NATIONS UNIES

CAT

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/SR.8149 mai 2008

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Quarantième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*DE LA 814e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mercredi 30 avril 2008, à 10 heures

Président: M. GROSSMAN

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Cinquième rapport périodique de la Suède (suite)

La séance est ouverte à 10 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 7 de l’ordre du jour) (suite)

Cinquième rapport périodique de la Suède (HRI/CORE/1/Add.4/Rev.1; CAT/C/SWE/5; CAT/C/SWE/Q/5; réponses écrites de l’État partie (document sans cote distribué en anglais seulement))

1. Sur l ’ invitation du Président, la délégation suédoise repr end place à la table du Comité.

2.M.EHRENKRONA (Suède), répondant à la question relative à l’incorporation dans le droit pénal d’une disposition érigeant la torture en infraction spécifique, dit que la délégation suédoise a pris bonne note des observations du Comité et du contenu du rapport de la Croix‑Rouge suédoise, mais que la position de la Suède demeure inchangée sur ce point.

3.Concernant la question de savoir si les souffrances psychologiques sont couvertes par les dispositions du Code pénal réprimant les éléments constitutifs de la torture, M. Ehrenkrona rappelle que, comme indiqué dans le rapport initial (CAT/C/5/Add.1, par. 33 à 35), la définition des infractions qui participent de la torture vise également les souffrances psychologiques, en particulier la définition des violences et voies de fait (art. 5 du chapitre 3 du Code pénal).

4.À propos des méthodes d’interrogatoire, l’article 12 du chapitre 23 du Code de procédure pénale prévoit notamment que l’enquêteur a l’interdiction de recourir à la force et aux menaces pour obtenir des aveux du suspect, que la durée de l’interrogatoire ne doit pas être excessive et que la privation de nourriture et de sommeil est prohibée. La violation de ces dispositions constitue une faute professionnelle (neglect of duty) et, si les actes commis sont graves, ils tombent sous le coup des dispositions du Code pénal.

5.En ce qui concerne les circonstances de l’expulsion de M. Alzery et M. Agiza, deux ressortissants égyptiens qui avaient saisi respectivement le Comité des droits de l’homme et le Comité contre la torture (CCPR/C/88/D/1416/2005 et CAT/C/34/D/233/2003) et qui ont été éloignés du territoire suédois, l’Ombudsman parlementaire a sévèrement critiqué les méthodes utilisées par la police lorsqu’elle a escorté ces deux personnes à l’aéroport de Bromma, mais il n’a pas fait de démarche tendant à porter l’affaire devant les tribunaux, probablement parce que le Procureur général avait fait savoir que, selon lui, les fonctionnaires de police concernés n’avaient pas commis d’infraction et qu’il n’y avait donc pas lieu d’intenter des poursuites pénales contre eux. En tout état de cause, aucun obstacle juridique ne s’oppose à l’ouverture d’une enquête sur les circonstances de l’expulsion de M. Alzery et M. Agiza. Pour ce qui est de l’interprétation que fait le Comité de l’article 14 de la Convention dans ces deux affaires, le Gouvernement suédois est d’avis que l’obligation d’indemniser les victimes de torture incombe à l’État dont les agents ont commis les violations et, en l’espèce, M. Agiza et M. Alzery n’ont pas été torturés par des fonctionnaires suédois, raison pour laquelle le Chancelier de justice a été chargé d’examiner la possibilité d’accorder à ces deux personnes une réparation à titre gracieux. La délégation suédoise n’est pas en mesure de prévoir quand les autorités compétentes rendront leur décision à ce sujet. En ce qui concerne le réexamen en dernier recours des demandes de permis de séjour présentées par les intéressés, un certain nombre de questions doivent encore être réglées avant que le Gouvernement suédois puisse rendre sa décision. En particulier, les dernières observations du conseil de M. Alzery ne lui sont pas encore parvenues. La Suède n’établit pas de statistiques ventilées par sexe ou orientation sexuelle car les autorités considèrent qu’une telle distinction risque de créer des discriminations. En outre les tribunaux des migrations sont actuellement saisis d’un nombre important d’affaires dans lesquelles une violation de l’article 3 de la Convention a été invoquée pour contester un arrêté d’expulsion ou pour demander le statut de réfugié. Toutefois, la délégation n’est pas en mesure de donner des chiffres précis à ce sujet. Enfin, d’après les statistiques de la population carcérale, on ne recense aucun détenu condamné à une peine d’emprisonnement pour avoir commis ou laissé commettre des actes de torture. En ce qui concerne les rapports sur la situation des droits de l’homme établis par les ambassades de Suède à l’étranger, en vertu du principe de la libre appréciation des éléments de preuve, l’exactitude du contenu de ces rapports peut être remise en cause par les demandeurs d’asile pendant la procédure d’examen de leur dossier. La loi ne contient aucune disposition empêchant que les fonctionnaires ou les particuliers qui ont participé à l’élaboration de ces rapports ne soient entendus dans le cadre d’une procédure d’asile. Toutefois, lorsque le demandeur d’asile est originaire d’un pays où la situation des droits de l’homme est particulièrement critique, il vaut mieux éviter que les particuliers (avocats, membres d’organisations non gouvernementales locales) qui ont fourni des informations sensibles ne participent à la procédure afin de prévenir des représailles. Le personnel des ambassades reçoit une formation en matière de droits de l’homme et, dans les pays où la situation est problématique, il collabore avec les fonctionnaires des organes locaux des migrations dans le cadre de l’examen d’affaires relevant de leur domaine de compétence. Cette méthode est généralement appliquée pour le traitement des demandes émanant de ressortissants de pays d’Asie et du Moyen‑Orient. En ce qui concerne la question de savoir d’où provenaient les informations obtenues par l’ambassade de Suède à Ankara sur la situation des droits de l’homme en Azerbaïdjan, la délégation suédoise n’est pas en mesure d’indiquer quelle était la source de ces renseignements. Enfin, à propos des modifications apportées à la législation, la notion d’«affaires relevant de la sécurité» n’est nullement une innovation puisqu’elle figurait déjà dans l’ancienne loi sur les étrangers; c’est la procédure suivie dans ce type d’affaire qui constitue une nouveauté. La nouvelle loi sur les étrangers et la loi sur le contrôle spécial concernant les étrangers ne sont pas appliquées de manière discriminatoire et, à ce jour, aucun élément ne permet d’affirmer le contraire.

6.MmeKELT (Suède) dit à propos de la prescription dans les affaires de torture que, d’après la tradition juridique suédoise, toutes les infractions sont prescriptibles, le délai de prescription étant calculé en fonction de la peine maximale encourue. Toutefois, des recommandations tendant à établir l’imprescriptibilité de certaines infractions graves telles que le meurtre et le terrorisme sont à l’étude.

7.La délégation ne peut pas donner des statistiques sur le nombre de plaintes et de procédures relatives à des brutalités policières car en Suède il n’y pas de classification selon la profession du suspect. Toutefois, d’après les statistiques établies par son service chargé des questions disciplinaires, en 2006, le Conseil national de la police a été saisi de 74 plaintes, dont 89 ont été classées sans suite (ce chiffre englobant également des plaintes présentées en 2005), 7 ont été examinées et rejetées, 7 ont abouti à des retenues de salaire et 18 à un avertissement. Le rapport Summa Summarum mentionné dans les réponses écrites (question 25), qui contient des propositions concernant la création d’un organe indépendant habilité à mener des enquêtes sur les violations commises par la police, a été distribué à toutes les autorités compétentes afin qu’elles formulent leurs observations. Le Gouvernement suédois a prévu de demander au Conseil national de la police de réfléchir aux moyens de créer un tel organe et de lui rendre compte de ses travaux.

8.Pour ce qui est du placement à l’isolement, Mme Kelt précise que cette mesure ne peut être ordonnée que par les hauts fonctionnaires de l’administration pénitentiaire, généralement le directeur du centre de détention, et seulement lorsque le maintien de l’ordre et de la sécurité au sein de l’établissement l’exige. Dans 55 % des cas, la durée du placement à l’isolement ne dépasse pas deux jours et, dans 80 % des cas, elle est inférieure à quatre jours.

9.Répondant aux questions relatives à la possibilité pour les suspects de communiquer avec un conseil, Mme Kelt rappelle que, comme l’a indiqué la délégation dans sa déclaration liminaire, une nouvelle loi renforçant ce droit est entrée en vigueur en avril 2008, concrétisant ainsi l’une des recommandations formulées par le Comité pour la prévention de la torture (CPT) du Conseil de l’Europe après la visite qu’il a effectuée en 2003 en Suède. En vertu de ce nouveau texte, toute personne interrogée par la police − qu’il s’agisse d’un suspect, d’un témoin, d’une victime ou d’une personne qui n’est pas soupçonnée par les autorités d’une infraction − a désormais droit à l’assistance d’un conseil pendant son interrogatoire. Conformément à une autre recommandation du CPT, des mesures ont été prises afin de garantir que les suspects puissent informer leurs proches de leur arrestation aussitôt que possible. Si l’enquêteur a des raisons de penser que la communication avec l’extérieur est susceptible de faire obstacle à l’enquête, il peut décider de différer le moment où le suspect pourra prendre contact avec ses proches. Si le suspect juge la mesure injustifiée, il peut la contester auprès de l’Ombudsman parlementaire ou d’un supérieur hiérarchique de l’enquêteur. Enfin, les suspects qui ne maîtrisent pas le suédois bénéficient des services d’un interprète.

10.MmeDRAKENBERG (Suède) dit qu’elle répondra aux questions relatives à la situation des enfants. À propos des mineurs non accompagnés qui demandent l’asile et des enfants victimes de la traite, le Gouvernement suédois n’a pas adopté de plan d’action global de lutte contre la traite d’enfants mais des chefs de groupes criminels organisés qui se livraient à la traite d’enfants ont été arrêtés, poursuivis et jugés et, depuis, le nombre de mineurs non accompagnés demandant l’asile en Suède a diminué, en particulier les mineurs originaires de Chine.

11.Concernant l’application de mesures privatives de liberté à l’égard de mineurs étrangers, Mme Drakenberg souligne que dans la loi sur les étrangers le nombre de motifs justifiant la détention d’enfants est très restreint et que les conditions régissant leur placement en détention sont extrêmement strictes. De plus, les autorités ont l’obligation d’examiner chaque affaire individuellement afin de déterminer si la privation de liberté ne pourrait pas être remplacée par d’autres mesures. En effet, dans les dispositions de la loi sur les étrangers qui concernent les enfants, une importance considérable est accordée à leurs besoins en matière de santé, à leur développement et au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant. Conformément aux dispositions de la loi, toute décision de placement en détention peut être contestée devant les tribunaux des migrations et la durée maximale de la détention de mineurs est de soixante‑douze heures, période qui peut être prolongée de soixante‑douze heures dans des circonstances exceptionnelles. Afin de déterminer les causes de la forte incidence de cas de mineurs demandeurs d’asile présentant un comportement de retrait relationnel prononcé, le Gouvernement suédois a chargé un coordonnateur national de mener une étude sur ce phénomène. L’étude n’a pas permis de déterminer l’origine de ce problème, mais elle a du moins permis de recueillir les statistiques suivantes: en 2005, le nombre d’enfants présentant ces symptômes s’établissait à 182, contre 22 en 2006. En 2008, on ne recensait plus aucun cas de ce type dans le pays. Le Gouvernement continue néanmoins de suivre la situation de près.

12.M. EHRENKRONA (Suède) dit que les organes du pouvoir exécutif jouissent d’une grande indépendance lorsqu’ils examinent des affaires individuelles et, en ce sens, leur statut se rapproche de celui des organes judiciaires. En outre, comme la Suède applique le système dualiste, les instruments internationaux n’ont pas automatiquement force de loi et doivent être transformés en une ou plusieurs lois nationales ou être incorporés dans une loi existante ou un nouveau texte. Ils peuvent être intégrés tels quels dans la législation suédoise, par l’adoption d’une loi qui en dispose ainsi. Lorsque la Suède envisage d’adhérer à un nouvel instrument, les autorités compétentes procèdent à une révision de la législation afin de rechercher d’éventuelles incompatibilités. Si elles en découvrent, des modifications sont apportées à la législation interne ou une nouvelle loi établissant que l’instrument a le statut de loi nationale est promulguée. En outre, conformément au principe jurisprudentiel dit de «l’interprétation conforme aux traités», qui a été consacré par la Cour suprême dans plusieurs arrêts, lorsqu’un texte de droit interne est susceptible de donner lieu à plusieurs interprétations, les tribunaux doivent opter pour celle qui est la plus conforme aux obligations internationales souscrites par la Suède. S’il est exact que les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ratifiés par la Suède n’ont pas été incorporés dans le droit interne, leur essence est au cœur même de la législation suédoise et les justiciables peuvent demander aux tribunaux de veiller à ce que l’interprétation des règles de droit interne applicables soit conforme aux prescriptions des traités dûment ratifiés. Ils peuvent également invoquer les dispositions de la Convention contre la torture devant les tribunaux et soulever la question de la conformité de la loi concernée, ou de son application, avec cet instrument.

13.Pour ce qui est de la violence sexuelle, question que la Suède considère comme particulièrement importante, le Comité contre la torture n’est sans doute pas l’organe privilégié pour traiter la question, qui relève davantage du mandat du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, et a fait l’objet d’un débat lors de l’examen des quatrième et cinquième rapports périodiques de la Suède. Il en va de même pour les questions relatives à la discrimination dont l’examen incombe en premier lieu au Comité pour l’élimination de la discrimination raciale. Cela étant, la délégation ne manquera pas de faire parvenir ultérieurement au Comité des renseignements complémentaires sur le plan d’action adopté par le Gouvernement suédois pour lutter contre la discrimination à l’égard des femmes.

14.En ce qui concerne l’extradition des étrangers titulaires d’un permis de séjour, il faut bien voir qu’un tel permis n’est pas en tant que tel une garantie contre l’extradition. Toutefois, lorsque le permis de séjour a été accordé afin de protéger l’intéressé contre la torture, cet élément est pris en considération dans l’examen de la demande d’extradition visant l’intéressé et il n’est en aucun cas possible d’extrader un individu lorsqu’il y a des motifs sérieux de croire que celui-ci serait passible de la peine capitale dans son pays d’origine.

15.MmeDRAKENBERG (Suède), répondant à une question sur les différents motifs d’octroi du permis de séjour, note qu’en plus des dispositions relatives à la protection des réfugiés, la nouvelle loi sur les étrangers, qui est entrée en vigueur le 31 mars 2006, prévoit qu’un tel permis peut être délivré en cas de «circonstances alarmantes». Ces circonstances doivent être évaluées à la lumière du risque de torture encouru par le requérant, de sa situation dans son pays d’origine ou encore de son état de santé. Pour ce qui est des différents types de permis de séjour susceptibles d’être accordés par les autorités suédoises, il convient de préciser que les demandeurs d’asile protégés au bénéfice d’une protection obtiennent le statut de résident permanent mais que des permis de séjour temporaires, renouvelables, peuvent être délivrés lorsqu’il y a des doutes sur la compatibilité du mode de vie probable du requérant avec le mode de vie suédois. Des renseignements détaillés sur les dispositions de la loi de 2005 sur les étrangers figurent sur le site Web du Gouvernement, à l’adresse indiquée par l’État partie dans ses réponses écrites à la question no 4.

16.MmeKELT (Suède) dit qu’il n’y a pas de statistiques officielles sur les restrictions imposées aux détenus en attente de jugement. Toutefois, des enquêtes indépendantes montrent que 40 à 50 % d’entre eux seraient frappés par de telles mesures. Une commission a été instituée en vue de rechercher des solutions à ce problème et le Gouvernement a en outre ordonné aux services du Procureur général de recenser le nombre de cas dans lesquels des restrictions avaient été imposées en 2008. La Suède sera donc en mesure de fournir prochainement au Comité des statistiques officielles sur la question. Les enregistrements des interrogatoires de police ne sont utilisés que dans le cadre de l’enquête préliminaire sur des actes de violence sexuelle commis sur mineurs de 15 ans parce que généralement les mineurs ne comparaissent pas devant les tribunaux. Ces interrogatoires sont menés par des fonctionnaires de police spécialement formés à cet effet et par des personnels des services sociaux. Les enregistrements peuvent être utilisés en tant que moyens de preuve devant le tribunal qui a toute latitude pour en apprécier la force probante. Pour ce qui est des interrogatoires menés par les services secrets, il n’y a pas de différence car dans la conduite des enquêtes, les services de police ordinaire et les services secrets sont assujettis aux mêmes règles.

17.MmeDRAKENBERG (Suède) dit que la durée maximale de la rétention des demandeurs d’asile n’est pas fixée par la loi administrative. Toutefois, les tribunaux des migrations sont tenus de traiter en priorité les demandes d’asile. La légalité et la justification du maintien en rétention sont contrôlées régulièrement par l’autorité ayant ordonné le placement. La rétention des enfants demandeurs d’asile en revanche ne peut pas excéder une certaine durée. En ce qui concerne la procédure d’examen de demande d’asile proprement dite, c’est au requérant et à son conseil de prouver qu’il y a eu acte de torture et, pour ce faire, ils peuvent produire des certificats médicaux attestant l’existence de lésions et établissant qu’elles peuvent être le résultat d’actes de torture. En revanche le requérant n’a pas à produire de tels certificats pour montrer l’existence d’un risque futur d’être soumis à la torture, que les autorités compétentes peuvent considérer comme établi sur le seul fondement des faits rapportés par le requérant. En outre, les fonctionnaires du Conseil suédois des migrations sont tous tenus de suivre un programme d’éducation qui porte sur l’ensemble des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Le personnel recruté récemment par le Conseil des migrations est titulaire de diplômes universitaires en droit international public et en droit international des droits de l’homme. En 2007, des enseignements sur les questions relatives à la torture, y compris sur la réglementation applicable aux auteurs d’actes de torture, ont été dispensés par le Conseil des migrations avec l’appui de la Croix‑Rouge suédoise et du Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Enfin la loi de 2005 sur les étrangers a été modifiée en 2006 et le droit d’asile peut désormais être accordé aux personnes ayant subi des actes de persécution fondés sur le sexe ou sur l’orientation sexuelle.

18.M.EHRENKRONA (Suède) ajoute qu’en février 2008, la Suède a signé la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, qu’elle a l’intention de ratifier. Cela nécessitera toutefois un examen préalable approfondi de la législation suédoise, de sorte qu’il est encore trop tôt pour avancer une date.

19.Le PRÉSIDENT (Rapporteur pour la Suède) remercie la délégation suédoise de ses renseignements complémentaires. En ce qui concerne l’incorporation dans le droit pénal d’une infraction spécifique de torture, la position du Comité, qui considère que le crime de torture est d’un point de vue qualitatif distinct des autres formes de violences et d’agression, est clairement exposée dans les directives générales concernant l’établissement des rapports et elle est appuyée par la doctrine. Le Comité considère aussi que le crime international de torture est imprescriptible et attend donc avec intérêt les résultats du débat sur la possibilité d’établir l’imprescriptibilité de certaines infractions graves qui est en cours en Suède, comme l’a signalé la délégation.

20.Si le Comité demande aux États parties des statistiques c’est pour avoir une idée de la réalité dans la pratique. Certes on peut objecter que des données sur l’orientation sexuelle relèvent de la vie privée mais il existe des méthodes de collecte qui garantissent le respect de la vie privée. Des statistiques permettent au Comité de constater, par exemple, quelle application est faite du principe du non‑refoulement énoncé à l’article 3 de la Convention, dans le cas d’une femme qui a subi des mutilations génitales ou encore dans le cas d’homosexuels qui risquent d’être persécutés.

21.Enfin, M. Grossman note que, dans l’affaire Agiza (communication no 233/2003), l’État partie indique avoir versé à M. Agiza une indemnisation à titre gracieux alors que la décision du Comité ne le prévoyait pas explicitement. Sans l’avoir expressément demandé, le Comité n’avait pas exclu le versement d’une indemnité au requérant.

22.M.WANG Xuexian (Corapporteur pour la Suède) remercie la délégation de ses réponses à la fois franches et concises et voudrait des précisions sur la question de la recevabilité à titre de preuve d’aveux obtenus sous la torture car il n’est pas certain d’avoir bien compris les explications de la délégation à ce sujet. L’interdiction de l’utilisation d’aveux obtenus sous la torture énoncée dans la Convention est absolue, de sorte que les tribunaux doivent écarter des aveux obtenus sous la torture, et n’ont pas de latitude. Il serait utile que la délégation précise si l’exclusion d’aveux obtenus sous la torture est automatique et non pas simplement possible.

23.L’État partie considère que les actes de violence à motivation sexiste sont trop éloignés de l’objet et du but de la Convention contre la torture pour relever de la compétence du Comité contre la torture; le Comité a clairement exprimé la position inverse dans son Observation générale no 2 du 24 janvier 2008 sur l’application par les États parties de l’article 2 de la Convention (CAT/C/GC/2) après avoir sollicité au préalable les vues des États parties sur la question. Les observations générales adoptées n’ont pas force obligatoire mais il n’en reste pas moins qu’aux yeux du Comité, les États parties sont tenus de prévenir les actes de violence sexiste en application de la Convention. La délégation pourrait-elle présenter ses observations à ce sujet?

24.M.EHRENKRONA (Suède) dit, à propos de la recevabilité à titre de preuve d’aveux obtenus sous la torture, que la Suède applique le principe de la liberté des moyens de preuve, qui va de pair avec la libre appréciation de la preuve. Il est évident que, même s’il n’existe pas de disposition excluant expressément des aveux obtenus sous la torture, aucun tribunal ne retiendra des aveux obtenus de cette manière. Le Comité interprète les dispositions de la Convention dans le contexte de l’examen des rapports périodiques et des requêtes émanant de particuliers et en élaborant des observations générales. La Suède accorde la plus grande attention à ces interprétations mais ne considère pas qu’elle est tenue de les adopter, comme elle le serait s’il s’agissait d’un tribunal.

25.MmeGAER rappelle qu’une des principales missions du Comité est de prévenir la survenance d’actes de torture dans les États parties à la Convention et voudrait davantage de précisions sur les nouvelles dispositions légales qui autorisent la police à différer le moment auquel toute personne gardée à vue peut communiquer avec un conseil, un médecin ou ses proches. La délégation pourrait-elle en particulier préciser si une telle décision fait l’objet d’un contrôle? Convaincue que l’État partie ne conteste pas que la violence contre les femmes équivaut dans certaines circonstances à un acte de torture et eu égard au rôle de chef de file que celui‑ci joue dans la lutte contre la violence contre les femmes, Mme Gaer dit qu’elle serait étonnée que la Suède fasse valoir que les sévices sexuels dont sont victimes les femmes, le viol, les mutilations génitales féminines et autres pratiques traditionnelles néfastes, la traite ou encore la prostitution forcée ne relèvent pas de la compétence du Comité, dont la mission est de combattre la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Étant donné que l’État partie avance que les organes conventionnels ont chacun un domaine de compétence propre auquel ils doivent se cantonner, elle voudrait savoir quel Comité devrait selon lui examiner la question du viol d’une migrante mineure dans le cadre d’un conflit comme armé par exemple, ou encore la question de la pratique du viol utilisé comme arme de guerre. La force du système des droits de l’homme réside précisément dans le fait que les principes que chaque organe conventionnel est chargé de faire respecter s’appliquent indifféremment à toutes les personnes, quel que soit leur sexe, leur âge, leur nationalité, leur origine nationale ou ethnique, leur couleur, leur situation personnelle ou autre, et invite l’État partie à revoir sa position à ce sujet.

26.M. EHRENKRONA (Suède) répond qu’à des fins d’efficacité, il faut éviter que les activités des différents organes conventionnels se chevauchent. Les questions posées par les membres du Comité relèvent pour certaines du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et pour d’autres du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, mais il va de soi que, dans certains cas, la violence contre les femmes équivaut à un acte de torture, notamment lorsque les actes incriminés sont perpétrés par un État qui n’a manifestement aucune volonté de combattre ce phénomène sur son territoire. Le Gouvernement suédois n’entend nullement fermer les yeux sur un problème aussi grave, au contraire: en veillant à ce que le mandat de chaque organe conventionnel soit bien défini, il espère garantir l’efficacité du système de surveillance de l’application des instruments. Pour ce qui est du recours au viol comme arme de guerre ou lors de conflits armés, ou encore des viols perpétrés dans des établissements pénitentiaires, le droit humanitaire peut s’appliquer au même titre que le droit des droits de l’homme.

27.MmeKELT (Suède) dit qu’une nouvelle loi, entrée en vigueur le 1er avril 2008, prévoit que les proches d’une personne détenue dans les locaux de la police doivent être prévenus dès le début de sa garde à vue, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent. Cette loi n’impose pas de prévenir la famille par écrit, d’autant que dans la plupart des cas le courrier arriverait de toute façon après la remise en liberté de l’intéressée. Le fait d’aviser la famille peut entraver le bon déroulement de l’enquête lorsqu’il s’agit d’une fraude fiscale dans une entreprise familiale par exemple, car les proches pourraient soustraire des preuves à charge avant que la police n’ait le temps de faire une perquisition. La loi est en vigueur depuis trop peu pour qu’on puisse en évaluer les effets et dire si concrètement elle a permis de raccourcir le délai écoulé entre le placement en garde à vue et le moment où les proches sont prévenus.

28.MmeBELMIR dit que d’après des informations fournies en 2006 par des associations dignes de foi, les conditions de détention dans les locaux de la police ne se sont pas améliorées depuis les conclusions critiques publiées en 2003 par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, comme l’atteste un taux toujours élevé de décès en détention. Il est urgent que l’État partie prenne des mesures dans le domaine de la formation des membres des forces de l’ordre. Elle se demande si cette situation tient à l’insuffisance de la loi dans ce domaine, à l’inobservation des normes existantes ou à l’absence de contrôle. En outre, elle voudrait savoir qui a été consulté dans le cadre de l’élaboration du document d’information énonçant les droits des personnes détenues mis au point par le Conseil national de la police et le bureau du Procureur général.

29.Mme Belmir regrette que la définition de l’enfant contenue dans le Code pénal ne soit pas conforme aux prescriptions de la Convention relative aux droits de l’enfant et que la pédopornographie ne soit pas visée par cet instrument. L’État partie devrait en outre veiller à accorder davantage d’importance à la prise en charge des mineurs en conflit avec la loi.

30.MmeSVEAASS dit qu’elle croit comprendre qu’en droit suédois, c’est au demandeur d’asile qui a été victime de torture qu’il appartient de faire constater l’existence de lésions par un médecin légiste, même si ces lésions ont été notées par le médecin qui a effectué l’examen de routine prévu dans le cadre de la procédure d’examen de la demande d’asile.

31.Il serait utile d’avoir un complément d’information sur le sort des très nombreux enfants demandeurs d’asile non accompagnés qui ont disparu des unités spéciales pour enfants privés de représentants légaux du Conseil suédois des migrations ainsi que sur la suite donnée aux conclusions de l’enquête approfondie concernant des allégations de mauvais traitements dont aurait été victime en juillet 2003 un prisonnier congolais dans un camp des forces de l’Union européenne déployées en République démocratique du Congo lors de l’opération Artémis. Des informations plus précises sur ce qu’il est advenu du haut fonctionnaire suédois qui n’a pas informé immédiatement sa hiérarchie serait également bienvenues.

32.M.MARIÑO MENÉNDEZ dit que le Comité reçoit beaucoup de plaintes portant sur des griefs de violation de l’article 3 de la Convention, ce qui est un corollaire de la politique d’accueil généreuse de l’État suédois. Souvent ces requêtes ne satisfont pas aux critères de recevabilité mais on peut imaginer que derrière une requête juridiquement irrecevable il y ait une situation dramatique du point de vue humanitaire. Le Comité, ne pouvant pas faire jouer la protection assurée par l’article 3, pourrait recommander à l’État suédois d’appliquer les dispositions de sa nouvelle loi sur les étrangers qui prévoient l’octroi d’une protection à titre humanitaire. M. Mariño Menéndez voudrait savoir si l’État suédois verrait dans une telle recommandation une atteinte à sa souveraineté, une ingérence indue ou un dépassement du mandat du Comité. Cette réflexion s’inscrit dans le débat relatif aux domaines de compétence des différents organes conventionnels dont l’État partie est soucieux de préserver la spécificité. Or, chaque Comité détermine les obligations des États parties et rien n’empêche que les obligations qui découlent d’un instrument soient les mêmes que celles qui découlent d’un autre. Il n’y a donc pas lieu de craindre des doubles emplois mais il faut au contraire tirer partie de l’interpénétration des droits garantis dans les différents instruments, dans le but commun d’assurer la plus grande protection possible de tous.

33.M. GAYE souhaite revenir sur la question de l’incrimination de la torture. Étant donné que la Convention n’a pas été incorporée dans le droit interne il voudrait savoir s’il existe une norme de la loi qui s’oppose objectivement à l’intégration de l’incrimination de la torture dans le droit interne.

34.En ce qui concerne l’arrestation de personnes par les services répressifs, il semble que certaines garanties fondamentales, comme la présence d’un avocat, ne sont obligatoires que quand l’intéressé devient suspect. Il faudrait donc savoir quelle est l’autorité qui détermine que l’intéressé est suspect et s’il existe des dispositifs de contrôle.

35.MmeDRAKENBERG(Suède) dit, en réponse à Mme Sveaass, que tous les demandeurs d’asile ont le droit de voir un infirmier, mais seulement s’ils le souhaitent. Si pendant la consultation un demandeur d’asile se plaint d’avoir été victime d’actes de torture ou s’il présente des lésions manifestement dues à de tels actes, l’infirmier décide si l’intéressé a besoin de soins. Cette procédure est distincte de celle qui permet à un demandeur d’asile ayant subi des mauvais traitements de se faire examiner par un médecin légiste afin de faire constater l’existence de lésions manifestement imputables à des actes de torture.

36.Un certain nombre des enfants demandeurs d’asile non accompagnés qui avaient disparu des unités spéciales pour enfants du Conseil suédois des migrations ont été retrouvés, et leurs demandes d’asile ont été traitées conformément à la loi sur les étrangers. Les autres n’ont jamais été retrouvés, et l’on peut donc imaginer qu’ils n’étaient en Suède qu’en transit et qu’ils ont rejoint un autre pays.

37.M. EHRENKRONA (Suède) dit que dans l’affaire du jeune Congolais torturé en 2003 en République démocratique du Congo, les enquêtes menées par les états‑majors français et suédois n’ont pas abouti aux mêmes conclusions. Le haut responsable suédois en poste dans le camp des forces de l’Union européenne au moment des faits a été critiqué pour ne pas avoir fait rapport aux autorités suédoises à ce sujet mais il faut savoir qu’il avait tout de même saisi de l’affaire, d’une part, sa hiérarchie et, d’autre part, le Commandant des forces armées françaises en RDC.

38.En ce qui concerne le cas où le Comité demanderait à l’État suédois d’appliquer les dispositions humanitaires de sa loi sur les étrangers, une telle recommandation n’aurait pas lieu d’être puisque cette loi contient des dispositions qui reprennent les termes de l’article 3, et que les autorités suédoises l’appliquent dans toutes les affaires d’immigration. Si le résultat de cette application est souvent contesté, cela tient à une appréciation différente des situations. De plus, pour rendre leurs décisions, les tribunaux des migrations et le Conseil des migrations s’appuient sur les recommandations formulées par le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.

39.Au sujet de l’incrimination de la torture, c’est un fait que la torture n’est pas érigée en infraction pénale spécifique mais, comme elle l’a expliqué en détail dans ses rapports précédents, la Suède considère que les dispositions pénales existantes sont suffisantes au regard de la Convention dans la mesure où les crimes qui y sont définis englobent les actes de torture.

40.Un suspect est identifié comme tel à l’issue d’une enquête de police et sur décision du procureur qui a demandé l’ouverture de l’enquête ou de l’officier de police responsable de l’enquête. Des garanties fondamentales s’appliquent dès le moment où cette décision intervient.

41.Mme KELT (Suède) dit que comme le Comité, le Gouvernement suédois est très préoccupé par le nombre élevé de décès en détention avant jugement qui a été constaté au cours des dernières années. Des mesures ont d’ores et déjà été prises pour remédier à ce problème, et d’autres sont à l’examen. Ainsi, dans les semaines à venir, une formation axée sur la prévention et la reconnaissance des troubles de la santé physique et mentale – tendances suicidaires, dépendance à l’alcool, par exemple − chez les détenus sera dispensée à tous les personnels pénitentiaires. Une équipe spéciale va être créée pour enquêter sur les soins dispensés aux détenus et sur les mécanismes en place pour prévenir les suicides. L’information n’a pas encore été confirmée, mais une enquête pénale aurait été ouverte au sujet du suicide d’un détenu survenu en février 2008 et les agents mis en cause pourraient être poursuivis.

42.La protection des droits de l’enfant a été renforcée à l’occasion de la grande réforme de la qualification pénale des infractions sexuelles qui a été entreprise en avril 2005, notamment grâce à un durcissement des peines prévues lorsque les victimes sont des enfants. Une révision de la loi sur la traite est en cours en vue de permettre la définition d’un régime de protection spéciale pour les enfants. Des dispositions visant à protéger les mineurs contre les mariages forcés sont également à l’étude. La Commission qui avait été établie pour enquêter sur la pornographie mettant en scène des enfants a achevé ses travaux à l’automne dernier. Son rapport a été distribué à toutes les autorités compétentes et servira de base à l’élaboration d’un projet de loi, que le Gouvernement souhaiterait voir finalisé le plus rapidement possible.

43.Même si elle n’est pas érigée en infraction pénale distincte, la torture est punissable sur la base de la qualification la plus grave des infractions pénales dont elle relève et qui sont assorties de lourdes peines. Quant aux délais de prescription applicables, ils sont généralement longs du fait de la gravité des infractions considérées.

44.Le PRÉSIDENT remercie la délégation pour ses réponses et l’ouverture dont elle a fait preuve dans son dialogue avec le Comité. Revenant sur le mandat du Comité, il insiste sur le fait que les domaines de compétence respectifs des organes conventionnels ne s’excluent pas mutuellement et que certaines questions ont des implications transversales qui dépassent le cadre du mandat d’un seul organe. Il est ainsi parfaitement légitime pour le Comité contre la torture de soulever la question de la discrimination fondée sur la race ou le sexe dans la mesure où celle‑ci est expressément énoncée dans la Convention au nombre des motifs possibles de l’application de la torture. Il convient par ailleurs de rappeler que l’importance des mots est capitale. Aux yeux du Comité, la torture doit être reconnue comme un crime à part entière et réprimée en tant que tel, ce que ne permet pas à l’heure actuelle le droit pénal suédois.

45.Ayant achevé l’examen du cinquième rapport de la Suède, qui a été très instructif, le Comité attend avec intérêt la poursuite de sa collaboration avec l’État suédois.

46. La délégation suédoise se retire.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 12 h 15.

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