NATIONS

UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.

GÉNÉRALE

CAT/C/SR.493

26 novembre 2001

Original : FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Vingt-septième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*

DE LA 493e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,

le vendredi 16 novembre 2001, à 15 heures

Président: M. BURNS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIESEN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Rapport initial du Bénin (suite)

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*Le compte rendu analytique de la deuxième partie (privée) de la séance est publié sous la cote CAT/C/SR.493/Add.1.

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Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l’une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d’édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

La séance est ouverte à 15 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport initial du Bénin (CAT/C/21/Add.3; HRI/Core/1/Add.85) (suite)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation béninoise reprend place à la table du Comité.

2.M. GNONLONFOUN (Bénin), répondant aux questions du Comité, précise tout d’abord que le rapport à l’examen concerne essentiellement la fin de la période révolutionnaire et les premières années de la période démocratique consécutive à la Conférence nationale des forces vives convoquée en 1990. Le 9 octobre 1990 a été adoptée la loi 90-028 portant amnistie des faits autres que de droit commun commis depuis le 26 octobre 1972. Le décret portant application de cette loi, promulgué le 13 mai 1991, a précisé les infractions – essentiellement de nature politique – visées par la loi d’amnistie. À ce jour, des dédommagements continuent d’être versés aux victimes et à leurs ayants-droit. En ce qui concerne les poursuites à engager contre les auteurs de violations commises pendant la révolution, il a été demandé aux victimes, qui se sont constituées en association, de saisir directement les tribunaux. Tout citoyen peut saisir la Cour constitutionnelle sur les questions relatives aux libertés individuelles conformément aux articles 121 et 122 de la Constitution. Ainsi, la Cour a déclaré contraire à la Constitution une garde à vue de 18 jours, puisque l’article 18 prévoit que nul ne peut être détenu pendant une durée supérieure à 48 heures, sauf si ce délai est prolongé – jusqu’à huit jours maximum – sur décision d’un magistrat dans des cas exceptionnels prévus par la loi. Le procès‑verbal d’audition doit faire mention des motifs de la garde à vue, de la durée des interrogatoires, de la date et de l’heure auxquelles la garde à vue a commencé et pris fin, et être cosigné par le suspect. À l’heure actuelle, aucune loi ne contient de définition de la torture mais les tribunaux peuvent invoquer, dans leurs jugements, la définition de la torture donnée dans la Convention, la Constitution prévoyant que les conventions internationales ratifiées par le pays l’emportent sur la législation nationale.

3.Le droit d’asile est régi par la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 et par la Convention sur les réfugiés en Afrique. La loi sur l’extradition date de la période coloniale mais le Bénin a signé, dans le cadre de l’ex‑Organisation commune africaine, malgache et mauricienne, la Convention générale de coopération en matière de justice, qui prévoit des dispositions en matière d’extradition. Il a également conclu un accord de coopération en matière de justice avec la France et un traité d’extradition avec le Ghana, le Nigeria et le Togo. Ces textes ont été communiqués aux membres du Comité. Il convient de noter qu’aucune procédure d’extradition n’a été mise en œuvre au cours des années passées. Toutes les conventions et tous les traités signés en matière d’extradition excluent l’extradition pour des motifs politiques.

4.Répondant à la question de savoir pourquoi les gendarmes, qui sont des militaires, accomplissent des actes de nature judiciaire, M. Gnonlonfoun dit que les officiers de gendarmerie et les fonctionnaires de police sont qualifiés par le Code de procédure pénale d’officiers de police judiciaire. En tant que tels, ils relèvent du Ministère de la justice. Outre les prisons, les lieux de détention peuvent aussi être des brigades de gendarmerie ou des commissariats de police pour les gardes à vue, dans lesquels des représentants du ministère public ou des Directions de l’administration pénitentiaire ou des droits de l’homme se rendent régulièrement. Il existe aujourd’hui huit prisons dans le pays et une neuvième est en cours de construction. La situation carcérale s’améliore régulièrement et le budget 2002 prévoit une dépense quotidienne de 300 francs CFA par détenu, contre 170 en 1998. En 2001, tous les prisonniers – qui étaient près de 6 000 – ont été vaccinés contre la méningite, la fièvre typhoïde et le tétanos. En outre, en collaboration avec l’ONG Fraternité des prisons Internationale ‑ Bénin, des soins sont administrés à tous les prisonniers du pays. Les établissements pénitentiaires ne disposent pas d’un médecin à demeure mais les responsables peuvent demander des soins infirmiers et une assistance médicale pour les cas graves. Ils font l’objet par ailleurs de mesures d’assainissement, de dératisation et de désinsectisation. Dans chaque établissement pénitentiaire sont aménagés un quartier des femmes et un quartier des mineurs. Un centre national de sauvegarde des enfants et des adolescents en conflit avec la loi a été créé à Cotonou, où les mineurs apprennent les métiers de tailleur, de menuisier et de soudeur dans le cadre d’ateliers. Un centre régional vient d’être créé à Parakou, dans le nord du pays. Les «rodéos» infligés aux détenus durant le régime marxiste-léniniste ne sont bien sûr plus pratiqués du fait des nouvelles normes relatives aux droits de l’homme et de la multiplication des organes de presse et des ONG actives dans le pays.

5.En collaboration avec l’UNICEF, le Bénin lutte contre le trafic des enfants en assurant l’éducation des parents et en recourant, le cas échéant, à la répression contre les coupables. À l’origine, un père qui plaçait son enfant auprès d’un parent voulait, ce faisant, lui assurer une meilleure éducation mais le placement répond malheureusement aujourd’hui à des considérations financières et c’est cette dérive qu’il faut combattre. Dans l’affaire du navire MV Etireno, qui transportait des enfants en vue de les livrer à la traite, le bateau a été saisi, les coupables ont été placés en détention et les enfants ont été remis à leurs parents, lesquels ont été dûment informés et sensibilisés.

6.Enfin, M. Gnonlonfoun souhaite fournir au Comité quelques explications concernant une affaire qui s’est déroulée au Bénin et à laquelle les autorités ont dû trouver une solution extrajudiciaire. Une personne avait décidé de débarrasser une région des bandits et des malfaiteurs qui y sévissaient impunément et avaient causé la mort de son frère jumeau. Il bénéficiait de l’appui de la population locale qui considérait que ni la police ni la justice n’avaient réussi à éradiquer le grand banditisme. Au lieu d’arrêter et de traduire devant les tribunaux l’auteur de ces actes, les autorités l’ont laissé libre mais ont instauré un dialogue avec la population et l’ont sensibilisée à la nécessité de remettre les criminels à la police. Agissant ainsi, le Gouvernement a évité qu’une région soit mise à feu et à sang. Toujours dans un souci de sensibilisation, des campagnes d’information et de sensibilisation aux droits de l’homme ont été menées par des ONG dans le centre du pays, qui ont permis notamment d’amener les femmes exciseuses à cesser leurs pratiques.

7.En conclusion, M. Gnonlonfoun dit qu’il reste à la disposition du Comité pour toute information complémentaire et que toute suggestion visant à aider le Bénin à élaborer le rapport suivant sera la bienvenue.

8.M. CAMARA (Rapporteur pour le Bénin) se déclare très satisfait du rapport initial du Bénin et des réponses fournies par M. Gnonlonfoun, qui augurent bien du dialogue instauré entre l’État partie et le Comité.

9.M. GONZÁLEZ POBLETE (Corapporteur pour le Bénin) remercie le Ministre de la justice, de la législation et des droits de l’homme de ses réponses circonstanciées. Il tient à préciser que le fait que l’article 145 de la Constitution béninoise reconnaisse un rang supérieur aux traités internationaux ne libère pas de l’obligation d’introduire une définition de la torture dans la législation pénale nationale et de l’assortir d’une peine correspondante. En effet, l’article premier de la Convention contre la torture n’est pas une disposition pénale qui peut être invoquée par un juge lorsqu’il décrit les éléments constitutifs d’un acte illicite avant de déterminer la peine encourue.

10.M. González Poblete se félicite des renseignements donnés par le Ministre selon lesquels les membres de la police doivent réunir des preuves suffisantes sur les chefs d’inculpation et les circonstances de l’arrestation du suspect pour le traduire en justice. Il importe néanmoins de relever qu’en l’absence de preuves suffisantes, la police doit remettre le détenu en liberté et le tribunal ne dispose plus alors d’aucun moyen pour se prononcer sur la légalité de la détention, sauf si le détenu porte plainte pour détention arbitraire. Il serait donc opportun d’envisager de pallier cette lacune dans le cadre d’un futur projet de loi qui conférerait au tribunal la possibilité de statuer sur la légalité de la détention de la personne qui a été relâchée.

11.Le PRÉSIDENT remercie la délégation de son rapport et de ses réponses et l’invite à revenir à une prochaine séance pour entendre les conclusions et recommandations du Comité.

12. La délégation béninoise se retire.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 15 h 40.

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