Nations Unies

CAT/C/SR.1112

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

Original: français

Comité contre la torture

Quarante- neuv ième session

Co mpte rendu analytique de la première partie (publique)* de la 1112 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le vendredi 9 novembre 2012, à 10 heures

Président: M. Grossman

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Cinquième rapport périodique de la Fédération de Russie

La séance est ouverte à 10 heures.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Cinquième rapport périodique de la Fédération de Russie (CAT/C/RUS/5; CAT/C/RUS/Q/5; HRI/CORE/1/Add.52/Rev.1)

1. Sur l ’ invitation du Président, la délégation russe prend place à la table du Comité.

2.M.  Matyushkin(Fédération de Russie), passant en revue les principaux faits nouveaux intervenus depuis la soumission du rapport de l’État partie en décembre 2010, dit que les autorités russes ont poursuivi leurs efforts tendant à remédier au surpeuplement des centres de détention provisoire (SIZO) et des établissements pénitentiaires, notamment en adoptant de nouvelles dispositions législatives visant à réduire le recours à la détention provisoire et aux peines privatives de liberté. En 2011, le nombre de décisions judiciaires concernant le placement d’un suspect en détention provisoire a diminué de plus de 25 % par rapport à 2009 et de près de 40 % par rapport à 2007. En 2010, une nouvelle peine de substitution, la restriction de liberté, qui consiste notamment dans l’interdiction de quitter le domicile à certaines heures de la journée ou de participer à des manifestations publiques sans autorisation, a été instituée et, depuis 2011, plus de 36 000 personnes en ont bénéficié. En outre, les juges prononcent moins souvent des peines privatives de liberté. En 2011, le nombre de personnes condamnées à une peine d’emprisonnement a diminué de 20 % par rapport à 2009 et de près de 25 % par rapport à 2007.

3.Toute une série de mesures ont été prises pour améliorer les conditions de détention, dont le Plan-cadre pour le développement du système pénitentiaire et le Programme stratégique fédéral de réforme du système pénitentiaire, en application duquel plus de 9 000 places supplémentaires ont été créées dans les SIZO. Actuellement, la superficie moyenne par détenu dépasse la norme fixée dans la législation nationale, qui est de 4 mètres carrés.

4.Afin de lutter contre l’impunité des auteurs d’actes de torture commis pendant l’interrogatoire de suspects, un service spécial chargé d’enquêter sur les allégations faisant état d’un usage illégal de la force par des membres de la police a été créé au sein de la Commission d’instruction, organe indépendant chargé des enquêtes préliminaires en matière pénale.

5.La réforme de fond du système des services de l’intérieur se poursuit. En 2011, après de larges consultations, la loi sur la police a été adoptée. Ce texte prévoit des garanties procédurales permettant d’assurer que les forces de l’ordre respectent les droits et libertés de la personne et que les activités de la police soient surveillées par la société civile.

6.Des commissions de surveillance habilitées à se rendre dans les lieux de détention ont été mises en place en application d’une loi adoptée en 2008. Ces commissions comptent en tout 700 membres et effectuent plus de 1 500 visites par an. Elles n’ont pas besoin d’une autorisation pour pouvoir se rendre dans un lieu de détention. Enfin, en 2010, un mécanisme de protection juridique contre les retards injustifiés dans le déroulement des procédures a été créé et son efficacité a été reconnue en 2011 par la Cour européenne des droits de l’homme.

7.M me Gaer(Rapporteuse pour la Fédération de Russie) relève avec satisfaction que l’État partie a opté pour la procédure facultative d’établissement des rapports périodiques mais regrette que le dialogue ait lieu deux ans après la soumission du rapport, l’examen oral, initialement prévu en mai 2012, ayant été ajourné à la demande des autorités russes.

8.Concernant les garanties fondamentales pour la protection des droits des suspects, Mme Gaer souhaiterait savoir si l’État partie envisage de prendre des mesures afin que les personnes arrêtées puissent avertir personnellement un membre de leur famille et pour que les avocats n’aient plus à obtenir une autorisation des services d’enquête pour pouvoir entrer en contact avec leur client lorsque celui-ci se trouve dans un centre de détention temporaire (IVS) ou dans un SIZO. Elle aimerait en outre savoir s’il est déjà arrivé que des fonctionnaires de police fassent l’objet de sanctions disciplinaires pour avoir refusé à un suspect le droit de s’entretenir avec un avocat, si tous les interrogatoires sont filmés, si les enquêteurs et les avocats peuvent obtenir les enregistrements vidéo et, dans la négative, pour quels motifs. De plus amples précisions sur les visites mensuelles des procureurs dans les centres de détention provisoire et leurs visites trimestrielles dans les établissements pénitentiaires seraient utiles. Il serait aussi intéressant de savoir si des violations de la Convention ont été décelées lors de ces inspections et, le cas échéant, quelles mesures ont été prises pour y remédier et punir les responsables. En particulier, la délégation voudra bien indiquer si, à la suite de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme évoqué au paragraphe 85 du rapport, des mesures ont été prises pour poursuivre les responsables des violations qui avaient été constatées.

9.La délégation voudra bien fournir des statistiques sur le nombre de cas de violations de la Convention mis en évidence par le Médiateur dans le cadre de ses inspections dans les lieux de détention. Elle pourrait également indiquer si des ressources supplémentaires pourraient être allouées aux médiateurs régionaux afin qu’ils ne dépendent plus du bon vouloir de l’administration régionale pour pouvoir se rendre dans les centres de détention situés dans des zones reculées. De même, la délégation voudra bien indiquer si les autorités fédérales envisagent d’allouer des crédits aux 78 commissions de surveillance créées en application de la loi pertinente de 2008 afin que celles-ci puissent s’acquitter efficacement de leurs tâches et si des mesures pourraient être prises afin de garantir que les membres de ces commissions soient nommés par une institution indépendante telle que le Médiateur. Sachant que certains de ces membres se sont vu refuser l’accès à des lieux de détention sous divers prétextes, notamment à Sverdlovsk, Rostov, Nijni Novgorod et Moscou, Mme Gaer souhaiterait recevoir des informations sur les mesures prises afin d’éliminer les obstacles empêchant ces commissions de s’acquitter de leur mandat. Elle aimerait en outre savoir si une enquête a été ouverte sur l’affaire Alexey Sokolov, un membre d’une commission de surveillance de la région de Sverdlovsk qui, après avoir dénoncé des violations de la Convention dans les lieux de détention, a été arrêté et condamné sur la base de preuves fabriquées. Mme Gaer demande à qui les rapports des commissions de surveillance sont transmis pour suite à donner et prie la délégation de fournir des statistiques sur le nombre de cas de torture et de mauvais traitements signalés par les commissions qui ont donné lieu à une enquête pénale et des poursuites ainsi que sur l’issue de ces dernières. La délégation est également invitée à fournir des informations sur l’affaire Leonid Razvozzhaev, un ressortissant russe disparu en Ukraine alors qu’il y déposait une demande d’asile, qui aurait été livré aux autorités russes et torturé. Une enquête a-t-elle été diligentée sur cette affaire? À propos de l’affaire Serguei Magnitsky, un avocat décédé en détention provisoire en 2009, Mme Gaer aimerait savoir pourquoi les proches du défunt n’ont pas encore été autorisés à accéder aux éléments matériels du dossier dont ils ont besoin pour faire réaliser une expertise médico-légale et pourquoi les organes compétents ont tellement tardé à ouvrir une enquête sur le décès de M. Magnitsky. En outre, elle aimerait savoir combien d’enquêtes sont lancées à la demande du Commissaire aux droits de l’homme, Vladimir Lukin.

10.Dans ses commentaires sur les observations finales formulées par le Comité au sujet de son quatrième rapport périodique (CAT/C/RUS/CO/4/Add.1), l’État partie a donné plusieurs statistiques sur les plaintes portées par des détenus contre le personnel pénitentiaire. La Rapporteuse souhaiterait que la délégation complète ces informations par des statistiques sur les allégations de torture et de mauvais traitements mettant en cause des membres des forces de l’ordre et des agents du Ministère de l’intérieur. La délégation voudra bien donner des explications sur le contraste frappant entre le nombre élevé de plaintes et le nombre très restreint de poursuites auxquelles ces plaintes donnent lieu.

11.Mme Gaer aimerait savoir combien d’enquêtes sur des cas de torture ont été ouvertes à la demande du Bureau du Médiateur. Selon certaines informations, le Médiateur n’a pas réussi à convaincre le parquet de la région d’Irkoutsk d’ouvrir une enquête sur des actes présumés de torture dans le SIZO no 1. La délégation peut-elle fournir des précisions sur cette affaire?

12.Mme Gaer relève que les statistiques détaillées fournies par l’État partie concernent les plaintes visant le personnel pénitentiaire et non la police. Des données concernant les plaintes contre des policiers seraient les bienvenues. La délégation est aussi invitée à fournir des explications sur l’écart important qui existe entre le nombre de plaintes et le nombre de poursuites engagées.

13.Mme Gaer aimerait savoir comment le travail des enquêteurs est supervisé et si certains d’entre eux ont déjà fait l’objet de sanctions pour manquement à l’obligation d’enquêter, sachant que près de la moitié des affaires entendues par la Cour européenne des droits de l’homme concernant le non-respect de cette obligation visent la Fédération de Russie. Elle demande si l’État partie a l’intention de renforcer le Comité d’instruction, qui devrait en théorie traiter des milliers de plaintes avec un effectif d’une soixantaine de personnes pour l’ensemble du pays. Des données concernant les activités de cet organe seraient les bienvenues. La délégation est également invitée à donner des exemples de cas où des éléments de preuve obtenus sous la torture ont été écartés par les tribunaux.

14.En ce qui concerne la situation dans le Caucase du Nord, Mme Gaer aimerait avoir plus d’informations sur les mesures de sécurité prises et les enquêtes menées concernant des disparitions ou des enlèvements. Elle aimerait aussi connaître le calendrier prévu pour la publication par l’État partie des rapports du Comité européen pour la prévention de la torture.

15.Mme Gaer souhaiterait obtenir des informations supplémentaires sur les enquêtes et les poursuites relatives au décès en garde à vue de Serguei Nazarov en mars 2012 et sur les mesures prises pour prévenir des actes de violence policière comme ceux qui auraient causé sa mort. La délégation est aussi invitée à donner des informations à jour sur les mesures de protection des défenseurs des droits de l’homme et en particulier sur les enquêtes relatives aux meurtres d’Anna Politkovskaïa et de Natalya Estemirova, les violences subies par Sapiyat Magomedova et les mesures d’intimidation visant Tanya Lokshina. À cet égard, les nouvelles lois sur l’extrémisme et sur les ONG sont très préoccupantes et font craindre qu’une association russe recevant une aide financière du Fonds volontaire des Nations Unies pour les victimes de la torture puisse être considérée comme un agent de l’étranger. Des éclaircissements sur ce sujet seraient les bienvenus.

16.En ce qui concerne la protection des minorités et des groupes vulnérables, Mme Gaer souhaiterait en savoir plus sur les enquêtes ouvertes et les mesures prises concernant des cas de décès de Roms en garde à vue, de passage à tabac et d’enlèvement de Tadjiks, de harcèlement de militants des communautés lesbienne, homosexuelle, bisexuelle et transsexuelle, et de mauvais traitements subis par des manifestants pacifiques.

17.M. Bruni (Corapporteur pour la Fédération de Russie), se référant au paragraphe 28 du cinquième rapport périodique, dit que la détention au secret crée des situations de vulnérabilité et demande si ce type de détention fait l’objet d’un contrôle et est soumis à une durée maximale. Il invite la délégation à commenter les informations selon lesquelles des personnes seraient victimes de mauvais traitements entre leur arrestation et l’enregistrement officiel de leur mise en garde à vue. Il rappelle que l’enregistrement vidéo des interrogatoires faisait partie des recommandations formulées par la Haut-Commissaire aux droits de l’homme après sa visite en Fédération de Russie en 2007 et demande si des mesures ont été prises dans ce domaine.

18.En ce qui concerne le bizutage dans les forces armées, M. Bruni note que, de l’avis même du Gouvernement russe, ce phénomène n’a pas encore été éradiqué. Des informations sur les mesures supplémentaires prévues pour lutter contre cette pratique, telles que sa pénalisation et l’expulsion automatique des auteurs, seraient appréciées.

19.En ce qui concerne le principe de non-refoulement, M. Bruni demande si le projet de loi mentionné au paragraphe 156 du rapport de l’État partie a été adopté. Rappelant que les procédures en matière d’extradition doivent être conformes à l’article 3 de la Convention contre la torture, il demande des précisions sur le cas de Yusup Kasymakhunov, qui pourrait être extradé vers l’Ouzbékistan alors qu’il risque d’y être soumis à la torture. Notant qu’un nombre très important d’étrangers et d’apatrides ont fait l’objet d’une mesure d’expulsion administrative en 2009, il demande des précisions sur les critères retenus et les pays vers lesquels ces personnes sont expulsées.

20.M. Bruni demande à la délégation d’expliquer pourquoi, chaque année, seules quelques dizaines de procédures pénales sont ouvertes au sujet d’actes de torture ou de mauvais traitements dans le système pénitentiaire alors que plusieurs milliers d’attestations faisant état de tels actes sont établies par le personnel médical. Il aimerait avoir des exemples de cas où le parquet a annulé des sanctions disciplinaires arbitraires prises à l’encontre de détenus ainsi que des explications concernant le nombre alarmant de violations de ce type recensé en 2009. Rappelant que le Rapporteur spécial sur la torture recommande de ne pas recourir au placement à l’isolement pour des raisons disciplinaires, il demande des précisions sur les cellules disciplinaires et les cellules d’isolement utilisées dans les centres de détention russes. La délégation est aussi invitée à fournir des informations sur le taux d’occupation globale des lieux de détention en Russie. Des précisions seraient également les bienvenues concernant les centres pénitentiaires spéciaux qui devraient accueillir les personnes condamnées aux travaux forcés à partir de 2013. En quoi cette mesure constitue-t-elle une peine de substitution permettant de réduire la population carcérale?

21.M. Bruni aimerait un complément d’information sur la situation des services de santé dans les lieux de privation de liberté, notamment les services offerts aux personnes handicapées, ainsi que sur la situation dans les hôpitaux psychiatriques. Il s’étonne qu’aucun cas de torture ou de peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant n’ait été enregistré dans les SIZO alors que le nombre de plaintes a été multiplié par 20 entre 2004 et 2009. Des précisions à ce sujet seraient les bienvenues. De même, il s’étonne que les chiffres officiels fassent apparaître les traitements cruels et actes de violence sexuelle contre des femmes et des mineurs comme un phénomène quasi inexistant dans le système pénitentiaire russe alors que de tels faits surviennent dans de nombreux autres pays et que le Comité a eu connaissance d’allégations contraires très graves. La délégation est invitée à apporter des éclaircissements sur cette question.

22.M. Bruni demande si les autorités russes ont mis en place des services spéciaux de réadaptation physique et psychologique des victimes de la torture ou ont l’intention de le faire. La déclaration que vient de faire le chef de la délégation russe selon laquelle un détenu dispose en moyenne de plus de 4 mètres carrés vient contredire le paragraphe 291 du rapport, qui indique que cette superficie est parfois inférieure à 2 mètres carrés. Des éclaircissements à ce sujet seraient les bienvenus. Les chiffres fournis par l’État partie montrent que les décès en détention, notamment des suites du sida, sont en hausse. La délégation est invitée à expliquer les causes de ce phénomène et à décrire les mesures prises pour inverser cette tendance.

23.M. Bruni engage de nouveau l’État partie à rendre publics les rapports et recommandations élaborés par le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) à l’occasion de ses visites en Fédération de Russie. Il note que le CPT a fait des déclarations publiques sur la situation en Tchétchénie en 2001, 2003 et 2007 et que, conformément au paragraphe 2 de l’article 10 de la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, de telles déclarations signifient que l’État partie ne coopère pas ou refuse d’améliorer la situation à la lumière des recommandations du CPT.

24.M me Sveaass, soulignant que les informations fournies au Comité par la société civile constituent un élément essentiel du dialogue avec les États parties, demande si la nouvelle définition élargie de la haute trahison adoptée par le Parlement russe pourrait avoir pour conséquence que les ONG qui partagent des informations avec le Comité ou qui reçoivent une aide financière de l’ONU soient considérées comme des agents de l’étranger. Elle demande aussi si l’État partie envisage d’adresser une invitation au Rapporteur spécial sur la torture. Elle voudrait également savoir si les établissements psychiatriques qui accueillent des patients internés contre leur gré sont contrôlés par le Procureur général régulièrement ou seulement en cas de plainte, et sur quels aspects porte le contrôle. Elle souhaiterait en outre obtenir des informations sur les cas signalés de mauvais traitements dans les hôpitaux psychiatriques. Elle invite aussi la délégation à renseigner le Comité sur les enquêtes diligentées dans les affaires de brutalités policières commises contre des Roms et sur les mesures de prévention prises à cet égard. La délégation pourra aussi informer le Comité des mesures prises pour prévenir les violences familiales et des dispositions qui les interdisent, et indiquer s’il est envisagé de réformer la procédure pénale pour que les actes de violence sexuelle fassent d’office l’objet d’enquêtes, et s’il est prévu d’interdire dans la loi le viol conjugal. En outre, le faible nombre de cas signalés et d’enquêtes concernant des viols soulève des interrogations, et il serait intéressant que la délégation précise si un soutien psychosocial et médical est dispensé aux victimes. Enfin, Mme Sveaass aimerait savoir ce que l’État partie prévoit de faire en faveur de la réadaptation des victimes de la torture et demande aussi des informations sur les stérilisations forcées infligées à des personnes handicapées et à des personnes transgenres.

25.M. Tugushi constate que la torture est définie dans le Code pénal de l’État partie dans une note à l’article 117, sans que l’on sache quel est le statut d’une telle note, que l’article 117 n’utilise pas le terme de «torture» mais de «tourments», que la définition qui est donnée ne criminalise pas en tant qu’actes de torture les actes destinés à faire pression sur une tierce personne, et qu’en outre, la législation prévoit un délai de prescription de dix ans pour l’infraction de torture. Il demande si l’État partie envisage de revoir ces dispositions et d’incorporer dans le Code pénal tous les éléments de la définition de la torture figurant à l’article premier de la Convention, et de faire en sorte que les actes assimilables à la torture soient passibles de poursuites. Le Comité a appris que dans plusieurs cas, les commissions sociales de contrôle chargées de visiter les lieux de privation de liberté n’ont pas été autorisées à rencontrer en privé les personnes avec lesquelles elles souhaitaient s’entretenir, que leurs membres ont parfois fait l’objet d’intimidation et que les commissions doivent toujours prévenir à l’avance des visites prévues. La délégation est invitée à commenter ces allégations et à indiquer s’il est prévu d’accroître les capacités et les ressources de ces commissions. La délégation voudra bien aussi répondre aux allégations selon lesquelles souvent, les suspects ne sont pas autorisés à être assistés d’un avocat avant leur interrogatoire initial et que dans certains cas, les avocats commis d’office cherchent à convaincre leurs clients de faire des aveux.

26.M me Belmirdit que se posent toujours, entre autres questions, celles de la nomination des juges et de leur révocation, de la nomination des jurés, de l’accès à la justice, du droit à s’entretenir avec un avocat, et de la détention provisoire. De très nombreux recours sont introduits contre l’État partie devant la Cour européenne des droits de l’homme sur des questions de procédure pénale, et malgré les réactions positives de la Cour constitutionnelle de l’État partie aux décisions rendues par la Cour européenne, notamment sur les questions de l’accès à la justice et de la durée de la détention provisoire, force est de constater que les problèmes persistent, et il y a lieu de se demander pourquoi.

27.M.  Mariño Menéndezsedemande, au sujet des nombreux cas de disparitions forcées dénoncés notamment dans le Nord-Caucase et en Tchétchénie et qui n’ont fait l’objet d’aucune enquête, s’il ne serait pas utile de créer un registre national des plaintes pour disparition forcée ou torture, l’existence de tels registres étant un gage de plus grande transparence. Il aimerait savoir comment se déroulent les enquêtes sur les cas de torture relevés dans des lieux de détention et attribués à des fonctionnaires, et quelles garanties sont offertes aux plaignants.

28.Constatant que les infractions administratives, qui par définition ne sont pourtant pas des infractions pénales, peuvent emporter des sanctions allant jusqu’à quinze jours de détention, M. Mariño Menéndez demande quelles instances peuvent imposer ces sanctions et s’il existe des voies de recours.

29.Il semble, par ailleurs, être possible d’extrader une personne même si l’asile temporaire lui a été octroyé. La délégation est invitée à indiquer si les décisions d’extradition priment toujours les décisions d’octroi de l’asile temporaire. Dans l’affirmative, il y a lieu de s’interroger sur l’utilité de ce dernier. La délégation pourrait aussi dire s’il est exact que des étrangers détenus à des fins d’expulsion peuvent être maintenus jusqu’à deux ans en détention administrative. Enfin, il serait intéressant de savoir si l’État partie envisage de ratifier les deux grandes conventions relatives à l’apatridie.

30.M. Gaye, estimant que les informations données dans le rapport de l’État partie en ce qui concerne l’interdiction d’invoquer l’ordre d’un supérieur pour justifier la torture sont contradictoires, demande à la délégation de clarifier cette question et d’indiquer si, en vertu de la législation de la Fédération de Russie, une personne qui exécute un ordre attentatoire aux intérêts légitimes d’autrui est considérée comme pénalement responsable. La délégation pourra aussi préciser si la torture est érigée en infraction distincte dans le droit pénal russe.

31.M. Wang Xuexiandemande s’il est exact que 4 423 personnes sont décédées dans les établissements pénitentiaires de la Fédération de Russie en 2012, si des enquêtes ont été menées à ce propos et s’il a été établi que certains de ces décès étaient liés à des actes de torture et de mauvais traitements. Au sujet des expulsions de migrants en situation irrégulière, il serait intéressant de savoir si des procédures appropriées sont en place pour s’assurer que ces expulsions ne contreviennent en aucune façon aux dispositions de la Convention.

32.Le Président dit que l’absence d’une définition claire de la torture intégrant tous les éléments figurant à l’article premier de la Convention pose des problèmes de qualification des infractions et de définition de peines proportionnées et empêche la Fédération de Russie de disposer de statistiques sur les cas de torture et de formuler des politiques en la matière. Il aimerait savoir si l’État partie envisage d’adopter une définition précise et complète de la torture, et demande par ailleurs si, pendant la période considérée, il s’est produit des cas dans lesquels des policiers ont contesté l’ordre d’un supérieur de faire subir un acte de torture.

33.La délégation est invitée à donner des précisions sur le mécanisme de coopération pratique en matière d’obtention de garanties en cas d’extradition qui est en cours d’élaboration. Elle voudra bien aussi fournir des informations sur les affaires de bizutage dans les forces armées, sur les enquêtes menées et les sanctions prononcées dans ces affaires, ainsi que des renseignements sur la formation des procureurs militaires. Aucune demande de protection de témoins n’ayant été enregistrée pendant la période considérée, le Président estime qu’il y a lieu de s’interroger sur l’efficacité du système de protection et de réfléchir à l’opportunité de le réformer.

34.La délégation est invitée à répondre aux questions que le Comité a adressées à l’État partie dans une lettre au sujet de la situation de plusieurs personnes. Enfin, elle voudra bien préciser quelles mesures prend l’État partie pour protéger les homosexuels, les lesbiennes, les personnes bisexuelles et transgenres et indiquer si des enquêtes ont été menées sur les 220 viols qui auraient été commis dans la ville de Kushchyovskaya et si les auteurs ont été traduits en justice.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 12 h 5.