Nations Unies

CAT/C/SR.1024

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

14 décembre 2012

Français

Original: anglais

Comité contre la torture

Quarante-septième session

Compte rendu analytique (partiel)* de la 1024 e  séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 2 novembre 2011, à 10 heures

Président: M. Grossman

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Rapport initial de Djibouti

La séance est ouverte à 10 h 10.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Rapport initial de Djibouti (CAT/C/DJI/1)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation djiboutienne prend place à la table du Comité.

2.M.  Hersi (Djibouti) dit que le rapport initial de l’État partie a été compilé et rédigé par une équipe comprenant la Commission nationale des droits de l’homme et un comité interministériel créé expressément aux fins d’établissement des rapports à soumettre aux organes conventionnels. Autorités, société civile et grand public y ont contribué. L’État partie regrette d’avoir soumis le rapport huit ans après l’échéance fixée de 2003, mais, grâce à la création du Comité interministériel, les retards dans la soumission des rapports aux différents organes conventionnels se comblent désormais rapidement.

3.Promouvoir et protéger les droits de l’homme à Djibouti est devenu une priorité nationale depuis l’adoption de la nouvelle Constitution en 1992 et la réorganisation du Ministère de la justice. L’appareil judiciaire a subi de profondes réformes et, depuis 2002, une série d’instruments internationaux a été ratifiée: Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Pacte international relatif aux droits civils et politiques et ses deux protocoles facultatifs, Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et Statut de Rome du Tribunal pénal international. Parallèlement, il est procédé à l’intégration des dispositions des instruments internationaux auxquels Djibouti est partie dans la législation nationale. Le Code de la famille proscrit la répudiation et le mariage précoce. Les magistrats tiennent compte des principes de l’intérêt supérieur de l’enfant et de la liberté d’opinion et le Code du travail interdit le travail des enfants de moins de 16 ans.

4.Outre l’article 16 de la Constitution, qui dispose que «nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains, cruels, dégradants ou humiliants», les articles 314 et suivants du Code pénal prévoient une peine de 15 ans d’emprisonnement pour les auteurs d’actes de torture et de 20 ans lorsque les victimes sont des mineurs ou autres personnes vulnérables. L’État partie reconnaît qu’il doit encore inscrire la définition de la torture, figurant à l’article 1er de la Convention, dans sa législation nationale. Le Gouvernement, toutefois, prévoit de revoir le Code pénal de 1995 en vue d’aligner ses dispositions sur les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et d’y intégrer les différentes définitions contenues dans lesdits instruments.

5.La police, la gendarmerie et la police judiciaire suivent une formation sur la lutte contre la torture. De même, le personnel pénitentiaire reçoit une formation aux droits de l’homme, qui porte principalement sur les prisons et le droit pénal. Le personnel de la police et des établissements pénitentiaires, ainsi que le personnel judiciaire, suivent régulièrement des ateliers sur les droits de l’homme organisés par le Ministère de la justice, la Commission nationale des droits de l’homme et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH).

6.Les châtiments corporels sont strictement interdits à l’école et les enseignants qui s’en rendent coupables sont systématiquement suspendus de leurs fonctions et traduits en justice. Les cours d’instruction civique destinés aux enfants abordent l’importance des droits de l’homme et les méfaits de la torture. Le Gouvernement a élaboré un guide juridique pour les victimes de violence familiale, qu’il s’agisse de femmes ou d’enfants. La mutilation génitale féminine, interdite en 1995, continue toutefois d’être largement pratiquée. Néanmoins, des campagnes de sensibilisation, telle celle organisée en juillet 2011 où 33 associations ont déclaré la fin de toutes les formes de mutilation génitale féminine, commencent à porter leurs fruits et la pratique diminue surtout dans les villes.

7.Un cadre institutionnel, dont l’appareil judiciaire est le pivot, a été mis en place pour prévenir et combattre la torture. Le médiateur, la Commission nationale des droits de l’homme et le Service de conseil et d’orientation sont parmi les principales institutions qui s’emploient à lutter contre la torture. Présomption d’innocence, droit à une deuxième audience, principe du contradictoire et publicité des débats constituent le fondement du système judiciaire à Djibouti.

8.Toutes poursuites pénales engagées contre une personne placée en détention provisoire pendant plus de 48 heures doivent être abandonnées. Sinon, après cette période, la personne détenue peut être libérée ou, par décision judiciaire exclusivement, maintenue en détention provisoire, auquel cas elle est fondée à demander un examen médical. Les détenus ont tous le droit d’être représentés en justice, à l’accès aux soins médicaux et aux visites de membres de la famille durant la procédure. Les dispositions récemment promulguées garantissent le droit à l’aide juridictionnelle pour les personnes dépourvues des moyens de payer les services d’un avocat. Les personnes en détention provisoire sont séparées des condamnés. Femmes et mineurs sont également placés séparément des autres catégories de détenus. Les droits des détenus, excepté celui de circuler librement, sont tous garantis. Des mécanismes de plainte sont accessibles aux détenus et des inspections des prisons sont réalisées régulièrement par des organisations locales ou internationales.

9.L’extradition n’est admissible que sur décision judiciaire et les demandes d’extradition par des États où les droits fondamentaux de la personne à extrader ne sont pas garantis doivent être rejetées. Enfin, la décision concernant l’abolition de la peine de mort en 1995 a été entérinée par la ratification, à Djibouti, du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, ainsi que par les modifications apportées en 2010 à la Constitution.

10.M.  Bruni (Rapporteur pour Djibouti) se félicite du rapport initial de l’État partie, qui a été rédigé dans le cadre de consultations avec un large éventail de parties prenantes, notamment la société civile, mais relève qu’il a été soumis très tardivement. L’État partie a cité la création, en 2008, de la Commission nationale des droits de l’homme qui atteste son engagement à appliquer les dispositions de la Convention; il serait toutefois fort utile d’en savoir davantage sur la composition de la Commission, le mode de désignation de ses membres, les fonds dont elle dispose et les garanties mises en place pour assurer son indépendance.

11.Le Rapporteur exhorte l’État partie à inscrire dès que possible dans sa législation une définition de la torture conforme à l’article 1er de la Convention. Il faut souhaiter que le projet de révision du Code pénal prévoie d’inclure cette définition. La délégation sera‑t‑elle prête à s’engager en ce sens? Le Rapporteur souhaiterait également en savoir plus sur la réforme du Code pénal envisagée par l’État partie: quand doit-elle commencer et combien de temps prendra-t-elle?

12.Concernant le paragraphe 18 du rapport de l’État partie (CAT/C/DJI/1), M. Bruni demande si la Convention peut être invoquée devant les tribunaux et fonder les décisions des juges, faute de définition expresse de la torture ou de dispositions pénales pertinentes dans la législation nationale. Ce point est important: bien que l’État partie fasse valoir que les victimes de torture ont le droit d’obtenir réparation et d’être indemnisées équitablement, il est difficile de voir comment ce droit s’applique concrètement sans une définition légale de la torture. Le Rapporteur, qui souhaiterait également savoir pour quelle raison les tribunaux de Djibouti n’ont que rarement accordé une indemnisation aux victimes de torture, demande à la délégation de fournir des exemples concrets.

13.Passant à l’article 2 de la Convention, le Rapporteur se félicite du fait que les avocats participent à toutes les étapes de la procédure, mais il souhaiterait savoir exactement à quel moment s’ouvre le droit de se faire représenter. Eu égard au paragraphe 77 du rapport initial de l’État partie, quelle loi autorise une autorité à ordonner un homicide ou des violences et voies de fait? Le paragraphe est peut-être mal conçu. L’autorité en question sera-t-elle exonérée des poursuites après avoir ordonné la commission d’un homicide? Comment un subordonné auquel il a été ordonné de commettre des actes violant la Convention peut refuser d’obéir à ces ordres? Compte tenu de la déclaration au paragraphe 84 du rapport, que de nombreux abus sont commis par ignorance ou méconnaissance des règles, le Rapporteur demande combien de cas de ce type sont décelés depuis trois ans, ainsi que des exemples précis, notamment toute mesure prise à l’encontre des auteurs. Dans un État de droit, nul n’est censé ignorer la loi.

14.Des renseignements complémentaires seraient souhaitables sur les visites que la Commission nationale des droits de l’homme effectue dans les lieux de détention, notamment ses derniers constats et recommandations, ainsi que sur tous changements qui en ont résulté. La Convention impose au Gouvernement de s’assurer que toutes les allégations de torture fassent l’objet d’une enquête; la délégation pourra-t-elle fournir des exemples d’enquêtes à la suite de constats soumis par ladite Commission? Le Gouvernement ayant déclaré son intention d’améliorer les conditions déplorables de la prison de Gabode, le Rapporteur s’interroge sur la situation actuelle. Il souhaiterait également des chiffres sur la capacité et le taux d’occupation actuel à la prison de Gabode et dans d’autres établissements et lieux de détention, notamment dans les locaux de garde à vue.

15.M. Bruni demande si le parquet a récemment été saisi de plaintes au motif de torture. Certaines allégations préoccupantes ont été portées à l’attention du Comité, notamment les cas de Mohamed Ahmed, connu sous le nom de Jabha, et Mohamed Al-Asad, un ressortissant yéménite. Ces affaires ont-elles été instruites et quel en est l’état d’avancement? D’autres allégations concernent l’arrestation d’environ 300 personnes à la suite de manifestations d’opposition au Gouvernement en février 2011; certaines de ces personnes arrêtées auraient été torturées par la police. Le Rapporteur demande à la délégation de répondre à ces allégations.

16.Concernant l’article 3 de la Convention, le Rapporteur demande quelle est l’autorité habilitée à décider de l’expulsion d’une personne, après vérification qu’elle ne risque pas d’être soumise à la torture dans le pays de destination. Il demande à être informé des dispositions légales précises donnant effet au paragraphe 1 de l’article 3, ainsi que des exemples de leur application concrète, en particulier au vu d’une communication envoyée à l’État partie par le Rapporteur spécial du Conseil des droits de l’homme sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants concernant deux pilotes de l’armée éthiopienne, qui, ayant cherché protection à Djibouti, ont essuyé un refus et ont été renvoyés dans leur pays où ils auraient subi des tortures. Selon la communication du Rapporteur spécial, les autorités djiboutiennes ont affirmé que les pilotes sont retournés volontairement, ce que leur famille nie. Le Rapporteur spécial n’a reçu aucune réponse et la délégation est invitée à expliquer l’affaire.

17.Le fait que la torture n’est pas définie comme infraction pénale dans la législation de l’État partie, bien qu’elle soit effectivement proscrite par diverses dispositions de la Constitution et du Code pénal, est contraire à l’article 4 de la Convention. Le Rapporteur s’enquiert des sanctions apparemment prévues pour actes de torture et demande si elles ont été appliquées; il souhaite également des exemples récents de l’impunité visée au paragraphe 90 du rapport de l’État partie, ainsi que des informations sur toutes mesures prises pour y parer. Quels autres facteurs contribuent à l’impunité et peut-on donner des exemples? Le Gouvernement prévoit-il de prendre des mesures pour régler le fait que la formation aux droits de l’homme dispensée au personnel de la police nationale ne contient expressément aucune information sur l’interdiction de la torture? Les personnes autorisées à recourir légalement à la force dans l’exercice de leurs fonctions doivent être conscientes des limites admissibles.

18.Le Rapporteur souhaite un éclaircissement sur la manière dont l’État partie, en l’absence d’une définition de la torture et de l’infraction correspondante dans son droit pénal, entend identifier et poursuivre les auteurs d’actes de torture. La Convention peut-elle s’appliquer directement? En outre, peut-elle servir de base juridique dans les cas d’extradition au titre de l’article 8 en l’absence de traité bilatéral d’extradition?

19.Le Rapporteur note avec satisfaction et entérine les conclusions formulées dans le rapport de l’État partie, lesquelles permettent au Comité d’établir une série de recommandations. Il espère que les réformes futures tiendront compte des conclusions du Comité.

20.M.  Grossman (Corapporteur pour Djibouti) remercie l’État partie de son rapport initial objectif et se félicite des diverses réformes entreprises jusqu’à présent, en particulier l’abolition de la peine capitale. Plus généralement, il demande si le Gouvernement envisage de ratifier le protocole facultatif se rapportant à la Convention et si l’interdiction de la torture, dans la Constitution, suppose un droit intangible.

21.Concernant la section du rapport de l’État partie consacrée à l’article 10 de la Convention, M. Grossman demande des renseignements complémentaires sur la manière dont est structurée la formation des fonctionnaires aux droits de l’homme, notamment en l’absence de définition expresse de la torture dans la législation nationale. Fonder la formation sur des cas concrets se révèle souvent efficace. M. Grossman demande si la formation associe la société civile qui offre de vastes compétences à exploiter; comment les programmes de formation sont diffusés; si la promotion est subordonnée à une heureuse issue de la formation, par exemple au sein de la fonction publique et s’il existe des instruments pour évaluer et améliorer la formation. Quant à la formation du personnel médical à la reconnaissance des blessures dues à la torture ou aux mauvais traitements, il convient de savoir si le Protocole d’Istanbul est inscrit dans les programmes d’enseignement. Accueillant avec satisfaction la diminution manifeste de la torture dans l’État partie, M. Grossman invite la délégation à s’exprimer sur la façon dont ce résultat a été obtenu, ce type de renseignements pouvant éventuellement bénéficier à d’autres États parties; en outre, des méthodes et instruments nouveaux peuvent favoriser davantage de progrès. Le Gouvernement prévoit-il d’étendre la formation aux droits de l’homme aux officiers, du fait que les groupes déjà vulnérables sont plus exposés au risque de torture ou de mauvais traitements dans des situations de conflit, tel que le recours au viol comme arme de guerre. Les normes contenues dans la Convention et d’autres instruments du droit humanitaire peuvent être inscrites dans cette formation.

22.Eu égard à l’article 11 de la Convention, M. Grossman s’enquiert du libellé des dispositions du Code de procédure pénale qui régissent la garde à vue. Selon le paragraphe 149 du rapport, l’article 65 du Code dispose que tout officier de police judiciaire doit mentionner sur le procès-verbal d’audition de toute personne gardée à vue le jour et l’heure à partir desquels elle a été gardée à vue, ainsi que le jour et l’heure à partir desquels elle a été soit libérée, soit amenée devant le magistrat compétent. Les enquêteurs et les procureurs respectent-ils cette prescription dans la pratique? Il est également établi dans le rapport que le Procureur général et le Procureur de la République exercent une surveillance et un contrôle directs sur l’action de la police et la gendarmerie, notamment en matière de garde à vue. Des fonctionnaires de police ont-ils été sanctionnés par suite de ce contrôle?

23.L’État partie a admis que les conditions carcérales à Djibouti sont en général non conformes aux normes: des plans sont-ils aménagés en vue de remédier à une situation qui donne lieu à des traitements inhumains? Existe-t-il une équipe spéciale pour évaluer le besoin de réformes et des crédits budgétaires sont-ils affectés à la construction de nouvelles prisons?

24.Dans un récent rapport à l’Assemblée générale, le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a vivement critiqué la pratique de l’enfermement cellulaire. M. Grossman s’enquiert des règles régissant cette forme de détention à Djibouti.

25.Concernant l’article 12 de la Convention sur les enquêtes pour allégations de torture, il est indiqué dans le rapport que les autorités pertinentes, qui reçoivent une plainte au motif de torture, invitent les parties à comparaître en vue de parvenir à un règlement à l’amiable. Nonobstant, les règlements à l’amiable ne sont pas admissibles dans ces circonstances et les allégations de torture nécessitent l’ouverture d’une enquête et doivent être poursuivies. Tout règlement entre les parties qui empêche l’action pénale viole la Convention.

26.Selon l’État partie, quiconque, indépendamment de la nationalité, a le droit de porter plainte auprès des autorités compétentes. M. Grossman demande quelles dispositions de la législation nationale consacrent ce droit et si les procureurs sont tenus d’appliquer certains critères dans l’examen des allégations. Des plaintes pour usage excessif de la force par les autorités ont-elles été déposées et, le cas échéant, les auteurs ont-ils été poursuivis et les victimes indemnisées?

27.Le Comité, qui rédige une observation générale sur l’article 14 de la Convention concernant le droit des victimes à réparation, tiendra durant la troisième semaine de la session une audience publique où toutes les parties prenantes pourront exprimer leurs points de vue. Le Comité aimerait savoir selon quelle base juridique du droit national une réparation peut être obtenue pour mauvais traitements, d’autant qu’aucune disposition n’érige la torture en infraction.

28.Eu égard à l’article 15 de la Convention, M. Grossman relève que, selon le paragraphe 199 du rapport, les juges jouissent d’un pouvoir d’appréciation étendu pour vérifier si une déclaration a été obtenue par la torture et constitue un élément de preuve recevable. La Convention précise qu’aucune déclaration obtenue par la torture n’est admissible. L’exercice d’un pouvoir d’appréciation en ces matières par les autorités nationales est partant interdit. Toutes dispositions du droit national qui autorisent les juges à exercer ce pouvoir doivent être modifiées. Existe-t-il des cas où des éléments de preuve obtenus par la torture ont été retenus?

29.Il apparaît au paragraphe 201 du rapport que les juridictions djiboutiennes ont à plusieurs reprises prononcé la nullité des procédures et des preuves obtenues sous la torture ayant laissé des traces visibles ou avérées. L’existence de ces traces ne devrait pas être une condition nécessaire pour décider de la nullité des preuves obtenues sous la torture.

30.Passant à l’article 16 de la Convention, M. Grossman mentionne un rapport établi par l’Initiative mondiale pour mettre fin à tous les châtiments corporels infligés aux enfants, selon lequel 72 % des enfants âgés de 2 à 14 ans ont subi des formes violentes de sanctions, à Djibouti en 2005 et 2006, et plus d’un enfant sur cinq des châtiments corporels sévères. Quelles sont les mesures adoptées pour améliorer la formation visant à prévenir les châtiments corporels infligés aux enfants, notamment au foyer?

31.La délégation a souligné l’importance attachée aux mesures prises contre la traite des personnes. Le Comité a été informé du fait que Djibouti est un pays de transit, d’origine et de destination pour hommes, femmes et enfants victimes du travail forcé et du trafic dans l’industrie du sexe et que la population réfugiée est particulièrement vulnérable. Face à cette situation, M. Grossman demande si l’État partie envisage de prendre des mesures exceptionnelles pour lutter contre ce qui est de facto une forme d’esclavage.

32.Le Comité a appris que plus de 90 % des Djiboutiennes ont subi une mutilation génitale. Tous commentaires de la délégation sur l’intention de l’État partie de mettre un terme à cette pratique seront les bienvenus, ainsi que toutes informations concernant des mesures éducatives tant en vigueur que prévues.

33.M. Grossman demande si Djibouti compte ratifier la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Notant que le viol fait encourir une peine de 20 ans d’emprisonnement, il demande si la loi est effectivement appliquée et combien de délinquants ont été condamnés pour viol. En l’absence de dispositions légales en matière de viol conjugal, M. Grossman souhaite savoir combien de cas ont été examinés. Il importe également d’adopter des mesures éducatives concernant la violence familiale.

34.M.  Mariño Menéndez, à propos de l’article 3 de la Convention concernant le non‑refoulement, note que l’État partie n’a pas encore promulgué de loi relative aux réfugiés et demandeurs d’asile, mais qu’il s’emploie à en élaborer un texte. Il demande à quel stade se trouve sa rédaction. Djibouti a ratifié la Convention relative au statut des réfugiés: l’État partie a-t-il également ratifié la Convention régissant les aspects propres aux problèmes de réfugiés en Afrique? Djibouti est désireux d’admettre des réfugiés de Somalie, mais il semble hésiter à accorder le statut de réfugié aux ressortissants érythréens et éthiopiens. Le Comité a appris que la Commission nationale sur le droit au statut de réfugié ne fonctionne pas convenablement au point que des réfugiés, notamment en provenance d’Érythrée et d’Éthiopie, demeurent souvent pendant de longues périodes dans une situation illégale, exposés au risque d’être expulsés en raison du vide juridique. M. Mariño Menéndez recommande que la loi en cours de rédaction porte non seulement sur les réfugiés et demandeurs d’asile, mais également l’admission et le séjour des étrangers en général. Il recommande en outre à l’État partie de ratifier la Convention relative au statut des apatrides.

35.Passant à la question de l’indépendance du pouvoir judiciaire, M. Mariño Menéndez demande comment les magistrats sont désignés, en particulier dans les juridictions d’appel et à la Cour suprême. Sont-ils titulaires d’un mandat et sont-ils révocables? La détention provisoire peut durer manifestement à Djibouti plus d’un an, ce qui semble excessivement long. Des mesures sont-elles prises pour y remédier? Constatant que toutes les personnes ont le droit d’être représentées en justice, M. Mariño Menéndez demande comment la profession d’avocat est réglementée et si l’adhésion à une association du barreau s’impose.

36.M.  Gaye, mentionnant le paragraphe 30 du rapport, note que la jurisprudence nationale est formée d’arrêts de principe prononcés par la Cour suprême sur des questions telles que la présence de l’avocat à toutes les étapes de la procédure, la nullité de toute procédure entachée de torture et la garde à vue. Ces arrêts sont en cours de compilation en vue de leur insertion dans un recueil qui sera accessible à tout un chacun. L’adoption par l’État partie d’une démarche jurisprudentielle laisse quelque peu perplexe, les questions de cet ordre relevant d’ordinaire des lois appliquées dans les juridictions civiles.

37.M. Gaye s’associe à d’autres membres du Comité pour déplorer le fait que la législation nationale ne contient aucune définition de la torture. Le paragraphe 54 du rapport énumère les recours accessibles aux victimes de torture – recours auprès du Conseil constitutionnel et des tribunaux, recours administratifs et recours auprès des institutions des droits de l’homme. Quel est l’objet ultime de ces procédures?

38.D’après le paragraphe 98 du rapport, tout ressortissant étranger peut être poursuivi et jugé par les tribunaux djiboutiens conformément à l’article 537 du Code de procédure pénale pour des infractions commises en dehors du territoire national, s’il est arrêté à Djibouti ou si le Gouvernement a obtenu son extradition. L’État partie semble par conséquent avoir choisi un système de compétence universelle applicable à toutes catégories d’infractions. M. Gaye demande si tel est le cas.

39.Compte tenu des termes de l’article 65 du Code de procédure pénale, qui dispose que les officiers de police judiciaire doivent mentionner, sur le procès-verbal d’audition de toute personne gardée à vue, le jour et l’heure, M. Gaye demande s’il est également conservé un registre officiel de ces personnes.

40.M me Gaer dit que le rapport de l’État partie est extrêmement complet, détaillé et objectif. Elle demande un éclaircissement sur le paragraphe 80 du document de base concernant l’indépendance des magistrats, où il est indiqué que le Président de la République est le garant de cette indépendance et qu’il bénéficie à cet effet de l’assistance du Conseil de la magistrature qu’il préside: comment, dans ce cas, cette indépendance est‑elle assurée?

41.Eu égard à la compétence des tribunaux de droit coutumier, Mme Gaer souhaite savoir si ces instances connaissent des affaires de violence à l’égard des femmes et de mariage précoce, ou si ces questions relèvent des tribunaux de droit commun. Notant que le Comité des droits de l’enfant est resté préoccupé par le fait qu’aucun cas de mutilation génitale féminine n’a encore donné lieu à des poursuites depuis que la pratique est devenue illégale, Mme Gaer demande si tel est encore le cas et, dans l’hypothèse où cette pratique a fait l’objet de poursuites, si les cas ont été examinés par des tribunaux de droit coutumier ou de droit commun et si des sanctions ont été imposées.

42.Mme Gaer est soucieuse du fait que, dans les cas de viol, on s’attache davantage à réconcilier victimes et auteurs qu’à sanctionner les auteurs pour leur infraction et assister les victimes. Un complément d’information est nécessaire à ce sujet. Une grande proportion de personnes détenues à la prison de Gabode sont en attente de jugement pour des infractions présumées; quelle est la proportion de détenus accusés de violences sexuelles et de viols qui se trouvent en instance de jugement par rapport à ceux qui sont déjà condamnés?

43.Mme Gaer apprécie le fait que le rapport mentionne des constats émanant d’ONG, qui indiquent que les conditions carcérales sont déplorables et les détenus sont souvent l’objet de torture; elle demande si ces allégations d’actes de torture ont donné lieu à des enquêtes et, dans ce cas, si les auteurs ont été sanctionnés. Elle souhaiterait également examiner avec l’État partie tout mécanisme qui permette de s’assurer que les personnes accusées d’actes de torture sont dûment poursuivies.

44.M me Belmir, se référant à la disposition constitutionnelle relative aux accords internationaux et au droit interne, croit comprendre que les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme revêtent un aspect unilatéral, à savoir qu’il n’est pas possible de lier l’adhésion d’un État partie à ces instruments et celle d’un autre État partie. Cette disposition appelle un éclaircissement.

45.Tout en se félicitant des progrès réalisés dans le domaine du système judiciaire, Mme Belmir souligne qu’il importe de le renforcer encore et demande des renseignements sur le mode de désignation des magistrats aux hautes fonctions. Constatant d’après le rapport que les membres de l’armée ne peuvent être jugés par des tribunaux de droit commun, sauf dans certains circonstances, Mme Belmir souhaite savoir s’il existe un corps de justice militaire et si des civils peuvent être traduits devant des juridictions militaires.

46.Concernant la question des migrations, Mme Belmir attire l’attention sur l’article 18 de la Constitution, qui accorde la pleine protection de la loi aux migrants en situation régulière et elle demande si les migrants en situation irrégulière bénéficient de la même protection. Quant à l’extradition, elle demande des informations sur l’absence de loi régissant le mécanisme de décision en matière d’extradition et sur les mesures prévues par l’État partie en vue de redresser cette situation.

47.Mme Belmir est préoccupée par le fait que le paragraphe 149 du rapport de l’État partie semble suggérer que toute personne présente sur les lieux d’une infraction, qu’elle soit suspecte d’en être l’auteur ou non, peut être gardée à vue vingt-quatre heures si elle est susceptible de fournir des renseignements sur les faits; un éclaircissement sera le bienvenu sur ce point.

48.Enfin, Mme Belmir souligne qu’il devrait exister un régime judiciaire distinct pour les mineurs et se soucie du fait qu’à défaut d’un tel régime, des mineurs peuvent être incarcérés dès l’âge de 13 ans dans des prisons pour adultes.

49.M.  Wang Xuexian demande si la peine de vingt ans d’emprisonnement pour actes de torture d’un mineur est appliquée. Reconnaissant que Djibouti accueille un grand nombre de réfugiés et migrants, il reprend le commentaire de M. Mariño Menéndez concernant la nécessité d’établir une loi relative aux étrangers, qui contiendrait des dispositions distinctes pour les demandeurs d’asile. Étant donné la prédominance de réfugiées de moins de 17 ans, M. Wang Xuexian demande si ces personnes, en quête d’un asile, bénéficient des mêmes possibilités de soumettre leurs demandes selon qu’elles voyagent seules ou avec leur famille.

50.M me Sveaass dit que le rapport contient très peu de renseignements sur les personnes atteintes de troubles mentaux et sur les établissements pour maladies mentales; un complément d’information sur les garanties légales appliquées à ces personnes, en particulier celles qui sont placées d’office dans ces établissements, serait fort utile. En outre, elle s’enquiert de toutes formes de pratiques traditionnelles à l’égard de ces personnes, qui seraient constitutives de mauvais traitements. Quant à l’intention d’augmenter le nombre de psychiatres qualifiés dans le pays, Mme Sveaass demande s’il existe une école de médecine spécialisée dans l’enseignement de la psychiatrie ou si cette discipline relève de la faculté de médecine. Par ailleurs, elle souhaite en savoir davantage sur la procédure suivie par les médecins et le personnel de santé qui décèlent des cas présumés de torture chez des patients; elle se demande notamment où leurs constats sont envoyés.

51.M me Kleopas, faisant siens les sentiments exprimés par d’autres membres du Comité, se félicite du caractère exhaustif du rapport et dit que la reconnaissance par Djibouti des questions en suspens concernant la torture marque un pas majeur vers une amélioration des droits des citoyens.

52.M.  Hersi (Djibouti), remerciant sincèrement les membres du Comité de leurs commentaires, dit que sa délégation s’efforcera de répondre aussi scrupuleusement que possible aux questions qu’ils ont posées afin de poursuivre la démarche d’un dialogue constructif. Prenant note des recommandations du Comité, il ajoute que la possibilité de s’appuyer sur l’expérience des membres pour entendre des opinions extérieures sur la situation des droits de l’homme à Djibouti a été des plus précieuses et que les recommandations et observations seront transmises aux responsables.

L e débat résumé prend fin à 12 h 10.