NATIONS

UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.

GÉNÉRALE

CAT/C/SR.472

7 septembre 2001

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Vingt-sixième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*

DE LA 472e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,

le jeudi 10 mai 2001, à 10 heures

Président: M. BURNS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIESEN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Rapport initial du Costa Rica

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*Le compte rendu analytique de la deuxième partie (privée) de la séance est publié sous la cote CAT/C/SR.472/Add.1.

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Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l’une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d’édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport initial du Costa Rica (CAT/C/24/Add.7)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation costa-ricienne, composée de Mme Ruiz de Angulo, M. Guillermet et M. Solano, prend place à la table du Comité.

2.Mme RUIZ DE ANGULO (Costa Rica), présentant le rapport initial du Costa Rica (CAT/C/24/Add.7) indique que pour l’établir, le Ministère des relations extérieures a coordonné un vaste processus de consultation avec les institutions nationales et les organismes de la société civile qui s’occupent des droits de l’homme. Les rédacteurs du rapport ont voulu faire une large place aux dispositions légales applicables dans le pays pour assurer la protection des libertés publiques, sans laisser de côté la réalité pratique de leur mise en œuvre. La présentation du rapport, qui contient des données actualisées, reflète la volonté du Gouvernement de donner effet au plan interne aux dispositions de la Convention contre la torture. Un gage supplémentaire en est donné par l’action résolue du pays en faveur de l’élaboration d’un protocole facultatif à la Convention, dont le groupe de travail chargé de l’élaborer est présidé par la Vice‑Présidente de la République du Costa Rica.

3.Tout au long de son histoire politique, le Costa Rica a voulu assurer la protection de la vie humaine et, en 1864 déjà, malgré la pression des gouvernements voisins, il servait de terre d’asile aux réfugiés politiques. C’est au XIXe siècle que le général qui dirigeait le pays a abrogé la peine de mort et a donné rang constitutionnel au principe du droit à la vie; ce principe subsiste dans la Constitution de 1949, toujours en vigueur, dont l’article 21 dispose: «La vie humaine est inviolable». La suppression de l’armée, en 1949, est un autre gage de la volonté de protéger les droits fondamentaux et permet de plus de consacrer une grande part du budget national au secteur social, en particulier au développement humain. Les garanties constitutionnelles et légales sont nombreuses et en son article 40 la Constitution interdit toute forme de torture et en son article 48 elle établit le recours en amparo et le recours en habeas corpus, pour lesquels une chambre spécialisée, la Chambre constitutionnelle, a été créée en 1989. Il est donné effet aux dispositions constitutionnelles par des textes de loi, la création d’institutions et les règlements des forces de police.

4.En ce qui concerne l’application de la Convention contre la torture, le Gouvernement s’est attaché tout particulièrement à améliorer la situation dans les établissements pénitentiaires qui pendant longtemps ne pouvait pas être qualifiée de satisfaisante. Au cours des trois dernières années il a consenti un effort important en vue d’agrandir et de rénover les établissements pénitentiaires et de construire de nouveaux locaux offrant de meilleures conditions aux détenus. D’après une étude récente effectuée par le Département d’enquête et de statistique de l’Institut national de criminologie du Ministère de la justice et des grâces, le nombre de prisonniers incarcérés a augmenté au cours de la période à l’examen de 1 354 détenus, alors que la capacité d’accueil supplémentaire obtenue avec l’effort financier des dernières années est de 2 466 places. Il faut souligner que l’accroissement de la population carcérale a été de 156 % entre 1994 et 2000, celle-ci étant passée de 3 698 détenus à 9 491. Face à cette situation, le Ministère de la justice a décidé de rénover les établissements pénitentiaires et d’en construire de nouveaux et a affecté à cette fin une enveloppe budgétaire de près de 7 millions de dollars en 2001. L’amélioration de la situation dans les prisons nécessite également la formation du personnel pénitentiaire et la mise en œuvre de programmes de formation professionnelle à l’intention des prisonniers, deux domaines qui ont fait l’objet d’une attention particulière. Comme l’expose en détail le rapport, il existe diverses modalités permettant aux détenus de porter plainte, non seulement par la voie administrative, mais aussi en recourant à la juridiction constitutionnelle.

5.D’après son rapport pour 2001, le service du Défenseur des habitants avait reçu jusqu’au mois d’août 2000 deux plaintes pour violences physiques et quatre pour violences psychiques commises dans les établissements pénitentiaires. Le Défenseur a souligné qu’il avait constaté que les autorités pénitentiaires se souciaient davantage de ces problèmes et engageaient les enquêtes voulues pour établir les faits à partir des investigations menées par ses propres services.

6.La formation dans le domaine des droits de l’homme a également été renforcée dans les divers corps de la police, composée exclusivement de civils puisque l’article 12 interdit l’existence d’une armée. La police costa‑ricienne se signale par son respect absolu des droits et de la dignité de tous, même si quelques cas isolés d’abus d’autorité et de mauvais traitement ont pu être dénoncés; à chaque fois les sanctions administratives et judiciaires ont été appliquées avec toute la rigueur voulue.

7.La délégation costa‑ricienne se félicite de pouvoir engager un dialogue avec le Comité et réaffirme la volonté du Gouvernement de créer les conditions et les mécanismes nécessaires pour garantir à tous les individus placés sous sa juridiction l’exercice sans réserve des libertés, et, plus particulièrement, des droits consacrés dans la Convention.

8.M. GONZÁLEZ POBLETE (Rapporteur pour le Costa Rica) souhaite la bienvenue à la délégation costa‑ricienne. Le Comité l’accueille avec d’autant plus de satisfaction qu’il attend beaucoup de ce dialogue, qui aurait dû commencer en 1994, et que le rapport est riche d’informations, il est de plus établi selon les directives générales du Comité. Il faut se féliciter de ce que le Costa Rica n’ait pas formulé de réserve à l’égard de l’article 20 de la Convention. En revanche, le Costa Rica n’a pas fait les déclarations prévues à l’article 21 et à l’article 22, ce qui est étonnant puisqu’il a reconnu la compétence de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, et que l’instrument interaméricain de lutte contre la torture (la Convention interaméricaine pour la prévention et la répression de la torture) a une portée plus étendue que la Convention des Nations Unies: il interdit en effet toute forme de souffrance sans que le degré de gravité entre en considération.

9.Le rapport passe totalement sous silence les éventuels facteurs et difficultés rencontrés dans la mise en œuvre de la Convention et il se peut au demeurant que le Costa Rica n’en ait pas rencontré, ce que la délégation voudra bien confirmer. Pour la place des traités internationaux de défense des droits de l’homme dans le droit interne, il faut relever qu’ils ont une autorité supérieure aux lois, conformément à l’article 7 de la Constitution.

10.En ce qui concerne l’article premier de la Convention, M. González Poblete note que l’article 40 de la Constitution interdit expressément les traitements cruels ou dégradants, les peines perpétuelles et la peine de confiscation et stipule que «toute déclaration obtenue par la violence sera nulle». De plus le Costa Rica a adopté les recommandations figurant dans le Code de déontologie des fonctionnaires chargés de faire respecter la loi, l’Ensemble de principes pour la protection de personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement et les Principes d’éthique médicale applicables aux activités du personnel de la santé et les a repris dans les règlements des autorités publiques et pénitentiaires. Toutefois, le Code pénal actuel ne contient pas de qualification particulière du délit de torture. D’après le rapport, un projet de loi a été soumis en 1999 à la Commission permanente des questions juridiques de l’Assemblée législative aux fins d’ajouter au Code pénal un article visant à combler cette lacune et dont le texte, tel qu’il est cité au paragraphe 16 du rapport, est satisfaisant au regard de la définition donnée à l’article premier. Une fois adopté, cet article aura même une portée plus étendue que celle de l’article premier de la Convention puisque l’auteur de l’acte érigé en infraction ne doit pas être nécessairement un agent de l’État. En revanche, le texte ne prévoit pas l’aggravation de la peine encourue en cas de mort de la victime ou de lésions graves. Il serait donc utile de savoir quelles sont les règles de procédure pénale régissant le cumul d’infractions.

11.Au sujet de l’article 2 de la Convention le rapport énonce un grand nombre de mesures prises pour donner effet à l’interdiction de la torture consacrée dans la Constitution et le Comité relève avec satisfaction une bonne réglementation du recours en habeas corpus et du recours en amparo, la création de la fonction de défenseur des habitants, qui s’accompagne d’un service dit «de protection spéciale» chargé de traiter des plaintes formulées par les détenus ou en leur nom ainsi qu’un bureau de défense de la femme. Les qualifications pénales du délit d’abus de pouvoir (par. 60 du rapport) et du délit de «détention illégale par les autorités» (par. 63) constituent deux moyens efficaces de prévention. Les droits des personnes arrêtées par la police sont bien protégés puisque l’assistance d’un avocat est obligatoire dès la garde à vue et que le policier est tenu d’informer l’intéressé de ses droits, et de l’autoriser à communiquer avec sa famille. Toutefois rien n’est dit des droits des individus une fois qu’ils sont déférés devant le juge; ainsi, il faudrait savoir dans quel délai le juge est tenu de rendre une décision d’inculpation ou de remise en liberté, s’il a le pouvoir d’ordonner le placement au secret et pour quelle durée. À titre connexe, le Comité voudrait connaître la durée moyenne de la détention avant jugement de façon à déterminer si le surpeuplement carcéral n’en serait pas la conséquence.

12.D’une façon générale, les dispositions du droit costa‑ricien sont suffisantes pour donner effet au paragraphe 2 de l’article 2 de la Convention et l’interdiction – énoncée au paragraphe 7 de l’article 121 de la Constitution – de suspendre certains droits et garanties individuels autres que ceux qui sont expressément énumérés dans cet article correspond bien à la fois à la Convention et à l’article 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Au demeurant, le Costa Rica peut se féliciter de n’avoir jamais eu à recourir à la suspension des garanties prévues dans sa Constitution.

13.En ce qui concerne l’impossibilité de se retrancher derrière l’ordre d’un supérieur (par. 3 de l’article 2 de la Convention), on peut supposer que rien dans la législation ne permet d’exonérer la responsabilité des agents de l’État, d’autant plus que le Costa Rica n’a plus d’armée depuis longtemps. Il aurait été toutefois préférable d’en faire état. La question se pose parce qu’il est indiqué dans le rapport (par. 147) que le service du Défenseur des habitants avait vivement critiqué l’ordre donné par le Président de la République aux autorités pénitentiaires d’ouvrir le feu, dès le 19 novembre 1998, contre toute personne tentant de s’évader. À l’évidence, quand un chef d’État prend ce genre de décision, il doit nécessairement en assumer la responsabilité.

14.En ce qui concerne l’article 3, l’article 31 de la Constitution est parfaitement clair: ceux qui sont inquiétés pour des raisons politiques (…) dans un pays «ne seront jamais renvoyés dans ce pays»; on peut donc supposer que le risque de torture est couvert par cette disposition. L’octroi du droit d’asile est une prérogative discrétionnaire du Président de la République et du Ministre des relations extérieures et, parmi les restrictions à l’expulsion des étrangers, figure (art. 82 du règlement d’exécution de la loi générale sur les migrations et les étrangers) l’interdiction d’expulser un étranger vers un pays où il encourt la peine de mort ou dans un pays où sa vie est menacée; toutefois cette garantie n’est pas suffisante pour empêcher le renvoi d’un individu dans un pays où il risque d’être torturé car il peut y avoir des tortures insoutenables qui n’entraînent pas la mort de la victime. Des précisions sont donc nécessaires pour que le Comité puisse avoir l’assurance que nul ne peut être refoulé ou expulsé vers un pays où il risque d’être torturé.

15.En ce qui concerne l’article 4 de la Convention, malgré une tradition affirmée de respect des droits de l’homme et un arsenal législatif solide, on ne peut que constater un vide juridique puisque le délit de torture n’est pas qualifié dans le Code pénal et, comme l’indique le paragraphe 306 du rapport, la législation ne prévoit aucune sanction contre les autorités ayant participé à des actes de torture. Par ailleurs, le Comité voudrait savoir ce qu’il faut déduire de la disposition du projet de loi de développement autonome des peuples autochtones, disposition citée au paragraphe 315 du rapport, selon laquelle les tribunaux ordinaires devront appliquer le droit coutumier «lorsqu’il est compatible avec l’appareil juridique national». Dans le contexte de l’interdiction de la torture, cette réserve conduit à se demander si le droit coutumier autochtone autorise des châtiments qui seraient incompatibles avec la législation de l’État partie. La délégation pourra certainement lever ce doute.

16.Au sujet de l’application de l’article 5 de la Convention, la compétence territoriale du Costa Rica est bien prévue à l’article 5 du Code pénal, en vertu duquel «la loi pénale costa‑ricienne s’applique également aux faits punissables commis à l’étranger» mais l’absence de qualification du délit de torture est ici encore un obstacle à la pleine application de la Convention. Heureusement, l’article 7 du Code pénal permet de combler cette lacune en visant les infractions internationales; en effet, il dispose que sera puni conformément à la loi costa‑ricienne quiconque commet «d’autres actes punissables contre les droits de l’homme selon les dispositions des traités ratifiés par le Costa Rica…», ce qui devrait couvrir l’objet de la Convention contre la torture.

17.En ce qui concerne l’incorporation de l’article 6 de la Convention dans le droit interne, les renseignements fournis dans le rapport montrent que la législation de l’État partie est conforme à la Convention. Cependant, comme l’un des principes fondamentaux sur lequel repose l’extradition dans tous les traités bilatéraux et multilatéraux est celui de la double incrimination, qui exige que l’acte commis soit considéré comme une infraction dans les deux États concernés, le fait que la torture ne soit pas qualifiée en tant que délit spécifique en droit interne costa‑ricien constitue un obstacle. Le Rapporteur souhaiterait donc savoir si, dans le cas où une demande d’extradition porte exclusivement sur des actes de torture, l’État partie pourrait, en raisonnant par analogie, faire jouer des articles du Code pénal afin d’accorder l’extradition.

18.La coopération dans le domaine de la poursuite des auteurs d’actes de torture sur le plan international est limitée par les dispositions du Code pénal selon lesquelles l’extradition ne peut pas être accordée par le Costa Rica à un État qui en fait la demande si les faits ont été commis sur un autre territoire que le sien ou celui dudit État.

19.À propos de l’article 7, le Rapporteur relève que lorsque la personne poursuivie est de nationalité costa‑ricienne, l’État partie se réserve le droit de ne pas l’extrader et de saisir de son cas les tribunaux nationaux à qui, comme indiqué au paragraphe 382, il appartient de décider s’il convient ou non de juger cette personne. Or, dans le cas de la torture, il devrait être obligatoire pour les tribunaux de juger un tortionnaire présumé; d’ailleurs, en vertu de l’article 7 du Code pénal, quiconque commet des actes punissables contre les droits de l’homme doit être jugé (par. 336). Le problème de l’absence de qualification de la torture en tant que délit dans le droit interne se pose donc de nouveau à ce propos; en effet, il y a lieu de se poser la question de savoir sur quel chef d’accusation un tribunal pourra-t-il se fonder pour juger une personne accusée de torture dans un autre pays et dont les autorités nationales ont refusé l’extradition?

20.Pour ce qui est de l’article 8 de la Convention, le simple fait que le Costa Rica ait ratifié la Convention a pour conséquence que le délit de torture est tacitement et automatiquement inclus dans tout traité d’extradition conclu avec d’autres États parties. Le Rapporteur note avec satisfaction que la nouvelle loi sur l’extradition ne subordonne pas l’extradition à l’existence d’accords bilatéraux et multilatéraux, ce qui facilite l’extradition «passive» d’auteurs présumés d’actes de torture.

21.À propos de l’article 9 de la Convention, le Rapporteur note l’existence de deux traités d’entraide judiciaire conclus, l’un, avec des pays d’Amérique centrale et l’autre, avec les États-Unis du Mexique, ainsi que de dispositions dans le Code pénal concernant l’entraide et la coopération judiciaire sur le plan international. Il demande à la délégation de citer, le cas échéant, des exemples concrets d’entraide judiciaire et voudrait savoir si la législation de l’État partie comporte une disposition spécifique sur le devoir d’assistance juridique mutuelle.

22.M. RASMUSSEN (Corapporteur pour le Costa Rica) se félicite d’avoir été choisi comme corapporteur pour le Costa Rica car, entre 1994 et 1997, il a été conseiller médical de l’Institut interaméricain des droits de l’homme dans le cadre de la mise en œuvre d’un projet pour la prévention de la torture en Amérique centrale. Il note avec satisfaction que ses activités d’enseignant dans le domaine de la torture sont mentionnées dans le rapport. Il tient en outre à souligner d’emblée que le Comité n’a reçu aucun renseignement de la part d’organisations non gouvernementales indiquant que la torture est pratiquée dans l’État partie, ce qui est un signe très encourageant. En outre, il tient à exprimer son admiration quant au fait que le Costa Rica n’a pas d’armée depuis 1948, ce qui revêt une très grande importance au regard de la Convention, étant donné que les violations des droits de l’homme sont très souvent commises par des membres des forces armées. Il encourage donc l’État partie à résister à la tentation de constituer des unités armées pour lutter contre le trafic de drogues et à plaider la cause de la démilitarisation auprès d’autres États.

23.La mise en œuvre de l’article 10 porte en particulier sur la formation du personnel pénitentiaire et des membres des forces de l’ordre. Comme la formation du personnel pénitentiaire s’effectue avec l’appui financier d’une organisation non gouvernementale, Penal Reform International, le Corapporteur souhaiterait savoir si l’État prévoit d’assurer la continuité de cet enseignement au cas où cette organisation cesserait de verser des fonds. Est-ce que d’autre part l’enseignement de l’interdiction de la torture fait partie de la formation dispensée aux membres de la police? M. Rasmussen juge en outre paradoxal que le questionnaire utilisé aux États-Unis d’Amérique pour le recrutement de soldats soit employé dans l’État partie pour recruter des policiers. Les fonctions de ces derniers qui doivent éviter dans toute la mesure possible de tuer sont en effet diamétralement opposées à celles d’un soldat. En ce qui concerne la formation des fonctionnaires du Département des enquêtes judiciaires, le Corapporteur note avec satisfaction que l’enseignement des droits de l’homme est obligatoire et que le manuel de formation de l’Organisation des Nations Unies destiné aux services de police est utilisé dans ce contexte.

24.En ce qui concerne la formation du personnel médico-légal, le Corapporteur constate avec satisfaction que les mesures décrites au paragraphe 449 vont parfaitement dans le sens de la Convention. L’État partie compte-t-il poursuivre ce type d’activités? Des éclaircissements sont en outre demandés au sujet du personnel du système pénitentiaire et de la police. Les deux corps relèvent-ils du même ministère? Si tel est le cas, M. Rasmussen recommande à l’État partie de prendre des mesures pour qu’ils soient placés sous la tutelle d’autorités différentes.

25.En ce qui concerne l’article 11 de la Convention, M. Rasmussen se félicite de la législation de l’État partie sur l’habeas corpus et le recours en amparo. Il considère toutefois que la méthode d’interrogatoire décrite au paragraphe 756 n’est pas très judicieuse car elle entraîne des frais excessifs, la présence de trois fonctionnaires étant requise, et qu’elle n’exclut pas le risque d’allégations de tortures de la part du prévenu puisqu’il pourrait invoquer le fait que les trois fonctionnaires se couvrent réciproquement. Il conseille donc à l’État partie d’instituer la pratique de l’enregistrement audio ou vidéo des interrogatoires. Il souhaiterait également savoir si le manuel sur les procédures d’enquête criminelle (par. 771) est régulièrement revu et mis à jour.

26.M. Rasmussen souhaiterait avoir des précisions sur les attributions respectives des «diverses instances chargées de veiller au respect des droits de l’homme» (par. 808 du rapport). Il croit comprendre, pour ce qui est du système pénitentiaire, que les instances auxquelles peut s’adresser une personne dont les droits ont été lésés sont au nombre de trois: le juge de l’application d’exécution des peines, le service de défense des habitants et la Commission interaméricaine des droits de l’homme. Il est indiqué au paragraphe 792 que le juge de l’application des peines doit visiter les centres placés sous sa responsabilité au moins tous les six mois afin de vérifier que les droits des détenus sont respectés. Cette périodicité est très insuffisante car, pour être efficace, le contrôle des conditions de détention devrait être au moins hebdomadaire. Le service de défense des habitants peut jouer un rôle très important dans la protection de la sécurité des citoyens, à condition que son indépendance soit garantie. Est‑ce le cas? Le Défenseur des habitants se rend‑il régulièrement dans les prisons? Peut‑il s’entretenir en privé avec les détenus? Les détenus peuvent‑ils lui adresser une plainte sous pli fermé? Enfin, la Commission interaméricaine des droits de l’homme offre une troisième possibilité de recours mais elle ne peut sans doute être saisie que lorsque tous les recours internes ont été épuisés. La loi prévoit la possibilité de dénoncer les abus de pouvoir de la part de la police auprès de trois instances (par. 818 du rapport): le ministère public, le Département des enquêtes judiciaires et le service de défense des habitants. M. Rasmussen émet des doutes quant à l’indépendance et à l’objectivité des deux premières instances qui sont très liées à la police. Certes, des statistiques sur les plaintes déposées pour abus de pouvoir imputables à la force publique sont fournies au paragraphe 819 mais rien n’est dit au sujet du traitement dont elles ont fait l’objet ni sur les suites concrètes qui leur ont été données. En outre, il faut imaginer la perplexité du citoyen costa‑ricien qui veut déposer une plainte pour acte de torture ou mauvais traitement et se trouve renvoyé d’un service à l’autre, chaque fois après plusieurs heures d’attente vaine. Pourquoi les autorités ne mettent‑elles pas en place un guichet unique pour recueillir les plaintes? De quelle indépendance jouissent les enquêteurs désignés, pour procéder à toutes les investigations nécessaires? Enfin, aucune statistique n’est fournie sur le nombre de plaintes déposées auprès du service de défense des habitants concernant des actes de torture, au sens de la définition donnée par la Convention, ni sur les enquêtes menées et les éventuelles condamnations prononcées. En ce qui concerne l’article 14 de la Convention, la procédure à suivre pour exiger la réparation de dommages et préjudice est fixée par la loi portant réglementation de la juridiction contentieuse et administrative en ses articles 76 à 81 (par. 855 du rapport) mais le rapport ne contient aucun exemple concret à ce sujet. La délégation pourrait‑elle combler cette lacune? Il est dit au paragraphe 858 qu’il n’existe aucun programme particulier destiné à la réadaptation des victimes de la torture. Qu’est‑il advenu de l’ONG Productor qui a été active durant de nombreuses années dans ce domaine? La loi 181 sur la légalité de la preuve (par. 877 du rapport) semble donner pleinement effet à l’article 15 de la Convention mais le Comité aimerait là aussi obtenir des exemples concrets de son application. Concernant l’article 16 de la Convention, il est indiqué, au paragraphe 761 du rapport, que dans les 24 heures qui suivent l’arrestation, le suspect doit être déféré devant un juge compétent. Que se passe‑t‑il après ce délai? L’intéressé va‑t‑il en prison ou est‑il de nouveau remis à la police? Quelle est la durée maximum de la garde à vue? Par ailleurs, les autorités ont‑elles élaboré une stratégie globale pour remédier au surpeuplement carcéral, en particulier dans le centre de détention de San Sebastian et la somme de US$ 7 000 affectée à cet effet n’est‑elle pas dérisoire? Existe‑t‑il des peines pouvant remplacer la privation de liberté pour les adultes? Un exemple est donné, au paragraphe 519 du rapport, de l’utilisation de gaz contre un détenu. Les gardiens de prison portent‑ils en permanence des grenades lacrymogènes ou des armes? Si tel est le cas, M. Rasmussen suggère que l’État partie songe sérieusement à mettre un terme à cette pratique, qui représente un danger tant pour les détenus que pour les gardiens. Enfin, il voudrait savoir comment les policiers qui abusent de leur pouvoir sont sanctionnés. Il est signalé au paragraphe 494 du rapport, que trois membres de la police judiciaire ont été condamnés pour homicide involontaire à des peines de prison et ont été suspendus pour une période de cinq ans. Seront‑ils réintégrés dans le Département des enquêtes judiciaires après ces cinq ans?

27.Mme GAER souhaiterait tout d’abord savoir comment le rapport a été établi et quels organismes publics, et éventuellement quelles ONG, y ont participé. Il serait, d’autre part, utile que la délégation explique le très fort accroissement du nombre de détenues. Est-il lié à une augmentation générale de la criminalité. Les détenues sont-elles jeunes? La violence, y compris sexuelle, à l’intérieur des prisons fait-elle l’objet d’un suivi? Les plaintes peuvent-elles être déposées d’une manière confidentielle? Le problème du sida en milieu pénitentiaire est abordé avec beaucoup de franchise aux paragraphes 622 à 629 du rapport. Par ailleurs, l’internement psychiatrique est aussi traité d’une façon très détaillée, notamment la question du consentement en connaissance de cause. À cet égard, Mme Gaer voudrait savoir s’il existe une hiérarchie dans l’importance accordée aux autorisations nécessaires – celle du patient lui‑même, celle de la famille ou celle du psychiatre – pour pratiquer une thérapie par électrochocs sur un patient. Les personnes âgées sont selon les informations dont dispose le Comité internées dans des pavillons séparés des hôpitaux psychiatriques. Existe-t-il des établissements de soins psychiatriques pour personnes âgées au Costa Rica? Enfin, il est dit au paragraphe 109 que le Ministère de la sécurité a mis en place un corps d’inspection des services de gardiennage et de sécurité privés, notamment en réponse aux plaintes formulées par des particuliers. Quel est le nombre de ces plaintes et sur quoi portent‑elles? Le projet de loi visant à réglementer les services de sécurité privés a-t-il été adopté?

28.Le PRÉSIDENT demande si le Costa Rica a ratifié la Convention relative au statut des réfugiés. Par ailleurs, il déplore l’absence de qualification de la torture en tant que délit dans la législation costa‑ricienne, et donc l’impossibilité de procéder à une évaluation objective de la situation qui prévaut dans le pays dans ce domaine. Il aimerait d’autre part recevoir de plus amples informations sur la réglementation en vigueur concernant la thérapie par électrochocs (par. 212 du rapport) et notamment sur la notion de consentement en connaissance de cause au regard du droit costa‑ricien. La traduction en l’anglais de la citation de l’éminent juriste costa‑ricien Carlos José Gutiérrez qui figure au paragraphe 38 du rapport n’est pas claire et il se demande si la délégation peut en préciser le sens. Enfin, le Président se félicite que le Costa Rica ait pris l’initiative de présenter un nouveau projet de protocole facultatif se rapportant à la torture.

29.Mme RUIZ DE ANGULO (Costa Rica) remercie les membres du Comité de leurs nombreuses questions auxquelles la délégation s’efforcera de répondre lors d’une prochaine séance. Elle confirme à l’intention de M. Rasmussen que le montant cité pour la construction d’un centre de détention (US$ 7 000) est erroné. Elle donnera le montant exact après vérification. Par ailleurs, pour répondre à une question soulevée par un membre du Comité, elle signale qu’il n’existe pas de loi régissant le problème de l’évasion des détenus, seul le Président de la République est habilité à donner aux gardiens des instructions quant aux mesures à prendre dans une telle situation.

30. La délégation costa ‑ricienne se retire.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 12 h 5.

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