NATIONS

UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.

GÉNÉRALE

CAT/C/SR.516

14 octobre 2002

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Vingt-huitième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*

DE LA 516e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,

le mercredi 8 mai 2002, à 10 heures

Président: M. BURNS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIESEN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Rapport initial de l’Arabie saoudite

________________

*Le compte rendu analytique de la deuxième partie (privée) de la séance est publié sous la cote CAT/C/SR.516/Add.1.

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Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l’une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d’édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

La séance est ouverte à 10 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Rapport initial de l’Arabie saoudite (CAT/C/42/Add.2)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation saoudienne, composée de M. Attar, M. Al ‑Shamkh, M. Al ‑Saawi, M. Al ‑Hogail, M. Madani, M. Al ‑Mohaidib, M. Al ‑Sodairi, M. Al ‑Shonaiber, M. Al ‑Oaiss, M. Al ‑Mohaizaa, M. Al ‑Quaib et M. Al ‑Rassi, prend place à la table du Comité.

2.Le PRÉSIDENT souhaite la bienvenue à la délégation saoudienne.

3.M. ATTAR (Représentant permanent de l’Arabie saoudite) déclare qu’il est heureux de présenter le rapport initial du Royaume d’Arabie saoudite. En adhérant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le 23 septembre 1997, le Gouvernement saoudien a manifesté son désir sincère de s’associer à la communauté internationale pour lutter contre un phénomène qui constitue une violation des droits de l’homme. La question de la torture et des traitements inhumains représente indéniablement un aspect important du droit international humanitaire et la législation saoudienne offre un cadre solide pour combattre et réprimer de tels actes quelle que soit l’identité de leurs auteurs. Les autorités saoudiennes sont déterminées à s’acquitter de leurs obligations au regard de la Convention et à combler toute lacune qui ferait obstacle à l’application intégrale de ses dispositions. Les nombreux membres de la délégation, qui représentent les principaux secteurs directement concernés par la mise en œuvre de la Convention, espèrent engager un dialogue fructueux avec le Comité.

4.Les dispositions de la Convention concordent avec les objectifs de la charia islamique, et le rapport initial donne toutes les informations utiles sur les plus importantes mesures prises pour mettre en œuvre la Convention. Ce rapport comprend une introduction et deux parties. L’introduction confirme que le Gouvernement saoudien garantit les normes relatives aux droits de l’homme à la lumière de sa Constitution, formée par le Coran et la sunna du prophète, ainsi que des règles juridiques qui en découlent. La première partie présente le cadre juridique général de l’application de la Convention et ainsi que les instances judiciaires et administratives compétentes dans les domaines couverts par cet instrument et les voies de recours qu’elles offrent. Cette partie porte aussi sur l’incorporation de la Convention dans le droit interne par la procédure de ratification dont il résulte que toute personne peut invoquer les dispositions de la Convention devant les instances compétentes. La deuxième partie contient des informations sur chacun des articles de la Convention et la manière dont les règles juridiques internes leur donnent effet. S’agissant de l’article premier, le Royaume d’Arabie saoudite a adopté en droit interne la définition de la torture énoncée dans la Convention étant donné que cette définition est compatible avec le concept de torture défini par la charia qui recouvre tout délit qui cause un préjudice physique ou mental à une personne. La deuxième partie fait en outre mention de la création, le 9 juin 1999, d’une Commission permanente chargée d’enquêter sur les accusations de recours à la torture. Cette commission dispose de pouvoirs étendus pour enquêter sur tout mauvais traitement lors de l’arrestation, de la détention ou de l’interrogatoire des suspects.

5.Au cours de la période qui s’est écoulée entre l’élaboration du rapport et son examen, plusieurs textes législatifs importants ont été adoptés, et en particulier le Code de procédure civile, le Code de procédure pénale et le Code de déontologie des avocats. Le Code de procédure pénale, qui comprend neuf chapitres de 225 articles définit le rôle des fonctionnaires de police en ce qui concerne l’arrestation, l’interrogatoire et l’inculpation des suspects et prévoit de larges garanties pour les citoyens et les ressortissants étrangers, notamment en protégeant les personnes contre toute atteinte à leur intégrité physique ou mentale et contre la torture ou les mauvais traitements. Il confirme en outre le droit de toute personne accusée de faire appel aux services d’un avocat à tous les stades de l’enquête et du procès. Le Code déontologique des avocats, qui comprend 4 chapitres et 43 articles, définit les droits et obligations des avocats, ainsi que la procédure des plaidoiries devant les tribunaux ou le Conseil des doléances.

6.Le rapport initial témoigne de la volonté sincère du Gouvernement saoudien de coopérer avec tous les mécanismes des droits de l’homme. À ce propos, le Gouvernement saoudien a invité le Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats à se rendre en Arabie saoudite en octobre 2002. Pour les autorités, cette visite devrait être l’occasion de faire mieux connaître à la Commission des droits de l’homme et à ses mécanismes la situation des droits de l’homme dans le Royaume, d’une manière objective et transparente, à l’opposé des campagnes partiales engagées par certains organismes qui veulent porter atteinte à la réputation du Royaume d’Arabie saoudite, État islamique ayant sa culture et sa civilisation propre.

7.L’exigence d’objectivité impose aux autorités saoudiennes de reconnaître qu’au Royaume, comme cela arrive dans la plupart des autres pays, ont été commis des actes répréhensibles dont les mécanismes de recours existants se sont immédiatement occupés. Cependant, les autorités saoudiennes refusent catégoriquement de discuter de l’application de la charia, qui est dénigrée de manière inacceptable par certaines instances. Le Royaume d’Arabie saoudite est un des nombreux États islamiques qui ont adhéré à la Convention en partant du principe que rien dans celle‑ci ne pourrait être interprété comme portant atteinte aux dispositions de la charia. Le Royaume d’Arabie saoudite est un État islamique dans lequel le droit islamique est souverain. Un État islamique a l’obligation d’appliquer les préceptes de l’islam et les instances gouvernantes, quelle que soit l’étendue de leurs compétences, n’ont pas le droit de rendre inopérante une règle découlant de la charia, ni le droit de prendre une décision contraire à une disposition de la charia. Ni le Gouvernement ni les citoyens n’ont le droit d’amender la Constitution. La délégation saoudienne espère que le dialogue avec le Comité favorisera une meilleure compréhension mutuelle.

8.Le PRÉSIDENT, s’exprimant en tant que rapporteur pour l’Arabie saoudite, dit que, en raison de l’approche des autorités saoudiennes, le rapport présenté suscite beaucoup d’interrogations. Dans sa déclaration, le chef de la délégation a indiqué que certains sujets ne se prêtaient pas à discussion. Il sera cependant difficile de ne pas les aborder dans le cadre des questions. La relation entre les États parties et le Comité étant fondée sur le dialogue et non sur la confrontation, le Président espère que la délégation répondra aux questions et qu’il sera possible de parvenir à une compréhension mutuelle et à un accord sur des principes essentiels. Avant d’en venir à l’analyse de la mise en œuvre de la Convention, article par article, le Président tient à soulever quelques questions d’ordre général. Notant que, sauf erreur de sa part, il existe en Arabie saoudite quatre organes chargés de l’application des lois, il voudrait savoir quelles sont précisément les compétences de ces organes en ce qui concerne l’arrestation et la détention préventive. Pour quels motifs une personne peut‑elle être arrêtée? Le seul fait qu’un fonctionnaire de police soupçonne qu’une infraction a été commise suffit‑il pour qu’il soit habilité à arrêter l’auteur présumé? Quel est le fondement juridique des procédures sommaires d’arrestation?

9.La lecture du rapport donne à penser que personne n’est détenu au secret en Arabie saoudite, que ce soit dans les locaux de la police ou dans les établissements pénitentiaires. Or, selon les informations dont dispose le Comité, beaucoup de personnes font l’objet d’un tel régime et ne peuvent communiquer avec leur famille, contacter un médecin ou consulter un avocat. À ce propos, il semble que même si le droit de consulter un avocat est reconnu, de nombreuses personnes ne peuvent l’exercer parce qu’elles n’ont pas les moyens financiers nécessaires et qu’il n’existe pas d’aide juridictionnelle. À la lumière des lois récemment adoptées, la délégation peut‑elle indiquer si le droit de consulter un avocat est aujourd’hui reconnu et exercé?

10.Il semble qu’une personne arrêtée puisse être placée en garde à vue jusqu’à cinq jours. Cependant, que se passe‑t‑il au‑delà de ce délai? Quelle est formellement la durée de la période pendant laquelle une personne peut être détenue avant d’être présentée à un juge? Par ailleurs, il semble qu’en Arabie saoudite, l’on accorde une grande valeur à l’aveu en tant qu’élément de preuve. Dans ces conditions, on peut craindre que les membres de la police soient tentés de recourir à la force lors des interrogatoires pour obtenir des aveux. La situation est encore aggravée par le fait qu’apparemment, au procès, le juge ne peut plus contester l’aveu si celui‑ci a été certifié par un juge au stade de l’instruction. La délégation pourrait‑elle donner des précisions sur ce point?

11.Une autre question importante est celle de l’indépendance du pouvoir judiciaire. Il semble qu’en Arabie saoudite, tous les juges aient été formés dans les mêmes écoles et appartiennent tous à l’islam sunnite, qui est la religion de l’État. Le Comité a été informé de nombreuses plaintes de minorités telles que les Arabes d’autres confessions, qui ne semblent pas avoir été traités équitablement. Il serait aussi intéressant de savoir qui nomme et révoque les juges. Le Président note avec satisfaction à ce propos que les autorités saoudiennes ont invité le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme sur l’indépendance des juges et des avocats à se rendre en Arabie saoudite.

12.Parmi les informations reçues, beaucoup font état de mauvais traitements et soulèvent la question de l’impunité des auteurs de ces actes. Les fonctionnaires ayant brutalisé des personnes détenues ont‑ils, par exemple, été poursuivis et, dans l’affirmative, des condamnations ont‑elles été prononcées? Face à ce type de violence, existe‑t‑il des mécanismes effectifs permettant aux victimes d’obtenir réparation?

13.Il serait également utile que la délégation indique combien de plaintes ont été traitées par la Commission permanente chargée d’enquêter sur les accusations de recours à la torture ou aux mauvais traitements et quels ont été les résultats des enquêtes.

14.Ayant noté qu’il n’est pas rare que les autorités procèdent à des expulsions, le Président attire l’attention de la délégation saoudienne sur l’article 3 de la Convention, aux termes duquel aucun État partie n’expulsera une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture. Des mesures concrètes ont‑elles été prises pour garantir la mise en œuvre de cet article? Enfin, la délégation pourrait‑elle donner des informations sur la situation dans les prisons, car il semble que si certains établissements pénitentiaires sont remarquablement modernes, la surpopulation carcérale et les locaux insalubres sont encore une réalité.

15.Avant d’en venir à l’examen de l’application de la Convention article par article, le Président rappelle que le Royaume d’Arabie saoudite a ratifié la Convention en 1997. Le rapport initial, qui aurait dû être soumis en 1998, n’a été présenté qu’en 2001, ce qui est un retard somme toute acceptable. En ratifiant la Convention, le Royaume d’Arabie saoudite a formulé une réserve sur l’article 20 et n’a pas fait la déclaration au titre de l’article 22. La délégation a déclaré que les principes de la charia ne pouvaient être mis en cause: pourtant, les définitions et principes énoncés dans la Convention s’imposent à l’État partie. En outre, les États, de même que tous les organes des Nations Unies, sont liés par les principes du droit international, parmi lesquels les règles coutumières. Et en vertu du droit international coutumier, la torture est considérée comme un crime. En ce qui concerne l’application de l’article premier de la Convention, il ressort du rapport que les actes interdits, constitutifs de la torture, sont qualifiés d’infractions pénales dans la charia et dans les textes législatifs adoptés en vertu de celle‑ci. Cependant, parallèlement, la charia impose l’application de certaines peines pour réprimer certains crimes. Et il est clair que des peines telles que la flagellation, l’amputation d’un membre ou l’exécution par la lapidation ne sont pas acceptables au regard de la Convention, tout comme elles sont inacceptables au regard du droit international. Le Président serait reconnaissant à la délégation de donner des précisions sur la manière dont la définition de la torture est interprétée et traduite en droit interne.

16.En ce qui concerne l’article 2, M. Burns demande si dans le droit pénal saoudien le concept de nécessité et l’ordre d’un supérieur peuvent être invoqués comme justifications de la torture.

17.D’autre part, combien de temps une personne peut être détenue avant d’être présentée au juge et existe-t-il des mécanismes chargés de veiller à ce que nul ne soit arrêté ou détenu arbitrairement? Il semble en effet que de nombreuses autorités soient habilitées à arrêter des personnes sans aucun contrôle judiciaire.

18.S’agissant de l’article 3, il est demandé à la délégation saoudienne de donner des informations sur les mauvais traitements qui auraient été infligés à des Éthiopiens chrétiens et de préciser quelle est la politique de l’État partie en matière d’expulsion, de refoulement et d’extradition, notamment quelles mesures sont prises pour assurer l’application de l’article 3, et s’il est exact que la flagellation, l’isolement cellulaire et la privation de visites font partie des sanctions disciplinaires infligées aux détenus.

19.En ce qui concerne l’article 5, il est dit au paragraphe 24 du rapport que les tribunaux sont compétents pour statuer sur tous les différends et les infractions, à l’exception de ceux qui, en vertu de la législation, ne relèvent pas de leur juridiction. La délégation saoudienne pourrait-elle préciser le sens de cette affirmation?

20.Aux termes du paragraphe 2 de l’article 5, tout État partie prend les mesures nécessaires pour établir sa compétence aux fins de connaître des actes de torture commis, où que ce soit, dans le cas où l’auteur présumé de ces actes se trouve sur son territoire. Il serait intéressant de savoir à cet égard si l’Arabie saoudite entend appliquer cette disposition aux personnes soupçonnées d’avoir commis des actes de torture à qui elle a donné refuge.

21.Pour ce qui est des articles 6 et 7, le Comité espère que l’État partie réexaminera, au fil du temps, sa politique en matière d’extradition.

22.S’agissant de l’article 10, la délégation saoudienne pourra peut‑être indiquer comment le Gouvernement saoudien veille à ce que l’enseignement et l’information concernant l’interdiction de la torture et les obligations internationales des États en matière de protection des droits de l’homme fassent partie intégrante de la formation des policiers, notamment des membres de la police religieuse, ainsi que des membres des forces armées et des services secrets. Il serait en outre utile de savoir s’il existe une formation permettant aux médecins de déceler les cas de torture.

23.M. YAKOVLEV dit que les conditions de détention varient considérablement selon les établissements. Si la plupart des centres pénitentiaires satisfont aux normes internationalement reconnues, plusieurs sont surpeuplés et insalubres et les détenus ne peuvent y recevoir la visite de leur famille qu’après un long délai. Il convient à cet égard de se féliciter de la création en 1993 du Département des enquêtes et des poursuites, qui a notamment compétence pour contrôler et inspecter les prisons et les centres de détention et examiner les plaintes des prisonniers et des détenus (par. 13 f) du rapport). Toutefois, les prisons restent interdites aux observateurs des droits de l’homme et aucun observateur impartial ne peut accéder aux établissements spécialisés du Ministère de l’intérieur où sont détenues les personnes accusées de subversion.

24.Il est dit au paragraphe 46 du rapport que l’État protège les droits de l’homme conformément aux prescriptions de la charia. Or, celle‑ci prévoit des châtiments tels que la flagellation, l’amputation et la lapidation, qui sont à l’évidence contraires aux deux articles clefs de la Convention, à savoir l’article premier et l’article 16 ainsi qu’à d’autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, notamment la Déclaration universelle et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il semble difficile d’affirmer que ces châtiments ne constituent pas des actes de torture au motif qu’il s’agit de sanctions légitimes prévues par la loi.

25.Il convient à cet égard de relever que les théologiens musulmans sont loin d’être tous d’accord sur la question des châtiments corporels et que la législation de la grande majorité des États membres de la Conférence islamique ne prévoit pas ce type de châtiment.

26.Le Comité espère donc qu’à l’instar d’autres États musulmans, l’Arabie saoudite créera des conditions propices à la pleine application de l’article 16 de la Convention.

27.M. RASMUSSEN souhaiterait savoir si l’État partie veille à ce que l’enseignement et l’information concernant l’interdiction de la torture fassent partie intégrante de la formation du personnel civil ou militaire chargé de l’application des lois. Il rappelle à cet égard à l’État partie que le Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme tient à sa disposition des matériels de formation sur les droits de l’homme, le traitement des prisonniers et la détection des actes de torture.

28.En ce qui concerne l’article 11, la délégation saoudienne voudra peut‑être indiquer le nombre de prisons et de centres de détention que le Département des enquêtes et des poursuites a inspectés et donner des précisions sur la capacité d’accueil des différents établissements, les conditions de détention et la composition de la population carcérale.

29.S’agissant des articles 12 et 13, il serait intéressant de savoir si les autorités compétentes ont déjà procédé à des enquêtes impartiales lorsqu’il y a eu des motifs raisonnables de croire qu’un acte de torture avait été commis et si des personnes ont déjà porté plainte pour torture devant les autorités compétentes.

30.Pour ce qui est de l’article 14, le rapport ne contient aucune information sur la réparation, l’indemnisation et la réadaptation dont auraient pu bénéficier des victimes d’actes de torture. Des informations sur ces questions seraient donc les bienvenues.

31.Aux termes de l’article 15, les États parties veillent à ce que toute déclaration dont il est établi qu’elle a été obtenue par la torture ne puisse être invoquée en tant qu’élément de preuve dans une procédure. Il serait intéressant de savoir si les autorités saoudiennes ont déjà dû intervenir dans des affaires de cette nature.

32.Enfin, en ce qui concerne l’article 16, M. Rasmussen souhaiterait savoir combien de fois des châtiments tels que la flagellation, l’amputation et la lapidation ont été infligés au cours de l’année écoulée.

33.M. CAMARA demande de quelle peine sont passibles les auteurs d’actes de torture, si d’autres personnes que la victime peuvent porter plainte au nom de celle-ci et quelle est la procédure d’examen des plaintes.

34.M. MARIÑO MENENDEZ rappelle qu’en 1948, l’Arabie saoudite s’était abstenue lors du vote sur l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Il se félicite donc du chemin parcouru par l’État partie depuis cette date. Il souhaiterait savoir quel est le statut de la Convention dans l’ordre juridique interne. À cet égard, l’Ambassadeur de l’Arabie saoudite a indiqué clairement que la Convention était compatible avec la charia. On peut donc espérer qu’à l’instar de nombreux autres pays musulmans, l’Arabie saoudite renoncera à des châtiments corporels tels que la lapidation et la mutilation, qui sont manifestement contraires à la Convention.

35.La délégation saoudienne pourrait préciser quelles mesures prend l’État partie pour donner effet à l’article 11 de la Convention, notamment en ce qui concerne les recours ouverts aux personnes victimes d’actes de torture infligés par des agents de l’État. Enfin, il serait utile de savoir s’il est facile de créer des ONG et s’il existe des textes de loi les habilitant à agir librement pour protéger les droits de l’homme.

36.M. EL MASRY félicite l’Arabie saoudite pour son adhésion à la Convention et souligne que les mesures constructives qu’elle a récemment adoptées sont très importantes au regard des effets qu’elles produiront non seulement à l’échelon national mais aussi dans toute la péninsule arabique et, plus largement, dans l’ensemble du monde arabo‑islamique. De fait, les nouvelles dispositions énoncées dans le rapport et présentées oralement, comme l’adoption d’un nouveau Code de procédure pénale ou la création de la Commission permanente chargée d’enquêter sur les accusations de recours à la torture, sont particulièrement encourageantes. L’invitation adressée au Rapporteur spécial sur l’indépendance du pouvoir judiciaire devrait également favoriser la compréhension et renforcer le dialogue entre l’État partie et l’Organisation des Nations Unies.

37.Cela étant, M. El Masry tient à rappeler que la charia n’est pas une loi détaillée, mais un ensemble de principes généraux. C’est pourquoi les constitutions de la plupart des États islamiques comprennent des dispositions stipulant que le droit musulman est l’une des sources de la législation. De nombreuses interprétations ont été proposées au fil des siècles afin de créer un système juridique découlant de la charia. S’il est difficile aujourd’hui d’établir une distinction entre la tradition locale et ces interprétations, il n’en reste pas moins vrai que la charia interdit toute forme de torture, tant physique que psychologique.

38.Pour conclure, M. El Masry demande ce qu’il en est du droit du défendeur d’être assisté par un conseil au cours des différentes étapes qui mènent de son arrestation à son procès, y compris pendant son interrogatoire.

39.M. MAVROMMATIS, souscrivant aux observations de M. El Masry, dit que le Comité attache une grande importance à l’adhésion de l’Arabie saoudite à la Convention et à certains autres instruments internationaux car, compte tenu du rôle joué par ce pays au Moyen‑Orient, notamment, une telle décision laisse présager de nouvelles ratifications et adhésions et de nouveaux efforts dans cette direction.

40.S’agissant du rapport initial de l’État partie, M. Mavrommatis constate que certaines dispositions législatives sont présentées de façon schématique et qu’il n’est guère fait référence aux mécanismes et modalités pratiques d’application des textes en question. Formant le vœu que cette carence sera palliée dans le deuxième rapport périodique, il informe la délégation que le Haut-Commissariat aux droits de l’homme organise régulièrement, y compris au niveau régional, des séminaires visant à faciliter l’établissement des rapports.

41.Rappelant qu’il ne saurait y avoir de véritable application des normes du droit international sans un pouvoir judiciaire totalement indépendant, M. Mavrommatis considère que le fait, par exemple, que le Vice‑Ministre de la justice fasse partie de la Cour de cassation (par. 9 du rapport), va à l’encontre d’un tel principe. Des garanties concernant l’indépendance du système judiciaire devraient être clairement établies, notamment en ce qui concerne la nomination et la révocation des juges. Par ailleurs, il est impératif que l’Arabie saoudite s’interroge sérieusement sur l’ambiguïté de sa position qui consiste à condamner les actes de torture commis par des agents de l’État alors qu’elle impose des peines comme la flagellation, la lapidation et l’amputation. Enfin, M. Mavrommatis recommande à l’État partie d’envisager de faire la déclaration prévue à l’article 22 de la Convention.

42.M. YU Mengjia remercie la délégation d’avoir exprimé sa volonté de dialoguer de façon constructive avec le Comité. Pour sa part, il considère que le simple fait de savoir que les principes de la charia donnent lieu à différentes interprétations laisse espérer que des aménagements seront opérés par l’État partie en vue de progresser dans l’application des normes internationales relatives aux droits de l’homme. À ce propos, il demande comment l’Arabie saoudite procède pour concilier, en cas de conflit, les principes du droit musulman et les dispositions de la Convention ou d’autres instruments internationaux et si elle envisage, en s’inspirant de l’expérience acquise dans d’autres pays, y compris celle des États musulmans, de modifier le régime des peines imposables, en adoptant par exemple un moratoire.

43.Mme GAER dit que le caractère flou et arbitraire de la législation saoudienne, auquel s’ajoutent les possibilités d’accès très limitées des détenus à un avocat, à un médecin ou à leurs proches et l’absence de certaines garanties judiciaires, concernant notamment les recours ouverts aux personnes victimes de mauvais traitements, crée une situation dans laquelle l’individu est exposé à la torture. Cela est d’autant plus grave que la législation sur la détention autorise la mise au secret pour une durée indéfinie en tant que mesure disciplinaire. À ce sujet, Mme Gaer demande des précisions sur les informations contenues dans le rapport du Département d’État américain sur l’Arabie saoudite, selon lesquelles des étrangères (victimes de la traite des femmes ou employées de maison, notamment) sont parfois détenues pendant des mois avant de pouvoir contacter leur consulat. Elle souhaite également connaître les procédures en vigueur concernant le dépôt et le traitement des plaintes.

44.Par ailleurs, Mme Gaer demande si des statistiques relatives aux détenus et prisonniers sont établies par l’État partie et comment elles sont ventilées (par nationalité, sexe, âge, nature de l’infraction, race, appartenance ethnique, religion, notamment). Elle rappelle à ce sujet que la Convention, à son article premier, dispose que la torture peut être motivée par la discrimination, sous quelque forme que ce soit.

45.Mme Gaer demande également des précisions sur le recrutement, les attributions et le contrôle des activités des membres de la police religieuse (les moutawain), ainsi que sur la définition des infractions concernant les mœurs. En particulier, elle voudrait avoir des détails sur le décès de plusieurs jeunes filles qui auraient été empêchées par des moutawain de sortir de leur école où un incendie s’était déclaré, tandis que les secouristes étaient empêchés d’y pénétrer, et souhaite savoir comment l’État partie compte enquêter sur cette affaire.

46.Mme Gaer demande à la délégation de communiquer au Comité le texte des dispositions législatives adoptées récemment, dont le nouveau Code de procédure pénale et la loi sur les professions juridiques. Elle aimerait aussi savoir s’il existe des femmes juges ou avocats et s’il y a des femmes dans les forces de police, y compris parmi les membres de la police religieuse. En ce qui concerne le Conseil des doléances (par. 6 du rapport), elle demande de quelle façon l’indépendance de cet organe est garantie.

47.Par ailleurs, Mme Gaer souhaite connaître le nombre de personnes condamnées pour relations sexuelles illicites et demande si cette infraction concerne les relations aussi bien hétérosexuelles qu’homosexuelles. Elle voudrait aussi savoir comment l’État partie traite les problèmes concernant la violence sexuelle dans les prisons et quelles sont les procédures existantes en matière de plainte, notamment lorsque des gardiens de prison ou d’autres agents de l’État se rendent coupables de tels actes.

48.Mme Gaer demande des éclaircissements sur le paragraphe 26 c) du rapport. Par ailleurs, elle demande si M. Idi Amin Dada, qui se trouve toujours sur le territoire saoudien, bénéficie officiellement du statut de réfugié politique et si l’État partie a déjà reçu des demandes d’extradition le concernant et accéderait le cas échéant à de telles demandes.

49.Constatant que, dans son rapport au Comité des droits de l’enfant, l’État partie déclare qu’aucun châtiment corporel n’est autorisé à l’égard des enfants, Mme Gaer demande quelles mesures ont été prises pour faire en sorte que cette interdiction soit respectée. En ce qui concerne les décès consécutifs à des actes de torture, elle souhaite connaître les recours ouverts aux familles des victimes pour obtenir réparation. Enfin, elle voudrait savoir si les travailleurs étrangers, qui sont très nombreux parmi la population carcérale, ont le même accès aux tribunaux et bénéficient des mêmes garanties juridiques, en matière de recours notamment, que les nationaux.

50.Le PRÉSIDENT remercie la délégation saoudienne et l’invite à se présenter à une séance ultérieure pour répondre aux questions du Comité.

51.La délégation saoudienne se retire.

La partie publique de la séance prend fin à 11 h 50.

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