NATIONS UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.

GÉNÉRALE

CAT/C/SR.535

10 janvier 2003

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Vingt‑neuvième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 535e SÉANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,le jeudi 14 novembre 2002, à 14 h 30

Président: M. BURNS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Quatrième rapport de l’Égypte (suite)

________________________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l’une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d’édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

La séance est ouverte à 14 h 30.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Quatrième rapport de l’Égypte (suite) (CAT/C/55/Add.6)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation égyptienne reprend place à la table du Comité.

2.Mme GABR (Égypte) fait savoir que sa délégation a remis au secrétariat une série de documents susceptibles d’être utiles au Comité et de répondre à certaines de ses interrogations concernant notamment l’impunité et la réparation; il s’agit entre autres d’un document relatif au plan de rénovation des prisons égyptiennes entre 2000 et 2002, d’une réponse du Gouvernement au sujet de 18 cas de décès en garde à vue, d’une présentation du programme de formation dispensé en matière de droits de l’homme à l’école de police et d’un tableau récapitulant les plaintes déposées au Caire à l’encontre de policiers pour détention arbitraire et torture.

3.La délégation égyptienne s’efforcera de répondre de son mieux aux nombreuses questions qui lui ont été posées, bien qu’elle ait disposé de fort peu de temps pour s’y préparer. Tout d’abord, il convient de placer le rôle des organisations non gouvernementales et des militants des droits de l’homme dans son contexte général, à savoir la façon dont les droits de l’homme sont considérés en Égypte, et quels en sont les principaux protagonistes. En tant que chef du Département des droits de l’homme du Ministère des affaires étrangères, Mme Gabr insiste sur la perspective globale dans laquelle s’incère la question des droits de l’homme dans son pays. Le Gouvernement est le premier responsable du respect des droits fondamentaux, et rien ne saurait justifier qu’il se dérobe à cette mission; les ONG et la société civile ont pour rôle de le soutenir dans cette tâche. Dès lors, il ne serait pas logique que les pouvoirs publics entravent l’action de ces ONG − et ce, d’autant moins que la société contemporaine est ouverte, que les nouveaux moyens de communication et la vitesse de transmission de l’information qu’ils autorisent font de la transparence une nécessité absolue. Toutes les organisations non gouvernementales ont la possibilité de se rendre en Égypte, et les citoyens égyptiens doivent pouvoir se consacrer librement à la protection des droits de l’homme: telle a été la préoccupation principale lorsque le statut des ONG a été élaboré. Les citoyens ont toute latitude pour créer des organisations, dans le respect de la loi bien évidemment car en matière de droits de l’homme, la société civile a des droits mais aussi des obligations, ainsi que le précise la loi sur les organisations non gouvernementales qui consacre la liberté d’action des citoyens mais les oblige aussi, par exemple, à ne pas avoir d’activité discriminatoire. La question du financement des ONG a été soulevée. Le principe fondamental à cet égard est que ces organisations n’ont aucun but lucratif et qu’elles œuvrent dans l’intérêt général. Leur financement doit donc être irréprochable et, qu’ils proviennent de sources internes ou externes, les fonds doivent être dépensés dans l’intérêt de la société et des droits de l’homme, faute de quoi ces organisations s’exposent à des sanctions. Les ONG déploient depuis fort longtemps leurs activités en Égypte, et on en compte quelque 16 000 actuellement. Le Gouvernement s’efforce de leur faciliter la tâche, le cadre qui leur est imposé en matière de financement étant plus une garantie qu’une contrainte. La dissolution des ONG est subordonnée à de multiples conditions et il est possible de faire appel d’une telle décision; en pareil cas, les tribunaux statuent sans tarder. D’une manière générale, les pouvoirs publics sont désireux de voir les ONG jouer pleinement leur rôle, ainsi que l’atteste la présence à la présente session du Comité de représentants de certaines d’entre elles. Celles‑ci ont d’ailleurs soumis des rapports au Comité, dont la délégation a connaissance et dont certains ont même été établis avec le soutien technique ou financier des pouvoirs publics. Bien entendu, en Égypte, les militants des droits de l’homme doivent agir dans le respect de la législation. Le principe de la primauté de la loi prévaut, et les droits de l’homme visent à protéger la société plutôt que l’individu en tant que tel.

4.Différents mécanismes de protection des droits de l’homme existent en Égypte, que ce soit au niveau du Parquet général, du Ministère de l’intérieur ou du Ministère de la justice. Il est en outre prévu de créer une commission nationale des droits de l’homme. À l’heure actuelle, il existe notamment un conseil national pour la femme et un office de protection de la mère et de l’enfant; mais il est prévu de placer les organismes de ce type sous l’égide de la future commission, de façon à mieux coordonner les actions menées par les différents organismes. À ce sujet, il a été demandé si la future commission pourrait recevoir des plaintes: à l’heure actuelle, diverses propositions sont à l’étude en ce qui concerne les attributions que pourrait avoir la commission, mais rien n’a encore été fixé. En tout état de cause, le Parquet général restera un organe judiciaire indépendant qui pourra connaître de telles plaintes. En développant les activités du parquet et notamment en renforçant son Bureau des droits de l’homme, on escompte faciliter le traitement des plaintes.

5.En ce qui concerne le crime de torture, la loi égyptienne traite les deux sexes de façon identique. Toutefois, il existe des garanties supplémentaires visant à protéger la femme de la violence dans d’autres lois, en ce qui concerne l’excision ou le viol par exemple. Le Conseil national pour la femme œuvre actuellement, en coopération avec l’ONU, à la mise en place d’une structure qui sera chargée de recevoir les plaintes pour violence à l’égard des femmes, y compris les violences familiales. En ce qui concerne les prisons, les femmes sont placées dans des lieux de détention qui leur sont réservés et où le personnel policier et pénitentiaire est exclusivement féminin. Enfin, le programme de formation des policiers comporte une sensibilisation aux droits de la femme et au problème de la violence à l’égard des femmes.

6.L’Égypte a été parmi les premiers États à participer activement à l’élaboration de la Convention relative aux droits de l’enfant. La législation égyptienne est conforme aux exigences de cette Convention, notamment en ce qui concerne l’âge minimum d’admission à l’emploi dans le cas des enfants. Le problème des enfants des rues est pris très au sérieux par les pouvoirs publics, qui luttent contre l’exploitation des enfants contraints à la mendicité ou au vol. Diverses mesures ont été prises pour lutter contre la délinquance des mineurs; dans le cas des enfants de moins de 15 ans, il ne s’agit pas de sanctions pénales, mais de mesures à caractère préventif pouvant aller jusqu’au placement dans des centres spécialisés fonctionnant sous la tutelle du Ministère des affaires sociales lorsqu’ils sont sans famille et sans abri sûr. Les jeunes de 15 à 18 ans font l’objet de sanctions provisoires distinctes de celles imposées aux adultes; ils sont placés dans des centres spéciaux pour mineurs fonctionnant sous l’égide du Ministère des affaires sociales et de la police. Il existe une police des mineurs ainsi qu’un centre de réadaptation et un centre de soins et d’alimentation pour les enfants. Bien entendu, toute atteinte aux droits des enfants est considérée comme une infraction grave. Il faut savoir que les jeunes sont extrêmement nombreux en Égypte, puisque l’on y compte quelque 26,5 millions d’enfants de moins de 14 ans. Cet état de choses fait peser une lourde responsabilité sur les pouvoirs publics.

7.En ce qui concerne la coopération internationale, notamment avec les rapporteurs spéciaux de la Commission des droits de l’homme, Mme Gabr rappelle que l’Égypte a adhéré à un grand nombre d’instruments internationaux de défense des droits de l’homme; si elle a émis des réserves à propos de certains d’entre eux, celles‑ci sont très limitées et ne portent pas atteinte à l’esprit des instruments. La Direction des droits de l’homme du Ministère de la justice a entrepris plusieurs études visant à lever ces réserves. En tout état de cause, l’Égypte veille à s’acquitter de ses obligations à l’égard des organes conventionnels et des rapporteurs spéciaux de la Commission des droits de l’homme; elle coopère avec eux et s’efforce de répondre à leurs questions dans toute la mesure de ses moyens, y compris lorsque des visites ont lieu dans le pays. À l’occasion de ces visites, les autorités s’emploient à organiser les rencontres dans les meilleures conditions possibles. Certaines n’ont pas encore eu lieu, non en raison de la mauvaise volonté de l’Égypte, mais pour des questions d’organisation matérielle. L’Égypte a toujours donné son accord à l’organisation de telles missions de protection des droits de l’homme. En ce qui concerne les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention contre la torture, le Gouvernement examine la question et réfléchit aux incidences de tels engagements − établissement de rapports, mise à jour de la législation, etc. − qui sont susceptibles d’entraîner de lourdes responsabilités. Pour l’heure, l’Égypte a ratifié les deux Protocoles se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant; quant à prendre de nouveaux engagements, le Ministère de la justice examine actuellement la question avec d’autres organes compétents, et le Comité sera informé des progrès de cette réflexion. L’important à cet égard est qu’un dialogue constructif se poursuive, et telle est bien la volonté de l’Égypte.

8.Certains facteurs, contribuent à favoriser la coopération en matière de droits de l’homme. L’Égypte est une société paisible et tolérante, creuset de différentes civilisations. Son tissu social homogène est pour elle une force de progrès, et elle ne connaît pas de problème de minorités: Mme Gabr s’élève contre l’utilisation de ce terme à propos des coptes, qui sont des Égyptiens à part entière. Il n’y a en Égypte aucune discrimination, aucune distinction fondée sur la croyance ou le sexe; seuls quelques éléments très minoritaires prônent peut‑être de telles attitudes.

9.Il a été demandé si la loi égyptienne prévoyait des sanctions pour certaines pratiques sexuelles. Il n’y a aucun texte qui punisse l’homosexualité. La loi réprime l’exploitation du sexe et les actes contraires aux bonnes mœurs, qu’il s’agisse d’hommes ou de femmes. En ce qui concerne les affaires évoquées dans le rapport d’Amnesty International, auxquelles s’est référé le Comité, Mme Gabr indique que des poursuites avaient été engagées sur la base d’un rapport médical contre l’auteur d’un attentat à la pudeur commis sur un enfant plus jeune. L’adolescent qui s’était rendu coupable de cet acte n’avait pas indiqué son âge et lorsque des renseignements ont été obtenus à ce sujet auprès de sa famille, le jugement a été cassé et l’intéressé a été renvoyé devant un tribunal pour mineurs, qui l’a condamné à trois ans de détention dans un établissement pour mineurs. Quant aux autres accusés, ils ont été traduits en justice, certains ont été condamnés et d’autres acquittés. Mais ce jugement a été cassé, car les juridictions en question n’avaient pas compétence pour ce type d’infractions. L’affaire est actuellement entre les mains du parquet et sera jugée ultérieurement.

10.M. SALEH (Égypte) dit que la Division de la médecine légale, qui relève du Ministère de la justice, répond à des conditions strictes d’indépendance et d’impartialité. Les médecins légistes sont appelés à se prononcer sur les cas de décès ou d’atteintes à l’intégrité physique des personnes impliquées dans des affaires pénales ou civiles mais aussi à examiner les détenus qui doivent être libérés ainsi que les personnes appelées à comparaître devant les tribunaux. Ils travaillent en collaboration avec des laboratoires légaux et sollicitent parfois l’avis d’experts universitaires. Les techniques auxquelles ils ont recours sont généralement très coûteuses mais le Ministère de la justice veille à ce que les fonds nécessaires soient toujours disponibles pour leur permettre d’utiliser les instruments les plus performants. Les médecins légistes participent en outre à des séminaires ou des conférences internationales et reçoivent une formation complémentaire sur certaines notions de droit et dans le domaine des droits de l’homme. Il est exigé d’eux qu’ils traitent toutes les personnes sur un pied d’égalité, quels que soient leur sexe, leur nationalité, leur religion ou leur fonction. La loi prévoit la possibilité de faire appel de leurs conclusions. Un nouvel examen est alors effectué par un autre médecin légiste ou par un comité tripartite.

11.Dans les cas de décès attribuables à des mauvais traitements, le travail du médecin légiste consiste à établir le lien entre les atteintes subies par la victime et sa mort, ce qui se révèle bien souvent très délicat. Lorsque par exemple les blessures sont apparemment insuffisantes pour avoir des conséquences graves, il peut s’agir d’un cas de négligence, la personne n’ayant pas reçu les soins nécessaires au départ. Un décès peut aussi avoir été provoqué par des causes psychologiques, telles qu’une peur ou un stress extrêmes, ou par des causes simples mais touchant des organes vitaux; on parle alors de lésions sympathiques et parasympathiques. Il arrive par ailleurs qu’un rapport médico‑légal soit demandé plusieurs années après les faits, la torture constituant un crime imprescriptible.

12.M. ABDEL AZIZ (Égypte) rappelle que la loi dispose que les lieux de détention (prisons et commissariats de police) doivent être régulièrement inspectés. Les inspections, réalisées par des membres du parquet, peuvent être périodiques, inopinées ou faire suite à une plainte. Elles ont pour but à veiller à ce que toutes les dispositions voulues soient prises pour garantir la sécurité des détenus et le respect de leurs droits. Les responsables des lieux de détention sont tenus de présenter tous les registres des détenus à chaque inspection. Le représentant du parquet vérifie ces registres puis élabore un procès‑verbal. Lorsqu’il constate qu’une personne est détenue illégalement, il interroge celle-ci, de même que le responsable de sa détention, puis ordonne sa mise en liberté sans condition. Il convient de préciser que les locaux des services de renseignements de la Sûreté sont de simples bureaux à usage administratif et ne sont donc pas justiciables de ce régime d’inspection. En cas de plainte faisant état de la détention d’une personne dans ces locaux, un membre du parquet est envoyé sur place pour établir un procès‑verbal et ordonner que l’intéressé soit transféré dans un lieu de détention légal, où elle sera entendue et éventuellement libérée.

13.Les mesures prises par le parquet en cas de décès ou de torture dans un centre de détention sont les suivantes: après réception de la plainte, un membre du parquet se rend sur les lieux, où il procède à une inspection et examine le corps de la victime et s’efforce, le cas échéant, d’identifier des instruments utilisés. Un médecin légiste est convoqué pour examiner les blessures et tenter de déterminer leur cause. Les témoins et les proches de la victime sont interrogés, ainsi que la personne responsable du lieu de détention et les auteurs des mauvais traitements. L’affaire est ensuite portée devant un tribunal ou classée. Le requérant est alors informé de cette décision; il peut dans tous les cas interjeter appel.

14.M. HAMMAD (Égypte) dit que la Commission des droits de l’homme a été créée en 1999, au sein du Ministère de l’intérieur, comme suite aux recommandations du Comité contre la torture. Cette commission est présidée par un des adjoints du Ministre et formée de représentants de plusieurs organes responsables des droits de l’homme au sein du Ministère. Elle est chargée d’étudier les moyens de renforcer la protection des droits de l’homme dans les relations entre le Ministère de l’intérieur et les citoyens, de recenser les violations commises et les obstacles au plein exercice des droits de l’homme et de rechercher des solutions pour éliminer ces obstacles. Elle organise des sessions de formation et des séminaires de sensibilisation aux droits de l’homme et se réunit régulièrement. Elle soumet des observations ou des recommandations au Ministre, qui adresse ensuite des directives aux différents organes compétents, en particulier ceux qui sont en contact avec le public. Ces directives concernent également parfois d’autres ministères, le Gouvernement s’efforçant de favoriser la coopération entre les différents organes de l’État en matière de promotion et de protection des droits de l’homme.

15.Le Parti de la libération islamique est une organisation terroriste fondamentaliste interdite en Égypte. Implanté notamment en Grande-Bretagne, il a pour objectif de restaurer le «califat islamique». En avril 2002, quatre ressortissants britanniques accusés d’appartenir à cette organisation et d’œuvrer à consolider ses réseaux ont été arrêtés sur le territoire égyptien, en même temps que plusieurs dizaines d’autres personnes. L’un d’entre eux, M. Hassan Saïd Rizfi, a été immédiatement libéré et a pu rentrer en Grande‑Bretagne en août 2002. Les trois autres, M. Reza Pankhurst, M. Maajid Nawaz et M. Ian Malcom Nisbett, qui ont reconnu leur rôle au sein de ce parti, ont été inculpés pour appartenance à une organisation terroriste et détention de publications visant à promouvoir ses activités. La procédure judiciaire est toujours en cours. Depuis le début de leur détention, les trois inculpés ont reçu des visites régulières du Consul général de Grande‑Bretagne et de leurs avocats. Ils ont également reçu la visite de membres de leur famille à plusieurs reprises. Ils sont par ailleurs autorisés à téléphoner librement à toute personne de leur choix. À aucun moment leurs droits n’ont été violés. M. Pankhurst a été examiné par un médecin légiste, qui n’a constaté aucun mauvais traitement.

16.Pour ce qui est de la question de la destruction de logements dans certains quartiers du Caire, dont le quartier Manshiyyat Nasser, ceux‑ci avaient été construits sans autorisation et le Gouvernement avait dû adopter une politique d’urbanisation en vue de leur rénovation, voire de leur reconstruction. C’est dans le cadre d’un accord de coopération avec l’Agence allemande de coopération technique (GTZ) que les autorités locales de la ville du Caire ont ainsi fait raser un certain nombre de bidonvilles. De la même façon, un quartier entier de la ville de Port‑Saïd, construit en 1956, a dû être évacué car les bâtiments menaçaient de s’écrouler. L’État a fait construire 2 900 nouvelles unités de logement, dont 1 900 ont été attribuées aux anciens habitants du quartier.

17.La loi no 162 (1958) sur l’état d’urgence habilite le Ministre de l’intérieur, à ordonner l’internement administratif dans certains cas, pour les personnes susceptibles d’actes de terrorisme notamment. Il convient de noter que les personnes ainsi retenues sont traitées de la même façon que les personnes en détention provisoire et jouissent de tous les droits reconnus aux détenus dans les prisons. Il est difficile de tenir un compte précis des personnes en internement administratif car des ordonnances de placement en détention ou de libération interviennent tous les jours. Enfin, il faut savoir que le Gouvernement égyptien ne s’oppose en rien à ce que les décisions de justice ordonnant la libération de détenus soient respectées. Toutefois, si ces personnes récidivent ou participent à la préparation d’actes de terrorisme, un nouveau mandat d’arrêt est pris à leur encontre pour protéger la société, et ce, sous contrôle judiciaire strict.

18.Les établissements pénitentiaires doivent être soumis à une certaine discipline, ce qui explique que des sanctions sont prévues pour assurer le maintien de l’ordre et de la sécurité dans leur enceinte. L’une d’entre elles, prévue par la loi no 39 de 1956 relative aux prisons, est la mise au secret, qui peut être ordonnée pour une durée d’une semaine par le responsable de la prison.

19.La loi no 109 (1971) sur les forces de police régit les sanctions applicables aux agents de police: avertissement, rétrogradation pour une période inférieure à deux mois, gel de la promotion pour une période de trois mois, suppression d’une prime qui avait été accordée, licenciement. Les officiers d’un grade inférieur à celui de général sont jugés par le conseil de discipline, dont ils peuvent contester la décision auprès du conseil de discipline d’appel. Les généraux sont déférés devant le conseil de discipline suprême composé de magistrats de la Cour d’appel du Caire et du Conseiller chargé de la sécurité de l’État au sein du Ministère de l’intérieur. L’imposition de sanctions administratives ou disciplinaires n’empêche pas d’engager des poursuites pénales contre un officier de police, à moins que ce soit le parquet lui‑même qui ait renvoyé l’agent devant le conseil de discipline.

20.Le Comité a reçu des informations faisant état d’actes de torture commis pendant la garde à vue. Shahhata Sha’ban Shahhata avait été placé en garde à vue au commissariat de Qasr al‑Nil au Caire le 28 octobre 1999. Une bagarre avait éclaté entre plusieurs personnes placées en garde à vue, dont l’intéressé qui, d’après certains détenus témoins de la scène, avait perdu connaissance car il souffrait de troubles respiratoires. Il était déjà décédé lorsque les secours étaient arrivés sur les lieux. Le parquet a ensuite ordonné une autopsie, qui a révélé la présence de lésions corporelles graves, à l’origine du décès. Un procès s’est ouvert le 28 février 2000, qui a abouti à la condamnation à un an d’emprisonnement avec sursis d’un policier impliqué dans l’affaire; celui‑ci a fait appel. L’affaire Badr Al-Din Gom’a Isma’il comporte aussi des allégations de torture dans les locaux de la police, à Alexandrie. Le 7 septembre 1996, l’intéressé avait avoué le meurtre de sa petite fille, disparue en février de la même année; il a fait valoir que ses aveux avaient été obtenus sous la contrainte. L’enquête se poursuit.

21.M. KHALIL (Égypte) dit que les fonctions de la Direction générale des questions relatives aux droits de l’homme du Ministère de la justice, qu’il dirige, sont nombreuses. Elle veille notamment à l’harmonisation du droit interne et les instruments internationaux et étudie une éventuelle modification de la législation qui permettrait à l’Égypte de lever les réserves qu’elle a formulées lors de l’adhésion à ces divers instruments, et partant, de s’acquitter pleinement de ses obligations internationales. La Direction s’est également donné pour objectif de former les membres de la magistrature, du parquet et de la police au respect des droits de l’homme dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions. En collaboration avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), des séminaires et ateliers ont été organisés pour faire mieux connaître les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et ont porté sur tous les aspects juridiques et pratiques de la mise en œuvre des divers instruments internationaux en la matière. La Direction envisage de tenir d’autres séminaires, en vue de sensibiliser les personnels de la justice et de la police à l’importance de la lutte contre la torture.

22.L’état d’urgence est régi par la loi no 162 (1958) sur l’état d’urgence, qui énonce les règles et dispositions à appliquer lorsque l’état d’urgence a été proclamé (conditions dans lesquelles l’état d’urgence peut être proclamé, autorité compétente pour le proclamer, procédure permettant de le prolonger, mesures qui peuvent être prises pendant qu’il est en vigueur, procédure applicable par les tribunaux d’exception et effets de la levée de l’état d’urgence). Cette loi est totalement conforme aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui autorise l’adoption de mesures exceptionnelles lorsque l’état d’urgence est proclamé. Elle ne stipule pas que les dispositions du Code pénal relatives notamment au délit de torture doivent être suspendues. En conséquence, la torture et d’autres actes criminels continuent d’être considérés comme des délits. L’état d’urgence n’interrompt en rien les activités du parquet, pas plus qu’il n’entrave le bon déroulement de la justice. La loi sur l’état d’urgence prévoit la création de cours de sûreté de l’État de première instance et de hautes cours de sécurité de l’État dans le ressort de chaque cour d’appel. Elle autorise également le Président à nommer deux fonctionnaires en tant que membres supplémentaires de ces tribunaux, mais cette disposition n’a jamais été appliquée. Les jugements rendus par les tribunaux d’exception doivent obligatoirement être examinés et approuvés par l’un des juges qui président une cour d’appel, ce qui équivaut à une procédure de recours, que l’accusé ait exprimé sa volonté de faire appel ou non. Il convient de noter que le juge en question ne peut qu’alléger la peine; il ne peut en aucun cas l’alourdir. Enfin, une fois qu’il a été approuvé par le Président de la République, le jugement devient définitif. Dans l’affaire du Queen Boat, discothèque fréquentée par la communauté homosexuelle, où avaient été arrêtées en mai 2001 une cinquantaine de personnes par la suite poursuivies pour «débauche», le jugement de la Haute Cour de sécurité de l’État a été cassé par le Président de la République, qui a estimé que la question dont ce tribunal avait été saisi − la prostitution − ne relevait pas de sa compétence et qu’elle devait être examinée par un tribunal ordinaire. Il faut savoir que la loi no 10 (1961) sur la répression de la prostitution ne prévoit pas la détention de personnes en raison de leur orientation sexuelle mais punit d’un emprisonnement de un à trois ans l’incitation à la prostitution ou à d’autres actes contraires aux bonnes mœurs.

23.La législation égyptienne traite spécifiquement de la torture à l’article 126 du Code pénal, qui dispose expressément qu’un acte de torture commis sur ordre d’un fonctionnaire ou par un fonctionnaire constitue une infraction pénale. Quiconque consent tacitement à un acte de torture ou commet un tel acte sur ordre d’autrui est par conséquent considéré comme ayant commis le crime de torture et se verra appliquer les peines prévues par le Code pénal en la matière. En outre, la torture étant un délit punissable selon la loi et l’ignorance de la loi ne pouvant être invoquée comme justification, en aucune circonstance le fait d’avoir agi sur ordre de supérieurs ne peut être invoqué pour justifier des actes de torture. Enfin, pour qu’il y ait délit de torture, la loi ne stipule pas que la torture doive avoir pour effet une douleur ou une souffrance d’une gravité spécifique ou qu’elle doive laisser des traces. Aussi, tout mauvais traitement, y compris psychologique, peut être assimilé à un acte de torture. Dans l’ordre juridique interne, la Convention peut être invoquée directement devant les tribunaux, qui peuvent y recourir pour formuler leur jugement.

24.En ce qui concerne la protection des réfugiés, l’Égypte est partie à la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 et est donc tenue de s’acquitter de toutes les obligations qui lui incombent en vertu de cette convention. Répondant aux questions sur l’application de la peine capitale en Égypte, M. Khalil fait observer qu’un certain nombre de procédures et de garanties existent. Les jugements sont prononcés par les juridictions pénales constituées par les plus hautes autorités judiciaires et sont soumis à l’avis consultatif du Mufti. Le jugement final doit être rendu à l’unanimité et, si la sentence est prononcée, il est automatiquement renvoyé à la Cour de cassation, même sans demande de l’accusé. Si le jugement est confirmé, il est soumis au Président de la République qui a le droit de grâce. L’exécution s’effectue par pendaison, dans un endroit réservé à cet effet dans les prisons, en présence de magistrats et de la famille du condamné. Des dispositions spéciales régissent la condamnation à mort des femmes enceintes et la peine de mort n’est pas appliquée aux mineurs de 18 ans. Tous les crimes de torture font l’objet d’une enquête qui requiert le concours de divers services spécialisés, notamment de médecins légistes. La recherche de témoins n’est pas toujours facile et les procédures suivies dans le cadre de l’instruction des affaires sous le contrôle permanent du Bureau du procureur général prennent souvent beaucoup de temps. En règle générale, la loi dispose que la victime d’une infraction mineure peut engager directement une action en justice, mais en cas de plainte pour torture, seul le parquet est habilité à engager une action, notamment pour les actes de torture commis par des fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions.

25.En ce qui concerne la question des réparations, toute victime de mauvais traitements ou de torture peut s’adresser aux tribunaux pénaux pour signaler sa qualité de victime en vue de demander réparation. D’une manière générale, cette demande de réparation a un caractère provisoire et quand la juridiction pénale a rendu un verdict de condamnation, la demande d’indemnisation est confirmée, la victime peut s’adresser à la juridiction civile pour qu’elle détermine le montant de l’indemnisation. Il n’existe pas de barème fixe; la réparation est appréciée au cas par cas, en fonction du préjudice moral ou matériel.

26.À propos des affrontements qui ont eu lieu le 14 octobre 1998 dans le village d’El Kosheh, M. Khalil dit que le parquet a fait appel du jugement rendu et que l’affaire a été renvoyée à la Cour de cassation. Une nouvelle enquête a été ouverte et il est prévu qu’un jugement soit rendu en 2003. Par ailleurs, il dit qu’il n’y a pas de contradiction entre les tableaux 1 et 2 figurant aux pages 26 et 27 du quatrième rapport périodique (CAT/C/55/Add.6). Le tableau 1 contient les chiffres relatifs aux mesures prises à l’encontre des officiers et membres de la police, alors que le tableau 2 présente les sanctions administratives infligées exclusivement à des officiers. Les actes de torture sont qualifiés de délit par le Code pénal et sont imprescriptibles. De plus, l’État garantit l’indemnisation de toute personne soumise à des actes de torture. Selon un principe constitutionnel du droit égyptien, les déclarations dont il est établi qu’elles ont été obtenues par la torture ne peuvent pas être invoquées comme éléments de preuve. Des aveux extorqués sous la contrainte peuvent entraîner l’annulation du jugement puisque les preuves ne sont pas valables. Si un accusé, à tout moment du procès, déclare avoir fait l’objet de torture et de violence pour avouer, le tribunal doit ouvrir une enquête sur cette allégation et établir les faits. Il est rare qu’une déclaration de culpabilité repose exclusivement sur des aveux mais si la validité des aveux est contestée et s’il n’y a pas d’autres éléments de preuve, les déclarations attribuées au suspect sont nulles.

27.Mme GABR (Égypte) donne au Comité l’assurance que l’Égypte fera tout son possible pour donner effet à ses recommandations et promouvoir les droits de l’homme dans le pays. Des programmes de formation du personnel des différents organismes spécialisés chargés de l’administration de la justice sont déjà en place et les activités du Parquet général et du Département des droits de l’homme institué au sein du Ministère des affaires étrangères pour servir de lien entre les divers services nationaux traitant de la question ont été renforcées. La délégation égyptienne se réjouit de poursuivre la coopération avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et est à la disposition des membres pour répondre à toute autre question qu’ils voudront lui poser.

28.M. MARIÑO MENÉNDEZ (Rapporteur pour l’Égypte) remercie la délégation de ses réponses. Il lui reste seulement à demander si l’exercice de la compétence universelle en matière de torture est possible avec le système juridique égyptien et si le Gouvernement égyptien pourrait refouler, expulser ou extrader une personne vers un pays susceptible de l’extrader vers un pays tiers où elle courrait le risque d’être torturée. Il voudrait aussi avoir des informations sur les réfugiés sierra-léonais qui ont été inculpés, se demandant pour quels motifs et ce qu’il est advenu d’eux. Enfin, il demande s’il existe une possibilité de recours contre une décision du procureur de ne pas accepter une plainte à l’encontre d’un fonctionnaire ayant commis des actes de torture.

29.M. YAKOVLEV (Corapporteur pour l’Égypte) demande comment est exercé le droit à réparation lorsqu’un verdict d’acquittement est prononcé à l’égard de l’auteur présumé de l’acte de torture; l’action civile est-elle encore possible? Il souhaite aussi savoir si la victime de torture ou son ayant droit qui n’est pas satisfait du verdict, peut former directement un recours ou si seul le procureur a cette faculté.

30.M. KHALIL (Égypte) répond que les dispositions de la Convention s’appliquent à tous réfugiés ou non. La délégation n’est pas en mesure de donner les renseignements demandés au sujet des détenus sierra-léonais. À propos de la compétence universelle, le juge applique les lois locales. Les tribunaux égyptiens sont compétents pour juger et punir tout citoyen égyptien qui, à l’étranger, commet un acte de torture et retourne ensuite en Égypte, pourvu que l’acte soit qualifié de délit au regard du droit du pays dans lequel il a été commis. Si un crime est commis par un étranger hors d’Égypte, les tribunaux égyptiens ne sont pas compétents pour le juger s’il retourne en Égypte.

31.Le droit à indemnisation des victimes de la torture est garanti même en cas d’acquittement de l’auteur présumé. Une action civile est toujours possible sous réserve de certaines limitations légales. En principe, la victime doit obtenir réparation de la part de la personne coupable de l’acte de torture.

32.Mme GAER remercie la délégation de toutes ses réponses. Elle aurait souhaité des statistiques sur les enquêtes menées sur les allégations d’actes de torture qui se seraient produits dans des lieux relevant du Service de renseignements de la sûreté de l’État. Elle voudrait également des informations sur les personnes emprisonnées du fait de leur orientation sexuelle et inculpées de «pratique de la débauche», et surtout sur l’application de l’article 98 du Code pénal qui dispose que l’homosexualité est une source d’«atteinte à l’harmonie sociale». Tout en approuvant la mise en place du projet de développement urbain, elle comprend mal les mauvais traitements dont auraient fait l’objet des occupants de bidonvilles chassés sans notification préalable et violemment battus par la police. Elle souhaite aussi des précisions supplémentaires sur l’affaire Shahbata Sha’ban Shabhata car, selon Amnesty International, le responsable avait été inculpé d’homicide et non de torture. Elle voudrait connaître le sort des 13 officiers de police impliqués dans les actes de torture perpétrés contre Goma’a. Enfin, Mme Gaer demande confirmation des techniques d’interrogatoire qui auraient été utilisées au cours de la longue détention d’Ahmad Sa’id Ibrahim.

33.Le PRĖSIDENT remercie la délégation égyptienne et l’invite à répondre par écrit à ces questions et à revenir à une prochaine séance pour entendre les conclusions et recommandations du Comité.

34. La délégation égyptienne se retire.

La séance est levée à 17 h 30.

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