Nations Unies

CAT/C/SR.986

Convention contrela torture et autres peinesou traitements cruels,inhumains ou dégradants

Distr. générale

19 mai 2011

Original: français

Comité contre la torture

Quarante-sixième session

Compte rendu analytique de la première partie (publique)* de la 986e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 11 mai 2011, à 10 heures

Président: M. Grossman

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19de la Convention (suite)

Deuxième rapport périodique du Koweït

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19de la Convention

Deuxième rapport périodique du Koweït (CAT/C/KWT/2)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation koweïtienne prend place à la table du Comité.

2.M. Razzooqi (Koweït) déclare que son pays a toujours accordé une attention particulière au développement humain et fait tout son possible pour assurer le respect et la protection des droits de l’homme. Le système juridique du Koweït contient de nombreuses règles et dispositions qui garantissent le respect des obligations découlant de la Convention contre la torture. Cette dernière a été incorporée dans l’ordre juridique interne et toutes les autorités sont tenues de se conformer à ses dispositions. Les articles 31 et 34 de la Constitution du Koweït énoncent l’interdiction de la torture. L’article 56 du Code pénal prévoit des sanctions à l’égard de tout fonctionnaire ou de toute personne placée sous son autorité qui abuse de ses fonctions en infligeant à autrui des traitements cruels ou dégradants ou des souffrances physiques, et l’article 53 qualifie de crime le fait d’obtenir des aveux sous la torture ou la contrainte.

3.Le Koweït est allé au-delà de l’adoption de lois et a mis en œuvre de nombreuses mesures pour lutter contre la torture et l’abus d’autorité. Par exemple, le plus grand soin est accordé au recrutement et à la formation des policiers, afin de s’assurer que ces derniers respectent et défendent les droits de l’homme. Un programme de formation pour les policiers et les membres des professions judiciaires vient d’être mis sur pied en collaboration avec le Haut-Commissariat. Un département a été créé au Ministère de l’intérieur pour recevoir et traiter les plaintes contre les fonctionnaires du Ministère. Les agents de l’État reçoivent régulièrement des directives leur rappelant les règles de conduite à suivre dans l’exercice de leurs fonctions.

4.Des dispositions législatives régissent le traitement des détenus et des mécanismes sont en place pour surveiller l’application de ces dispositions, notamment par des inspections. En vertu de l’article 18 de la loi sur les prisons, il est interdit de placer quiconque en détention sans mandat écrit établi par l’autorité compétente. Nul ne peut être détenu pour une durée supérieure à celle prévue par la loi. Il est également interdit de placer les détenus dans des cellules sans lumière et de leur faire subir toute forme de discrimination, pour quelque motif que ce soit.

5.Une Haute Commission des droits de l’homme a été créée au Ministère de la justice pour conseiller les décideurs et revoir les lois et les systèmes existants. Celle-ci mène également des activités de sensibilisation et de formation aux droits de l’homme. De plus, les autorités législatives exercent un contrôle sur les organes de l’État pour garantir la mise en œuvre de la législation, notamment dans le domaine des droits de l’homme. Les comités compétents de l’Assemblée nationale se rendent régulièrement dans les prisons et les centres de détention à cet effet.

6.Des avancées importantes ont été réalisées en très peu de temps, comme en témoignent les lois sur les personnes handicapées et sur la protection des personnes âgées, qui prévoient que les auteurs de mauvais traitements ou de négligence à l’égard de ces personnes doivent être traduits en justice. Le Koweït s’est engagé en mai 2008, lors de l’Examen périodique universel au Conseil des droits de l’homme, à créer une institution nationale pour la protection des droits de l’homme et des libertés conforme aux Principes de Paris. Il est conscient des obstacles mais déterminé à s’acquitter de ses responsabilités en tant que membre de la communauté internationale.

7. M.Bruni (Rapporteur pour le Koweït) se félicite que le rapport ait été élaboré conformément à la nouvelle procédure consistant pour l’État partie à répondre à une liste de points à traiter établie préalablement par le Comité, mais regrette que ce deuxième rapport périodique, attendu le 4 mai 2001, n’ait été soumis qu’en mars 2010, ce qui a retardé de neuf ans le dialogue entre le Comité et le Koweït.

8.S’agissant des articles 1 et 4 de la Convention, M. Bruni note que, d’après le rapport, la législation pénale du Koweït ne contient pas de définition de la torture. La Convention ayant été incorporée dans le droit interne, il demande si cela signifie que le juge utilise la définition de la torture figurant dans la Convention comme base légale pour qualifier cette infraction et rendre sa décision. Il aimerait également savoir quelles peines sont prévues par la loi dans les cas de torture, notamment lorsque les actes commis entrainent un handicap permanent ou le décès de la victime. Il serait utile que la délégation donne des exemples récents d’actions en justice relatives à des cas de torture au Koweït, en précisant leur issue et la nature des peines prononcées. De tels renseignements sont importants notamment pour comprendre quelles suites judiciaires ont été données aux cas de torture constatés par les médecins légistes et signalés aux services d’enquête.

9.Étant donné que le Koweït se trouve dans une région qui a connu récemment des conflits armés, il serait intéressant de savoir quelles mesures juridiques, administratives ou autres sont prévues pour donner effet au paragraphe 2 de l’article 2 de la Convention, qui dispose qu’aucune circonstance exceptionnelle ne peut être invoquée pour justifier la torture.

10.S’agissant de l’article 3, M. Bruni estime que les réponses données par l’État partie ne permettent pas de savoir si les autorités compétentes s’abstiennent d’expulser toute personne qui risquerait d’être torturée dans le pays vers lequel elle est doit être renvoyée. Si tel est le cas, il demande sur quelle base légale est prise la décision, s’il s’agit d’une loi ou de la Convention elle-même dans la mesure où elle fait partie de la législation nationale. Il aimerait également savoir quelle est l’autorité compétente pour évaluer le risque de torture et quels sont les critères appliqués. Selon le rapport, une personne menacée d’expulsion ne peut pas former un recours administratif contre l’arrêté d’expulsion pris à son encontre auprès de la chambre de la Haute Cour chargée d’examiner les contentieux administratifs. M. Bruni souhaiterait donc savoir auprès de quel organe administratif ou judiciaire un étranger peut faire appel d’une décision d’expulsion.

11.Le Koweït n’a pas inclus dans son rapport de données statistiques sur les demandes d’asile. La délégation pourra peut-être fournir au Comité les informations voulues, qui concernent le nombre de demandes enregistrées, le nombre de demandes auxquelles il a été fait droit, le nombre de demandes acceptées parce que le demandeur d’asile avait été torturé dans son pays d’origine ou risquait de l’être s’il y était renvoyé et le nombre d’expulsions, en précisant combien d’entre elles visaient des demandeurs d’asile déboutés et quel était le pays de renvoi. M. Bruni voudrait également savoir pour quelle raison le Koweït n’est pas partie à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés.

12.En ce qui concerne l’article 10, M. Bruni demande si les policiers, les membres des forces de sécurité et le personnel pénitentiaire reçoivent des informations, une formation et des instructions sur l’interdiction absolue de la torture. Le cas échéant, il aimerait connaître leur impact; ces cinq dernières années, a-t-on ou non constaté une baisse du nombre de plaintes pour torture et mauvais traitements grâce à ces formations? M. Bruni demande également si le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) est intégré à la formation sur l’interdiction de la torture dispensée aux agents des forces de l’ordre et aux médecins légistes.

13.S’agissant de l’article 11, le rapport ne répond pas pleinement à la question posée par le Comité, qui était de savoir si le Koweït avait adopté ou songeait à adopter des mesures législatives pour réduire la durée maximum de la garde à vue sans ordre écrit à moins de quatre jours et exclure toute possibilité de prolongation. Des précisions sur ce point seraient les bienvenues. Par ailleurs, le rapport indique qu’aucune disposition d’exception ne restreint les droits garantis aux suspects ou aux personnes détenues par la législation pénale ordinaire. M. Bruni aimerait savoir si les droits énumérés par le Comité (droit d’être entendu sans délai par un juge, de contacter des membres de sa famille, d’avoir accès à un avocat et de consulter un médecin de son choix dès son arrestation) sont garantis en toutes circonstances, en particulier dans le cadre de la lutte antiterroriste.

14.La délégation pourra peut-être indiquer quelle est la durée maximale de la détention des étrangers en situation irrégulière au Koweït et si les mesures privatives de liberté applicables à ces personnes peuvent faire l’objet d’un réexamen par une autorité ou un organe judiciaire compétent, impartial et indépendant, comme il était demandé dans la liste de points à traiter.

15.Le Koweït affirme que les dossiers du Ministère de la justice ne révèlent aucun cas de civil jugé par un tribunal militaire en 1991 ni de personne détenue ou emprisonnée dans le cadre d’affaires dont ont été ou sont saisis des tribunaux militaires. Cependant, en juillet 2000, le Comité des droits de l’homme s’est déclaré préoccupé par le cas de personnes toujours emprisonnées suite à des décisions de la Cour martiale de 1991, ainsi que par les cas de détenus qui avaient ensuite disparu. La délégation du Koweït avait assuré le Comité que des mesures seraient prises pour enquêter sur ces disparitions. M. Bruni aimerait savoir ce qui a été entrepris à cet effet.

16.Il serait intéressant de connaître le nombre de femmes gardiennes de prison au Koweït, pour comprendre si les détenues sont prises en charge par du personnel carcéral du même sexe en nombre suffisant. Le Comité souhaiterait également savoir si les femmes bénéficient d’un régime de détention particulier et d’équipements spéciaux.

17.En ce qui concerne l’article 12, M. Bruni relève avec étonnement que toute personne qui arrête et emprisonne illégalement une autre personne et la torture n’est passible que d’une peine maximale de sept ans d’emprisonnement. Il demande à la délégation des explications sur ce point. Il souhaiterait également revenir sur le cas de M. Adel Al‑Dhaffeery, qui a été porté à l’attention des autorités koweïtiennes par le Rapporteur spécial sur la question de la torture. M. Al-Dhaffeery a été arrêté par la police en mai 2008, et affirme avoir été torturé pendant son interrogatoire. Il a porté plainte pour torture auprès du Procureur général, qui a refusé d’enregistrer la plainte et d’ordonner un examen médical. Après deux semaines de détention, il a été libéré et l’examen médical mené par le Ministère de l’intérieur a conclu que les lésions sur son corps étaient dues à un accident de voiture et non à des actes de torture. Selon l’ONG Alkarama, le recours à ce type de pratique tend à se généraliser depuis quelques années sous prétexte de lutte contre le terrorisme. Le Comité est troublé par le fait que des allégations similaires sont régulièrement formulées. Des commentaires sur cette question seraient les bienvenus.

18.Concernant l’article 13 de la Convention, il serait utile de connaître le nombre annuel de plaintes émanant de prisonniers reçues par le Département chargé du suivi des plaintes du Ministère de l’intérieur. Pour ce qui est de l’application de l’article 14, M. Bruni constate que le rapport ne comporte pratiquement aucune information sur la question des réparations. Il invite la délégation à fournir des renseignements sur le nombre d’affaires dans lesquelles des mesures de réparation, d’indemnisation ou de réadaptation ont été ordonnées par les tribunaux, et sur les mesures dont ont effectivement bénéficié des victimes de tortures ou leur famille au cours des cinq dernières années. S’agissant de l’article 16, il souhaiterait savoir quelles mesures ont été prises pour limiter au strict nécessaire les restrictions et les mesures de contrainte appliquées aux patients soumis à des soins de santé mentale obligatoires.

19.À l’issue de l’Examen périodique universel dont il a fait l’objet en mai 2010, l’État partie a indiqué qu’il acceptait la recommandation tendant à ce qu’il envisage de retirer ses nombreuses réserves aux instruments relatifs aux droits de l’homme auxquels il est partie mais n’acceptait pas la recommandation concernant le retrait de ses réserves à la Convention contre la torture. Une telle contradiction appelle des éclaircissements. En outre, le Koweït indique dans son rapport qu’il n’a pas fait les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention (reconnaissance de la compétence du Comité pour examiner des communications émanant d’États parties ou de particuliers) parce que ces dispositions sont «indissociables de l’article 20». La délégation pourra peut-être expliquer en quoi une réserve au sujet de l’article 20 empêcherait d’accepter les procédures prévues aux articles 21 et 22.

20.M. Bruni, fait savoir que Mme Belmir (corapporteuse pour le Koweït), absente, l’a prié de communiquer à la délégation des questions qu’elle avait préparées à son intention. La délégation est invitée à préciser quelle est la place de la Convention dans l’ordre juridique koweïtien et si elle peut être invoquée directement devant les tribunaux. Elle est également invitée à faire des commentaires sur la question des critères retenus par l’État partie pour l’octroi de la nationalité et sur la situation des apatrides, notamment des Bidounes, qui sont nés dans l’État partie mais qui n’en ont pas la nationalité et, partant, sont particulièrement exposés à l’exploitation et aux mauvais traitements.

21.MmeBelmir est préoccupée par le refus de l’État partie de reconnaître l’existence de minorités religieuses, ethniques et linguistiques dans le pays et par les mauvais traitements dont leurs membres font souvent l’objet. Concernant l’administration de la justice, elle relève que le délai fixé pour présenter un suspect placé en garde à vue devant un juge n’est pas respecté dans la pratique et demande des éclaircissements à ce sujet. Évoquant la question de la traite des migrantes à des fins d’exploitation sexuelle, elle s’inquiète de ce que ce phénomène soit accentué par le recours au système du kafil et à la pratique de la rétention du passeport, qui ont pour effet de placer les personnes concernées en situation de dépendance et de grande vulnérabilité.

22.Mme Belmir s’étonne du nombre d’infractions passibles de la peine de mort et relève qu’un moratoire sur cette peine n’a pas été institué. Enfin, elle se dit préoccupée par l’absence de système de justice pour mineurs et par le fait que le recours aux châtiments corporels contre les enfants est toléré. Les commentaires de la délégation sur tous ces points seront les bienvenus.

23.MmeKleopas se félicite de l’engagement pris par l’État partie de mettre en place une institution nationale des droits de l’homme indépendante conforme aux Principes de Paris. Concernant les articles 12 et 13 de la Convention, elle estime que l’État partie n’a pas clairement montré que les détenus et les gardés à vue avaient accès à un mécanisme de plainte indépendant. Des précisions sur la question seraient souhaitables.

24.Il semblerait que le recours aux châtiments corporels contre les enfants est encore autorisé dans la famille et dans les établissements qui assurent une protection de remplacement. L’État partie peut-il renouveler l’engagement qu’il a pris devant le Conseil des droits de l’homme de supprimer les châtiments corporels dans tous les contextes? Le Comité est particulièrement préoccupé par les informations selon lesquelles un nouveau Code pénal conforme au droit islamique et prévoyant des peines telles que l’amputation et la flagellation serait adopté. La délégation est priée de fournir des renseignements à ce sujet.

25.Le Comité est également préoccupé par la situation des employés de maison étrangers, dont la grande majorité sont des femmes. Outre que leurs conditions de travail sont souvent mauvaises, ces personnes seraient fréquemment victimes de violence sexuelle, physique et psychologique. L’ambassadeur d’un pays dont des ressortissants sont employés comme domestiques au Koweït a indiqué que ses services avaient reçu environ 950 plaintes pour viol et harcèlement sexuel en 2009, tandis que l’ambassadeur d’un autre pays a indiqué que ses services recevaient quotidiennement de telles plaintes. Il est probable que ces chiffres ne rendent pas pleinement compte de l’ampleur du phénomène, les femmes concernées ayant de nombreuses raisons de ne pas porter plainte, notamment la crainte d’être poursuivies en justice pour adultère ou de faire l’objet de représailles. En outre, selon les informations dont dispose le Comité, l’autorisation de résider dans le pays est liée à un seul employeur, de sorte qu’en déposant une plainte contre son employeur, l’employé de maison court le risque de perdre son permis de séjour. De la même manière, si un employeur porte plainte contre un employé de maison, celui-ci est expulsé sans que cette décision fasse l’objet d’un contrôle juridictionnel. Le Comité rappelle à l’État partie qu’il lui incombe de protéger les groupes vulnérables tels que les employés de maison étrangers et prie la délégation de formuler des observations sur ces différents points.

26.M. MariñoMenéndez souhaiterait avoir des précisions sur les dispositions applicables à l’interrogation des détenus et des gardés à vue. Il conviendrait notamment d’indiquer si les interrogatoires sont enregistrés, si la personne qui conduit l’interrogatoire est la même que celle qui a procédé à l’arrestation et à quel moment un avocat peut être présent. Il semble que l’article 65 du Code de procédure pénale dispose que les personnes en état d’arrestation peuvent immédiatement avoir accès à un avocat. Cependant, la législation koweïtienne comporte d’autres dispositions singulières, prévoyant notamment que l’avocat ne peut pas prendre la parole s’il n’y est pas autorisé par le juge d’instruction.

27.M. Mariño Menéndez demande si les étrangers arrêtés ou poursuivis en justice ont le droit de solliciter une assistance consulaire conformément à l’article 36 de la Convention de Vienne sur les relations consulaires, et si les prisonniers de guerre étrangers encore incarcérés dans le pays bénéficient d’une telle assistance. Il souhaiterait également avoir des renseignements sur la procédure d’octroi de l’asile, ainsi que des précisions sur la situation juridique des apatrides, en particulier des Bidounes, dont le nombre s’élèverait à plusieurs dizaines de milliers.

28.M. GallegosChiriboga saluant la ratification par le Koweït de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, invite l’État partie à envisager d’élargir sa définition du handicap de manière à ce qu’elle recouvre tous les types de handicaps, mentaux comme physiques. Il encourage l’État partie à envisager d’abolir la peine de mort, qui est contraire aux principes de la Convention, et à redoubler d’efforts pour mettre un terme à la traite d’êtres humains et pour résoudre le problème des mauvais traitements infligés aux employés de maison étrangers et des conditions d’esclavage dans lesquelles ils travaillent parfois.

29.M. Gaye note que, d’après les renseignements fournis dans le rapport, les étrangers peuvent être expulsés en vertu d’une décision judiciaire, qui est susceptible d’appel, ou d’une décision administrative, qui, elle, ne serait pas susceptible d’appel. Il relève également que les étrangers en situation irrégulière sont placés dans des centres de rétention et qu’ils y demeurent jusqu’à la régularisation de leur situation, ce qui laisse entendre que le placement en rétention ne serait pas assorti d’un délai. La délégation pourra peut-être apporter des éclaircissements sur ces points. De plus, l’État partie n’a pas vraiment répondu à la question du Comité lui demandant d’indiquer comment il s’assurait qu’un individu sous le coup d’une mesure d’extradition ou d’expulsion ne risquait pas d’être torturé dans le pays de renvoi et dans quels cas il avait recours aux assurances diplomatiques. Or ces renseignements sont essentiels pour que le Comité puisse examiner le respect par l’État partie des obligations qui lui incombent en vertu de l’article 3 de la Convention. Le Comité attendra donc de la délégation un complément d’information.

30.L’article 56 du Code pénal punit les actes de cruauté à l’égard d’autrui commis par des agents de l’État dans l’exercice de leurs fonctions qui ne portent pas atteinte à l’honneur de la victime et ne lui causent pas de souffrances physiques. On peut s’interroger sur la compatibilité de cet article avec la définition de la torture énoncée à l’article premier de la Convention et, partant, sur les règles applicables en cas de conflit entre la Convention et les dispositions du droit interne. Il faudrait par ailleurs savoir à quoi correspond la distinction entre les détenus de la catégorie A et les détenus de la catégorie B et si elle entraîne des différences de traitement, notamment en ce qui concerne le droit de recevoir des visites et de communiquer avec des proches. Il serait également utile de savoir dans quels cas les personnes détenues qui ne désignent pas elles-mêmes un avocat s’en voient attribuer un d’office et si les personnes détenues ou gardées à vue victimes d’actes de torture ou de mauvais traitements peuvent adresser leurs plaintes directement au Bureau du Procureur général et, dans l’affirmative, quelle est la procédure prévue.

31.L’usage de la force ne semble pas être soumis aux principes de nécessité et de proportionnalité lorsqu’il vise à arrêter ou à empêcher de fuir une personne accusée d’une infraction passible de la peine de mort ou de la réclusion à perpétuité, au risque d’entraîner la mort de l’intéressée. Des incidents de ce type se sont-ils déjà produits? Dans l’affirmative, les agents de l’État responsables ont-ils été poursuivis? Enfin, il serait utile de savoir quelles sont les dispositions institutionnelles en vigueur pour garantir l’indépendance de la justice, notamment si l’inamovibilité des juges est prévue par la loi.

32.Mme Sveaass note avec satisfaction que des programmes spécialisés de formation à l’identification des signes de torture existent et que des rapports médicaux sont établis par des professionnels qualifiés chaque fois qu’un cas de torture est signalé. Il serait intéressant de connaître la suite donnée à ces rapports, notamment sur le plan judiciaire. Des précisions concernant les services de soins médicaux et d’assistance psychologique prévus pour les victimes de torture seraient utiles, de même que sur les mesures prises pour garantir leur droit à réparation. Le paragraphe 39 du rapport évoque la formation dispensée au personnel de santé sur la question de la torture des enfants. Une définition de la notion de «torture des enfants» serait utile, notamment pour déterminer si elle vise les châtiments corporels infligés aux enfants à l’école ou dans la famille, qui ne sont pas punis par la loi.

33.En ce qui concerne les restrictions et les mesures de contrainte auxquelles peuvent être soumis les patients nécessitant des soins de santé mentale, Mme Sveaass souhaiterait des informations, y compris des statistiques, sur la pratique de l’État partie en matière d’hospitalisation psychiatrique non volontaire. Elle voudrait également savoir si les personnes internées de force ont accès à des mécanismes de plainte et si leurs conditions de vie font l’objet d’une surveillance indépendante. L’absence de loi définissant la violence familiale en tant qu’infraction passible de sanctions pénales est contraire à l’obligation qu’impose l’article 2 de la Convention à l’État partie de prendre des mesures législatives efficaces pour empêcher que des actes de torture ou des mauvais traitements soient commis sur son territoire. L’État partie envisage-t-il d’adopter une loi érigeant la violence familiale en infraction pénale? Il serait également intéressant de savoir s’il existe des structures pour accueillir et aider les femmes victimes de violences et, dans le cas contraire, si des mesures sont prévues pour améliorer la situation dans ce domaine. Des informations sur les mesures législatives prises pour lutter contre la traite des êtres humains seraient également utiles.

34.Le Comité a reçu des allégations préoccupantes selon lesquelles des personnes transgenres auraient été arrêtées arbitrairement par la police et soumises à des traitements inhumains ou dégradants pendant leur détention. La délégation pourra peut-être commenter ces allégations et indiquer si des mesures sont prises pour protéger ces personnes contre la violence et les préjugés dont elles font l’objet. Il faudrait également savoir si l’État partie envisage d’abroger les dispositions qui érigent l’homosexualité en infraction.

35.M. Wang Xuexian croit comprendre que la Convention, qui a force de loi en vertu de l’article 70 de la Constitution, est directement applicable par les tribunaux mais voudrait en avoir confirmation. Il souhaiterait également être sûr qu’en cas de conflit la Convention l’emporte sur la législation nationale, en particulier en ce qui concerne la définition de la torture. Dans le cadre de l’Examen périodique universel, l’État partie s’est engagé à adopter une loi sur les employés de maison étrangers qui garantisse leurs droits conformément aux normes internationales relatives aux droits de l’homme. Un projet de loi a été établi dans ce sens, qui ne libère cependant pas totalement les employés de maison étrangers du système actuel de la Kafala. Il serait donc souhaitable que l’État partie revoie le projet de façon à renforcer la protection des droits de ces travailleurs et l’adopte au plus vite.

36.Mme Gaer regrette le manque de renseignements sur les circonstances des affaires de torture qui ont été portées devant la justice et sur les jugements rendus et espère que la délégation pourra apporter des données complémentaires à ce sujet. Les personnes en détention provisoire ont le droit de s’entretenir en privé avec leur avocat mais doivent obtenir au préalable l’autorisation écrite du Bureau du Procureur général ou du magistrat chargé de l’enquête. Si des statistiques récentes existent à ce sujet, il serait intéressant de connaître le nombre de demandes d’autorisation qui ont été présentées par des personnes en détention provisoire et le nombre de demandes auxquelles il a été fait droit. D’après les chiffres donnés dans le rapport, 152 femmes sont actuellement incarcérées en application d’un jugement définitif et 72 sont en détention provisoire. Il serait intéressant de savoir s’il s’en trouve parmi elles qui sont détenues en rapport avec des actes contraires à la Convention, où ces femmes sont détenues, et s’il est veillé à ce que le personnel chargé de leur surveillance soit exclusivement de sexe féminin.

37.À propos du système d’auto-inspection des établissements pénitentiaires, Mme Gaer souhaiterait savoir combien d’inspections le Directeur des prisons a effectuées au cours des trois dernières années de la période couverte par le rapport, combien de plaintes de détenus il a reçues, combien ont été jugées suffisamment sérieuses pour être examinées et quelle suite leur a été donnée. Si des plaintes pour violences sexuelles mettant en cause des agents pénitentiaires ont été examinées, il serait intéressant de savoir si elles ont débouché sur des poursuites et, le cas échéant, sur des condamnations. La délégation pourra peut-être commenter le cas de M. Mohamed Ghazi Al-Maymuni Al-Matiri, qui selon un rapport d’une ONG aurait été torturé au chalumeau et sodomisé pendant sa détention par des agents des services de la sécurité de l’État, et serait décédé lors de son transfert à l’hôpital en janvier 2011. L’affaire a suscité une vive controverse qui a contraint le Ministre de l’intérieur à démissionner et une vingtaine de personnes ont été traduites en justice à la suite des investigations du parquet. Il serait intéressant de savoir quels étaient les chefs d’accusation, si la torture en faisait partie, et quels textes de loi ont été invoqués. La délégation pourra peut-être également indiquer à quel stade en est la procédure et si des condamnations ont été prononcées.

38.Mme Gaer demande si les châtiments corporels tels que la flagellation et la lapidation sont interdits par le Code pénal. La Rapporteuse spéciale sur la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les enfants, a demandé à effectuer une visite au Koweït. L’État partie a-t-il accepté sa demande? D’après un rapport de 2011 du Département d’État des États-Unis, les étrangers, notamment les asiatiques et les personnes originaires de pays arabes autres que les pays du Golfe, sont particulièrement exposés aux violences policières, de même que les personnes transgenres. Des enquêtes auraient été ouvertes sur des incidents de ce type mais leurs conclusions n’ont pas été rendues publiques. La délégation aura peut-être des informations à communiquer au Comité à ce sujet. La nouvelle loi sur le travail dans le secteur privé vise entre autres à lutter contre les pratiques illégales en matière d’emploi, ce qui est une excellente chose, mais il semble qu’elle ne soit pas applicable aux quelque 500 000 employés de maison qui vivent dans le pays. Il serait intéressant de savoir pour quelle raison cette catégorie de travailleurs est exclue du bénéfice de la loi et ce que l’État partie envisage de faire pour y remédier. Il est fréquent que les personnes pour lesquelles travaillent des employés de maison étrangers confisquent leurs passeports pour les empêcher de s’enfuir. En dehors d’un décret interdisant aux employeurs de garder les passeports de leurs employés, qui n’est pas encore entré en vigueur, quelles autres mesures sont prises pour lutter contre cette pratique?

39.Le Président note avec satisfaction que la loi impose aux médecins l’obligation de signaler aux autorités tous les cas de mineurs victimes de mauvais traitements qu’ils pourraient être amenés à constater dans le cadre de leur pratique. Il serait intéressant de connaître le nombre de cas dont les autorités ont été informées par ce biais et les mesures qui se sont ensuivies. Que l’État partie applique un moratoire de fait sur les exécutions depuis 2007 est certes encourageant, mais les dispositions du Code pénal qui prévoient l’application de la peine de mort n’en demeurent pas moins en vigueur. Le Président souhaiterait connaître les termes exacts dans lesquels sont définis les cas où la peine de mort est applicable. Une copie des dispositions pertinentes serait utile.

40.En 2009, 1 624 plaintes pour mauvais traitements émanant de travailleurs étrangers ont été enregistrées. Il serait intéressant de savoir combien d’entre elles ont débouché sur une procédure judiciaire et si les victimes ont été indemnisées. Des exemples détaillés de cas où des victimes de torture ou de mauvais traitements ont été indemnisées en application du droit à réparation prévu par l’article 14 de la Convention seraient particulièrement utiles. Une ONG a porté à la connaissance du Comité le cas de M. Alaa Ahmed As-Sayed Muhamad, arrêté par la police en janvier 2010 pour le viol et le meurtre présumés d’une jeune fille pakistanaise. Il aurait reconnu les faits sous la torture, mais a été innocenté par la suite après que la victime présumée est réapparue et a déclaré ne l’avoir jamais rencontré. Il serait intéressant d’entendre la délégation sur ces allégations.

41.Le Président dit que la première partie du dialogue avec l’État partie touche à sa fin et que les membres du Comité entendront avec intérêt les réponses que la délégation apportera à leurs questions à une séance ultérieure.

42.M. Razooqi (Koweït) remercie les membres du Comité pour leurs nombreuses questions, auxquelles la délégation s’efforcera de répondre à la prochaine séance consacrée au dialogue avec le Comité.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 12 h 15.