Nations Unies

CAT/C/SR.919

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

12 janvier 2010

Original: français

Comité contre la torture

Quarante - troisième session

Co mpte rendu analytique de la 919 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 17 novembre 2009, à 15 heures

Président: M. Grossman

Sommaire

Réunion avec le Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruel, inhumains ou dégradants

Dialogue avec la Conseillère sur les droits de l’homme et le handicap auprès du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et avec l’assistance du Rapporteur spécial sur la question de la torture

La séance est ouverte à 15 h 15.

Réunion avec le Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

1.Le Président souhaite la bienvenue aux membres du Sous-Comité pour la prévention de la torture (SPT) et se félicite de cette occasion de dialoguer avec eux en vue de renforcer la coopération entre les deux organes et d’améliorer l’exercice de leur mandat respectif. La réunion, dont l’ordre du jour a été établi en commun par le Comité et le SPT, portera essentiellement sur l’application du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants («le Protocole facultatif»), la coopération entre le Comité et le SPT, le fonctionnement du groupe de travail commun aux deux organes, et l’échange d’informations.

2.En 2009, le Rapporteur spécial sur la question de la torture, le Président du SPT et le Président du Comité ont présenté tous les trois leurs rapports à l’Assemblée générale des Nations Unies, qui, dans sa résolution 63/166, a souligné l’importance de leurs travaux ainsi que la nécessité de poursuivre et renforcer leurs activités respectives et leur collaboration. Grâce aux efforts inlassables du SPT, 50 États ont déjà ratifié le Protocole facultatif, ce qui est remarquable. Il faut rappeler, à ce sujet, que le Comité, dans ses observations finales, recommande systématiquement aux États qui ne l’ont pas encore fait de signer et de ratifier le Protocole facultatif.

3.M. Rodriguez Rescia (Président du Sous-Comité pour la prévention de la torture) note avec satisfaction la présence de nombreux représentants d’organisations de la société civile, qui contribuent à faire connaître les travaux du Comité et du SPT. Il se félicite également de l’occasion qui est offerte au SPT de bénéficier des avis et des conseils du Comité au sujet de la mise en œuvre du Protocole facultatif. Étant donné que 50 États ont ratifié le Protocole facultatif, le SPT va devoir repenser la manière dont il fonctionne, puisqu’il passera de 10 à 25 membres, et résoudre un certain nombre de problèmes pratiques, notamment d’ordre budgétaire, liés à cette transition. Il devra également s’efforcer d’améliorer et de renforcer sa coopération avec le Comité mais aussi avec les ONG, les organismes régionaux et les autres organes et mécanismes des Nations Unies.

4.Le SPT a effectué sept visites en vertu du Protocole facultatif et établi un rapport pour chacune d’entre elles. Une visite est encore prévue d’ici à la fin de l’année 2009 et trois en 2010. Les États parties se sont intéressés à la manière dont il travaille avec le Comité et le Rapporteur spécial et dont il pourrait s’acquitter plus efficacement dans le cadre de son mandat. Malheureusement, les efforts sont dans une large mesure centrés sur les visites, auxquelles est consacrée une part essentielle du budget, alors que le mandat du SPT comporte d’autres activités, notamment celles prévues au paragraphe b) de l’article 11, à savoir les avis et l’assistance que le SPT doit offrir aux États parties aux fins de la mise en place des mécanismes nationaux de prévention de la torture et la formation en vue du renforcement des capacités de ces mécanismes. Le Fonds spécial créé par le Protocole facultatif pour contribuer à financer l’application des recommandations que le SPT adresse aux États parties est un autre point très important, et il faut signaler à ce sujet que l’ensemble des parties prenantes se sont réunies le jour même afin de débattre de l’allocation des contributions. À cet égard, il serait très utile que dans ses observations finales, le Comité appelle l’attention des États sur le Fonds spécial et sur la nécessité d’y contribuer.

5.M. Mariño Menéndez souhaite savoir quel bilan le SPT tire des activités du Groupe de contact du Protocole facultatif, et de l’appui qu’il reçoit de la société civile, et s’il a défini des lignes directrices pour ses travaux futurs. Il souhaite également connaître l’impression générale du SPT au sujet des mécanismes nationaux de prévention de la torture et savoir quelles sont les suites données aux recommandations que le SPT adresse aux États parties.

6.M me Gaer, relevant que le SPT a fait valoir à l’Assemblée générale que quatre visites par an n’étaient pas suffisantes et qu’il faudrait en effectuer le double, souhaite avoir des précisions sur le nombre de membres du SPT qui prennent part à ces visites, sur la manière dont les tâches sont réparties eux et sur les modalités prévues pour tenir compte de l’augmentation du nombre de membres. En ce qui concerne la coopération entre les organes existants et le renforcement de leur efficacité, elle note qu’au paragraphe 32 de la résolution 63/166, l’Assemblée générale a souligné qu’il était indispensable que le Comité, le SPT, le Rapporteur spécial et les autres instances et organes compétents des Nations Unies continuent de procéder à des échanges de vues réguliers et que la coopération se poursuive avec les programmes compétents des Nations Unies, notamment le Programme des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale, les organisations et mécanismes régionaux, le cas échéant, et les organisations de la société civile, y compris les organisations non gouvernementales. Elle souhaite savoir si le SPT a réfléchi à la manière de parvenir à un équilibre entre les exigences des États, notamment en matière de coordination et les contraintes manifestes que constituent le temps prévu pour les réunions et le financement des activités requises. Elle souhaiterait également connaître son opinion sur les chevauchements de compétence liés à l’existence de différentes formes d’examen et sur leurs incidences sur l’efficacité des activités menées pour prévenir et éradiquer la torture et les mauvais traitements.

7.En ce qui concerne le Fonds spécial, le Comité avait pour habitude de demander à chaque État partie s’il versait une contribution, mais aussi de féliciter dans ses observations finales ceux qui le faisaient, jusqu’au jour où certains ont estimé que le fait de féliciter les États, et ce, quel que soit le montant de leur contribution, risquait de compromettre l’indépendance et l’intégrité du Comité, de sorte que celui-ci a mis un terme à cette pratique. Il serait intéressant de connaître l’opinion du SPT à ce sujet.

8.Le Président, prenant la parole en tant que membre du Comité, dit qu’il lui semble préférable de dissocier la question de la contribution au Fonds spécial de l’examen des rapports des États parties, car il est délicat de reprocher à un pays, par exemple, d’extrader des personnes vers des pays où elles risquent d’être torturées puis de le féliciter d’avoir versé une contribution et de l’inviter à augmenter le montant de sa participation. Les gouvernements de certains pays, en effet, ont tendance à penser qu’il suffit de payer pour régler les problèmes dans le domaine des droits de l’homme, et ils sont prêts à le faire. Il faudrait donc trouver un moyen d’encourager les pays à contribuer au Fonds sans les porter à croire que cela les affranchit de leurs obligations.

9.M me Sveaass souhaite savoir quelles sont les attentes du SPT à l’égard du Comité car jusqu’à présent, celui-ci n’a posé aux États parties que des questions relativement simples portant sur la ratification du Protocole facultatif et la mise en place des mécanismes nationaux de prévention de la torture. Arrive cependant le moment où des États parties s’interrogent sur le type de mécanisme à adopter et les modalités de mise en œuvre, où des ONG dénoncent les dysfonctionnements de tel ou tel système, etc. Le Comité aimerait donc savoir ce qu’il doit recommander exactement et jusqu’où il peut aller dans ce domaine.

10.M me Kleopas demande dans quelle mesure les travaux du Comité influencent les décisions du SPT lorsqu’il planifie ses visites dans des pays.

11.M me Belmir dit que la montée du terrorisme dans le monde a poussé la plupart des États Membres de l’ONU à élaborer des textes pour contrecarrer ce phénomène, notamment en modifiant leurs codes pénaux et leurs codes de procédure pénale. Ceux-ci prévoient souvent un arsenal de dispositions en vertu desquelles les personnes soupçonnées de terrorisme sont détenues au secret ou mises à l’isolement pour des périodes plus ou moins longues. Il serait utile de réfléchir à la question de savoir comment le Comité et le SPT peuvent amener les États à concilier les exigences de la lutte contre le terrorisme avec les dispositions de la Convention et du Protocole facultatif.

12.M. Gallegos Chiriboga, soulignant que le nombre de ratifications du Protocole facultatif a suscité un certain optimisme dans la communauté internationale, dit que le fait que le Président du SPT et le Président du Comité se rendent tous les deux à l’Assemblée générale pour présenter leur rapport est une avancée importante, d’une part parce que cela permet d’informer les États Membres et d’inciter ceux qui ne sont pas parties à la Convention et au Protocole facultatif à ratifier ces instruments, et d’autre part, parce que cela permet de leur expliquer ce que font le Comité, le SPT et le Rapporteur spécial.

13.Faute de ressources financières et humaines suffisantes, le secrétariat du Haut-Commissariat a beaucoup de difficultés à assurer les services requis par le Comité et le SPT. Il faudrait, d’une part, qu’il mette en place une gestion plus efficace des ressources dans le cadre du budget des Nations Unies et, d’autre part, que le Comité et le SPT adoptent une position commune sur cette question pour obtenir plus facilement des résultats. Le Comité est aujourd’hui dans une situation critique; les rapports s’accumulent sans qu’il puisse les examiner malgré les nombreuses dispositions prises pour faciliter le processus de présentation des rapports, et il faut réfléchir individuellement et collectivement à ce problème. Si l’on veut accroître l’efficacité, il faut alléger un système bureaucratique trop lourd à gérer, mais aussi accroître les ressources humaines du secrétariat du Haut-Commissariat, qui sont largement insuffisantes pour faire face aux besoins de neuf organes conventionnels, et régler notamment le problème de l’absence de personnel fixe.

14.En ce qui concerne la question de la coordination entre organes, les États Membres ont décidé d’inclure le Programme des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale, alors que bien d’autres programmes avec lesquels des possibilités de coopération étroite existent auraient été tout aussi pertinents.

15.En conclusion, M. Gallegos Chiriboga souhaite avoir des détails sur les visites que le SPT effectue sur le terrain, en particulier sur leurs conclusions. Il lui semble également important que l’Assemblée générale mette l’accent, dans la résolution qu’elle adoptera en 2010, sur le dialogue et la coopération entre le Comité et le SPT, et il serait bon de prendre langue à cette fin avec les États coauteurs de cette résolution.

16.M. Wang Xuexian dit qu’il serait bon, pour chaque réunion future entre le Comité et le SPT, d’établir un ordre du jour plus ciblé et de le distribuer suffisamment à l’avance pour que les membres puissent se préparer au mieux. En ce qui concerne la coopération entre les deux organes, il faudrait réfléchir aux moyens d’améliorer l’échange de renseignements car le SPT, grâce à sa présence sur le terrain, est en mesure de recueillir des informations de première main auxquelles le Comité n’a pas nécessairement accès et qui contribueraient très utilement à ses travaux.

17.M. Sarre Iguiniz (Sous-Comité pour la prévention de la torture) dit qu’un aspect important de la prévention de la torture consiste à faire comprendre aux États que leur obligation de respecter les garanties d’une procédure régulière ne s’éteint pas avec le prononcé du jugement et qu’un condamné reste un sujet de droits tout au long de l’exécution de sa peine. Le Comité pourrait contribuer à ce travail de fond en saisissant chaque occasion de rappeler ce principe aux États parties.

18.M. Coriolano (Sous-Comité pour la prévention de la torture) dit qu’à ce jour 30 des 50 États parties au Protocole facultatif, dont 20 en Europe, 4 en Amérique latine, 3 en Afrique et 3 en Asie, ont désigné un mécanisme national de prévention. Il serait peut-être utile que le Comité dispose d’informations actualisées sur l’état d’avancement de la mise en place des mécanismes nationaux de prévention, dont il pourrait tenir compte dans ses recommandations aux États parties.

19.Le SPT est confronté à trois principales difficultés, auxquelles se heurte également le Comité contre la torture: l’insuffisance des ressources humaines et financières à sa disposition; le faible taux de mise en œuvre de ses recommandations et le manque de coordination entre les organes de l’ONU d’une part et entre les organes de l’ONU et les organes régionaux d’autre part. Si le SPT et le Comité contre la torture ne peuvent pas influer directement sur les ressources qui leur sont allouées ni sur la mise en œuvre de leurs recommandations par les États, ils peuvent en revanche agir pour renforcer leur coopération en arrêtant un programme de travail commun sur la base des discussions menées jusqu’à présent, en se fondant notamment sur les travaux du groupe de travail conjoint. Les deux organes devront également se pencher sur la question de l’appui institutionnel nécessaire à la mise en œuvre de ce programme.

20.M. Lasocik (Sous-Comité pour la prévention de la torture) dit qu’un autre élément très important, mais dont on ne parle pas assez, du Protocole facultatif est le Fonds spécial, qui vise à aider à financer l’application des recommandations que le SPT adresse aux États Parties à la suite de ses visites. Le Comité contre la torture et le SPT pourraient peut-être réfléchir ensemble à la manière de mieux informer les différentes parties intéressées sur ce fonds, en veillant notamment à bien le distinguer du Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture. En trois ans d’activités, le SPT a acquis un statut de partenaire à part entière auprès d’un nombre croissant d’institutions, nationales et régionales, qui lui communiquent des informations et sollicitent son avis. Toutefois, faute de moyens suffisants, le SPT n’est pas aussi présent sur le terrain qu’il a vocation à l’être, ce qui est regrettable. Pour ce qui est de renforcer la collaboration entre le SPT et le Comité contre la torture, un moyen de favoriser les échanges entre les deux organes serait de faire en sorte que leur session d’automne se déroule dans le même bâtiment, de sorte que leurs membres pourraient facilement se rencontrer et avoir des discussions informelles en dehors des heures de réunion.

21.M. Ginés Santidrián (Sous-Comité pour la prévention de la torture) dit que l’inspection des lieux de privation de liberté est le seul moyen réellement efficace de lutter contre la torture et les mauvais traitements. Le Comité européen pour la prévention de la torture a ouvert la voie dans ce domaine, et son expérience est précieuse pour le SPT. Mais, à la différence du système inauguré par son prédécesseur européen, le système de visites tel que le conçoit le Protocole facultatif est renforcé par l’action de mécanismes nationaux de prévention, qui assurent une continuité dans la surveillance des lieux de privation de liberté et dans le suivi des recommandations. Les fonctions du SPT et celles du CPT sont de nature totalement différente et il n’y a donc pas à craindre de doubles emplois entre leurs travaux.

22.M. Evans (Sous-Comité pour la prévention de la torture) dit que l’obligation faite aux États parties de mettre en place ou de désigner des mécanismes nationaux de prévention est sans conteste l’une des innovations les plus importantes du Protocole facultatif et ouvre à tous les organes engagés dans la lutte contre la torture de nouvelles perspectives. S’il est légitime que ces organes suivent avec intérêt la mise en place des mécanismes nationaux de prévention, il est toutefois essentiel qu’ils s’imposent une certaine réserve pour ce qui est de commenter ou d’évaluer les activités de ces mécanismes afin de ne pas risquer de leur envoyer des messages contradictoires, qui se révéleraient contreproductifs. Il serait donc souhaitable que les organes concernés réfléchissent ensemble à la manière de promouvoir d’une seule voix l’action des mécanismes nationaux de prévention en mettant en avant les critères établis par le Protocole facultatif.

23.Le Président, prenant la parole en tant que membre du Comité,ditque les visites sont indéniablement utiles et nécessaires mais que les autres mécanismes existants, tels que la procédure d’examen de communications émanant de particuliers, ne le sont pas moins et peuvent même être plus appropriés dans certains cas. Ce qui importe, c’est que tous servent un objectif commun, lutter contre la torture, et qu’ils offrent des moyens d’action complémentaires qui permettent de répondre à la diversité des situations de torture. En outre, un grand nombre de pays n’ont pas encore ratifié le Protocole facultatif et ne sont donc pas soumis aux visites du SPT ni à l’obligation de mettre en place des mécanismes nationaux de prévention, obligation à laquelle près de la moitié des États parties au Protocole facultatif ne se sont d’ailleurs toujours pas conformés. Il est heureux que ces pays n’échappent pas pour autant à toute forme de surveillance.

24.Le manque de ressources est un problème avec lequel le Comité contre la torture se débat depuis longtemps. Il a récemment demandé que la durée de ses sessions soit portée de trois à quatre semaines pour lui permettre d’absorber la charge de travail considérable que représente l’examen des rapports périodiques et des communications, mais cette requête, pourtant tout à fait raisonnable, a été rejetée. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres, mais il témoigne du fait que les besoins des organes conventionnels ne sont pas reconnus. Il ne faut pas pour autant se satisfaire du statu quo et le Comité continuera de faire valoir ses arguments auprès des instances compétentes. À cette fin, il serait utile de savoir dans quelle mesure l’introduction de l’Examen périodique universel influe sur l’allocation de ressources aux organes conventionnels, car il ne faudrait pas que ce mécanisme, dont le Comité ne conteste par ailleurs pas l’utilité, les prive des ressources dont ils ont besoin.

25.Il a été proposé d’établir un programme de travail commun, ce qui est une bonne idée. Une première étape pourrait consister à définir des domaines prioritaires de coopération, en gardant à l’esprit que le Comité et le SPT disposent de ressources limitées. Cette tâche pourrait être confiée au groupe de travail conjoint du Comité et du SPT ou à leurs présidents, qui présenteraient ensuite leurs propositions à l’ensemble des membres des deux organes.

26.M. Rodriguez Rescia (Président du Sous-Comité pour la prévention de la torture) dit que dans le cadre d’une réflexion sur l’amélioration de ses méthodes de travail, le SPT a décidé de charger son Bureau de s’occuper des questions afférentes à la collaboration avec le Comité contre la torture. Dans ce contexte, le SPT propose au Comité de modifier la composition du groupe de travail conjoint de manière que ce soient les trois membres de son Bureau, et non deux de ses membres comme cela était initialement prévu, qui le représentent au sein du groupe.

27.Le SPT accorde une importance prioritaire à la coopération avec les organes du système des Nations Unies. Il collabore notamment avec le Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme, qui l’invite à assister à la procédure d’accréditation en tant qu’observateur. Étant donné que les institutions nationales accréditées − qui satisfont aux exigences fixées dans les Principes de Paris − ne remplissent pas nécessairement les conditions requises pour jouer le rôle de mécanisme national de prévention, le SPT mène aussi des activités de formation dans les États concernés afin d’expliquer à ces institutions quelles conditions spécifiques découlant du Protocole facultatif elles doivent remplir pour être désignées en tant que mécanisme national de prévention.

28.Le SPT est bien conscient que la coopération ne doit pas être à sens unique et qu’il ne saurait demander des informations au Comité et, au nom de la confidentialité, refuser de lui en donner à son tour. Il existe diverses possibilités de coopérer avec le Comité contre la torture, le CPT, la Commission interaméricaine des droits de l’homme et la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples tout en respectant le principe de la confidentialité. Récemment, le SPT et le CPT se sont réunis à Strasbourg et ils ont fixé un certain nombre de règles officieuses régissant les modalités de collaboration entre les deux organes, notamment en ce qui concerne l’établissement de leurs programmes respectifs de visites. Dans ce domaine, le SPT n’a pas les mêmes priorités que le CPT car il a pour mandat de prévenir la torture et non de réagir face à une situation d’urgence ou à des événements donnés. Le SPT a donc décidé d’établir son programme de visites en tenant compte de celui du CPT et du Rapporteur spécial sur la question de la torture et en se fondant sur un certain nombre de critères, qu’il est en train de définir dans le cadre de l’examen de ses méthodes de travail. La liste de ces critères pourra être communiquée ultérieurement au Comité étant donné que ce type d’information ne pose pas de problème de confidentialité.

29.En ce qui concerne la collaboration entre le SPT et les mécanismes régionaux, M. Rodriguez Rescia indique que le SPT a prévu de suivre les lignes directrices sur la conduite des visites dans les lieux de détention élaborées par le Rapporteur spécial de la Commission interaméricaine des droits de l’homme sur les droits des personnes privées de liberté lorsqu’il aura à effectuer des visites dans des pays de cette région. Dans le cadre de ses visites sur le continent africain, le SPT tient compte des Lignes directrices et mesures d’interdiction et de prévention de la torture et de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en Afrique (Lignes directrices de Robben Island) adoptées par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, dont il a rencontré des représentants à l’occasion de sa huitième session.

30.Le SPT étant en partie issu des organisations non gouvernementales, il entretient des liens étroits avec le Groupe de contact du Protocole facultatif, dont il rencontre des membres à chacune de ses sessions plénières. Par ailleurs, compte tenu de la nécessité de tirer le meilleur parti des ressources disponibles, le SPT effectue au maximum huit visites par an, ce qui signifie que chaque membre en effectue en moyenne trois par an.

31.Le SPT a été invité à animer des ateliers régionaux de formation sur la création de mécanismes nationaux de prévention et, dans ce cadre, il s’est rendu en Afrique du Sud et en Amérique latine. Il convient de souligner que, pour le moment, le SPT mène ces activités à ses frais et grâce au soutien d’organisations non gouvernementales car le budget-programme de l’ONU ne prévoit pas de crédits pour les financer.

32.Le Président, prenant la parole en tant que membre du Comité, fait observer qu’il serait souhaitable que le SPT et le Comité examinent ensemble la question de la formation sur le Protocole d’Istanbul, instrument dont l’existence reste méconnue dans beaucoup de pays et qui, s’il était appliqué, amènerait une amélioration notable de la qualité des informations fournies au titre de l’article 22 de la Convention ainsi que des renseignements fournis dans les rapports périodiques.

33.M. Gallegos Chiriboga estime nécessaire d’établir une feuille de route afin d’orienter les activités du groupe de travail conjoint du Comité et du SPT et de coordonner ses activités avec celles des autres mécanismes des Nations Unies. Les membres du SPT et du Comité pourraient élaborer cette feuille de route entre les sessions en échangeant leurs idées par courrier électronique. Par ailleurs, M. Gallegos Chiriboga approuve l’idée de tenir les sessions du SPT et du Comité dans le même bâtiment lorsque les deux organes se réunissent à Genève, afin de faciliter la communication entre eux.

34.Le Président invite les participants à débattre de l’échange d’informations relatives aux visites du SPT et des questions en lien avec la Convention, dont les mécanismes se rapportant aux plaintes individuelles.

35.M. Rodriguez Rescia (Président du Sous-Comité pour la prévention de la torture) dit que, d’après les dispositions du Protocole facultatif, l’obligation de confidentialité s’applique uniquement aux visites et aux rapports les concernant. Elle ne doit donc pas être interprétée comme s’étendant à d’autres domaines. Ainsi, lorsque de nombreuses allégations de tortures ou de mauvais traitements sont portées à la connaissance du SPT au cours d’une de ses visites, il devrait pouvoir les transmettre au Comité ou au Rapporteur spécial sur la question de la torture puisqu’il n’a pas compétence pour recevoir ou examiner les plaintes pour torture. C’est la raison pour laquelle le SPT et l’équipe des requêtes du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme ont entrepris de définir des méthodes de travail qui portent précisément sur la communication officieuse de ce type d’information. Étant donné que le SPT n’est pas habilité à demander aux États parties de prendre des mesures provisoires en cas d’urgence, contrairement à d’autres organes ou mécanismes des Nations Unies, il faudrait aussi définir les modalités selon lesquelles le SPT pourrait alerter le Comité ou le Groupe de travail sur la détention arbitraire afin qu’ils prennent les mesures appropriées.

36.Le SPT apprécierait quant à lui que des informations générales lui soient communiquées par le Comité lorsqu’il examine le rapport d’un État partie dans lequel des membres du SPT ont effectué une visite, notamment sur l’évolution de la situation politique dans le pays en question. Il serait utile en outre que le chef de la délégation de l’État partie et les rapporteurs chargés du pays en question se rencontrent à huis clos pour débattre de thèmes définis conjointement par les bureaux respectifs du Comité et du SPT.

37.Enfin, M. Rodriguez Rescia dit qu’il y a beaucoup de domaines à explorer dans lesquels des informations pourraient être échangées sans que le problème de la confidentialité ne se pose. C’est dans cet esprit que le SPT prévoit notamment de mettre à la disposition du Comité l’aperçu de la situation dans le pays qu’il établit avant chaque visite dans un État partie.

38.M. Gallegos Chiriboga dit que c’est justement dans les cas d’urgence que la nécessité d’échanger des informations se fait sentir et que le Comité et le SPT devraient donc élaborer des lignes directrices sur les actions conjointes à lancer dans les cas où le SPT est informé de violations de la Convention.

39.M. Lasocik (Sous-Comité pour la prévention de la torture) dit qu’il ne faut pas confondre la confidentialité et le secret professionnel et que, dans la mesure où il existe une relation de confiance entre le SPT et le Comité, il n’y a pas de raison que des informations confidentielles ne lui soient pas communiquées. On peut distinguer trois types d’informations: les informations à caractère général, les informations confidentielles et les informations médicales. Les informations à caractère général doivent être automatiquement échangées pour des raisons de transparence. Les informations confidentielles peuvent être communiquées, étant entendu que des précautions doivent être prises afin de protéger la source de ces informations et la personne qui est l’objet de violations de la Convention. Le Comité et le SPT devraient élaborer conjointement des normes concernant la communication de ce type de renseignements. Enfin, les informations médicales relèvent du secret professionnel et, s’il est dans l’intérêt du patient qu’elles ne soient pas divulguées, le SPT ne les communiquera pas au Comité.

40.M. Mariño Menéndez souhaiterait savoir si le SPT estime que les mécanismes nationaux de prévention existants sont efficaces et, si tel n’est pas le cas, s’il formule des recommandations aux États parties concernés et si ceux-ci en tiennent compte.

41.M. Hajek (Sous-Comité de la prévention de la torture) constate que le SPT est pressé de toutes parts, notamment par les organisations non gouvernementales, les organes conventionnels et les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales, de communiquer davantage d’informations. Certaines informations peuvent et doivent être communiquées, notamment celles touchant les mécanismes nationaux de prévention, mais ce n’est pas le cas pour les renseignements recueillis au cours des visites. L’obligation de réserve incombant au SPT répond à la nécessité de ne pas s’aliéner la confiance des États parties, qui risquent de ne plus fournir d’informations au SPT s’ils ont des raisons de penser qu’il les divulguera.

42.Le Président , prenant la parole en tant que membre du Comité, fait toutefois observer à ce propos qu’il peut arriver − comme cela a récemment été le cas pour le Honduras − que des États parties décident d’eux-mêmes de publier le rapport du SPT sur sa visite. En tel cas, le Comité peut consulter et utiliser ces informations sans violer le principe de confidentialité puisqu’elles sont tombées dans le domaine public. Par ailleurs, il serait intéressant d’étudier la question de savoir si le Comité pourrait fournir des informations au SPT sur les communications qu’il reçoit en application de l’article 22 de la Convention. Le Président estime lui aussi qu’il serait préférable que les sessions du Comité et du SPT se tiennent dans le même bâtiment car cela permettrait aux membres des deux organes de se rencontrer plus souvent de manière officielle ou officieuse. Pour terminer, il indique que le Président du SPT et lui-même établiront une synthèse de la discussion afin de faire le point de la situation et que ce document sera envoyé à tous les membres des deux organes de façon à ce que la discussion puisse reprendre là où ils l’ont laissée lorsqu’ils tiendront leur prochaine réunion commune.

La séance est suspendue à 17 h 5; elle est reprise à 17 h 20.

Dialogue avec la Conseillère sur les droits de l’homme et le handicap auprès du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et avec l’Assistante du Rapporteur spécial sur la question de la torture

43.M me  Lavagnoli (Conseillère sur les droits de l’homme et le handicap) dit que la Convention relative aux droits des personnes handicapées, entrée en vigueur en 2008 et ratifiée par 74 États à ce jour, jette un éclairage nouveau sur la question de la torture et des personnes handicapées en précisant comment le cadre juridique d’interdiction de la torture s’applique aux personnes handicapées, et en aidant à identifier les principales formes de torture et de mauvais traitements dont elles sont victimes.

44.Auparavant, seul le point de vue médical était pris en compte, de sorte que certains traitements appliqués aux personnes handicapées n’étaient pas considérés comme des mauvais traitements au prétexte de leur nécessité thérapeutique. Avec la Convention, le handicap est également analysé sous l’angle des droits de l’homme. Ainsi, la question se pose de savoir pourquoi certains actes qui seraient assimilés à la torture s’ils étaient commis sur des personnes non handicapées ne sont pas considérés de la même manière lorsqu’ils sont infligés à des personnes handicapées. D’ailleurs, l’article premier de la Convention contre la torture interdit les mauvais traitements pour tout motif fondé sur une forme de discrimination, quelle qu’elle soit, ce qui inclut le handicap.

45.Un certain nombre d’articles de la Convention relative aux droits des personnes handicapées aident à identifier les actes commis sur des personnes handicapées qui peuvent être assimilés à la torture. Outre l’article 15, qui interdit expressément la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que le fait de soumettre une personne à une expérience médicale ou scientifique sans son libre consentement, les articles 3 et 12 sont particulièrement intéressants. L’article 3 énonce les principes généraux qui doivent guider l’interprétation de tous les articles de la Convention, à savoir les principes de non-discrimination et de respect de la dignité intrinsèque, de l’autonomie individuelle, y compris la liberté de faire ses propres choix, et de l’indépendance des personnes. Mais c’est surtout l’article 12 qui marque un véritable tournant; il prévoit en effet que les personnes handicapées ont droit à la reconnaissance en tous lieux de leur personnalité juridique et jouissent de la capacité juridique dans tous les domaines, sur la base de l’égalité avec les autres. Par conséquent, les personnes handicapées sont non seulement titulaires de droits, mais peuvent également les exercer. Ce nouveau paradigme a des conséquences fondamentales sur la question du consentement de la personne handicapée au placement en institution et aux traitements. S’il était jusque-là communément admis que le consentement était donné par les représentants légaux de la personne handicapée, ce n’est plus le cas aujourd’hui.

46.La reconnaissance de la capacité juridique implique que les professionnels de la santé obtiennent le consentement libre et éclairé des personnes handicapées. La Convention établit également l’obligation de fournir aux personnes handicapées tous les soins et services de santé dont elles ont besoin, sans discrimination (art. 25). L’article 23 remet en question la légalité des stérilisations forcées, en énonçant le droit des personnes handicapées de conserver leur fécondité. Enfin, la Convention marque un progrès important en matière de droit à la liberté des personnes handicapées, puisqu’elle dispose que l’existence d’un handicap ne justifie en aucun cas une privation de liberté (art. 14).

47.M me  Kainz-Labbe (Assistante du Rapporteur spécial sur la question de la torture) dit que le Rapporteur spécial sur la question de la torture regrette de ne pas pouvoir assister à la présente réunion; elle propose d’exposer dans ses grandes lignes le rapport sur le cadre juridique pour la protection des personnes handicapées contre la torture qu’il a soumis à la soixante-troisième session de l’Assemblée générale (A/63/175). Ce rapport met en évidence les changements juridiques apportés par l’entrée en vigueur de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et affirme que l’interdiction de la torture s’applique également aux médecins ou aux professionnels de la santé. Il montre comment certains traitements appliqués à des personnes handicapées peuvent équivaloir à la torture ou à des mauvais traitements, et insiste sur le fait que la discrimination fondée sur le handicap comprend toutes les formes de discrimination, y compris le refus d’apporter des «aménagements raisonnables».

48.Le Rapporteur spécial traite également du recours à des moyens de contention et à l’isolement, en faisant valoir qu’il peut être assimilé à la torture ou à des mauvais traitements. En ce qui concerne le consentement de la personne handicapée aux soins médicaux, il souligne que plus les traitements médicaux sont invasifs et irréversibles, plus il y a lieu de veiller à recueillir un consentement libre et éclairé. Il démontre en outre que l’internement psychiatrique forcé en raison du handicap peut infliger une douleur et des souffrances aiguës et relever par conséquent du champ d’application de la Convention contre la torture.

49.Le Rapporteur spécial constate que le consentement de l’État à la violence contre les personnes handicapées peut revêtir de nombreuses formes, y compris celle de cadres législatifs et de pratiques discriminatoires, qui font que ces actes de violence demeurent impunis. Enfin, il adresse trois recommandations clefs aux États, à savoir, adopter des lois qui reconnaissent la capacité juridique des personnes handicapées et veiller, le cas échéant, à ce que ces personnes bénéficient de l’appui nécessaire pour prendre des décisions en toute connaissance de cause; établir des directives claires, conformes à la Convention sur le sens du «consentement libre et éclairé» et mettre à disposition des procédures de plainte accessibles. Il recommande également la mise en place de mécanismes de surveillance des institutions où peuvent résider des personnes handicapées.

50.M. Gallegos Chiriboga observe que chacun peut être confronté au cours de sa vie à la question du handicap, compte tenu en particulier du vieillissement de la population, et rappelle que l’objectif de la Convention relative aux droits des personnes handicapées est d’accorder des droits opposables aux plus de 158 millions de personnes handicapées dans le monde, dont la plupart vivent dans des pays en développement. Il estime que, dans le cadre de ses travaux, le Comité des droits des personnes handicapées devra accorder une importance particulière aux articles de la Convention relative aux droits des personnes handicapées concernant l’interdiction de la torture. Enfin, il insiste sur la nécessité de continuer de sensibiliser la population à la question du handicap pour changer le regard sur les personnes handicapées.

51.M. Rodriguez Rescia (Président du Sous-Comité pour la prévention de la torture) dit que le Sous-Comité s’efforce d’identifier les problèmes spécifiques rencontrés par les personnes handicapées privées de liberté et espère qu’à l’avenir il pourra compter des psychologues ou des psychiatres parmi ses membres.

52.M. Mariño Menéndez note que la Convention relative aux droits des personnes handicapées permet apparemment d’imputer des actes de torture à des personnes privées, comme le personnel de santé. Il rappelle que les articles 1er et 4 de la Convention contre la torture ne s’appliquent en principe qu’aux agents de la fonction publique, de sorte qu’ils ne peuvent être appliqués aux personnes privées que dans la mesure où celles-ci agissent pour le compte de l’État. Il voudrait savoir si des travaux sont actuellement menés sur la question des actes de torture psychologique infligés à des personnes handicapées et demande si, en vertu de l’article 4 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, les États parties sont tenus de verser des aides économiques ou sociales aux familles des personnes handicapées.

53.M me  Sveaass souligne l’utilité concrète des travaux accomplis par le Rapporteur spécial sur la question de la torture concernant les personnes handicapées. Il est étonnant de constater que les violations les plus flagrantes des droits des personnes handicapées surviennent dans des pays qui respectent généralement les droits de l’homme, et qu’elles sont le fait de personnes instruites qui n’ont pas conscience qu’il s’agit de violations. Pour ce qui est du Comité contre la torture, elle constate qu’il s’est davantage intéressé à la détention des handicapés mentaux délinquants qu’à celle de la détention au motif du seul handicap, ce qu’il devrait changer à l’avenir.

54.Le Président remercie Mmes Lavagnoli et Kainz-Labbe de leurs exposés sur la protection des personnes handicapées contre la torture, particulièrement éclairants pour le Comité.

La séance est levée à 18 h 5.