Nations Unies

CAT/C/SR.942

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale10 décembre 2012FrançaisOriginal: anglais

Comité contre la torture

Quarante- quatrième session

Compte rendu analytique (partiel)*de la 942 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le jeudi 6 mai 2010, à 10 heures

Président: M. Grossman

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Quatrième et cinquième rapports périodiques de l’ Autriche (suite)

La séance est ouverte à 10 heures.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Quatrième et cinquième rapports périodiques de l’Autriche (CAT/C/AUT/4-5; CAT/C/AUT/Q/4-5 et Add.1) (suite)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation de l’Autriche re prend place à la table du Comité.

2.Le Pré sident invite la délégation à répondre aux questions posées par le Comité à sa 940e séance.

3.M.  Tichy (Autriche), abordant la question du Comité sur les assurances diplomatiques, confirme que si une personne à extrader risque d’être soumise à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants, les assurances diplomatiques ne sont pas – et n’ont jamais été – acceptées, et ce, pour se prémunir contre le risque en question.

4.Dans le cas de M. Bilasi Ashri, l’Autriche a demandé aux autorités égyptiennes de garantir, notamment, qu’il puisse recevoir la visite de représentants de l’Autriche et qu’il jouisse de la liberté de déplacement s’il est acquitté. Cette demande a été présentée sous la forme de notes diplomatiques. L’expérience acquise à l’occasion de cette affaire a aidé l’Autriche à préciser sa position générale en matière d’assurances diplomatiques par rapport à 2006.

5.En réponse à la question sur les transfèrements extrajudiciaires et les centres de détention secrets, M. Tichy affirme que son gouvernement n’a jamais cessé d’insister sur le fait que la lutte contre le terrorisme devait strictement respecter les règles internationales en matière de droits de l’homme et le droit international humanitaire, et que cette approche était, à long terme, une condition indispensable au succès de cette lutte. L’Autriche a participé aux efforts du Conseil de l’Europe pour préciser les conditions propres à la détention secrète et au transport aérien de détenus. L’Autriche n’est critiquée dans aucun des rapports pertinents. Le Parlement européen s’est également déclaré convaincu que les autorités autrichiennes n’avaient participé à aucun transfèrement extrajudiciaire. Dans un rapport récent sur les centres de détention secrets établi dans le cadre de quatre procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme, et notamment par le Rapporteur spécial sur la torture, il est dit que l’Autriche a coopéré étroitement avec le Conseil de l’Europe.

6.Le Comité a demandé si le plan national autrichien d’action contre la traite d’êtres humains visait aussi la traite d’enfants. M. Tichy précise qu’effectivement ce plan vise tout particulièrement les problèmes de traite d’enfants, notamment dans le cadre du tourisme sexuel. Les victimes ont accès aux services d’aide et de prise en charge psychologique offerts par des organismes d’assistance sociale à la jeunesse. Il existe à Vienne un centre de secours, la Drehscheibe («plaque tournante»), qui vient en aide aux victimes de la traite des enfants et aux mineurs étrangers non accompagnés. Tous les organismes, ainsi que les ministères compétents, sont représentés au sein de l’Équipe spéciale sur le trafic d’êtres humains que préside le Directeur général chargé des affaires consulaires au Ministère des affaires étrangères. Cette Équipe spéciale participe activement aussi aux campagnes contre le tourisme sexuel organisées par l’ONG internationale End Child Prostitution, Child Pornography and Trafficking of Children for Sexual Purposes, avec le soutien vigoureux de la société de cosmétiques Body Shop. Les mineurs non accompagnés peuvent demander l’asile, et l’article 69 a) de la loi fédérale relative à la résidence prévoit une protection spéciale pour cette catégorie de mineurs, qui sont autorisés à rester en Autriche pendant une période de 6 mois, éventuellement susceptible d’être prolongée.

7.M. Tichy assure au Comité qu’en dépit des difficultés budgétaires qu’elle rencontre actuellement, l’Autriche continuera de participer au financement du Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture.

8.M. Tichy regrette qu’aucune ONG autrichienne ne soit venue présenter des informations au Comité avec la délégation autrichienne. Les autorités n’en ont pas moins des contacts réguliers avec de nombreuses organisations de défense des droits de l’homme, en particulier dans l’optique de la rencontre prochaine avec le Conseil des droits de l’homme pour l’examen périodique universel. Des ONG ont aussi collaboré activement avec le Comité européen pour la prévention de la torture et la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) lorsqu’ils se sont rendus en Autriche en 2009.

9.M.  Bogensberger (Autriche) dit que le programme de travail de son gouvernement pour la législature 2008-2013 prévoit notamment d’apporter les modifications nécessaires au droit pénal pour pouvoir appliquer les dispositions de fond du Statut de Rome de la Cour pénale internationale et inscrire une définition de la torture dans le Code pénal. Comme ce dernier comprend déjà une disposition relative au génocide, les amendements résultant du Statut de Rome concerneront en grande partie, le moment venu, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et éventuellement l’agression. Le programme de travail du Gouvernement autrichien fait explicitement référence aux recommandations du Comité sur la définition de la torture. En 2010, la commission parlementaire chargée des droits de l’homme a approuvé des plans d’amendement et a demandé au Ministre de la justice de soumettre des projets de loi. Deux textes devraient être déposés en 2010. Leur libellé reposera sur les dispositions de la Convention et du Statut de Rome, et les peines prescrites correspondront à la gravité des infractions commises; il sera stipulé sans ambigüité que le comportement à l’origine de ces infractions est strictement interdit.

10.En ce qui concerne le racisme, la discrimination raciale et l’intolérance y relative, le Gouvernement autrichien a présenté en avril 2010 un projet de loi portant amendement de l’article 283 du Code pénal, qui interdit l’incitation à des actes hostiles. Le Parlement doit l’examiner prochainement et on peut espérer que cette législation entrera en vigueur avant les vacances d’été. Cette loi sera conforme à la décision-cadre no 2008/913/JI de l’Union européenne sur la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie ainsi qu’aux recommandations de l’ECRI et du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale. L’amendement rendra la législation moins restrictive et recouvrira tous les actes d’incitation à commettre des actes hostiles contre des groupes ou des membres de groupes pour des motifs de race, de couleur de peau, de langue, de religion ou de croyance, de nationalité, d’origine ethnique, de sexe, de handicap, d’âge ou d’orientation sexuelle. Il interdira aussi l’incitation publique à la haine sous des formes qui portent atteinte à la dignité humaine. Il donnera ainsi pleinement effet à l’article 4 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

11.Le Gouvernement autrichien a soumis en avril 2010 au Parlement un projet de loi sur la prévention du terrorisme. Ce texte se veut une réponse aux obligations qui découlent, notamment, de la décision-cadre de l’Union européenne sur la lutte contre le terrorisme, de la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme et des recommandations du Groupe d’action financière sur le blanchiment d’argent. L’amendement qu’il est proposé d’apporter à la législation antiterroriste autrichienne porte sur la participation aux activités de camps d’entraînement terroristes, le financement du terrorisme, l’incitation publique à commettre des délits de terrorisme, ainsi que sur le recrutement et la formation d’individus à des fins terroristes. Il s’agit là d’un problème très délicat, étant donné que cette proposition touche aussi à des droits fondamentaux comme la liberté d’expression, de réunion ou d’association. La nécessité de trouver un juste équilibre sera certainement au centre du débat parlementaire.

12.L’Autriche participe activement aux discussions autour de deux propositions de directives de l’Union européenne. L’une adopte une conception holistique du problème de la traite des êtres humains et l’autre vise à lutter contre les violences sexuelles, l’exploitation des enfants et la pédopornographie.

13.Abordant la question des garanties procédurales, en particulier du droit à s’entretenir avec un avocat et de l’interdiction de recourir à la torture, M. Bogensberger dit que tout détenu doit être informé de son droit à garder le silence et à consulter un conseil. Les personnes en détention reçoivent des instructions orales et une feuille d’information, actuellement disponible en une cinquantaine de langues. On s’est efforcé d’utiliser des formulations compréhensibles, mais la lisibilité n’est pas toujours compatible avec la précision juridique. Il existe actuellement au sein de l’Union européenne un projet de «déclarations de droits» qui seraient remises aux suspects. La Commission européenne soumettra en 2010 un projet législatif concernant l’information sur les droits et chefs d’accusation pour faire en sorte que tous les État membres adoptent la même approche.

14.En ce qui concerne le droit d’un détenu à être assisté d’un avocat pendant l’interrogatoire, M. Bogensberger précise que lorsque des suspects sont mis en état d’arrestation, ils doivent être immédiatement informés de leur droit à faire savoir à un avocat qu’ils sont arrêtés. Les contacts avec l’avocat ne sont en principe soumis à aucune restriction. Cependant, des limites peuvent être apportées dans des cas exceptionnels si cette mesure apparaît nécessaire pour que l’enquête ou la collecte d’éléments de preuves ne soient entravées par la présence d’un avocat. La limitation des contacts avec un avocat peut parfois se justifier, par exemple si le prévenu est soupçonné d’appartenir à une organisation criminelle, si d’autres membres de l’organisation n’ont pas encore été arrêtés et si rien ne peut être fait pour prévenir le risque de connivence ou de suppression de preuves, même en surveillant les contacts avec l’avocat. Néanmoins, la seule présomption d’existence de risques de ce type ne suffit pas. Il faut des indices spécifiques qui donnent à penser que la présence d’un conseil constituerait une ingérence dans l’enquête. Sur le plan juridique, les dérogations doivent toujours être interprétées de façon restrictive et stricte, et la personne détenue est en droit de les contester au motif qu’elles constitueraient une violation de l’article 106 du Code pénal. Ce type de dérogation n’a été apporté que dans des cas très peu nombreux. En l’absence d’un avocat, le prévenu a toujours le droit de garder le silence. Il y a aussi la possibilité de l’enregistrement vidéo. Le Ministère de l’intérieur étudie actuellement deux initiatives qui visent à faire en sorte que ces enregistrements soient réalisés de façon professionnelle. L’article 166 du Code de procédure pénale interdit d’admettre comme moyen de preuve les déclarations obtenues par la torture.

15.Depuis novembre 2008, il est prévu qu’un avocat de permanence soit commis pendant la garde à vue pour que la personne arrêtée puisse bénéficier d’une aide juridique. Tout service de police judiciaire est tenu d’informer la personne en état d’arrestation de l’existence d’un service de permanence de consultation juridique. Le suspect peut entrer en communication avec un avocat par téléphone ou demander une consultation. L’assistance juridique peut être fournie pendant l’interrogatoire et le tribunal peut désigner un avocat commis d’office. L’ordre des avocats autrichiens a mis en place à cette fin un service de consultation juridique qui fonctionne 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. La première communication et la première consultation par téléphone sont gratuites. Les directives internes de l’ordre des avocats font obligation à un avocat requis de se rendre personnellement dans les locaux de police où le suspect est détenu dans les meilleurs délais possibles, et en tout cas dans les trois heures qui suivent la requête. Entre novembre 2008 et mars 2010, quelque 600 personnes ont fait appel à ce service. Dans 50 cas, le suspect a pu bénéficier d’une consultation personnelle. Dans 115 cas (soit un cinquième du total), un avocat a été présent lors de l’interrogatoire. Il n’est jamais arrivé qu’un avocat envoyé par le service de consultation juridique n’ait pas été autorisé à assister à un interrogatoire.

16.Les autorités autrichiennes n’ignorent pas que les détenus mineurs ont besoin d’une protection spéciale. La police judiciaire est tenue par ses fonctions mêmes de protéger les mineurs. Le droit des mineurs à être assistés d’un avocat pendant l’interrogatoire ne souffre aucune restriction. S’ils ne demandent pas à bénéficier des services d’un avocat, il faut qu’une personne de confiance soit présente. Le mineur doit être informé des droits qui sont les siens le plus tôt possible, au plus tard avant le début de l’interrogatoire. M. Bogensberger a personnellement exercé les fonctions de juge dans un tribunal pour mineurs et il sait par expérience que ces garanties sont scrupuleusement respectées. Lorsqu’il est impossible d’obtenir qu’un parent ou tuteur légal soit présent, il est toujours fait appel à un représentant d’un organisme d’aide sociale à la jeunesse ou d’un centre de probation, qui remplit les fonctions de personne de confiance.

17.Dans le cas des mineurs, le placement en détention est une mesure de dernier recours. Au 1er avril 2010, l’Autriche ne comptait que 82 jeunes en détention provisoire. Quatre-vingt-trois purgeaient une peine de prison. Ce chiffre représente 5 % du nombre total de détenus, alors même que jusqu’à 20 % du total des infractions sont commises par des jeunes.

18.Depuis le milieu des années 1980, ce sont souvent des procédures de justice réparatrice qui sont appliquées dans le cas des jeunes. Quatre grandes options s’offrent: sursis avec mise à l’épreuve pendant une période d’un à deux ans avec ou sans obligations, extinction de l’instance sur la base d’une transaction financière, extinction de l’instance après exécution d’une peine de travail d’intérêt général, et extinction de l’instance après réconciliation entre la victime et l’auteur de l’infraction. L’approche réparatrice s’est révélée très efficace en ce qu’elle aide l’auteur de l’infraction à mieux comprendre les conséquences de son comportement délictueux et offre à la victime un soutien sous la forme d’une réparation, lui permettant même parfois de guérir de blessures affectives. Les peines au sens propre du terme constituent l’exception chez les mineurs, et les peines de prison une exception très rare.

19.La loi fédérale de 1997 sur la protection contre la violence dans la famille a été suivie en 2009 par la loi sur la protection contre la violence, qui a élargi les mécanismes de protection. La législation repose sur le principe selon lequel les victimes de la violence doivent pouvoir rester chez elles et que c’est aux coupables de quitter les lieux, qu’ils en soient ou non les propriétaires. La loi de 2009 porte en particulier sur l’obligation qui incombe à l’État de protéger les femmes et les enfants là où ils habitent. Lorsque la police délivre un mandat d’expulsion, le coupable doit se tenir éloigné pendant 14 jours. Les injonctions prononcées en application du droit civil étendent cette période à six mois ou jusqu’à la conclusion de la procédure de divorce ou de séparation. Toutes les victimes de la violence familiale ont droit à une aide juridique et à un suivi psychologique gratuits pendant l’instance. Les droits des victimes à être informées, à être traitées avec égards et à être associées à la procédure ont aussi été renforcés. Dans toutes les provinces, des foyers d’hébergement accueillent les personnes concernées par la violence lorsque les mesures d’expulsion sont mises en application par la police. En 2008, près de 6 600 personnes ont été expulsées.

20.Les deux principaux instruments législatifs pour lutter contre le racisme sont la loi portant interdiction du national-socialisme et l’article 283 du Code pénal (Incitation à la haine). La première interdit diverses activités qui s’inspirent du national-socialisme. Elle interdit notamment les organisations nationales-socialistes ou néonazies, l’incitation à des activités néonazies, ainsi que la glorification ou l’éloge de l’idéologie nationale-socialiste. Elle interdit aussi la négation, l’approbation ou la justification publiques des crimes nazis, notamment de l’Holocauste. Elle porte donc à la fois sur les modèles historiques de l’idéologie nazie et sur le néonazisme. Dix-huit condamnations ont été prononcées en application de cette loi en 2005, et 32 en 2008. L’article 283 du Code pénal, qui prohibe l’incitation à des actes hostiles, est en cours de modification, le but étant d’élargir la portée de ses dispositions. En conséquence, le nombre de condamnations prononcées en vertu de cet article devrait augmenter.

21.Le Gouvernement autrichien applique strictement sa législation contre la propagande de la haine. Le Ministère de la justice a offert des récompenses élevées pour retrouver les criminels nazis en fuite Alois Brunner et Aribert Heim. Des sanctions ont également été prononcées dans les milieux politiques. Mme Susanne Winter, membre du Parti de la liberté, a été condamnée pour incitation à la haine et dégradation de symboles religieux.

22.Le Gouvernement autrichien apprécie à leur juste valeur les efforts déployés par le Centre Simon Wiesenthal pour promouvoir le souvenir de l’Holocauste. Il déplore cependant les allégations sans fondement qui se trouvent dans les rapports que publie le Centre et qui laissent entendre que l’Autriche n’a pas fait assez pour rechercher les criminels et ex-collaborateurs nazis. En fait, entre 1945 et 1995 2 000 personnes ont été reconnues coupables, 341 ont été condamnées à de lourdes peines de privation de liberté et 43 à la peine de mort. En outre, la volonté politique de traquer les criminels nazis n’a pas faibli.

23.Abordant les questions posées sur le sujet de l’extradition, M. Bogensberger précise qu’une demande d’extradition présentée par un État persécuteur est inadmissible aux termes de l’article 33 de la loi fédérale sur l’extradition et l’entraide judiciaire, selon lequel la demande doit être examinée par un tribunal indépendant, en particulier sur le point de savoir s’il existe des obstacles à l’extradition aux termes du droit international, notamment de la Convention européenne des droits de l’homme et de la Convention contre la torture. La demande d’extradition sera déclarée irrecevable par le tribunal compétent si, dans l’État requérant, la personne à extrader risque d’être persécutée pour des raisons de nationalité, de race, de religion, d’origine ethnique, de situation sociale ou d’opinions politiques.

24.La règle de la réciprocité s’applique lorsqu’il n’y a pas d’accord avec l’État requérant. L’extradition est alors décidée au cas par cas conformément aux dispositions de la loi fédérale sur l’extradition et l’entraide judiciaire.

25.Le Comité a demandé comment l’Autriche s’assurait qu’une personne extradée ne serait pas transférée vers un pays tiers où elle risquerait d’être torturée. Dans les cas de ce type, c’est le principe de «spécificité» qui s’applique, en ce sens qu’un individu ne peut être poursuivi que pour les infractions qui constituent le fondement de la demande d’extradition. Cette personne ne peut être poursuivie pour d’autres infractions ni transférée vers un autre pays sans le consentement préalable des autorités autrichiennes. Il est arrivé que ce principe ne soit pas respecté dans le cas de poursuites pour une même infraction engagées dans l’État requérant, mais il n’est jamais arrivé qu’une personne soit transférée vers un autre pays sans l’accord préalable de l’Autriche.

26.Il est arrivé à de nombreuses reprises que l’extradition soit refusée en raison du risque de torture ou de mauvais traitements dans l’État requérant. Ce fut le cas avec des pays comme la Fédération de Russie, l’Ouzbékistan, le Belarus, le Kazakhstan et le Brésil.

27.En réponse à la question relative aux «lits cages», M. Bogensberger dit qu’ils sont désormais interdits dans les prisons mais qu’il en existe encore dans des établissements psychiatriques. Cependant, ils ne peuvent être utilisés qu’en dernier recours et toute décision favorable à leur utilisation doit faire l’objet d’un contrôle judiciaire. Il est très probable que cette pratique sera sous peu abandonnée.

28.Une question a été posée sur le caractère facultatif de la formation des agents du système judiciaire. Les juges et procureurs sont tenus par la loi de participer à des stages de formation, et il existe aussi des incitations indirectes en ce sens puisque pour pouvoir bénéficier d’un avancement il faut avoir suivi des programmes de formation.

29.M me Köck (Autriche) dit qu’il n’est pas possible d’empêcher tout à fait la violence entre détenus dans les prisons autrichiennes. Cependant les autorités carcérales veillent à ce que les actes de violence soient aussi peu nombreux que possible. Étant donné que la plupart des prisons disposent de capacités inutilisées,on peut généralement isoler les détenus particulièrement violents dans des cellules individuelles. Lorsqu’ils sont placés dans des cellules collectives, des mesures sont prises pour éviter d’éventuels problèmes, par exemple en tenant les prisonniers d’une certaine origine ethnique séparés d’autres détenus avec lesquels ils auraient sans doute des difficultés. Il importe aussi que les détenus ne restent pas enfermés dans leur cellule pendant de longues périodes. Des efforts sont donc en cours pour faire en sorte que les prisonniers passent chaque jour en dehors de leur cellule plus que l’heure prévue par le règlement. On peut noter une évolution positive du niveau moyen de violence entre détenus puisque le nombre d’incidents relevés est passé de 216 en 2008 à 153 en 2009. Il n’existe pas de données statistiques sur les cas de violence sexuelle entre détenus.

30.La surpopulation carcérale n’est pas un problème. Le nombre de détenus est resté constant (environ 8 500 personnes), et le taux moyen d’occupation des maisons d’arrêt est inférieur à 100 %. Les centres de détention où le taux est supérieur à 100 % sont les établissements de détention préventive comme la prison de Josephstadt à Vienne. Bien que le taux d’occupation soit très élevé dans ces établissements, la durée moyenne de séjour n’y est que de deux mois. En cas de très forte surpopulation, des détenus sont transférés vers d’autres établissements pour alléger la pression. Pour des raisons budgétaires, le projet de construction d’un nouveau centre de détention provisoire à Vienne a dû être ajourné.

31.Mme Köck reconnaît que les six décès de détenus évoqués par le Comité ont suscité quelques malentendus. Elle apportera donc des réponses précises sur ces affaires.

32.Un prisonnier est effectivement passé sous un train le 5 février 2009; il s’était évadé et a choisi ce moyen pour se suicider. Il y a eu deux cas de mort par asphyxie. Le premier, à la prison de Garsten, est un suicide et le second a été causé par des vomissements. Quant au détenu mort d’une balle dans la tête, il avait été blessé lors de son arrestation et est décédé ensuite à l’hôpital de la maison d’arrêt. La noyade à l’institut psychiatrique de Göllersdorf est accidentelle: un détenu est mort dans son bain à la suite d’un accident circulatoire. Enfin, la femme passée par la fenêtre est une détenue qui s’était échappée et s’est défenestrée chez elle.

33.Des mesures ont été prises pour prévenir le suicide en prison. Les prisonniers qui ont un profil suicidaire ne sont pas installés dans des cellules individuelles. On recourt également à l’«écoute», pratique qui consiste à charger un détenu digne de confiance de se faire le confident d’un prisonnier éventuellement suicidaire. Tous les décès en prison font automatiquement l’objet d’une enquête diligentée par le procureur général. À ce jour aucun agent de l’État ni aucun détenu n’ont été reconnus coupables dans des affaires de ce type.

34.À la suite des incidents qui se sont produits au Canada et dans d’autres pays du fait de l’utilisation de pistolets Taser, le Ministère de la justice en a suspendu l’emploi dans les prisons en février 2008. Après qu’une étude demandée par le ministre a ensuite montré que le Taser ne présentait pas de danger, il a été réintroduit en juin 2009. Depuis, cette arme n’a jamais été utilisée dans les faits étant donné que la seule menace de son utilisation s’est avérée suffisante à des fins de prévention. Aux termes de la loi autrichienne, le recours au Taser n’est autorisé que dans les circonstances justifiant le recours à une arme meurtrière. Les agents des forces de l’ordre ont reçu une formation approfondie et les pistolets sont équipés d’une caméra incorporée qui filme l’usage qui en est fait. Amnesty International s’est félicitée de la règlementation autrichienne en la matière.

35.S’agissant de la promotion des femmes au sein du système judiciaire, il a été décrété qu’il fallait accorder la priorité, dans le recrutement du personnel pénitentiaire, aux femmes en général, et aux femmes issues des minorités ethniques en particulier. Les femmes représentent actuellement 10 % des responsables pénitentiaires et 20 % du personnel pénitentiaire de rang supérieur chargé de l’administration. Dans la prison pour femmes de Schwarzau, nombre des agents sont des femmes et il y a même sur place une crèche pour les enfants des membres du personnel.

36.M.  Ruscher (Autriche) dit que dans son pays la procédure d’asile est conforme aux meilleures pratiques et aux normes de qualité rigoureuses recommandées par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR). L’autorité de première instance, l’Office fédéral du droit d’asile, dispose d’un important système de gestion de la qualité, et l’autorité de deuxième instance, la Cour fédérale du droit d’asile, est, à sa connaissance, le premier tribunal de son genre en Europe à avoir reçu l’accréditation ISO 9000. Pour l’obtenir, il a fallu que la Cour établisse, applique et respecte des procédures administratives très précises.

37.Les autorités autrichiennes reçoivent un grand nombre de demandes d’asile émanant de mineurs non accompagnés. En 2008, on en comptait 706 sur un total de 12 841 demandes. Cette même année, en application du règlement Dublin II, il s’est avéré que, dans 1 264 cas, l’Autriche n’était pas l’État compétent. Des documents où figurent les chiffres correspondants pour 2009 et le premier trimestre de 2010 sont à la disposition du Comité, ainsi que des exemplaires des feuilles d’information distribuées aux demandeurs d’asile après réception de leur demande. Les autorités autrichiennes fournissent ces informations dans toutes les langues de l’ONU et dans d’autres langues pour répondre aux besoins qui ont été constatés.

38.Selon le règlement Dublin II, la première mesure, une fois qu’une demande d’asile a été reçue, consiste à déterminer si l’Autriche est effectivement l’État responsable de l’examen de la demande quant au fond. Lorsqu’il est confirmé que l’Autriche est l’État responsable, l’examen commence sans tarder; dans le cas contraire, un contact est établi avec l’autre État compétent au sens du règlement Dublin II et, si nécessaire, un transfert est effectué. Lors de l’examen de leur dossier, tous les demandeurs d’asile ont droit à une assistance de base (argent de poche, hébergement et repas). Les autorités veillent tout particulièrement à la prise en charge des demandeurs d’asile ayant des besoins particuliers: personnes en fauteuil roulant ou personnes atteintes de problèmes de santé spécifiques.

39.Faute de données statistiques sur ce point, M. Ruscher regrette que sa délégation ne puisse fournir au Comité les chiffres demandés sur les nombre d’affaires où la Cour fédérale du droit d’asile a rejeté les recours de caractère suspensif. Cependant, dans les cas où les demandes d’asile sont rejetées parce que l’Autriche n’est pas l’État compétent au sens du règlement Dublin II, le caractère suspensif n’est admis que pendant le bref intervalle de temps où le demandeur attend d’être transféré vers l’État compétent. Cependant, dans le cas de décisions de fond, la législation autrichienne prévoit que le caractère suspensif s’applique tant qu’une décision concernant le recours ou l’expulsion n’a pas été prise.

40.Dans les cas limites, il se peut qu’il faille établir exactement l’âge du demandeur avant de prendre ou d’appliquer une décision quant au fond. Il est souvent difficile d’affirmer qu’un demandeur est encore mineur, en particulier parce que la malnutrition est connue comme étant une cause de retard de la maturité. Les demandeurs d’asile dont l’âge est incertain sont donc soumis à un examen en trois étapes: examen médical, puis radiographie des mains et des dents. Ensuite une équipe composée de trois médecins légistes (un Allemand, un Suisse et un Autrichien) procède à un bilan d’ensemble de ces trois étapes d’analyse, ce qui permet d’établir l’âge avec une grande précision.

41.Les demandeurs d’asile ont accès à un large éventail de services, notamment, s’il le faut, en matière de soins de santé et de soutien psychologique. Les centres d’accueil disposent de services médicaux et tout demandeur d’asile atteint de maladies comme le VIH/SIDA, la tuberculose ou d’autres affections peut recevoir le traitement approprié. Les demandeurs qui affirment avoir été torturés peuvent avoir à subir des examens supplémentaires - et notamment, dans le cas d’allégations de viol ou de violences sexuelles, des examens de leurs organes génitaux. En cas de besoin, il est toujours fait appel à un médecin spécialiste. Les interprètes et le personnel médical chargés des victimes de violences sexuelles sont tenus par la loi d’être du même sexe que les victimes, à moins que ces dernières ne demandent qu’il en soit autrement.

42.En ce qui concerne la question, très actuelle, de la rétention avant expulsion, la loi autrichienne en matière d’asile stipule que les demandeurs doivent pendant cette période coopérer avec les autorités, par exemple en participant aux réunions qui sont organisées et en fournissant les papiers qui leur sont demandés. Malheureusement, l’expérience prouve que des mesures de mise en détention peuvent s’avérer nécessaires quand les demandeurs ne souhaitent pas coopérer. Cependant les autorités veillent à ce que le droit des détenus à recevoir les informations et les soins qui leur sont dus reste respecté même si leur liberté est entravée. Les injonctions de préexpulsion des personnes déboutées de leur demande d’asile qui quittent l’Autriche avant d’en être effectivement expulsées restent valides.

43.Enfin, la législation autrichienne en matière de droit d’asile dispose qu’un conseiller juridique indépendant doit être présent à tous les stades du processus d’examen de la demande d’asile lorsqu’il s’agit de mineurs non accompagnés, et que les services d’un avocat doivent être proposés à tous les requérants majeurs. S’agissant des demandes transmises à un autre État en application du règlement Dublin II, il importe de noter que l’Autriche est signataire de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention des cas d’apatridie.

44.M me Sporrer (Autriche), faisant référence au rôle spécifique du droit constitutionnel dans la procédure d’asile autrichienne, rappelle ce qui est dit dans le rapport, à savoir qu’il y a trois instances compétentes pour les affaires de droits d’asile: l’Agence fédérale de l’asile, la Cour fédérale du droit d’asile et la Cour constitutionnelle, laquelle peut être saisie en dernier ressort dans les cas où il semble que les droits constitutionnels des demandeurs d’asile aient été lésés au cours du processus d’examen de la demande. En Autriche, les ressortissants étrangers sont assurés de bénéficier de l’égalité de traitement en vertu d’une disposition constitutionnelle d’application de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale; les demandeurs d’asile peuvent donc invoquer ce droit particulier pour justifier le dépôt d’un recours en cas de rejet de leur demande. Si le recours a une issue favorable, la Cour constitutionnelle annule la décision abusive et renvoie l’affaire devant une instance inférieure pour réexamen ou accorde directement le droit d’asile. Pour étayer leur requête, les demandeurs d’asile peuvent aussi invoquer un des droits consacrés dans la Convention européenne des droits de l’homme et dans les Protocoles s’y rapportant – en particulier l’article 8 de la Convention relatif au droit au respect de la vie privée et familiale étant donné l’importance des considérations familiales dans les affaires d’asile – du fait que ces instruments ont aussi rang constitutionnel en Autriche.

45.Les droits consacrés dans la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ont aussi été invoqués efficacement à l’appui de demandes d’asile pour des motifs sexospécifiques. Ces dernières années, la Cour fédérale du droit d’asile a statué favorablement dans le cas d’une quinzaine de demandes émanant de femmes qui voulaient se soustraire à la menace de mutilations sexuelles (Afrique), de mariage forcé (Iran et Afghanistan) ou de prostitution forcée (Kazakhstan et Serbie). Récemment, dans une affaire particulièrement intéressante, une femme afghane s’est vu accorder l’asile au motif que, vivant seule et ayant adopté un mode de vie de type occidental, sa sécurité et son intégrité physiques auraient été menacées (risque de viol), que des restrictions auraient été apportées à sa liberté de circulation en cas de renvoi dans son pays, et que le système juridique afghan n’apporte pas de protection efficace contre pareilles menaces et restrictions.

46.Une autre affaire qui illustre bien le rôle important que joue la Cour constitutionnelle en matière de droit d’asile concerne une Camerounaise qui aurait été victime de harcèlement sexuelle et qui aurait été violée par des agents de la force publique après avoir participé à une manifestation syndicale. Dans un premier temps, la Cour du droit d’asile lui avait refusé l’asile. Le 27 avril 2010, la Cour constitutionnelle a cassé cette décision, au motif que la Cour du droit d’asile n’avait pas suffisamment pris en compte la menace à laquelle cette personne aurait été exposée en cas de retour dans son pays et a renvoyé l’affaire pour réexamen, avec des indications claires quant aux droits à respecter.

47.Enfin, en ce qui concerne les mesures prises par l’Autriche en vue de la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, Mme Sporrer rappelle que son pays a signé le Protocole en 2003. Après une série de conférences et de consultations avec les parties prenantes, l’actuel gouvernement de coalition a décidé de mettre en place un mécanisme national de prévention, de confier au Bureau du Médiateur les tâches de contrôle et d’incorporer l’actuel Conseil consultatif et ses commissions dans la nouvelle structure. Dans la semaine qui vient, un premier projet de texte devrait être mis au point, sur la base duquel toutes les parties prenantes seront consultées, notamment les organismes de défense des droits de l’homme, le monde universitaire et les ONG. Un projet de loi devrait pouvoir être présenté au Parlement avant la fin de l’année.

48.M.  Gallegos Chiriboga (Rapporteur pour l’Autriche) fait observer que le temps imparti à la consultation avec les États parties est toujours très limité et que les membres du Comité sont donc souvent amenés à poser leurs questions sans pouvoir en expliquer le contexte ni la raison. Il demande pour commencer que le Comité soit tenu informé des étapes de l’examen des nouveaux projets de loi dont a parlé l’intervenant précédent. Ce n’est pas seulement le résultat final qui importe, mais aussi le débat parlementaire qui y mène.

49.L’un des points essentiels que M. Gallegos Chiriboga a évoqués la veille porte sur la nécessité d’une évolution des conceptions en matière de racisme, de xénophobie, de discrimination et de violence. Cela ne concerne pas les gouvernements mais les sociétés; ce qu’il faut, c’est amener un changement profond des coutumes et valeurs de la société de façon que ces thèmes ne puissent plus servir à inciter à une violence qui pourrait entraîner des traitements cruels et inhumains, voire des actes de torture. À titre d’exemple, M. Gallegos Chiriboga évoque les informations qu’il a obtenues sur le cas de Mike B., cet enseignant afro-américain passé à tabac par des policiers en civil qui l’avaient pris pour un trafiquant de drogue.

50.La troisième remarque porte sur les statistiques. La délégation n’ignore pas que des efforts restent à faire pour les améliorer. Par exemple, l’absence de statistiques sur les violences sexuelles dans les prisons constitue une grave lacune, qui illustre bien combien il importe d’adopter une démarche plus rigoureuse en matière de collecte de données. Il convient aussi que les statistiques soient ventilées par sexe, race, religion et autres facteurs si l’on veut pouvoir comprendre la situation qu’elles traduisent.

51.M. Gallegos Chiriboga ne pense pas avoir reçu une réponse satisfaisante aux questions qu’il a posées sur le dédommagement et espère que des informations à ce sujet parviendront au Comité avant que celui-ci ne commence à rédiger ses observations finales.

52.Il espère aussi avoir une réponse plus complète sur les efforts entrepris par l’Autriche pour que la police soit plus représentative de l’ensemble de la société autrichienne sur les plans du sexe et de l’origine ethnique.

53.Compte tenu des Principes de Paris, M. Gallegos Chiriboga estime important que le Bureau du Médiateur soit un mécanisme totalement indépendant, entièrement confié à la surveillance de la société civile.

54.Le Président, s’exprimant en sa qualité de Corapporteur, se déclare préoccupé par le fait que l’on peut déceler dans certains éléments du système judiciaire autrichien l’idée selon laquelle les avocats pourraient constituer un obstacle à l’administration de la justice au lieu d’en être un moteur. Il y a quelque chose de très troublant et d’incompatible avec la déontologie de la profession à voir dans les avocats des agents qui pourraient détourner le cours de la justice, altérer les preuves, etc. Tenir les avocats à l’écart de la procédure, même dans un nombre limité de cas, c’est risquer d’ouvrir la porte à des abus. Le Président demande davantage d’informations sur les types d’affaires où l’État partie restreint la participation des avocats.

55.Toute forme de statistiques serait la bienvenue, en particulier sur les affaires où un recours a été formé contre l’imposition d’une limite à la participation d’un avocat.

56.Le Président souhaiterait davantage d’éclaircissements sur les affaires Bakary J. et Cheibani W., en particulier sur les montants versés au titre de l’indemnisation, et savoir s’il y a eu contestation des faits de la cause.

57.M me Belmir dit essayer de comprendre ce qui a été dit sur le recours aux pistolets Taser dans un contexte de surpopulation carcérale et sur la question des décès en détention. L’État partie a justifié l’usage de ces armes au motif qu’elles jouent un rôle à la fois préventif et défensif. Mais, l’utilisation du pistolet Taser pouvant entraîner la mort, la question se pose du droit des personnes détenues à la vie. Un gardien qui se sert de cette arme peut ignorer l’état cardiaque de la personne visée et, même s’il n’y a pas eu jusque là d’accidents mortels, ces armes n’en restent pas moins extrêmement dangereuses, et leurs effets imprévisibles. Mme Belmir suggère que l’État partie revoie sa position sur la question de leur utilisation dans les prisons.

58.M.  Mariñ o Menéndez estime que des réponses complètes et adéquates ont été apportées à la plupart des questions. Il tient seulement à rappeler qu’il avait demandé si, lorsqu’elle se prononce sur une demande d’extradition présentée par un État tiers, l’Autriche tient compte du fait que le statut de réfugié a été octroyé au demandeur par un autre État partie conformément à la Convention de 1951. En d’autres termes, la jurisprudence autrichienne reconnaît-elle un statut de réfugié préexistant et rejette-t-elle donc la demande d’extradition?

59.M.  Bruni, rappelant qu’il a été dit que deux projets d’enregistrement audio et vidéo des interrogatoires étaient en cours d’évaluation, demande s’il est possible qu’un interrogatoire se déroule en l’absence de l’avocat de la personne détenue et sans qu’il soit procédé à un enregistrement.

60.Évoquant la liste des 445 allégations de mauvais traitements par des agents de la force publique en 2009 (voir le paragraphe 23 des réponses écrites), il demande que des précisions soient apportées à titre d’exemple sur l’objet des allégations et sur les sanctions prises.

61.S’agissant de l’article 166 du Code de procédure pénale, qui interdit d’admettre comme moyen de preuve les aveux obtenus par la torture et même par des pressions psychologiques, M. Bruni voudrait savoir si cette loi a déjà été invoquée par un détenu.

62.Évoquant les informations précises données sur le système d’attribution des cellules mis en place pour réduire le nombre de suicides, M. Bruni demande si l’État partie peut vraiment affirmer que ce système a effectivement amélioré la situation.

63.M me Sveass se réjouit d’avoir entendu que le recours aux «lits cages» était en recul et espère que ce recul vaudra pour toutes les prisons. Il serait utile de disposer d’informations supplémentaires sur les mécanismes indépendants de dépôt de plaintes.

64.Mme Sveass rappelle qu’elle avait demandé des informations sur la prise en compte, dans la formation et l’activité pratique des agents des services sociaux, des conséquences des affaires d’enlèvement et de séquestration.

65.M.  Ruscher (Autriche) dit que l’affaire Mike B. est due à une confusion d’identité extrêmement regrettable. Les policiers en civil étaient persuadés qu’ils étaient en train d’arrêter un trafiquant de drogue recherché auquel Mike B. ressemblait étonnamment. De son côté, lorsqu’il a été appréhendé, Mike B. ne s’est pas rendu compte qu’il avait affaire à d’authentiques policiers. Il en est résulté un échange de coups qui a entraîné des blessures. Rien n’indique que les policiers lui ont intentionnellement infligé de mauvais traitements. Néanmoins, l’ensemble du dossier de cette affaire a été confié au parquet et aux tribunaux, et une procédure d’atteinte à l’intégrité physique d’autrui par négligence a été engagée.

66.L’affaire Bakary J. est elle aussi très regrettable: il s’agit très clairement là d’un cas de mauvais traitements intentionnellement infligés par quatre policiers lors d’une procédure d’expulsion. Ces quatre agents ont été reconnus coupables d’infractions prévues à l’article 312 du Code Pénal. En dehors des peines judiciaires, des sanctions disciplinaires sont en instance, même si trois des policiers ont été immédiatement destitués. Le quatrième, dont la participation à l’infraction a été moindre, a été condamné à verser l’amende la plus élevée qui soit prévue, soit une somme équivalant à cinq mois de traitement.

67.Des recours ont été formés, qui sont actuellement examinés par le Tribunal administratif. La cour a accordé à Bakary J. une indemnisation d’un montant de 3 000 euros; cependant, cette décision de justice s’est révélée erronée du fait que les policiers étaient en service lors de la commission des infractions, et dans ce cas c’est la loi relative à la responsabilité des organismes publics qui est opposable au corps dont les policiers dépendaient en définitive, à savoir la République d’Autriche. Bien que Bakary J. ait été assisté d’un avocat à toutes les étapes de la procédure, il ne s’est pas prévalu de cette loi pour engager une action contre la République d’Autriche.

68.À la suite de cet incident, un grand nombre de stages de formation en matière d’expulsion ont été repensés pour donner aux policiers de meilleurs éléments d’orientation en pareilles circonstances.

69.En ce qui concerne Cheibani W., il s’est montré très agressif au moment de son arrestation et ne semblait pas jouir de toutes ses facultés mentales. Plusieurs policiers l’ont maîtrisé et couché à plat ventre sur le sol. Un médecin lui a administré un calmant, mais ce traitement plus la longue période pendant laquelle il est resté couché au sol sur le ventre ont entraîné sa mort par asphyxie. L’affaire a été déférée devant la justice. Le médecin et un policier ont été reconnus coupables, les cinq autres policiers ont été reconnus non coupables. Après cet événement, toutes les règles en matière de maîtrise de personnes violentes et agressives ont fait l’objet d’une révision.

70.M.  Bogensberger (Autriche) confirme qu’il est en fait possible de conduire un interrogatoire en l’absence de l’avocat du détenu et sans qu’il soit procédé à un enregistrement. Tous les locaux de police ne sont pas équipés de matériel d’enregistrement en raison du coût élevé de celui-ci, ce qui explique en partie la situation.

71.L’article 166 du Code de procédure pénale n’a pas été invoqué depuis son entrée en vigueur. En ce qui concerne le niveau de preuve requis, il n’est pas nécessaire d’avoir la preuve irréfutable que des actes de torture ont été commis. Cependant, tout élément qui confirme l’allégation, comme par exemple des lésions visibles, ne peut que renforcer la plausibilité de celle-ci.

72.Le Président dit qu’il y a tant de sujets à aborder, non seulement dans le cas de l’Autriche mais aussi dans le cas d’autres État parties, qu’il faudrait disposer à chaque fois de trois heures. Le dialogue entre le Comité et les États parties est un processus permanent. Si la délégation autrichienne estime donc qu’elle n’a pas eu le temps de répondre à toutes les questions posées, elle peut très bien présenter d’autres informations par écrit.

73.M.  Tichy (Autriche) remercie les membres du Comité pour l’intérêt qu’ils portent aux efforts déployés par son pays pour appliquer la Convention et s’engage à tenir le Comité informé des faits nouveaux.

L e débat résumé prend fin à 12 h 20.