Nations Unies

CAT/C/SR.870

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

15 janvier 2010

Français

Original: anglais

Comité contre la torture

Quarante ‑ deux ième session

Co mpte rendu analytique de la première partie (publique)* de la 870 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 29 avril 2009, à 10 heures

Président: M. Grossman

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la convention (suite)

Rapport initial du Tchad

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la convention (point 5 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport initial du Tchad (CAT/C/TCD/1)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation tchadienne prend place à la table du Comité.

2.M. D jasnabaille (Tchad), présentant le rapport initial de son pays (CAT/C/TCD/1), déclare que la présence de sa délégation atteste l’importance qu’accorde son gouvernement aux questions de droits de l’homme et sa volonté d’honorer dorénavant les engagements qu’il a pris en la matière. L’examen du rapport initial est l’occasion de jauger les actions accomplies pour la défense et la promotion des droits de l’homme et de mesurer les efforts qu’il convient de faire pour améliorer la situation. Depuis son accession à l’indépendance, le Tchad a fait des droits de l’homme une constante de sa politique au plan national et international. Le préambule de sa Constitution réaffirme son attachement aux droits de l’homme tels que définis par la Charte des Nations Unies, la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Le Tchad est partie à plusieurs autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.

3.La volonté du Tchad d’instaurer un régime démocratique, à la suite d’une dictature redoutable caractérisée par des actes de torture, des tueries et des disparitions, s’est concrétisée lors de la Conférence nationale souveraine de 1993, qui a permis de formuler des directives précises en vue de la création d’institutions de protection des droits de l’homme. La Commission nationale des droits de l’homme a été la première de ces institutions à être mise en place dès 1994; cette mesure a été suivie par l’adhésion à la Convention contre la torture en 1995, l’adoption de la Constitution en 1996, l’organisation d’élections présidentielles et législatives et la création de multiples autres institutions relatives aux droits de l’homme.

4.Conscient que les droits de l’homme constituent le socle des relations internationales et sont une condition du développement des partenariats de développement, le Gouvernement tchadien a créé le Ministère chargé des droits de l’homme, dont le mandat a été élargi en 2008 pour y inclure la promotion des libertés. Le Ministère a mis en place un comité technique interministériel chargé du suivi des instruments internationaux, dont la mission est de préparer les rapports sur les droits de l’homme destinés à être soumis aux organisations internationales.

5.Le rapport initial décrit le contexte historique, sociologique et environnemental dans lequel s’exercent les droits de l’homme au Tchad, ainsi que les difficultés rencontrées et les actions envisagées par le Gouvernement pour donner plein effet à ces droits. Le rapport présente le cadre juridique et institutionnel de la promotion et de la protection des droits de l’homme.

6.Le droit au respect de la dignité humaine exclut bien entendu toute atteinte à l’intégrité corporelle ou mentale, les arrestations et détentions arbitraires, les enlèvements et la séquestration. Les Tchadiens ont besoin de sécurité, de tranquillité et d’institutions démocratiques stables. Malgré les efforts consentis par le Gouvernement, les acteurs politiques et la société civile pour traduire dans les faits les engagements du Tchad en matière de droits de l’homme, le pays a eu à souffrir de la crise du Darfour et en particulier de l’afflux de personnes déplacées et de réfugiés, des conflits intercommunautaires et des incursions des Danjawid et autres groupes armés qui ont culminé avec les attaques sur N’Djamena d’avril 2006 et de février 2008. Ces crises ont entraîné de nouvelles violations des droits de l’homme qui ont amené le Gouvernement à instaurer l’état d’urgence. Cette mesure, bien que restrictive des libertés, a permis de rétablir l’ordre public et constitutionnel. Afin de faire la lumière sur les événements et d’établir les responsabilités en ce qui concerne ces violations, le Gouvernement a pris diverses mesures, dont notamment la création d’une commission d’enquête. Assistée d’observateurs internationaux, cette commission majoritairement composée d’acteurs de la société civile a rendu publiques ses conclusions en septembre 2008. Pour donner suite à ses recommandations, le Gouvernement a mis en place un comité de suivi et diverses mesures sont actuellement mises en œuvre.

7.Le Gouvernement a pris les mesures nécessaires, avec l’appui des partenaires pour le développement et des ONG, pour offrir aide et protection aux réfugiés arrivés au Tchad en raison des conflits se déroulant au Darfour et en République centrafricaine.

8.Les guerres et les conflits intercommunautaires ont engendré de nombreuses violations des droits de l’homme, annihilant ainsi les efforts accomplis pour promouvoir et protéger ces droits. Face à ces contraintes, le Gouvernement est conscient des inévitables manquements que le Comité ne manquera pas de relever et demeure résolu à œuvrer dans la mesure du possible pour améliorer la situation des droits de l’homme au Tchad. Ces contraintes ont également empêché le Gouvernement d’harmoniser sa législation avec les dispositions de la Convention. Toutefois, des efforts sont actuellement faits en ce sens avec l’appui des partenaires du Tchad, notamment l’Union européenne et les organismes des Nations Unies. Un forum national sur les droits de l’homme aura lieu en 2009, à l’issue duquel des plans d’action à court, moyen et long terme seront définis. M. Djasnabaille en appelle à la communauté internationale pour qu’elle accompagne les progrès réalisés par son gouvernement dans le domaine des droits de l’homme.

9.M me B elmir (Rapporteuse pour le Tchad) rend hommage aux efforts consentis par l’État partie pour préparer son rapport. Le Tchad a progressé et le rapport atteste que son intention n’est pas de dissimuler la vérité. Du fait qu’il a connu plusieurs périodes d’instabilité politique et que l’état d’urgence a été instauré en 2006, les circonstances idéales n’étaient pas réunies pour l’établissement d’un tel rapport, mais il est parvenu à le préparer, et de manière relativement satisfaisante. Le fait que des éléments du rapport concordent avec les informations reçues par ailleurs, et notamment avec les renseignements contenus dans les rapports communiqués par les ONG, lui confère de la crédibilité, ce qui est un point positif.

10.Dans une certaine mesure, l’instabilité qu’a connue depuis longtemps le pays ainsi que d’autres facteurs comme sa situation économique et sa proximité avec le Darfour sont invoqués pour justifier la situation désastreuse qui règne au Tchad en matière de droits de l’homme, telle qu’elle est décrite dans des rapports parallèles.

11.Pour ce qui est du cadre juridique, la Constitution, à la différence de celle d’autres pays africains ou en développement, comporte des dispositions proscrivant la torture. Cependant, la torture n’est pas expressément visée en tant qu’infraction dans le Code pénal, ni, d’une façon générale, dans le droit interne. Des efforts doivent être faits pour mettre le droit interne en conformité avec la Convention et un projet de loi a été préparé à cette fin. Le Tchad a signé et ratifié nombre de conventions internationales, ce qui est un point positif. De nombreux éléments convergent pour donner une impression favorable du système de gouvernance de l’État partie, qui s’efforce de mettre un terme à l’instabilité.

12.Des cas d’enlèvements ont été signalés, par exemple celui de Djimet Meyenan. Pour lutter contre l’impunité, une commission a été chargée d’enquêter sur les crimes commis sous le régime Habré. Certains individus qui ont commis des actes de torture durant cette période continuent d’exercer de hautes fonctions.

13.À propos de l’article 2 de la Convention, Mme Belmir relève que l’article 221 du Code de procédure pénale dispose que nul doit être retenu au-delà de quarante-huit heures aux fins de l’enquête préliminaire. Or il ressort du rapport de l’État partie qu’en pratique, ce délai n’est pas respecté. Lorsqu’ils se rendent dans des postes de police, les procureurs sont fréquemment amenés à libérer des personnes dont la garde à vue s’est prolongée au-delà du délai légal. Quant aux dispositions du Code de procédure pénale relatives à la détention avant jugement, qui stipulent que celle-ci ne doit pas se prolonger au-delà d’un délai raisonnable, elles ne sont pas respectées non plus. Des fonctionnaires de rang élevé, souvent analphabètes, ne tiennent pas compte de cette exigence. Il est suggéré dans le rapport que cela est dû au fait que les détenus concernés choisissent de ne pas porter plainte ou ignorent qu’ils ont la possibilité de le faire. Les suspects placés en détention avant jugement sont souvent incarcérés avec les condamnés, ce qui peut être source de violences.

14.Des arrestations illégales et des disparitions forcées ont eu lieu en violation du Code de procédure pénale, notamment lors des événements de février 2008. Le cas le plus connu est celui d’Ibni Oumar Mahamat Saleh, un homme politique appartenant à l’opposition.

15.Bien qu’elle soit prévue dans le Code de procédure pénale, l’aide juridictionnelle est pratiquement inexistante.

16.La loi autorise les visites des membres de la famille. Cependant, surtout dans les provinces, les visiteurs sont contraints de verser de l’argent aux gardiens pour avoir accès à un détenu.

17.La santé des détenus est un grave sujet de préoccupation, car il n’y a aucune prise en charge médicale dans les centres de détention; à cet égard, il conviendrait peut-être de se reporter au Protocole d’Istanbul.

18.Pour ce qui est des mesures à prendre pour lutter contre l’impunité, bien que les actes de torture ne soient pas expressément mentionnés dans le droit interne, les auteurs de sévices peuvent être tenus pour responsables en vertu de la législation actuelle.

19.La surpopulation carcérale est préoccupante, de même que le fait que les adultes ne sont séparés des mineurs ni dans les prisons pour hommes, ni dans les prisons pour femmes. Le traitement réservé aux femmes détenues est loin d’être satisfaisant. La santé des détenues et notamment des détenues enceintes se détériore en prison et les maladies contagieuses se propagent. Les familles doivent apporter de la nourriture aux détenus. Enfin, les procureurs négligent souvent d’effectuer des visites dans les prisons.

20.Il est indispensable d’aligner la législation tchadienne sur l’article 3 de la Convention, car l’absence de dispositions traitant spécifiquement du non-refoulement expose les personnes au risque de torture. Mme Belmir demande si les termes de l’Accord général en matière de justice et d’autres accords conclus en matière d’entraide judiciaire entre le Tchad et d’autres pays de la région garantissent que le transfert d’un détenu vers l’un des pays signataires doit se faire par voie d’une procédure judiciaire et de manière rigoureusement conforme aux dispositions de l’article 3.

21.En ce qui concerne l’administration de la justice, il ressort du rapport de l’État partie que les juges, préfets et sous-préfets sont investis de pouvoirs judiciaires. La pénurie de juges est-elle telle que des attributions judiciaires doivent être conférées à des fonctionnaires de l’administration? Les juges sont peu rémunérés et les allégations de corruption sont légion. Les garanties en place sont-elles suffisantes pour que l’on soit certain que le corps judiciaire s’acquittera de sa mission? La justice est-elle effectivement rendue à l’échelon local? Les tribunaux se réfèrent-ils uniquement au droit positif sans se laisser influencer par d’autres systèmes ou coutumes locales? Il serait regrettable que la loi soit appliquée différemment selon les régions. Pour ce qui est du droit de la famille, la persistance du lévirat et du sororat est un sujet de préoccupation.

22.Dans son rapport, l’État partie reconnaît le bien-fondé de certaines critiques formulées au sujet de la Commission nationale des droits de l’homme: celle-ci manque de ressources, ses membres sont principalement des représentants du Gouvernement et ont une certaine tendance à l’absentéisme. Il serait utile de savoir si des mesures sont prises pour réformer et renforcer la Commission.

23.M me Belmir appelle l’attention de l’État partie sur le problème de la traite des enfants et de la justice pour mineurs.

24.Le P résident, s’exprimant en sa qualité de Corapporteur pour le Tchad et abordant les points en rapport avec les articles 10 à 16 de la Convention, relève que d’après le paragraphe 316 du rapport à l’examen, les ateliers de formation organisés à l’intention des magistrats, des membres des forces de l’ordre et d’autres personnes sont toujours sanctionnés par des recommandations remises au Gouvernement. Il serait intéressant de disposer de quelques exemples de ces recommandations et de savoir si une suite leur est donnée. À propos du paragraphe 318 du rapport, il serait souhaitable que la délégation précise avec quelle fréquence ces formations aux droits de l’homme sont dispensées et si des questions en rapport avec la torture et autres traitements cruels ou dégradants y sont abordées. Au sujet du paragraphe 321, il serait utile d’apprendre si le Centre de référence en droit international humanitaire a mis au point son programme d’enseignement et élaboré et diffusé des outils pédagogiques.

25.Il est indiqué au paragraphe 329 que 25 formateurs ont déjà reçu une formation à l’utilisation d’un manuel destiné aux instructeurs chargés d’enseigner le droit international humanitaire qu’il est prévu de reproduire en 500 exemplaires. Ce manuel a-t-il effectivement été imprimé, d’autres exemplaires seront-ils produits ultérieurement, d’autres formateurs seront-ils initiés à son utilisation et, dans l’affirmative, quand commencera cette formation? Il est également indiqué dans le rapport que l’École nationale d’administration et de la magistrature a préparé un module de formation relatif aux normes internationales des droits de l’homme. Il serait utile de savoir si ce module est actuellement utilisé, combien de sessions de formation ont eu lieu et combien de personnes ont été formées.

26.À propos de l’article 11 de la Convention, on constate que si le cadre juridique et les dispositions législatives dont s’est doté l’État partie sont dans l’ensemble satisfaisants, il semble en revanche que leur mise en œuvre ne va pas de soi. D’après le rapport, le magistrat du ministère public peut autoriser la prolongation de la garde à vue au-delà de quarante-huit heures s’il l’estime indispensable à la bonne fin de l’enquête. Il serait important de savoir s’il existe une limite légale à ces prolongations et si tel est le cas, comment il est fait en sorte que cette limite soit respectée. Selon le rapport, tous les établissements pénitentiaires doivent tenir un registre d’écrou; il serait important de préciser si ces registres sont effectivement tenus. Pour ce qui est de l’incarcération provisoire mentionnée au paragraphe 346, il faudrait savoir quelle proportion de la population carcérale du Tchad est en attente de jugement.

27.Le paragraphe 355 du rapport précise que les magistrats du parquet recourent souvent à une mesure appelée «ordre de mise à disposition» qui ne repose sur aucune base légale. Il est malaisé de comprendre pourquoi des magistrats, qui sont des agents de l’État, seraient autorisés à recourir à une pratique illégale qui, ainsi qu’il est indiqué dans le rapport, entrave la mise en œuvre effective des mécanismes de surveillance des détenus. Il est tout aussi difficile de comprendre pourquoi l’insubordination des officiers de police judiciaire évoquée au paragraphe 355 e) est tolérée. Le Gouvernement pourrait sans doute prendre des mesures disciplinaires dissuasives à l’encontre de ces fonctionnaires, par exemple en s’opposant à leur promotion ou en les révoquant.

28.La mise en place d’un corps de gardiens de prison, dont il est question au paragraphe 359, est souhaitable. L’existence d’un tel corps étant indispensable au maintien de l’ordre dans les prisons, il est permis de se demander pourquoi le projet de décret portant organisation de ce corps n’a pas été signé par le chef de l’État.

29.Concernant l’article 12 de la Convention, il ressort du paragraphe 369 du rapport que le commandant en chef des forces armées est chargé de rechercher toutes les infractions qui sont de la compétence des juridictions militaires. Il serait important de savoir combien d’enquêtes ont été diligentées dans ce cadre, combien ont abouti à des acquittements et combien à des inculpations. Il serait aussi utile d’apprendre si les juridictions militaires n’ont compétence que pour les actes dont les auteurs sont des membres des forces armées ayant agi dans l’exercice de leurs fonctions ou si elles connaissent également d’affaires où ceux-ci ont commis des infractions ordinaires. Par exemple, si un soldat a utilisé son arme à feu pour voler ou agresser un civil, sera-t-il jugé par une juridiction militaire ou civile?

30.Ainsi qu’il est reconnu dans le rapport, la torture n’est pas qualifiée d’infraction distincte au Tchad, ce qui fait que les victimes d’actes de torture peuvent difficilement obtenir réparation. L’État partie a-t-il l’intention d’ériger la torture en infraction pénale et quels obstacles pourraient-ils s’opposer à la promulgation d’une loi allant dans ce sens? Il est indiqué aux paragraphes 372 à 374 du rapport que le Code de déontologie de la police nationale interdit d’infliger des traitements inhumains ou dégradants aux personnes placées en garde à vue, mais il ne prévoit aucune sanction à l’encontre de policiers qui seraient jugés coupables d’actes de torture, ce qui laisse perplexe.

31.À propos des articles 13 et 14 de la Convention, on peut s’étonner de ce que les plaintes déposées par les victimes de crimes commis sous le régime de l’ex-Président Hissène Habré sont toujours pendantes. Dans sa déclaration liminaire, le chef de la délégation a fait valoir que son pays attend de la communauté internationale qu’elle l’appuie dans les efforts qu’il déploie pour donner plein effet aux droits de l’homme; le Corapporteur demande ce que le Comité pourrait faire pour contribuer au règlement de ces affaires, et souhaiterait savoir où en est la proposition de loi relative à l’indemnisation des victimes de la torture mentionnée au paragraphe 389 du rapport.

32.À propos de l’article 15 de la Convention, il est indiqué dans le rapport que des aveux continuent d’être extorqués par la torture et que la persistance de ces pratiques s’explique par l’impunité dont bénéficient les coupables. Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour mettre fin à l’impunité des agents de l’État qui pratiquent la torture et envisage-t-il, par exemple, de créer une commission vérité et justice?

33.Il est fait mention dans le rapport, à propos de l’article 16 de la Convention, de plusieurs formes de traitements cruels ou dégradants qui visent spécifiquement les femmes – tels que les mutilations génitales féminines et le mariage forcé – même s’il est indiqué que ces pratiques tendent à disparaître. La délégation pourrait-elle fournir des statistiques à l’appui de cette assertion? Il serait également important de connaître les mesures qui sont prises pour mettre un terme au tourisme sexuel, à la pédophilie, à la traite, à l’exploitation des enfants et aux châtiments corporels dont ils sont victimes, ainsi qu’au recrutement d’enfants soldats.

34.Il faut rendre hommage à l’État partie pour l’exceptionnelle franchise qui caractérise son rapport et pour sa volonté de reconnaître ses problèmes et ses carences en matière de protection des droits de l’homme.

35.M me Sveaass, soulignant que le rapport de l’État partie met l’accent sur l’importance des femmes au Tchad, s’étonne que la délégation ne comprenne aucune femme.

36.Le paragraphe 120 du rapport mentionne un projet de loi visant à renforcer la Médiature. Il serait utile d’apprendre quand il sera donné effet à cette loi et quelles mesures sont envisagées pour améliorer la coopération entre le Médiateur et les ministères et responsables gouvernementaux.

37.C’est à juste titre que Mme Belmir s’est inquiétée de la situation des détenues et en particulier des détenues enceintes, ainsi que du fait que les mineurs sont incarcérés avec les adultes. De même, le Président s’est à bon droit dit préoccupé des mauvais traitements infligés aux enfants tels que décrits aux paragraphes 408 et 409 du rapport. Il serait important de savoir quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour mettre fin à ces mauvais traitements et faire en sorte que ceux qui en sont responsables aient à répondre de leurs actes. De même, il faudrait être informé de ce qui est fait pour venir en aide aux enfants des rues et en réduire le nombre.

38.À propos du module de formation concernant la torture dont il est question au paragraphe 327 du rapport, il serait utile de savoir si le personnel de santé reçoit une formation lui permettant de déceler et de mettre en évidence les signes et symptômes de torture et si des documents établis conformément au Protocole d’Istanbul ont été produits devant les tribunaux tchadiens pour étayer les demandes d’indemnisation présentées par des victimes de la torture.

39.Il faut rendre hommage au Gouvernement pour les efforts qu’il consent afin d’assister et de protéger les réfugiés, mais la militarisation des camps de réfugiés est cause d’inquiétude. Mme Sveaass demande quelles mesures sont prises pour faire face à ce problème et créer un environnement sûr pour les réfugiés. Enfin, elle souhaiterait avoir des informations sur les mesures prises par le Gouvernement pour protéger les défenseurs des droits de l’homme.

40.M. G aye se réjouit des efforts déployés au Tchad pour instaurer l’état de droit et proscrire la torture, qui a apparemment été largement pratiquée sous les régimes antérieurs depuis l’époque coloniale.

41.La définition de la torture énoncée à l’article 18 du projet de loi portant modification du Code pénal ne reprend pas la partie de la définition donnée à l’article premier de la Convention, qui fait référence aux douleurs ou souffrances «infligées par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite». La notion de «consentement exprès ou tacite» est particulièrement importante, les États parties étant tenus de par la Convention de veiller à ce que leurs fonctionnaires ne ferment en aucune circonstance les yeux sur des actes de torture.

42.Le législateur devrait aussi envisager d’inclure dans la législation pénale tchadienne des dispositions particulières visant la «police secrète», qui a été une composante notoire des régimes précédents et dont on sait qu’elle a pratiqué la torture.

43.M. M ariño M enéndez demande si l’Agence nationale de sécurité exerce des pouvoirs de police et si elle-même ou d’autres organes ou milices privées comparables ont recours à des centres de détention secrets sur lesquels aucun contrôle judiciaire n’est exercé. Une ONG affirme que des unités militaires dirigées par des officiers de haut rang se livrent à des pratiques irrégulières en matière de détention. Cette allégation comporte-t-elle une part de vérité?

44.En ce qui concerne le droit des détenus d’être vus par un médecin, il serait utile de savoir si des médecins légistes procèdent à des examens physiques et psychologiques, notamment lorsque l’on soupçonne que des actes de torture pourraient avoir été commis. Il est vrai que la mise sur pied d’un corps de médecins légistes dotés de suffisamment de moyens pour desservir tous les centres de détention est une entreprise d’envergure, mais des mesures sont-elles prises dans ce sens? Étant donné que le Code de procédure pénale ne comporte aucune disposition en ce qui concerne l’aide juridictionnelle, il serait important de savoir si le système judiciaire offre une assistance quelconque aux indigents privés de liberté.

45.Le paragraphe 226 du rapport cite l’article 143 du Code pénal, qui exempte de toute peine les personnes qui ont commis un acte attentatoire à la liberté individuelle ou à la Constitution s’ils ont agi par ordre de leur supérieur. Cette disposition couvre-t-elle aussi les cas de torture ou de mauvais traitements?

46.Rappelant qu’une ONG française avait organisé l’adoption irrégulière d’enfants tchadiens en 2007, l’intervenant demande si le Tchad a l’intention d’adopter des instruments internationaux réglementant l’adoption.

47.Le paragraphe 170 du rapport cite l’article 46 de la Constitution, qui stipule que le droit d’asile est accordé aux ressortissants étrangers et que l’extradition des réfugiés politiques est interdite. Il serait important de savoir si l’asile est accordé pour des motifs humanitaires et si la définition donnée par le Tchad de la notion de «réfugié politique» diffère de celle utilisée pour les autres réfugiés qui sont couverts par la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et par la Convention de l’OUA de 1969 régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique. Y a-t-il actuellement des réfugiés politiques qui résident au Tchad?

48.M. K ovalev, relevant que quatre personnes ont été condamnées à mort en novembre 2003 sans que le droit de faire appel leur soit accordé, demande quelles mesures sont prises actuellement par le Gouvernement pour mettre fin à ce que l’on peut qualifier d’exécutions extrajudiciaires.

49.Le Comité apprécierait que la délégation lui fournisse des statistiques sur les disparitions, car il considère toute disparition comme une forme de torture, non seulement pour la personne enlevée mais aussi pour sa famille.

50.M me K leopas tient à rappeler qu’aucune circonstance exceptionnelle quelle qu’elle soit, y compris le terrorisme, ne saurait être invoquée pour justifier la torture.

51.L’indépendance du corps judiciaire est une condition essentielle pour la protection des droits de l’homme. Le Comité s’est laissé dire que les magistrats étaient allés jusqu’à se mettre en grève quelques années auparavant pour protester contre les ingérences de l’exécutif. Il semble en outre que la rémunération des juges est très faible. Dans un rapport publié en janvier 2005 (E/CN.4/2005/121), l’Experte indépendante sur la situation des droits de l’homme au Tchad a fait valoir qu’il était indispensable de réformer le pouvoir judiciaire. Il serait utile de connaître les critères utilisés pour la nomination des juges et les mesures prises pour donner effet aux recommandations contenues au paragraphe 83 du rapport de l’Experte indépendante.

52.Le Représentant du Secrétaire général sur les droits de l’homme des personnes déplacées dans leur propre pays, qui s’est rendu au Tchad en février 2009, a indiqué dans son rapport (A/HRC/10/CRP.1) que les violences dirigées spécifiquement contre les femmes, y compris le viol des jeunes filles et des femmes déplacées par des groupes armés ou des membres de leur propre communauté, les mutilations génitales et les violences au foyer, continuent de poser un problème sur lequel on a peu d’informations et auquel les autorités tchadiennes et la communauté internationale devraient prêter davantage attention en vue de mieux protéger les jeunes filles et les femmes déplacées. Quelles mesures les autorités prennent-elles pour donner effet à cette recommandation?

53.Le Comité a, la veille, rencontré des défenseurs des droits de l’homme tchadiens dont l’action en faveur de la promotion et de la protection des droits de l’homme est extrêmement importante; ils ont déclaré avoir le sentiment d’être persécutés. Cette affirmation paraît corroborée par le fait qu’aucun représentant d’une ONG tchadienne n’est venu à la présente séance avec la délégation.

54.M me G aer relève que le Gouvernement tchadien a sollicité l’appui technique de l’ONU pour la préparation de son rapport, qui est empreint d’une grande franchise mais manque de certaines données et informations statistiques. Elle souhaiterait en apprendre davantage sur la façon dont il a été préparé.

55.En ce qui concerne les travaux de la Commission d’enquête sur les abus de pouvoir perpétrés sous le régime du Président Habré, les formes de torture énumérées au paragraphe 23 du rapport de l’État partie sont véritablement abominables. Le rapport établi par ladite commission a incité un certain nombre de personnes à engager une action au pénal à l’encontre des auteurs de ces actes. Vingt agents de l’État ont été inculpés mais il n’a jusqu’à présent été procédé qu’à une seule «confrontation». Mme Gaer souhaiterait savoir ce que signifie ce terme et dans quelle mesure la procédure a progressé depuis la soumission du rapport de l’État partie. Quelqu’un a-t-il été jugé coupable des actes énumérés au paragraphe 23?

56.D’après le paragraphe 36 du rapport, les dénonciations les plus fréquentes de la part des associations de droits de l’homme concernent la pratique de la torture dans les commissariats de police et les brigades de gendarmerie. Ces pratiques, que le Gouvernement ne cesse de réprimer, sont apparemment liées à l’insuffisance de formation des officiers de police judiciaire aux techniques d’interrogatoire. Il serait utile de savoir combien d’officiers de police ont été jugés responsables et quelles peines leur ont été infligées.

57.Il est indiqué au paragraphe 279 que les détentions préventives abusives sont légion dans tous les établissements pénitentiaires, faute de dénonciation de ces cas. Tous renseignements complémentaires sur ces abus que pourrait fournir la délégation seraient les bienvenus. Des allégations de violences sexuelles ont-elles été formulées dans ce contexte?

58.Il ressort du paragraphe 396 que beaucoup d’aveux extorqués dans les commissariats de police ou les brigades de gendarmerie perdent leur caractère probant devant le juge. Des policiers ou gendarmes ont-ils été inculpés pour avoir extorqué des aveux?

59.En 2005, la Rapporteuse spéciale chargée de la question de la violence contre les femmes, y compris ses causes et ses conséquences et le Rapporteur spécial sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants ont lancé un appel urgent au sujet de la situation évoquée au paragraphe 208 du rapport. Le Comité des droits de l’enfant a lui aussi recommandé, dans les observations finales qu’il a publiées en février 2009 concernant le Tchad (CRC/C/TCD/CO/2) que les châtiments corporels pratiqués dans les écoles coraniques soient interdits par la loi. Il serait utile de savoir quelle compétence les autorités exercent sur ces écoles. Sont-elles agréées, surveillées et financées par l’État? Celui-ci peut-il en prononcer la fermeture le cas échéant? A-t-on jamais tenu quiconque pour responsable d’actes de violence commis dans ces écoles? Des enfants auraient apparemment été enchaînés ensemble à titre de punition. Mme Gaer voudrait savoir ce qui peut être fait pour mettre un terme à de telles pratiques et traiter les enfants de façon plus humaine.

60.M. G allegos C hiriboga apprécie l’analyse claire et objective présentée dans le rapport et exprime l’espoir que le Tchad continuera à bénéficier de l’assistance technique fournie à cet égard.

61.On ne saurait trop insister sur le fait qu’il est important de prendre des mesures rigoureuses pour mettre fin à l’impunité, ce qui est une condition indispensable pour donner plein effet à la Convention. La suggestion formulée par le Président concernant la création d’une commission vérité paraît judicieuse.

62.M. W ang Xuexian comprend et appuie pleinement les efforts consentis par le Tchad pour instaurer la sécurité et la stabilité. Il lui semble que le moyen d’y parvenir est de tourner résolument le dos au passé et aux pratiques intolérables des régimes précédents.

63.Il est d’autre part très important de lutter contre les pratiques traditionnelles néfastes. L’argument selon lequel elles doivent être préservées parce qu’elles font partie de la culture ne tient pas. Les mutilations génitales féminines, en particulier, doivent être abolies.

64.M. D jasnabaille (Tchad) se félicite du dialogue qui s’est engagé entre la délégation et les membres du Comité, qui ont apprécié la franchise du rapport et ont, avec tout autant de franchise, appelé l’attention sur les manquements de son pays aux obligations qu’il a contractées en vertu de la Convention. Le Comité peut être assuré que sa délégation s’emploiera à apporter des réponses détaillées et objectives à ses questions lors de la séance prévue pour le lendemain.

65.Les autorités tchadiennes ont la volonté politique d’améliorer leur bilan et souhaitent que la coopération technique avec l’ONU se poursuive.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 12 h 5.