effective de ces traités. Étant donné que les traités sont ratifiés par le Parlement national, leur application ne peut pas être interprétée comme une atteinte à la souveraineté nationale.

69.Le Président aimerait que la Commission précise comment la Convention a été incorporée et comment la torture est définie dans la législation pénale de la Mongolie. Il n'est pas très facile de voir si les souffrances morales sont considérées en soi comme une forme de torture.

70.Il est préoccupant aussi de savoir que l'article 44 (1) du Code pénal mongol semble dégager de sa responsabilité le subordonné qui obéit sans le vouloir à un ordre ou à un décret contraire à la loi; conformément à la législation interne, seule la personne qui donne l'ordre est tenue pour responsable. Selon l'article 2 (3) de la Convention, l'obéissance à de tels ordres n'est pas un moyen de défense valable. Il importe que l'État partie adhère à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés.

71.Le Président aimerait savoir si la peine maximale pour l'infraction de torture est de deux ans et, dans l'affirmative, si l'État partie envisage de la modifier. La torture est une infraction grave qu'il faut punir en conséquence.

72.À propos de la formation, il serait bon de savoir si le manuel de la police sur les droits de l'homme et la torture a été rédigé en consultation avec la société civile et s'il contient des exemples et une définition complète de la torture conformément au droit international.

73.Le Président demande s'il existe une procédure d'indemnisation accélérée en Mongolie et quelles sont les informations disponibles quant à ses résultats.

74.Il aimerait savoir si l'État partie a l'intention de rendre permanent le moratoire sur la peine de mort.

75.M.  Bayasgalan (Mongolie), répondant aux questions posées, convient que la définition de la torture énoncée dans la Convention doit figurer dans la législation nationale. Même s’ils n’ont pas été incorporés dans le droit national, les articles de la Convention ont force obligatoire depuis 2002 et sont directement applicables par les juges. Plusieurs articles du Code pénal, notamment les articles 248, 249 et 251, portent sur la torture et prévoient des peines pouvant aller jusqu'à dix ans d'emprisonnement.

76.L'État partie n'a pas de chiffres précis concernant les affaires de torture, mais il reconnaît qu'il est nécessaire d'établir des statistiques sur la question.

77.En ce qui concerne l'article 44 (1) du Code pénal et la responsabilité de la personne qui donne l'ordre, M. Bayasgalan peut confirmer que la personne qui exécute l’ordre est aussi tenue pour responsable si l’action exécutée est illicite.

78.Les crimes qui étaient punis de la peine capitale sont aujourd'hui frappés d'une peine maximale de 30 ans d'emprisonnement. Les conditions dans les prisons où sont détenus les condamnés à mort sont plus rigoureuses que les conditions des prisons normales, mais elles restent pleinement conformes aux normes internationales.

79.Des informations sur la manière de porter plainte pour torture sont à la disposition de tous les citoyens. Un certain nombre de plaintes d’ailleurs ont fait l'objet d'enquêtes, mais la majorité a été classée faute de motif pour poursuivre au pénal. Dans certains cas, quand il n'était pas possible de déclencher une procédure pénale, des sanctions administratives, y compris de licenciement, ont été infligées.

80.M. Bayasgalan admet que les agents enquêteurs ont souvent une compréhension limitée de la nature de la torture et qu'il importe d'organiser une formation systématique à l'intention des agents de police. La Mongolie bénéficiera de la compétence des organisations internationales pour planifier cette formation afin de lutter contre la culture de la torture en Mongolie.

81.Toutes les condamnations à mort ont été commuées en peine de 30 ans d'emprisonnement depuis le moratoire sur la peine capitale qui a été introduit en 2010; avant cette date, la peine de mort était exécutée.

82.Un groupe de travail a été chargé de réviser et de modifier le Code pénal et le Code de procédure pénale. L'État partie a l'intention d'aligner la législation interne sur la Convention et d'y insérer une définition de la torture qui correspond à celle de la Convention; des compétences extérieures lui seront très utiles pour atteindre cet objectif.

83.Une Unité spéciale des enquêtes a été chargée par le Bureau du Procureur général de traiter les faits de torture qui seraient imputés à la police. La supervision indépendante qu'offre cette unité limite les possibilités de partialité.

84.En ce qui concerne les événements du 1er juillet 2008, au total 731 personnes ont été placées en garde à vue: sur ce nombre, 574 ont fait l'objet d'une enquête et ont été libérées sous caution et 157 ont été maintenues en détention par décision judiciaire. Les parents et les avocats des mineurs ont été informés de la détention de ces derniers dans les 12 heures. Les détenus ont été autorisés à recevoir des visites conformément à un calendrier établi. Quatre membres du Parlement et le responsable de la Commission nationale des droits de l'homme ont aussi visité les centres de détention. Un groupe de travail de 51 agents enquêteurs a été mis en place pour veiller à ce que les différents cas soient traités en temps voulu. Une loi spéciale a été adoptée pour qu'une indemnité puisse être versée aux victimes des événements.

85.La traite des êtres humains est un phénomène relativement nouveau en Mongolie. Les ONG jouent un rôle essentiel pour aider l'État partie à y faire face dans le cadre de projets de lutte contre la traite. Quatre foyers ont été ouverts pour les victimes de violence domestique qui peuvent y trouver un soutien médical et social ainsi que les services d’un conseil. Il est prévu de créer d'autres foyers de ce genre. Des centres d'aide juridictionnelle ont été ouverts dans 21 provinces pour aider les membres des groupes pauvres et vulnérables.

86.La Commission nationale des droits de l'homme est indépendante et dispose de suffisamment de fonds pour s'acquitter de son mandat. Trois commissaires permanents, qui sont affectés à la Commission par le Parlement, s'acquittent de leurs fonctions conformément aux Principes de Paris.

87.Améliorer les moyens de traiter les affaires de torture pose des problèmes majeurs à l'État partie. S'agissant des allégations de mauvais traitements, surtout celles qui concernent les citoyens chinois, certaines ONG ont participé à des crimes de haine et à la défense de vues nationalistes. L'idée d'insérer des dispositions plus détaillées sur les crimes de haine sera étudiée pendant la procédure de modification du Code pénal.

88.Les renseignements sur les mauvais traitements infligés aux membres du LGBT sont limités. Il ne sera pas possible de mettre en place une unité spéciale, mais une formation complémentaire sur le traitement des minorités sexuelles pourra être dispensée aux agents de police et autres agents des forces de l'ordre. Les plaintes concernant les mauvais traitements infligés aux membres des minorités sexuelles peuvent être adressées au Ministère de la justice et à la Commission nationale des droits de l'homme.

89.Dans le passé, des renseignements ont été fournis aux proches des condamnés à mort conformément à la loi.

90.Il est certain qu'il faut se pencher davantage sur la question des effets psychologiques de la torture.

91.L'État partie étudiera la question de son adhésion à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et fera part de son avis dans le proche avenir.

92.Des appareils de vidéosurveillance ont été installés dans certains centres de détention, et d'autres seront installés quand les finances le permettront.

93.La durée de la détention provisoire a été considérablement raccourcie et les améliorations se poursuivront dans ce domaine.

94.Des ONG ont participé à la mise au point de la formation consacrée aux droits de l'homme et à la torture. Une indemnité est versée aux victimes dès que possible après le dépôt d'une plainte.

95.M. Bayasgalan remercie le Comité pour ses précieuses recommandations.

96.Le Président remercie la délégation pour sa coopération. Le Comité attend avec intérêt de poursuivre son dialogue constructif avec la Mongolie.

La séance est levée à 13 h 5 .