Nations Unies

CAT/C/SR.1722

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

29 avril 2019

Original : français

Comité contre la torture

Soixante-sixième session

Compte rendu analytique de la 1722 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le 24 avril 2019, à 10 heures

Président (e):M. Modvig

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Deuxième rapport périodique de la République démocratique du Congo

La séance est ouverte à 10 heures.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Deuxième rapport périodique de la République démocratique du Congo (CAT/C/COD/2 ; CAT/C/DRC/Q/2 ; HRI/CORE/COD/2013)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation de la République démocratique du Congo prend place à la table du Comité.

2.M me Mushobekwa (République démocratique du Congo), décrivant les faits nouveaux intervenus depuis la soumission du rapport en 2017, dit que la création de l’Institut national de formation judiciaire, inauguré le 15 février 2019, devrait contribuer au renforcement des compétences du personnel judiciaire aux fins de l’application de la Convention contre la torture et de la loi no 11/008 du 9 juillet 2011 portant criminalisation de la torture. Elle explique qu’elle a décidé, en tant que Ministre des droits humains, de commémorer chaque année la Journée internationale pour le soutien aux victimes de la torture dans une prison du pays, car c’est en milieu carcéral que les actes de torture sont les plus fréquents. Elle insiste sur la nécessité de mettre en œuvre une politique de lutte contre la torture qui associe sanction et prévention en conjuguant l’application de peines à la mesure de la gravité des actes commis avec l’adoption de mesures de sensibilisation et de formation. Elle signale à ce sujet qu’un séminaire de renforcement des capacités des officiers de police judiciaire et des magistrats s’est tenu à Kinshasa le 28 juin 2017.

3.M. Touzé (Rapporteur pour la République démocratique du Congo) dit que la période couverte par le rapport de l’État partie se caractérise par un contexte national et régional particulièrement complexe, marqué notamment par la mise en place de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), la création d’un groupe d’experts sur la situation en République démocratique du Congo et d’une équipe d’experts internationaux sur la situation au Kasaï et un récent changement de gouvernement. Malgré toutes ces mesures, la situation des droits de l’homme a continué de se détériorer, et le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a constaté que le nombre de violations et d’atteintes aux droits de l’homme avait augmenté d’environ 20 % sur la période 2016-2018 par rapport à la période précédente. Le Rapporteur aimerait entendre les commentaires de l’État partie sur ce constat et savoir si le nouveau Gouvernement a réagi à cette situation.

4.Il est dit dans le rapport que l’État partie a associé les organisations de la société civile à l’élaboration des rapports présentés au Conseil des droits de l’homme et aux organes conventionnels et qu’il a mis en place un cadre institutionnel de coopération en créant la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH), l’entité de liaison des droits de l’homme en République démocratique du Congo et la cellule de protection des défenseurs des droits de l’homme. Il serait intéressant d’avoir des précisions sur la nature et la mission de ces deux derniers organismes, d’autant que la CNDH signale dans son dernier rapport que ces entités ne sont pas opérationnelles à ce jour. L’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) fait état, pour le premier semestre de 2018, de 222 cas de menaces et de violations des droits de l’homme, dont près de deux tiers visant des défenseurs des droits de l’homme. La délégation est invitée à expliquer comment l’État partie peut, dans un tel contexte, affirmer que le rapport a été élaboré en étroite coopération avec la société civile alors que celle-ci fait l’objet de persécutions et d’atteintes à ses droits.

5.Le Rapporteur salue les importantes modifications législatives intervenues depuis 2005, mais regrette que faute de données, il ne soit pas possible d’en apprécier l’effectivité et l’efficacité. Il relève qu’une définition autonome du crime de torture figure dans la loi no 11/008 du 9 juillet 2011, mais que la disposition interdisant d’invoquer des circonstances exceptionnelles ou l’ordre d’un supérieur ou d’une autorité publique, qui figurait dans le projet de loi, n’ait pas été maintenue dans le texte adopté. Il s’inquiète de ce qu’un grand nombre de magistrats continuent, vraisemblablement par méconnaissance, d’appliquer les dispositions législatives antérieures (l’article 67 du décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal et les articles 191, 192 et 194 du Code pénal militaire), qui faisaient de la torture une simple circonstance aggravante de l’infraction de détention ou d’arrestation arbitraire. Il aimerait donc savoir s’il est prévu d’assurer une formation spécifique des magistrats et des autres acteurs du droit en vue de l’application effective de la nouvelle loi.

6.Dans ses observations finales de novembre 2017 (CCPR/C/COD/CO/4), le Comité des droits de l’homme notait avec préoccupation que la CNDH n’avait reçu que 30 % du budget qui lui avait été alloué pour 2017, aucun versement n’ayant eu lieu depuis mars 2017. M. Touzé aimerait savoir si la CNDH dispose désormais des ressources et de l’autonomie nécessaires à son fonctionnement et si ses recommandations sont mises en œuvre par les autorités. Constatant qu’aucun mécanisme national de prévention n’a encore été mis en place comme suite à la ratification par l’État partie du Protocole facultatif se rapportant à la Convention et que la CNDH est actuellement la seule entité habilitée à effectuer des visites dans les établissements pénitentiaires et les autres lieux de détention, M. Touzé se demande comment celle-ci, au vu de son budget limité et de ses attributions déjà considérables, peut en pratique s’acquitter de cette mission.

7.M. Touzé relève que le Comité des droits de l’homme a engagé le Gouvernement à prendre des mesures pour assister et protéger les populations civiles se trouvant dans les zones de conflit armé et les personnes déplacées à l’intérieur du pays, ainsi qu’à collaborer pleinement avec les organismes des Nations Unies chargés de faire la lumière sur les allégations de violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire dans la région du Kasaï. À l’occasion de l’examen périodique universel de l’État partie, en 2014, il avait également été recommandé au Gouvernement de prendre des mesures concrètes pour neutraliser les groupes armés présents dans l’est du pays. En outre, le Comité des droits de l’enfant a instamment prié l’État partie de protéger les enfants victimes de conflits armés ou participant à des hostilités armées et de punir les personnes impliquées dans le meurtre, la mutilation et l’enrôlement d’enfants. Toutefois, le Bureau conjoint des Nations Unies pour les droits de l’homme en République démocratique du Congo a recensé une augmentation importante des violations et des atteintes aux droits de l’homme commises par les groupes armés, mais aussi par les agents de l’État menant des opérations contre ces groupes. M. Touzé aimerait connaître les mesures concrètes que l’État partie a prises pour faire face à cette situation et savoir s’il dispose des moyens nécessaires à cette fin. Il souhaiterait aussi connaître les effets des différents programmes d’action évoqués dans le rapport. Cette question revêt une importance particulière au vu des graves incidents intercommunautaires qui ont eu lieu du 16 au 18 décembre 2018 sur le territoire de Yumbi. D’après le Bureau conjoint, au moins 535 personnes ont été tuées et 111 blessées lors d’affrontements entre les communautés Banunu et Batende, et le nombre réel de victimes est probablement plus élevé. On estime à 19 000 le nombre de personnes déplacées, dont 16 000 auraient traversé le fleuve Congo pour se rendre en République du Congo. Le Rapporteur aimerait savoir si l’État partie dispose d’informations sur ces faits et pourquoi il n’a, selon le rapport du Bureau conjoint, pris aucune mesure préventive malgré des signes évidents de tensions et de risques de violences.

8.Le Rapporteur note que selon les données recueillies par le Bureau conjoint entre juin 2017 et mai 2018, 2 252 personnes ont été victimes d’arrestations arbitraires et d’autres violations du droit à la liberté et à la sécurité de la personne pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression et d’opinion et leur droit de réunion et de manifestation pacifiques. Plusieurs de ces arrestations ont été suivies de condamnations en justice, ce qui dénote une utilisation de la justice à des fins politiques. Les délits de presse et d’offense envers le Chef de l’État continuent d’être en vigueur et de mener à des condamnations. En revanche, peu d’agents de l’État ont été condamnés pour des actes constituant des violations des droits civils et politiques ou des libertés fondamentales. Les commentaires de la délégation sur ces points seront les bienvenus.

9.Le Rapporteur constate également que, dès le début de l’année 2015, on a observé dans l’État partie une répression par la force des manifestations organisées par l’opposition et/ou la société civile, notamment pour contester le report des élections et le maintien au pouvoir du Président Kabila. Des informations recueillies entre janvier 2017 et janvier 2018 font état de graves violations des droits de l’homme, y compris du droit à la vie et du droit à l’intégrité physique, commises dans ce contexte par des éléments des services de sécurité et de défense, dont des membres des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC). De fait, le recours aux forces armées pour réprimer des manifestations est de plus en plus fréquent ; le Gouvernement tenterait de dissimuler cette pratique en faisant revêtir aux militaires des uniformes de la Police nationale. En outre, selon le Bureau conjoint, les policiers déployés pour réprimer certaines manifestations sont équipés d’armes lourdes, telles que des lance-roquettes et des grenades, alors que le droit interne prévoit que l’utilisation d’armes létales doit être exceptionnelle, impérative et proportionnée et s’accompagner de mesures de précaution. Le Rapporteur souhaiterait savoir si des mesures ont été prises pour mettre un terme au déploiement de membres des forces armées à des fins de maintien de l’ordre et pour faire toute la lumière sur les cas présumés de violation des droits de l’homme commises contre des manifestants.

10.La commission mise en place le 1er février 2018 pour enquêter sur les violations des droits de l’homme commises le 31 décembre 2017 et le 21 janvier 2018 à Kinshasa a rendu publiques ses conclusions en mars 2018. Elle a dressé un bilan humain s’élevant à 14 morts pour la première journée et sept morts pour la deuxième. Ces chiffres étant nettement inférieurs à ceux avancés par la société civile, il serait intéressant que la délégation explique comment la commission d’enquête a procédé, en indiquant notamment si tous les témoins et toutes les victimes présumées de violations des droits de l’homme ont pu être entendus. Le Rapporteur souhaite également savoir si des poursuites vont être engagées.

11.Se référant aux paragraphes 56 à 60 du rapport de l’État partie, où figure une liste des entités chargées de missions spécifiques en lien avec la sécurité de l’État et la sécurité publique, le Rapporteur demande des précisions sur la répartition des compétences entre ces différentes entités, et sur les effectifs de tous les services investis de pouvoirs d’arrestation, de détention et d’enquête. Il aimerait également savoir ce que l’État partie a fait pour placer tous les lieux de détention, y compris le cachot de la Garde républicaine à La Botte, le cachot du Camp Saïo, le cachot de la 10e Région militaire du Sud-Kivu et le cachot de l’ANR à Bukavu, sous autorité judiciaire. Faisant observer que, selon un rapport de 2019 de la Fédération internationale de l’ACAT − Action des chrétiens pour l’abolition de la torture, des lieux de détention secrets échappant au contrôle de l’autorité judiciaire sont toujours recensés dans l’État partie et la plupart des personnes qui y sont placées sont soumises à la torture et à des traitements cruels, inhumains ou dégradants et sont maintenues en détention au-delà des délais légaux, il demande des précisions sur les démarches engagées par le Gouvernement pour fermer ces lieux de détention.

12.Constatant que la détention arbitraire semble courante dans l’État partie, le Rapporteur invite la délégation à indiquer ce qui est fait pour remédier à cette situation. Il note que le Comité a été informé de l’existence de nombreux cas dans lesquels des personnes qui ont pourtant été acquittées demeurent en détention faute de pouvoir obtenir leur dossier de l’administration pénitentiaire. Il note également que l’État partie n’a toujours pas donné effet aux constatations adoptées par le Comité des droits de l’homme dans l’affaire Eugène Diomi Ndongala Nzo Mambu (CCPR/C/118/D/2465/2014). Il souhaiterait avoir des renseignements sur les mesures prises pour faire en sorte que toute personne mise en détention soit dûment enregistrée et présentée à un juge dans un délai de quarante-huit heures conformément à l’article 28 du Code de procédure pénale, et pour garantir le droit de bénéficier de l’assistance de l’avocat de son choix, d’être examiné par un médecin et de communiquer avec un membre de sa famille ou une autre personne de son choix dès les premières heures de la garde à vue. Selon des informations reçues de la société civile, ces garanties juridiques fondamentales feraient l’objet de dérogations résultant de l’application de la législation antiterroriste. Tout commentaire à ce sujet sera le bienvenu.

13.Selon les données fournies au paragraphe 16 du rapport de l’État partie, en quatorze ans, seuls cinq membres des FARDC, cinq agents de la Police nationale, un membre de l’ANR et une autorité administrative ont été condamnés pour avoir pratiqué ou encouragé la torture, ce qui paraît bien peu au regard des faits et allégations de torture portés à la connaissance du Comité. Le Rapporteur souhaiterait donc savoir ce qui est fait pour mettre fin à l’impunité des auteurs d’actes de torture, notamment pour supprimer les obstacles à l’ouverture d’enquêtes et de poursuites.

14.M me  Belmir (Corapporteuse pour la République démocratique du Congo) dit que, d’après de nombreuses informations émanant d’organisations de la société civile ainsi que des autorités de l’État partie, l’indépendance du pouvoir judiciaire est compromise par les ingérences de certains acteurs et les pressions exercées par des membres des forces armées et des organes répressifs. En 2008, un ministre aurait reconnu que les magistrats n’étaient pas protégés contre les représailles et faisaient parfois l’objet de blâmes et de sanctions lorsqu’ils rendaient des décisions défavorables à certaines autorités. La Corapporteuse fait en outre observer que la multitude d’organes dotés de pouvoirs d’arrestation et d’enquête contraste fortement avec l’impossibilité dans laquelle se trouvent nombre de personnes arrêtées et placées en garde à vue ou en détention provisoire d’accéder à des voies de recours et de dénoncer les violations dont elles sont victimes pendant leur détention. À ce propos, elle relève que, dans son rapport, l’État partie ne répond pas de manière satisfaisante à la question posée par le Comité sur les mesures prises pour assurer concrètement le respect des garanties fondamentales reconnues aux personnes privées de liberté et prie la délégation de combler cette lacune. Elle invite en outre la délégation à commenter les informations et rapports publiés par la Mission de l’Organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC), les Rapporteurs spéciaux de l’ONU concernés et des ONG internationales qui montrent que la pratique de la torture et des mauvais traitements est largement répandue dans le contexte de la détention provisoire, des interrogatoires et de l’exécution des peines, et qu’un nombre considérable de militants politiques et de défenseurs des droits de l’homme ont été victimes d’arrestations arbitraires, d’actes de torture et de violence sexuelle dans diverses régions du pays et n’ont pas encore obtenu justice.

15.Les actes de violence sexuelle infligés par des agents de l’État à des détenues et l’impunité de leurs auteurs constituent un grave sujet de préoccupation. Ce type de violence n’étant pas considérée comme une forme de torture par la loi no 11/008 de 2011 portant criminalisation de la torture, les responsables présumés ne peuvent pas être poursuivis au titre de ce texte. Les femmes dont il est question dans les informations portées à la connaissance du Comité n’ont jamais été présentées devant un juge ni autorisées à contacter un avocat et leur famille. Aux insuffisances du système judiciaire et à l’absence de procédures adéquates s’ajoute la crainte de représailles en cas de plainte. La délégation voudra bien décrire les mesures que l’État partie entend prendre pour permettre aux femmes victimes de violence sexuelle d’obtenir justice et réparation.

16.La situation des mineurs en conflit avec la loi est également un sujet de préoccupation important. Parmi les problèmes signalés par les organisations de la société civile, la Corapporteuse relève le manque de diligence dans l’examen des dossiers qui concernent des enfants, l’absence d’accès aux services de représentation en justice, la prolongation excessive de la détention de mineurs, la détention dans des lieux illégaux, les mauvais traitements et les viols en détention. Il serait utile de savoir si l’État partie envisage de mener des enquêtes sur les dysfonctionnements du système de justice pour mineur et sur les violations de la Convention dont les victimes sont des enfants, et si les comités de suivi qui devaient être mis en place par le Ministre de l’intérieur et de la défense afin que des enquêtes soient menées sur les allégations de violations des droits de l’homme commises par la Police nationale et les FARDC sont opérationnels.

17.La Corapporteuse fait observer que l’argument avancé par l’État partie dans son rapport, selon lequel « la loi criminalisant la torture ne datant que de 2011, il était jusque-là difficile de poursuivre les auteurs présumés de torture et de mauvais traitements » revient à légitimer l’impunité, sachant que selon des informations portées à la connaissance du Comité, certains membres des FARDC qui se seraient rendus coupables d’actes de torture n’auraient pas été sanctionnés, et auraient même été maintenus dans leur poste ou promus. Elle aimerait donc savoir si des fonctionnaires chargés de l’application des lois ont été poursuivis et condamnés pour avoir infligé des mauvais traitements à des détenus en 2007 et 2008, et rappelle à cet égard le caractère imprescriptible des actes de torture. Elle aimerait en outre en savoir plus sur les activités de l’organisme indépendant chargé d’effectuer des visites d’inspection dans les établissements pénitentiaires ainsi que sur les mesures prises dans le cadre de la campagne nationale de vulgarisation de la loi criminalisant la torture pour sensibiliser tant les magistrats que l’ensemble de la population à cet instrument. La délégation est invitée à préciser si les parquets sont habilités à entamer d’office des poursuites lorsque des cas de violation des droits de l’homme sont portés à leur connaissance. Elle voudra bien aussi expliquer pourquoi l’État partie n’a pas estimé opportun d’adopter une loi générale sur l’indemnisation des victimes de violations des droits de l’homme.

18.M me Racu voudrait savoir combien de victimes d’actes de torture et de mauvais traitements ont bénéficié d’une indemnisation adéquate, et quelle était la nature des violences qui leur ont été infligées. En ce qui concerne les mesures législatives et administratives prises pour protéger les enfants victimes de torture et de violences et pour démobiliser tous les enfants soldats et veiller à leur réadaptation et leur réinsertion, notamment en Ituri, au Nord-Kivu, au Sud-Kivu et au Katanga, elle demande quels sont concrètement les mécanismes mis en place aux fins de la réadaptation des enfants victimes de torture et de violences sexuelles. Se référant au rapport du Secrétaire général sur les violences sexuelles liées aux conflits (S/2018/250), Mme Racu se félicite de la condamnation de trois personnes dans des affaires emblématiques de violences sexuelles dans le Sud-Kivu mais regrette que des obstacles bureaucratiques empêchent les victimes d’obtenir réparation. Elle invite la délégation à donner des précisions sur les procédures d’indemnisation des victimes de violences sexuelles et à fournir des données actualisées sur les peines prononcées, ainsi que des renseignements sur les mesures prises par l’État partie en vue de la réhabilitation des victimes de violences sexuelles. Notant que le Code pénal réprime la pratique des mutilations génitales féminines, Mme Racu demande si des poursuites ont été engagées et des condamnations prononcées contre les auteurs présumés de tels actes et quelles mesures le Gouvernement a prises pour prévenir ce phénomène.

19.M. Hani note que la Constitution de 2006, telle qu’elle a été modifiée et complétée en 2011, dispose à l’alinéa 5 de son article 33 que « nul ne peut être acheminé vers le territoire d’un État dans lequel il risque la torture, des peines ou des traitements cruels, dégradants et inhumains ». Cela étant, en se fondant sur les paragraphes 61 et suivants du rapport initial de l’État partie (CAT/C/37/Add.6), il relève avec préoccupation que le cadre législatif relatif à l’extradition est non seulement très ancien, mais encore antérieur à l’adoption et à l’entrée en vigueur de la Convention, puisque l’extradition est régie par le décret du 12 avril 1886, tel que modifié par l’ordonnance législative du 11 décembre 1959. Il note en outre avec préoccupation que l’ordonnance-loi no83-033 du 12 septembre 1983 relative à la police des étrangers, qui organise les procédures de refoulement et d’expulsion, ne comporte aucune disposition interdisant expressément le refoulement ou l’expulsion dans les cas où l’intéressé affirme avoir été l’objet d’actes de torture. Il invite donc la délégation à indiquer si ce cadre législatif, qui n’est conforme ni à la Constitution ni à l’article 3 de la Convention, est toujours en vigueur et, dans l’affirmative, si l’État partie entend le modifier afin de faire respecter pleinement le principe de non-refoulement. Compte tenu des préoccupations que le Comité des droits de l’enfant a exprimées au sujet de l’arrivée massive de réfugiés en provenance de pays voisins dans ses observations finales concernant le rapport de la République démocratique du Congo valant troisième à cinquième rapports périodiques (CRC/C/COD/CO/3-5), M. Hani aimerait connaître le nombre précis de réfugiés, et notamment d’enfants, présents sur le territoire de l’État partie, et la manière dont celui-ci veille dans ce contexte à faire respecter le principe de non‑refoulement découlant de ses obligations internationales.

20.M. Touzé (Rapporteur pour la République démocratique du Congo) demande à la délégation de dresser un état des lieux de la situation des personnes condamnées à mort, et notamment de leurs conditions de détention, connues pour être particulièrement difficiles. À ce sujet, la délégation voudra bien confirmer ou infirmer les informations portées à la connaissance du Comité selon lesquelles des mineurs auraient été condamnés à mort. L’État partie appliquant un moratoire sur la peine de mort, le Rapporteur voudrait savoir si celui‑ci envisage d’abolir cette pratique et de soutenir la résolution des Nations Unies intitulée « Moratoire sur l’application de la peine de mort ». En ce qui concerne les conditions de détention en général, qui se caractérisent par un parc pénitentiaire vétuste datant de l’époque coloniale, une surpopulation carcérale s’élevant à 200 %, le manque de nourriture, des conditions d’hygiène médiocres, un accès très limité aux soins médicaux et aux traitements et le monnayage du droit de visite par les gardiens, entre autres, il souhaiterait savoir quelles mesures l’État partie entend prendre à court, à moyen et à long terme pour remédier à cette situation inquiétante.

21.M me Belmir (Corapporteuse pour la République démocratique du Congo) fait observer que la surpopulation carcérale est en grande partie due au recours généralisé à la détention provisoire, qui concerne 70 à 80 % des personnes en détention, et que les nombreux décès en détention sont liés à l’insuffisance des ressources allouées à l’administration pénitentiaire. Elle aimerait connaître le nombre de décès en détention dus à l’insuffisance des soins et à la malnutrition, et de détenus morts des suites d’actes de torture. Elle invite l’État partie à redoubler d’efforts pour que les personnels de sécurité, les magistrats et le corps médical soient mieux formés aux principes régissant la prise en charge des détenus dans le respect de leur dignité et de leur intégrité physique et morale.

La séance est levée à midi.