NATIONS

UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.

GÉNÉRALE

CAT/C/SR.514

14 novembre 2002

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Vingt-huitième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*

DE LA 514e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,

le mardi 7 mai 2002, à 10 heures

Président: M. BURNS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Troisième rapport périodique du Luxembourg

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*Le compte rendu analytique de la deuxième partie (privée) de la séance est publié sous la cote CAT/C/SR.514/Add.1.

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Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l’une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d’édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 7 de l’ordre du jour) (suite)

Troisième rapport périodique du Luxembourg (CAT/C/34/Add.14)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation luxembourgeoise prend place à la table du Comité.

2.M. NICOLAY (Luxembourg) dit que les remarques constructives formulées par le Comité lors de l’examen du précédent rapport du Luxembourg ont permis de faire progresser les choses dans un certain nombre de domaines. C’est ainsi par exemple qu’a été adoptée, le 24 avril 2000, une loi portant adaptation du droit interne aux dispositions de la Convention et que la torture a été érigée en crime à part.

3.La loi du 24 avril 2000 a également instauré une compétence universelle active pour les actes de torture. De même, la loi sur l’extradition a été modifiée afin d’interdire le refoulement ou l’extradition de personnes vers des pays où elles risquent d’être victimes de torture ou de mauvais traitements.

4.En outre, des mesures ont été prises pour renforcer le contrôle des activités de l’autorité publique. C’est ainsi qu’ont été créées la Commission consultative des droits de l’homme et l’Inspection générale de la police, qui est compétente pour enquêter sur tous les actes contraires à la déontologie et au droit pénal commis par les fonctionnaires de police dans l’exercice de leurs fonctions.

5.Par contre, le Luxembourg n’a pas encore construit le centre de détention pour mineurs qu’il s’était engagé à bâtir lors de la présentation de son précédent rapport. En effet, la réalisation de ce projet a été entravée par des difficultés liées au droit de l’environnement et aux pouvoirs des autorités locales.

6.La délégation luxembourgeoise est prête à répondre de son mieux à toutes les questions que voudront bien lui poser les membres du Comité.

7.M. MAVROMMATIS (Rapporteur pour le Luxembourg) se félicite du haut niveau de la délégation luxembourgeoise, de la grande qualité du troisième rapport périodique et de l’esprit de coopération dont fait preuve l’État partie, notamment en donnant suite aux recommandations du Comité.

8.L’État partie voudra peut‑être mettre à jour son document de base, notamment en ce qui concerne la situation économique du pays, et expliquer pourquoi le Luxembourg n’a pas présenté en un document unique ses troisième et quatrième rapports périodiques comme le lui avait recommandé le Comité et pourquoi ses rapports ne sont pas présentés dans les délais fixés par la Convention.

9.S’agissant des réformes mentionnées au paragraphe 4 du rapport, il serait intéressant d’avoir des précisions sur la composition et l’efficacité de la Commission consultative des droits de l’homme, sur le degré d’indépendance de l’Inspection générale de la police et sur les conséquences de la création de la nouvelle police grand‑ducale née de la fusion des anciens corps de police et de gendarmerie.

10.En ce qui concerne l’article premier et l’article 2 de la Convention, il convient de se féliciter que la loi du 24 avril 2000 ait introduit dans le droit interne des dispositions spécifiques aux actes de torture et que le nouvel article 260‑1 du Code pénal s’inspire largement de l’article premier de la Convention sans toutefois faire référence à la dernière phrase de cet article aux termes de laquelle le mot torture ne s’étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant uniquement de sanctions légitimes, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles, disposition qui, selon M. Mavrommatis, encourage le recours à des châtiments exécrables.

11.Pour ce qui est de l’article 3, le Comité accueille avec satisfaction l’adoption de la loi du 18 mars 2000 portant création d’un régime de protection temporaire des réfugiés et portant modification de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile. D’après certaines allégations, ces dispositions seraient appliquées de manière très restrictive et 1 % seulement des demandeurs d’asile obtiendraient le statut de réfugié. Qu’en est‑il exactement?

12.Il serait également intéressant de savoir si les demandeurs d’asile ont le droit de travailler pendant que leur demande est examinée et si, dans la négative, ils disposent d’autres moyens de subsistance, quel est le sort réservé aux demandeurs qui n’ont pas de papiers d’identité, si les demandeurs d’asile qui font l’objet d’un arrêté d’expulsion disposent d’un délai suffisant pour faire appel de cette décision auprès des instances nationales et internationales, pourquoi les personnes qui font l’objet d’un tel arrêté d’expulsion, y compris les chefs de famille, sont placées en détention la veille de leur transfert et enfin si le Luxembourg envisage d’adhérer à la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie.

13.S’agissant des articles 4 et 5, la délégation luxembourgeoise voudra peut‑être donner des précisions sur les modalités d’application des nouveaux articles 7‑3 et 7‑4 du Code d’instruction criminelle qui sont reproduits aux paragraphes 19 et 21 du rapport.

14.Il serait intéressant, d’autre part, de savoir dans quel délai une personne en garde à vue peut exercer les droits mentionnés au paragraphe 23 du rapport, à savoir le droit de réclamer un médecin, le droit de se faire assister par un avocat et le droit d’avertir une personne de son choix. Il serait également utile de savoir pourquoi une personne doit être retenue aux fins de vérification de son identité et s’il existe d’autres méthodes de vérification de cette identité.

15.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises pour donner effet aux articles 7, 8 et 9 de la Convention.

16.S’agissant du régime cellulaire strict appliqué aux détenus, le Comité constate avec satisfaction que la durée maximum de ce régime a été ramenée de 20 à 12 jours mais reste préoccupé par les informations selon lesquelles les conditions de détention des personnes soumises à un tel régime laissent à désirer.

17.Pour ce qui est de la séparation des détenus mineurs des détenus adultes, il convient de rappeler qu’une telle mesure peut être mise en place dans un même bâtiment à condition qu’elle soit totale. Cela dit, il serait intéressant de savoir avec précision pourquoi la construction d’un bâtiment séparé pour les jeunes délinquants n’a pas encore débuté.

18.M. CAMARA (Corapporteur) s’associe aux compliments adressés à l’État partie par M. Mavrommatis et constate que plus un État partie s’acquitte de ses obligations plus le Comité se montre exigeant à son égard, ce qui, dans un sens, est assez paradoxal.

19.En ce qui concerne l’article 9, la délégation luxembourgeoise voudra peut‑être préciser si la loi du 8 août 2000 sur l’entraide judiciaire internationale en matière pénale contient des dispositions spécifiques sur l’entraide dans le domaine de la lutte contre la torture et, dans l’affirmative, si ces dispositions ont déjà été appliquées dans des cas concrets.

20.S’agissant de l’article 10 relatif à la formation dans le domaine des droits de l’homme, il serait intéressant de savoir si le personnel médical reçoit une telle formation. Par ailleurs, on relèvera avec satisfaction que des ONG telles qu’Amnesty International et l’Association de soutien aux travailleurs émigrés sont associées à l’organisation d’un cours sur les droits de l’homme (par. 36 du rapport).

21.Pour ce qui est de l’article 11, la délégation pourrait‑elle indiquer au bout de combien de temps une personne gardée à vue peut prendre contact avec un avocat, si les personnes démunies peuvent bénéficier gratuitement de l’assistance d’un avocat et si elles ont le droit de prendre contact avec un avocat quelle que soit la gravité de l’infraction dont elles sont soupçonnées?

22.M. Camara aimerait aussi savoir quelle est la durée de la rétention pour vérification d’identité, si le temps passé en rétention est déductible de la durée de la garde à vue, s’il existe des mécanismes visant à éviter les abus en matière de contrôle d’identité et si la personne retenue pour vérification d’identité peut faire appel de cette mesure devant un juge.

23.S’agissant de l’article 12, il serait utile de savoir si des textes réglementaires ont été adoptés pour donner effet aux dispositions de cet article aux termes duquel tout État partie veille à ce que les autorités compétentes procèdent immédiatement à une enquête impartiale chaque fois qu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’un acte de torture a été commis.

24.En ce qui concerne l’article 13, M. Camara souhaiterait savoir quel est l’état d’avancement du projet de texte visant à mieux assurer la protection des victimes d’infraction ainsi que des témoins, qui est mentionné au paragraphe 55 du rapport.

25.Pour ce qui est de l’article 14, qui porte sur le droit de la victime d’un acte de torture d’obtenir réparation, il est demandé à la délégation luxembourgeoise d’indiquer si le Gouvernement envisage d’adopter des dispositions législatives portant spécifiquement sur la réparation due aux victimes de la torture.

26.En ce qui concerne l’article 15, M. Camara demande ce qui se passe dans la pratique lorsque des preuves doivent être déclarées irrecevables parce qu’elles découlent indirectement d’aveux obtenus sous la torture: l’État partie en prévoit‑il systématiquement l’annulation? Par ailleurs, il serait utile de savoir si les juridictions luxembourgeoises sont actuellement saisies d’affaires relatives à des actes constitutifs de mauvais traitements au sens de l’article 16.

27.Se félicitant de la qualité et de l’exhaustivité des renseignements communiqués dans la troisième partie du rapport, M. Camara demande si le recours exercé par un mineur contre une décision de placement en régime cellulaire strict (par. 95 et 99) a un effet suspensif sur cette sanction disciplinaire. Enfin, au sujet de l’absence de lieu de détention particulier pour les mineurs, il souhaite que la délégation commente les informations communiquées au Comité par l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture, selon lesquelles des problèmes liés à l’obtention du permis de construire et, en particulier, les réticences exprimées par les communes limitrophes ont empêché la construction d’un établissement pour jeunes délinquants.

28.Mme GAER se félicite du caractère exemplaire du rapport présenté par le Grand‑Duché du Luxembourg, constatant qu’il est rare qu’un État partie donne aussi pleinement suite aux recommandations du Comité. Au sujet de l’article 15 de la Convention, elle demande si les jeux de rôle mentionnés au paragraphe 36 du rapport portent également sur l’accueil des demandeurs d’asile. Elle souhaite aussi connaître la durée des sessions de formation, ainsi que leurs résultats concrets. En outre, elle voudrait savoir si les activités de formation prévoient de sensibiliser les personnels intéressés aux problèmes spécifiques des femmes et des mineurs. Par ailleurs, elle demande à la délégation de communiquer des données − ventilées par sexe, âge et appartenance ethnique ou nationale − sur les cas de suicide en prison, ainsi que sur le traitement des mineurs dans les lieux de détention.

29.Au sujet de l’article 16, Mme Gaer voudrait des précisions sur l’ampleur du problème posé par le trafic et l’exploitation sexuelle des enfants au Luxembourg, ainsi que sur les effets de la nouvelle loi prévoyant de poursuivre les nationaux qui se rendent coupables de telles infractions à l’étranger. Mme Gaer demande également dans quel type d’établissement les mineures sont détenues et si l’État partie a effectué des enquêtes sur la violence sexuelle dans les prisons. Elle aimerait aussi que la délégation communique le nombre de plaintes déposées à ce sujet et décrive les mesures qui ont été prises en matière de prévention et d’assistance aux victimes.

30.M. MARIÑO MENENDEZ demande, au sujet de l’article 3, des précisions sur la loi du 18 mars 2000 portant création d’un régime de protection temporaire dans l’hypothèse d’un afflux massif de demandeurs d’asile (par. 14). Il voudrait savoir en particulier si ce nouveau régime s’applique à l’ensemble des nouveaux demandeurs dont le cas ne pourrait donc plus être traité de façon individuelle. Il considère également que la coexistence de plusieurs régimes de protection pourrait compliquer l’octroi du statut de réfugié en tant que tel.

31.En ce qui concerne le paragraphe 77 du rapport, M. Mariño Menendez fait observer que la compétence de la Cour pénale internationale n’est pas véritablement illimitée dans le temps et dans l’espace.

32.Enfin, M. Mariño Menendez demande des précisions sur les mesures prises pour réduire les risques de suicide et faire face à la toxicomanie en milieu carcéral, ainsi que sur les rapports et les éventuelles dispositions législatives concernant ces questions (par. 4 et 85 à 88).

33.M. RASMUSSEN se félicite de lire dans le rapport que l’État partie veille désormais à ce que les mesures de placement en régime cellulaire strict à titre disciplinaire ne dépassent plus la durée d’un mois (par. 96). Cela étant, il souhaite savoir plus précisément dans quelles conditions, à partir de quel âge et pour quelle durée un tel régime est applicable aux mineurs placés en détention provisoire. En outre, il demande s’il est déjà arrivé qu’un détenu dépose une demande d’indemnisation pour le préjudice causé, en ce qui concerne son état de santé, par sa mise au secret.

34.Le PRÉSIDENT remercie la délégation luxembourgeoise et l’invite à se présenter à une séance ultérieure pour répondre aux questions du Comité.

35.La délégation luxembourgeoise se retire.

La séance est suspendue à 11 heures; elle reprend à 11 h 20.

QUESTIONS D’ORGANISATION ET QUESTIONS DIVERSES (point 5 de l’ordre du jour)

Désignation des membres du groupe de travail sur les communications pour la session de novembre 2002

36.À l’issue d’un échange entre les membres du Comité, le PRÉSIDENT dit que, s’il n’y a pas d’objection, la composition du groupe de travail sur les communications pour la session de novembre 2002 sera la suivante: M. Camara, M. Gonzáles Poblete, M. Mariño Menendez, M. Yakovlev et M. Mavrommatis (suppléant).

37.Il en est ainsi décidé.

La partie publique de la séance prend fin à 11 h 30.

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