NATIONS

UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.

GÉNÉRALE

CAT/C/SR.449

30 novembre 2000

Original : FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Vingt-cinquième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*DE LA 449ème SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le lundi 20 novembre 2000, à 15 heures

Président : M. BURNS puis : M. GONZALEZ POBLETE

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Conclusions et recommandations concernant le troisième rapport périodique du Bélarus (suite)

Troisième rapport périodique du Canada (suite)

________________

*Le compte rendu analytique de la deuxième partie (privée) de la séance est publié sous la cote CAT/C/SR.449/Add.1.________________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

La séance est ouverte à 15 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

Conclusions et recommandations concernant le troisième rapport périodique du Bélarus (suite)(CAT/C/34/Add.12; CAT/C/XXV/Concl.2/Rev.1)

1.La délégation bélarussienne reprend place à la table du Comité.

2.Mme GAER (Rapporteur pour le Bélarus) donne lecture, en langue anglaise, du texte des conclusions et recommandations (CAT/C/XXV/Concl.2/Rev.1) qui se lit comme suit :

"1.Le Comité a examiné le troisième rapport périodique du Bélarus (CAT/C/34/Add.12) à ses 442ème, 445ème et 449ème séances, les 15, 16 et 20 novembre 2000 (CAT/C/SR.442, 445 et 449), et a adopté les conclusions et recommandations ci‑après.

I. Introduction

2.Le Comité se félicite du troisième rapport périodique du Bélarus, bien qu'il note que le rapport, qui devait être présenté en juin 1996, a été soumis avec trois ans de retard. Il relève aussi que le rapport n'a pas été soumis conformément aux directives concernant l'élaboration des rapports périodiques des États parties. Le Comité regrette que le rapport ne contienne pas de renseignements détaillés sur l'application de la Convention dans la pratique, mais accueille avec satisfaction l'exposé approfondi et instructif concernant des faits nouveaux à ce sujet présenté par le représentant de l'État partie durant l'examen du rapport.

II. Aspects positifs

3.Le Comité se félicite que les représentants de l'État partie aient fait savoir que le Gouvernement du Bélarus a décidé de retirer sa réserve à l'article 20 de la Convention concernant la procédure d'enquête.

4.Le Comité prend note de la coopération du Gouvernement du Bélarus avec les organes créés en vertu d'instruments internationaux de l'ONU et d'autres mécanismes relatifs aux droits de l'homme, en particulier en permettant les visites du Rapporteur spécial sur le droit à la liberté d'expression et, récemment, du Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats.

5.Le Comité se félicite que les représentants de l'État partie aient fait savoir que le Gouvernement du Bélarus a décidé d'adhérer à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés.

III. Sujets de préoccupation

6.Le Comité est préoccupé par ce qui suit :

a)La détérioration de la situation des droits de l'homme au Bélarus depuis l'examen de son deuxième rapport périodique en 1992, y compris les suppressions constantes du droit à la liberté d'expression, telles que les limitations de l'indépendance de la presse, et du droit de réunion pacifique, qui créent des obstacles à la pleine application de la Convention.

b)L'absence d'une définition de la torture, comme cela est prévu à l'article premier de la Convention, dans le Code pénal de l'État partie et le fait que la torture ne constitue pas une infraction spécifique, ce qui a pour effet que la torture n'est pas une infraction punissable par des peines appropriées, comme le prescrit le paragraphe 2 de l'article 4 de la Convention.

c)Les nombreuses allégations persistantes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants, commis par des fonctionnaires de l'État partie ou avec leur consentement, dont sont victimes en particulier des opposants politiques au Gouvernement et des manifestants pacifiques, y compris de disparitions, de violences physiques, et d'autres actes contraires à la Convention.

d)L'absence d'un parquet indépendant, étant donné en particulier que le Procureur est compétent pour exercer un contrôle sur le bien‑fondé des décisions concernant la durée de la détention provisoire, qui peut être de 18 mois au plus.

e)Le fait que des fonctionnaires s'abstiennent systématiquement de procéder immédiatement à des enquêtes impartiales et approfondies sur les nombreuses allégations de torture signalées aux autorités, ainsi que l'omission d'engager des poursuites à l'encontre des auteurs présumés de tels actes, en violation des articles 12 et 13 de la Convention.

f)L'absence d'un pouvoir judiciaire indépendant, le Président de l'État partie étant seul habilité pour nommer et révoquer la plupart des juges, qui doivent aussi suivre une période initiale de stage et dont le maintien dans leurs fonctions ne fait pas l'objet de certaines garanties nécessaires.

g)Le décret présidentiel No 12 qui restreint l'indépendance des avocats, qui sont soumis au contrôle du Ministère de la justice, par le biais d'une adhésion obligatoire à un ordre des avocats contrôlé par l'État, en violation directe des principes de base relatifs au rôle du barreau de l'ONU.

h)Le surpeuplement, l'insuffisance de la nourriture et l'absence d'accès à des services d'hygiène élémentaire et à des soins médicaux satisfaisants, ainsi que la prévalence de la tuberculose, dans les prisons et les centres de détention provisoire.

i)Le maintien de la peine de mort, et les procédures insuffisantes de recours, l'absence de transparence sur les personnes détenues dans le couloir de la mort et le refus, qui a été signalé, de restituer les corps des personnes exécutées à leurs parents, ce qui empêche d'enquêter sur les accusations de torture ou de mauvais traitement qu'elles auraient subis en prison.

IV. Recommandations

7.Le Comité recommande :

a)Que l'État partie modifie sa législation pénale interne pour y faire figurer le crime de torture, conformément à la définition énoncée à l'article premier de la Convention, et prévoit pour ce crime des peines appropriées.

b)Que des mesures urgentes et efficaces soient prises pour établir un mécanisme d'examen des plaintes entièrement indépendant, en vue de permettre de procéder immédiatement à des enquêtes impartiales et approfondies au sujet des nombreuses allégations de torture signalées aux autorités, et que des poursuites soient engagées contre les auteurs présumés de tels actes et que des peines leur soient infligées s'il y a lieu.

c)Que l'État partie étudie la possibilité d'établir une commission nationale des droits de l'homme gouvernementale et non gouvernementale indépendante et impartiale dotée de pouvoirs effectifs pour enquêter sur toutes les plaintes concernant des violations des droits de l'homme, en particulier celles portant sur l'application de la Convention.

d)Que des mesures soient prises, y compris par le biais d'une révision de la Constitution, de lois et des décrets, en vue d'établir et de garantir l'indépendance du pouvoir judiciaire et des membres du barreau dans l'exercice de leurs fonctions, conformément aux normes internationales.

e)Que des efforts soient faits pour améliorer les conditions dans les prisons et les centres de détention provisoire et que l'État partie établisse un système permettant des inspections dans les prisons et des centres de détention par des contrôleurs impartiaux et dignes de foi, dont les conclusions devraient être rendues publiques.

f)Que des mesures soient prises pour assurer un contrôle judiciaire indépendant concernant la durée et les conditions de la détention provisoire.

g)Que l'État partie étudie la possibilité de faire les déclarations appropriées prévues par les articles 21 et 22 de la Convention.

h)Que les conclusions et recommandations du Comité, et les comptes rendus analytiques des séances consacrées à l'examen du troisième rapport périodique de l'État partie, soient largement diffusés dans le pays, et soient publiés aussi bien dans les médias contrôlés par l'État que dans les médias indépendants."

3.M. MALEVICH (Bélarus) se félicite du dialogue fructueux qui a été instauré avec le Comité. Il se dit toutefois étonné par l'affirmation qui nie l'existence d'un pouvoir judiciaire indépendant au Bélarus et qui n'est étayée par aucun fait probant. Il souligne que les juges sont nommés à vie et ne peuvent être révoqués, sauf s'ils commettent une infraction grave, ce qui ne s'est jamais produit. De plus, le fait que l'avis des juges concorde avec celui du Gouvernement n'enlève rien à leur indépendance. M. Malevich propose de faire parvenir aux membres du Comité des observations écrites sur ce point, avant l'adoption définitive des conclusions et recommandations afin d'éviter tout malentendu dans l'interprétation de ce texte, d'autant plus que le Comité recommande de le diffuser largement dans la presse.

4.Le PRÉSIDENT remercie la délégation bélarussienne de ses observations.

5.La délégation bélarussienne se retire.

La séance est suspendue à 15 h 15; elle est reprise à 15 h 35.

Examen du troisième rapport périodique du Canada (suite) (CAT/C/34/Add.13)

6.Le PRÉSIDENT dit que conformément à la pratique du Comité il ne participera pas au débat étant donné qu'il est ressortissant de l'État partie.

7.M. González Poblete prend la présidence.

8.M. JEWETT (Canada) dit que la délégation canadienne a examiné toutes les questions posées par les membres du Comité et les a regroupées par thème ou par article de la Convention. Il traitera tout d'abord des garanties législatives et constitutionnelles interdisant la torture et les autres traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. premier de la Convention) puis les mesures visant à prévenir les actes de torture (affaire Finta, impossibilité d'invoquer l'ordre d'un supérieur pour justifier la torture, capacité des soldats de la paix à faire rapport sur les violations des droits de l'homme (art. 2)) et enfin, les divers incidents mentionnés par les membres du Comité (déploiement des Forces canadiennes en Somalie, Conférence de l'Organisation de coopération économique Asie‑Pacifique, opération visant à faire respecter la loi en matière de pêche au Nouveau Brunswick (Burnt Church), actions policières en Saskatchewan, financement du Centre pour les victimes de torture et rapport de la Commission juridique chargée du traitement des enfants placés en institution. M. Therrien et Mme Tromp examineront ensuite les questions relevant de l'article 3 (non‑refoulement) et de l'article 7 (obligation d'engager des poursuites et d'extrader) ainsi que les questions liées à l'expulsion et la question de la suite donnée aux demandes d'adoption de mesures provisoires dans le cas des communications examinées par le Comité. Enfin, M. McVie répondra aux questions relatives à la mise en œuvre de la Convention portant sur le traitement des délinquants détenus en établissements correctionnels et aux questions sur le rapport de la juge Louise Arbour.

9.Abordant la question de l'interdiction de la torture au Canada, M. Jewett explique que la Charte canadienne des droits et libertés a été incorporée à la Constitution du Canada par la loi constitutionnelle de 1982. L'article 52 de cette loi dispose que la Constitution du Canada est la loi suprême du Canada et rend inopérantes les dispositions incompatibles de tout autre règlement de droit. L'article 32 de la Charte dispose que la Charte s'applique au Parlement et au Gouvernement du Canada, pour tous les domaines relevant du Parlement ainsi qu'à la législature et au gouvernement de chaque province, pour tous les domaines relevant de cette législature. Aux termes de l'article 24 de la Charte, "toute personne victime de violation ou de négation des droits ou libertés qui lui sont garantis par la présente Charte, peut s'adresser à un tribunal compétent pour obtenir la réparation que le tribunal estime convenable et juste". L'article 12 garantit le droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités. Même si le terme de torture n'est pas spécifiquement utilisé, la Charte interdit cette pratique considérée comme une forme aggravée de mauvais traitement. En outre, le code criminel érige la torture en infraction spécifique. Tous les agents de l'État ‑ agents de la paix, officiers publics ou toute personne agissant à leur demande ou avec leur accord, membre des Forces canadiennes ou toute autre personne exerçant les mêmes pouvoirs à l'étranger ‑ peuvent se voir condamner à une peine d'emprisonnement maximale de 14 ans.

10.Passant aux questions relatives aux moyens de défense disponibles en cas de poursuites pour des actes de torture, M. Jewett dit que la nouvelle loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre donne une définition des crimes contre l'humanité qui couvre la torture, telle que définie par le Statut de Rome. L'auteur d'un acte de torture peut donc désormais être poursuivi pour crime contre l'humanité en application de la nouvelle législation. L'accusé peut se prévaloir des justifications, excuses et moyens de défense reconnus, au moment de la perpétration de l'infraction ou au moment du procès, par le droit canadien ou le droit international. Les seules exceptions, c'est-à-dire les cas où les moyens de défense sont limités ou ne sont pas reconnus, concernent la règle selon laquelle nul ne peut être poursuivi ou puni à raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné (autrefois convict et autrefois acquit), la justification en vertu du droit national et le droit d'invoquer les ordres d'un supérieur pour justifier la torture. Une personne ne peut invoquer les moyens de défense spéciaux d'autrefois convict, d'autrefois acquit à l'égard d'une infraction visée à l'un des articles 4 à 7 si elle a été jugée par un tribunal d'un État ou d'un territoire étranger et si la procédure devant ce tribunal n'a pas été menée de manière indépendante ou impartiale ou sujette à caution. Le fait que l'infraction ait été commise en exécution de la loi en vigueur au moment ou à l'endroit des faits ou en conformité avec cette loi ne constitue pas un moyen de défense. De plus, ne constitue pas un moyen de défense le fait que l'accusé croyait que l'ordre était légal en raison des renseignements qui portaient sur une population civile ou un groupe identifiable de personnes et qui incitait à la perpétration d'actes inhumains contre cette population ou ce groupe. Dans l'affaire Finta, la Cour suprême a accepté les moyens de défense fondés sur l'obéissance aux ordres d'un supérieur, position qui a été vivement critiquée. La nouvelle loi a apporté les modifications nécessaires pour remédier à cette situation. Si l'infraction alléguée est un acte de torture qui relève de l'article 269.1 du Code criminel, le code limite la possibilité d'invoquer les moyens de défense autrefois acquit autrefois convict. Les moyens de défense fondés sur l'obéissance aux ordres d'un supérieur sont également désormais exclus. Quant à l'élément supplémentaire "d'intentionnalité" (mens rea) requis par la Cour dans l'affaire Finta, la Cour suprême a déclaré que les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité exigeaient, par rapport à une infraction relevant du droit interne, un élément supplémentaire impliquant une conscience des faits constitutifs du crime sans toutefois qu'il soit nécessaire d'établir que l'accusé savait que ses actes étaient inhumains. Cette exigence d'un élément d'intention délictueuse tant pour les crimes contre l'humanité que pour les crimes de guerre est satisfaite s'il est possible d'établir que l'accusé avait refusé de voir les faits ou circonstances qui feraient entrer ses actes dans le cadre de la définition de ces infractions.

Si le Gouvernement canadien n'a pas légiféré immédiatement après cette décision c'est parce qu'il souhaitait renforcer sa législation pénale et l'harmoniser avec le droit pénal international. Le Canada s'est donc attaché à soutenir activement les négociations visant à définir la torture dans le Statut de Rome et a adopté cette définition dès la conclusion du processus.

11.Passant aux événements survenus pendant le déploiement des Forces canadiennes en Somalie qui ont abouti à l'inculpation de neuf membres des Forces, dont les grades allaient de soldat à lieutenant‑colonel, pour diverses infractions et leur jugement par des cours martiales, aucun lien direct n'a pu être établi entre les ordres donnés par le lieutenant qui exerçait le commandement, accusé d'exécution négligente d'une tâche militaire en raison de ses ordres qui modifiaient les règles d'engagement concernant les pillards et la mort d'un jeune Somalien, Shidone Arone. Inculpé et jugé, le lieutenant a été à deux reprises acquitté les deux fois. Suite à ces incidents et en réponse aux recommandations formulées dans le rapport de la commission d'enquête sur le déploiement des Forces canadiennes en Somalie, le Ministère de la défense nationale a constitué un Comité de surveillance des changements, chargé de vérifier la mise en œuvre de nombreuses recommandations, notamment l'adoption de critères officiels en matière de responsabilité des dirigeants et de l'incorporation de l'obligation de rendre compte dans l'éducation et l'instruction militaire. Pour ce qui est de l'indemnisation de la famille de la victime de torture en Somalie, en 1993, le chef du clan a reçu un versement à titre gracieux ensuite de quoi il a renoncé à tous ses droits contre la Couronne en rapport avec la mort de la victime. En 1999, la famille a demandé à la justice canadienne des dommages pour un montant de 5 millions de dollars pour négligence. Le tribunal saisi a rejeté la demande en juillet 1999 mais la famille a fait appel. M. Jewett précise que l'obéissance aux ordres d'un supérieur n'a pas été invoquée dans les procédures judiciaires concernant les Forces canadiennes en Somalie et n'a donc pas été prise en considération dans la décision.

12.À la question relative à la formation du personnel militaire concernant l'interdiction de la torture et à la capacité des soldats du maintien de la paix de reconnaître les violations de droit de l'homme sur le terrain et en faire rapport, M. Jewett dit que les Forces canadiennes ont tiré les leçons de leur participation à la mission de Somalie et compris l'importance du droit international humanitaire. En 1997, les Forces canadiennes ont adopté un code de conduite qui énonce des règles précises sur le respect de la Convention contre la torture, l'interdiction de la torture et les traitements inhumains. Toute violation du code de conduite ou du droit international humanitaire doit être immédiatement signalée et toute tentative visant à couvrir une violation de la loi ou du code de conduite constitue une infraction en vertu du code de discipline. M. Jewett cite à cet égard un certain nombre de mécanismes permettant de faire rapport au supérieur de la chaîne de commandement ou au Directeur des poursuites militaires. En plus du code de conduite, de nombreuses mesures ont été prises pour assurer la formation des Forces canadiennes et du personnel civil et militaire chargé des opérations de maintien de la paix au Centre pour le maintien de la paix de Pearson et au Centre d'excellence des Forces canadiennes pour l'entraînement aux opérations de soutien de la paix. Un manuel, publié en 2000, met l'accent sur une formation au droit international humanitaire, qui tient compte des différences entre les sexes. Le Canada s'est aussi efforcé de veiller à ce que les opérations de maintien de la paix assurent la protection des civils menacés par des actes de violence, par exemple au cours de la mission en Sierra Leone. Non seulement les Forces canadiennes autorisent leurs membres à désobéir à un ordre illégal, en vertu de l'article 83 de la Loi sur la défense nationale, mais elles exigent aussi d'eux qu'ils fassent rapport sur toute violation dont ils sont les témoins.

13.En ce qui concerne le comportement des membres de la Gendarmerie royale du Canada (la GRC) pendant les incidents survenus lors de la Conférence de l'Organisation de coopération économique Asie‑Pacifique (APEC) à Vancouver, M. Jewett dit que la Commission des plaintes du public contre la GRC, organe indépendant, a mené deux enquêtes d'intérêt public, le 9 décembre 1997 et le 20 février 1998, et a convoqué une audience publique sur les allégations de recours à la force (aérosol au poivre, chiens policiers et brutalités policières) et d'atteintes au droit à la liberté d'expression et au traitement des personnes détenues dans les locaux de la police. De mars 1999 à avril 2000, le juge Ted Hughes a entendu 156 témoins. Les observations finales de la défense ont été communiquées en juin 2000. Le rapport final de la Commission des plaintes du public sur les incidents de l'APEC devrait être présenté prochainement au Solliciteur général. Les autorités canadiennes ne manqueront pas de faire parvenir au Comité des informations sur le décès de Luke Albert, qui serait survenu au cours de ces incidents, et au sujet duquel la délégation n'a pas eu le temps d'obtenir des renseignements.

14.Des questions ont été posées à propos d'un incident ayant opposé des autochtones à des fonctionnaires des pêches au Nouveau‑Brunswick ‑ incident qui concerne d'autant plus le Gouvernement canadien qu'il est à la fois responsable de la protection des ressources halieutiques et du respect des droits des aborigènes canadiens. Les faits sont les suivants : une vaste opération de contrôle des pêcheries a eu lieu dans la Baie de Miramichi le 29 août 2000; au cours de cette intervention qui a duré 12 heures, près de 1 300 pièges à homard placés illégalement ont été saisis. Il faut savoir que les autorités surveillent de très près le déroulement de ce type d'opération et que les fonctionnaires des pêches et des océans exercent leur activité de contrôle dans des conditions difficiles et parfois dangereuses, et ce avec beaucoup de mesure et de compétence; ils n'épargnent aucun effort pour éviter les affrontements lors des actions coercitives. Un film vidéo tourné au cours de l'opération montre un bateau de pêcheurs aborigènes entré en collision avec un bateau du service des pêches et des océans, et certains avancent que les fonctionnaires auraient peut‑être alors fait un usage excessif de la force. Il semble que la collision a été accidentelle, car un grand nombre de bateaux se trouvaient alors sur les lieux, mais la Gendarmerie royale du Canada a ouvert une enquête et si les conclusions de celle‑ci le justifient, les autorités de tutelle pourraient procéder elles‑mêmes à une enquête interne en vue de s'assurer que les fonctionnaires des pêches font toujours usage de la force d'une manière raisonnable et proportionnée. À l'occasion de cet incident, ces fonctionnaires ont été amenés, pour garder le contrôle de la situation et assurer la sécurité des agents occupés à récupérer les pièges, à pulvériser du poivre afin de maîtriser deux individus qu'ils souhaitaient arrêter. Le recours à la force est toujours regrettable mais parfois nécessaire. Lorsqu'il en est fait usage, ce doit être à bon escient et à cet égard, la formation est un élément clef. Les fonctionnaires des pêches suivent un programme de formation très complet, dans le cadre duquel ils apprennent à faire usage de moyens tels que les matraques et les aérosols au poivre. Lorsque ces fonctionnaires sont amenés à utiliser la force pour se protéger ou pour faire appliquer la loi sur les pêches, ils suivent les directives de leur ministère de tutelle, qui se fondent sur deux principes de base : éviter si possible de recourir à la force, et n'y recourir que de façon proportionnée et raisonnable. De plus, ils sont tenus d'observer un code de conduite qui leur fait un devoir de respecter les droits et la dignité d'autrui et de s'abstenir d'intimider, de menacer ou de malmener les personnes à qui ils ont affaire dans l'accomplissement de leurs tâches. Les fonctionnaires convaincus d'avoir contrevenu à ce code sont passibles de mesures disciplinaires. De plus, les fonctionnaires des pêches doivent, avant de prendre leurs fonctions, avoir reçu une formation très complète en ce qui concerne leur fonction répressive. Cette formation, d'une durée de deux ans, est à la fois théorique et pratique et comporte sept semaines de stage au centre de formation de la Gendarmerie royale du Canada, où ils reçoivent un enseignement poussé , fondé sur la Charte des droits et libertés, concernant l'usage de la force, les fouilles, les saisies, les procédures d'arrestation et les dispositions pertinentes du Code criminel. Ils apprennent aussi à régler les conflits à l'amiable. Enfin, ils reçoivent une formation de 14 heures sur le multiculturalisme, axée principalement sur les droits des aborigènes.

15.Des renseignements ont par ailleurs été demandés au sujet d'incidents auxquels auraient été mêlés des policiers au Saskatchewan. Le 16 février 2000, le Ministre de la justice du Saskatchewan a ordonné, à la demande du chef de la police de Saskatoon, que la Gendarmerie royale ouvre une enquête sur les circonstances du décès de deux aborigènes et sur des allégations selon lesquelles des policiers de Saskatoon auraient pris l'habitude d'emmener certaines personnes à la périphérie de la ville et de les y abandonner. L'enquête est actuellement menée avec la plus grande diligence, et la Gendarmerie travaille en étroite collaboration avec des enquêteurs de la Fédération des nations indiennes du Saskatchewan sur le décès de quatre aborigènes; à ce jour, leurs recherches ont abouti à l'inculpation de deux policiers qui sont en attente de jugement.

16.C'est à juste titre qu'un membre du Comité a bien voulu louer les travaux du Centre canadien pour les victimes de torture, tout en regrettant cependant le faible niveau de financement public, citant le chiffre de 15 000 dollars. À ce propos, M. Jewett tient à souligner que les autorités canadiennes, tant fédérales que provinciales, financent le traitement des victimes de la torture de différentes manières : outre le financement direct de sources fédérale, provinciale et municipale aux six centres canadiens, le gouvernement fédéral verse 60 000 dollars au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture. La question portait sans doute sur le financement du Centre de Toronto et si les chiffres exacts pour l'année 1999‑2000 ne sont pas encore connus, on sait qu'en 1998‑1999, les montants versés par les autorités fédérales ont dépassé 200 000 dollars, et le Gouvernement de l'Ontario alloue lui aussi quelque 30 000 dollars par an à ce centre. Le Gouvernement canadien est bien conscient de la valeur de l'œuvre accomplie par les organisations canadiennes s'occupant des victimes de la torture; il fournira au Comité des chiffres précis quant au soutien financier qui leur a été fourni au cours de l'exercice 1999‑2000. Enfin, il y a lieu de mentionner la création, au titre de la nouvelle loi sur les crimes contre l'humanité et sur les crimes de guerre, d'un fonds de dédommagement pour les victimes de ces crimes et leur famille. Tous montants découlant de l'application au Canada d'arrêts rendus par la Cour pénale internationale seront reversés à ce fonds.

17.Le Gouvernement canadien reconnaît ses responsabilités en ce qui concerne les mauvais traitements et sévices sexuels infligés dans les pensionnats jadis créés pour les enfants autochtones. En janvier 1998, le Gouvernement canadien a adressé une déclaration de réconciliation à tous les peuples autochtones, par laquelle il a reconnu le rôle joué par lui dans l'instauration et l'administration de ces établissements. Le Gouvernement y a officiellement reconnu et déploré les injustices subies dans le passé par les peuples autochtones et a exprimé son profond regret à ceux qui avaient subi des sévices dans des pensionnats. Il s'est par ailleurs engagé à consacrer 350 millions de dollars au développement d'une fondation destinée à mettre en place une stratégie de guérison pour les individus, les familles et les communautés ayant eu à souffrir de cette situation; cette fondation indépendante sélectionne et finance des propositions à caractère communautaire tendant à atténuer les séquelles laissées par ces pratiques et, par ailleurs, une procédure de dédommagement distincte est en cours. Le Gouvernement s'efforce de préférence de réparer les préjudices autrement que par la voie judiciaire et travaille actuellement avec des responsables, guérisseurs et victimes autochtones afin de trouver des moyens plus appropriés de régler les nombreuses procédures en cours. Il y a quelques années, il avait été envisagé de mener une enquête publique pour faire la lumière sur les sévices infligés dans les pensionnats mais il est apparu plus important d'utiliser les informations dont on disposait pour tenter de résoudre les problèmes déjà identifiés.

18.M. THERRIEN (Canada) parlera tout d'abord d'une affaire évoquée par Amnesty International. Selon cette organisation, une vingtaine de personnes à qui l'asile avait été refusé en vertu de la clause d'exclusion de la Convention relative au statut des réfugiés au motif qu'elles avaient commis des actes de torture auraient dû faire l'objet de poursuites ou tout au moins d'une enquête. Le dossier de ces personnes a bien retenu l'attention des autorités mais la délégation canadienne n'est pas en mesure de dire pour l'instant où en est la procédure et si des poursuites seront engagées. Elle souhaite simplement rappeler que le Canada applique une politique stricte à l'égard des criminels de guerre et auteurs d'autres actes tels que la torture, qui ne trouveront pas refuge au Canada.

19.Les 20 personnes mentionnées faisaient partie d'un groupe de plus de 800 personnes dont les autorités ont examiné le cas parce qu'elles étaient soupçonnées d'avoir participé à des actes tels que génocide, crimes de guerre, crimes contre l'humanité ou torture. Toute allégation de ce genre portée à l'attention du Gouvernement est dûment examinée et lorsque l'allégation paraît crédible, le dossier est communiqué aux trois organismes fédéraux ‑ Ministère de la justice, Gendarmerie royale du Canada et Citoyenneté et Immigration Canada ‑ dont le mandat est d'identifier les cas pour lesquels le Canada a l'obligation en droit international de faire enquête : ces cas sont transmis à l'organisme approprié afin que suite soit donnée au dossier et les autres sont renvoyés au Ministère de l'immigration aux fins d'expulsion.

20.Le renvoi de grands criminels et terroristes vers des pays où ils risquent la torture est une question délicate dont la Cour suprême du Canada sera saisie en 2001. On peut toutefois affirmer d'emblée qu'il est procédé à une évaluation des risques dès lors qu'il est allégué qu'une personne court le danger d'être torturée si elle est expulsée, et que le Canada n'a jamais renvoyé quelqu'un dans un pays où il y avait de sérieux motifs de penser qu'il serait soumis à la torture. L'évaluation des risques se fait à trois stades : au moment de la détermination du statut de réfugié, lors de l'examen en vue du classement dans la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada (procédure DNRSRC); dans le cadre d'une autre procédure administrative relative à l'admission pour des raisons d'ordre humanitaire. Ces trois procédures ne sont pas automatiques et les intéressés doivent demander à en bénéficier. La procédure DNRSRC est assujettie à certaines règles de recevabilité qui en excluent les grands criminels et notamment les criminels de guerre, ainsi que les personnes ayant renoncé à demander l'asile, celles dont la demande d'asile a été jugée non crédible et les personnes ayant quitté le Canada après s'être vu refuser le statut de réfugié. Toutes ces personnes peuvent cependant demander à bénéficier de la troisième procédure, pour laquelle aucune règle de recevabilité n'est appliquée. Chacun a donc la possibilité de faire examiner les risques qu'il encourt.

21.Le Comité a demandé si les critères utilisés en matière d'évaluation des risques étaient suffisamment précis et dans le cas contraire, si les décisions prises ne risquaient pas de manquer de cohérence. Les règles relatives à la reconnaissance du statut de réfugié qui sont formulées dans la loi sur l'immigration reprennent presque à la lettre la définition du réfugié donnée dans la Convention relative au statut des réfugiés. Les critères utilisés dans le cadre de la procédure DNRSRC, qui sont énoncés dans la réglementation, s'appuient sur les notions énoncées dans la Convention contre la torture, même si celle‑ci n'est pas expressément citée. Enfin, la procédure d'admission pour des raisons d'ordre humanitaire ne fait appel à aucun critère, ce qui peut être considéré comme un avantage dans la mesure où toutes sortes de risques peuvent ainsi donner lieu à protection. La cohérence des décisions n'est pas toujours parfaite s'agissant de tribunaux administratifs, mais l'on s'emploie activement à la favoriser, grâce notamment à des actions de formation.

22.Un projet de loi présenté au Parlement en avril 2000 tend à transformer ces trois procédures en une seule, qui serait du ressort de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié : la cohérence des décisions serait ainsi assurée, les démarches s'en trouveraient accélérées et pour la première fois, la loi ferait spécifiquement référence à l'article premier de la Convention contre la torture.

23.En ce qui concerne l'éloignement des grands criminels et des terroristes, le Canada connaît et respecte l'interprétation donnée par le Comité de l'article 3 de la Convention. La question sera prochainement soumise à la Cour suprême et la délégation canadienne se contentera de faire valoir que la Convention doit être interprétée d'une manière qui ne doit pas être contraire aux exigences de la sécurité publique reconnues dans la Convention relative aux réfugiés et dans des instruments récemment conclus en matière de lutte contre le terrorisme. Le Canada s'emploie à trouver un équilibre entre la nécessité de protéger les personnes et les exigences de la sécurité publique.

24.Le Canada approuve le principe selon lequel les États parties doivent donner suite aux demandes de mesures provisoires que le Comité leur adresse afin de disposer de suffisamment de temps pour examiner des communications au titre de l'article 22 de la Convention. Le Canada a toujours accédé à ces demandes, sauf une fois. Dans ce cas exceptionnel, le Ministre de la citoyenneté et de l'immigration avait mûrement pesé les risques que la présence de cet individu représentait pour la sécurité publique au regard du risque qu'il courait d'être torturé à son retour dans son pays, et il a conclu que rien ne permettait de craindre réellement qu'il soit torturé. Un membre du Comité a a fait valoir que lorsqu'il lui est difficile d'accéder à une demande de mesures provisoires, le Canada devrait exposer au Comité les raisons pour lesquelles il ne peut le faire ou encore demander à ce que l'examen du cas ait lieu d'urgence. Le Canada juge ces suggestions intéressantes car elles répondent en grande partie aux préoccupations qui l'ont amené à expulser l'individu en question. Elles vont aussi dans le sens des recommandations formulées par le Canada dans le cadre de la réflexion engagée sur le fonctionnement des organes chargés de surveiller l'application des instruments internationaux, et notamment de sa recommandation tendant à ce que le Comité contre la torture et le Comité des droits de l'homme envisagent de modifier leur règlement intérieur afin d'y inclure des critères précis en ce qui concerne les demandes de mesures provisoires. Par exemple, de telles mesures ne devraient être demandées que lorsque l'intéressé paraît courir un risque réel d'être torturé à son retour et pour une période de temps limitée; ces modifications serait particulièrement utiles pour les cas où l'individu en question constitue un danger pour la sécurité intérieure de l'État Partie mis en cause.

25.Mme TROMP (Canada) évoquera la manière dont, concrètement, on procède aux expulsions au Canada. Tout d'abord, conformément aux directives gouvernementales, ces procédures doivent se dérouler sans heurts et avec humanité, de manière à préserver la sécurité de la personne expulsée, des agents qui l'escortent, l'équipage de l'appareil et des autres passagers. Les agents chargés de l'opération ont parfois affaire à des individus qui, s'opposant à la mesure dont ils font l'objet, sèment le trouble au moment de l'embarquement ou au cours du vol en se livrant à des violences physiques contre eux‑mêmes ou autrui, hurlent, mordent, etc. On leur applique alors les mêmes méthodes de contention que celles qui sont autorisées pour maîtriser les détenus récalcitrants. L'emploi d'instruments de contrainte est admis lorsque aucun autre moyen n'est à la portée des agents pour garantir la sécurité des opérations. Pour recourir à de telles méthodes, l'agent accompagnateur doit avoir des motifs suffisants de penser que l'intéressé présente un danger pour la sécurité; il aura en principe examiné le dossier et tous les renseignements disponibles sur les antécédents et le caractère de l'intéressé. Les instruments de contrainte doivent être appliqués avec le minimum de force nécessaire pour maîtriser la personne, et l'agent doit, s'il en a fait usage, faire rapport au service compétent. Outre les instruments de contrainte, il est parfois nécessaire de faire porter un casque protecteur à l'intéressé afin qu'il ne se blesse pas, mais il est absolument interdit de le bâillonner. L'administration non volontaire de sédatifs est une pratique qu'il est prévu de revoir mais on notera qu'actuellement, ce procédé n'est utilisé qu'à titre exceptionnel, et uniquement avec l'autorisation des tribunaux. En pareil cas, le calmant est administré par un médecin qui doit ensuite accompagner la personne durant toute la procédure d'expulsion. Pour ce qui est des allégations relatives à l'expulsion récente vers l'Afrique de cinq personnes par avion spécialement affrété, Mme Tromp précise que des instruments de contrainte et des casques protecteurs ont dû être utilisés avant et pendant l'embarquement et qu'il a fallu porter les intéressés jusqu'à l'avion, mais qu'à aucun moment ils n'ont été bâillonnés. Ces mesures avaient dû être prises afin d'assurer la sécurité de tous au cours de l'opération puisque précédemment quatre de ces cinq personnes s'étaient vu refuser l'accès à bord d'un appareil commercial en raison de leur comportement extrêmement violent, et que la cinquième était connue pour son caractère instable et son attitude récalcitrante. Au cours du vol, une fois le calme revenu, les dispositifs de contention ont été retirés.

26.Des questions ont été posées au sujet du recours à une société privée pour les opérations d'expulsion. Il a en effet été fait appel aux services d'une société spécialisée dans trois cas, qui concernaient des rapatriements difficiles vers l'Afrique. Avant de recourir aux services de cette société fort expérimentée, celle‑ci a fait l'objet d'une évaluation poussée portant notamment sur ses méthodes et procédés, qui a permis d'établir qu'elle effectuait les rapatriements dans de bonnes conditions de sécurité, avec humanité et d'une manière conforme aux principes appliqués par le Canada en matière d'expulsion. Un protocole d'accord a été conclu avec cette société, qui s'est engagée à procéder aux expulsions dans le respect de la législation canadienne, du droit international et des lois applicables dans les pays où les personnes transportées transiteraient ou seraient renvoyées, à traiter ces personnes avec respect et à mener les opérations dans la dignité. Au reste, des fonctionnaires de l'immigration escortent les personnes expulsées jusqu'à la zone de transit de l'aéroport où ils restent un moment. Le bureau régional canadien de l'immigration en Afrique suit de près les activités de la société en question et est informé en détail de chaque dossier intéressant la région. De plus, pour s'assurer que les opérations s'effectuent dans les règles lorsqu'une personne expulsée est en transit dans un pays, elle reçoit le cas échéant la visite d'un fonctionnaire canadien en poste sur place.

27.La procédure d'extradition oblige parfois à placer en détention des personnes en transit à l'étranger. Le délai nécessaire pour obtenir un titre de voyage peut varier mais en principe, il n'est que de quelques jours. Dans une récente affaire, une série de problèmes se sont posés et le séjour de la personne dans le pays tiers s'est prolongé, car elle faisait de l'obstruction, refusant notamment de révéler sa véritable identité, puis de retourner au Canada lorsque cela lui a été proposé; mais durant toute cette période, elle a été très correctement logée et était libre de se déplacer, sous escorte, comme elle l'entendait. À la suite de cette affaire, les autorités ont décidé de réexaminer les procédures et directives pertinentes et ont momentanément cessé de faire appel à la société en question, en attendant les conclusions du réexamen. D'une manière générale, le Canada est très conscient de ses obligations en matière de procédure d'extradition et il n'est pas question que quiconque soit placé en détention pour une durée illimitée ou dans des locaux qui ne seraient pas adéquats. Afin que nul ne soit retenu indéfiniment dans un pays de transit, les autorités envisagent d'autoriser le retour au Canada des personnes expulsées, si leur expulsion n'est pas effective au bout de 30 jours afin de les faire comparaître devant une instance d'arbitrage.

28Il a été demandé comment le Ministère de la citoyenneté et de l'immigration traite les plaintes émanant de personnes faisant l'objet de mesures d'expulsion, et notamment celles qui ont trait à l'usage de la force. Toute accusation relative à la conduite d'un agent est prise au sérieux et doit être signalée et faire l'objet d'une enquête et d'une réponse écrite. Ce sont les supérieurs directs qui sont tout d'abord chargés d'examiner les plaintes et s'il ne peut y être donné suite à ce niveau, elles sont transmises à la hiérarchie; le cas échéant, le Ministère peut être amené à ouvrir une enquête administrative. Enfin, le Ministère est tenu de par la loi et les directives gouvernementales de signaler à la police toute allégation d'infraction pénale, y compris le recours excessif à la force. Par ailleurs, même en l'absence de plainte, les agents chargés de la répression sont tenus de signaler à leurs supérieurs hiérarchiques, dans un délai spécifié, tous les cas où il leur a fallu recourir à la force.

29.Il n'y a pas d'organe spécialement chargé de recevoir les plaintes, celles‑ci pouvant être présentées à tous les niveaux de la hiérarchie. Mais dans un souci de transparence, la question va être réexaminée pour tenir compte des observations du Comité, et afin de voir s'il y aurait lieu de compléter les informations fournies aux intéressés au sujet des modalités de dépôt de plaintes. Il y a lieu de noter d'ailleurs que toute plainte émanant de personnes placées en détention est enregistrée et fait l'objet d'une enquête, dont les résultats sont communiqués au plaignant; dans tous les centres de détention, les procédures de dépôt de plaintes sont décrites dans la documentation mise à la disposition des détenus. Enfin, le ministère concerné cherche à diminuer le nombre de cas de comportements abusifs du personnel et donc le nombre de plaintes en insistant sur la formation, de façon que les agents de répression aient les qualifications requises pour s'acquitter correctement de leur mission. Le ministère a donc introduit dans le programme de formation de ces personnels une sensibilisation aux aspects éthiques de leur mission. Bien entendu, tous les agents de répression sont aussi formés au bon usage de la force, y compris dans ses aspects juridiques et dans un proche avenir, ces agents seront également soumis à des tests d'aptitude.

30.Une question a été posée à propos d'une affaire où des adultes auraient été placés en détention par les autorités de l'immigration cependant que leurs enfants étaient laissés seuls à la maison; Mme Tromp n'a connaissance d'aucune plainte ni d'aucun élément qui viendrait étayer cette allégation, mais s'il était saisi d'une telle affaire, le ministère compétent ouvrirait une enquête. Par ailleurs, une question a été posée à propos d'un cas de détention de mineurs dans l'Ontario. En effet, 13 mineurs de 15 à 18 ans ont été arrêtés au sud de l'Ontario au début de 2000 après qu'une tentative de les faire passer clandestinement aux États-Unis eut échoué; il semble que l'on avait tenté de leur faire traverser la frontière afin de les livrer à la prostitution. Ayant été interceptés, ils ont demandé l'asile et ont été placés en rétention parce qu'on craignait qu'ils ne s'enfuient, mais ils ont depuis tous été relâchés. En règle générale, les mineurs ne sont placés en détention qu'en application des dispositions de l'article 3 de la Convention relative aux droits de l'enfant. Il s'agit donc d'une mesure prise en dernier recours et à titre exceptionnel, mais il peut arriver que dans certaines circonstances, le placement en détention d'un mineur non accompagné se justifie; chaque cas est examiné séparément et s'il y a des motifs raisonnables de penser que le mineur met en danger la sécurité publique ou qu'il risque de s'enfuir, il peut être placé en détention s'il n'y a pas d'autre solution. L'évaluation des risques est rendue plus difficile lorsque des trafiquants sont impliqués dans une affaire. Dans l'affaire de l'Ontario, les mineurs ont été placés dans un centre de rétention administrative, mais non avec des adultes; ils y ont bénéficié des services d'interprètes, de travailleurs sociaux, d'une femme médecin et disposaient de journaux et de distractions. Le Gouvernement canadien est bien conscient que dans la plupart des cas, il est dans l'intérêt supérieur des enfants de ne pas être placés en détention, et que les centres de rétention utilisés par le Ministère de la citoyenneté de l'immigration ne sont pas toujours bien adaptés aux mineurs. Le ministère continuera à travailler en coopération avec les autorités provinciales et les organismes s'occupant de la protection de l'enfance; il a d'ailleurs chargé un groupe de travail de revoir les politiques et procédures appliquées aux mineurs et d'en élaborer le cas échéant de nouvelles.

31.La question de la formation des fonctionnaires appelés à s'occuper de victimes de la torture est particulièrement importante. Comme il a déjà été expliqué, une action visant à former les agents de répression, les fonctionnaires du service correctionnel et les membres des forces armées a été engagée en vue de leur inculquer la règle de la prohibition de la torture et des châtiments cruels et inusités par la loi et la Charte des droits et libertés. Tous ces fonctionnaires reçoivent aussi une formation de base en matière de communication interpersonnelle et beaucoup d'entre eux ont fait des stages de sensibilisation aux différences culturelles. Les fonctionnaires de l'immigration appelés à prendre des décisions en matière de protection et à évaluer les risques encourus en cas de retour dans le pays d'origine reçoivent une formation spéciale. Ces fonctionnaires, qui appartiennent notamment aux services chargés de la détermination du statut de réfugiés et à ceux s'occupant de la procédure DNRSRC, apprennent à déceler les effets de la torture et à en évaluer les suites médicales telles que les troubles post-traumatiques. Ce sont des organismes spécialisés tels que le Centre canadien pour victimes de torture qui assurent la formation et qui forment aussi les agents travaillant sur le terrain, les travailleurs sociaux et le personnel médical. Les demandeurs d'asile ont parfois vécu des événements traumatisants, ‑ violences sexuelles, incarcération, génocide, torture, etc. ‑ et il appartient aux fonctionnaires appliquant la procédure DNRSRC d'examiner le rapport du médecin ou du psychologue relatif aux troubles post-traumatiques que les intéressés présentent à l'appui de leur demande; ils cherchent notamment à déterminer si des traumatismes passés laissent prévoir des traumatismes futurs et si le demandeur d'asile risque de subir un nouveau choc s'il est expulsé du Canada. La sensibilisation à la diversité culturelle des fonctionnaires qui sont en contact avec des réfugiés et des personnes de différentes origines ethniques résidant au Canada est essentielle, eu égard à la mosaïque culturelle dont s'enorgueillit le Canada. Des améliorations sont toujours possibles et toute suggestion du Comité à cet égard sera la bienvenue. Les services fédéraux de l'immigration et des douanes, la Gendarmerie royale du Canada et le service correctionnel travaillent déjà en étroite collaboration pour toutes les questions ayant trait au multiculturalisme. Dans le cas de victimes de la torture ou d'autres événements traumatiques, les échanges et la réflexion commune de ces différents services sont particulièrement utiles; les autorités sont attentives à toute suggestion.

32.M. McVIE (Canada), qui représente le Service correctionnel, dit que cinq nouveaux centres de détention pour femmes, quatre établissements régionaux, un "Pavillon de ressourcement pour autochtones" ont été construits entre 1995 et 1997; les condamnées peuvent désormais exécuter leur peine plus près de leur communauté d'origine et dans un environnement visant à les responsabiliser, ce qui facilite leur réintégration à leur sortie de prison.

33.En ce qui concerne les conditions de détention des détenues considérées comme les plus dangereuses (catégorie dite maximale), après diverses évasions et autres incidents survenus en 1996, le Service correctionnel du Canada, considérant que certaines prisonnières présentaient une dangerosité trop élevée pour pouvoir être maintenues dans les établissements régionaux, les a fait transférer dans des établissements pour hommes, où elles ont leurs quartiers séparés. Celles dont l'état nécessitait un traitement psychiatrique intensif et continu ont pu être accueillies dans le service spécialisé d'un centre psychiatrique régional. Ce Service correctionnel s'est toutefois engagé à mettre au point une stratégie nationale pour les femmes dangereuses ou ayant des besoins particuliers et c'est ainsi qu'a été annoncée en septembre 1999 la stratégie d'intervention intensive, qui a pour objectif de transformer les quartiers de haute sécurité des établissements pénitentiaires régionaux et d'augmenter leur capacité afin que les détenues de la "catégorie maximale" puissent y être accueillies. Ainsi, les quartiers pour femmes dans les prisons pour hommes pourront être fermés. L'actuel Commissaire du Service correctionnel supervisera personnellement la mise en œuvre de la stratégie d'intervention intensive. Les nouveaux quartiers pourront être occupés d'ici septembre 2001. De plus, des pavillons spécialement conçus pour les prisonnières de dangerosité faible ou moyenne présentant des troubles mentaux seront construits dans chaque établissement régional. Le nombre de femmes placées en quartiers de sécurité maximale qui était de 45 à 50 en 1996, est passé en 1998-1999 à moins de 30. Ces détenues représentent environ 7 % de la population carcérale féminine alors que, pour les hommes, ce pourcentage est de 12 %. Soixante pour cent des femmes délinquantes exécutent leur peine dans la communauté, et non en prison, contre 40 % pour les hommes. Les délinquantes de la "catégorie minimale" ne sont pas maintenues dans des dispositifs de contrainte lorsqu'elles sont transportées en véhicule hors de la prison, sauf si une détenue de la "catégorie moyenne", pour laquelle des normes plus strictes s'appliquent, est transportée en même temps qu'elles. Ce cas s'est présenté en 1997 à la prison pour femmes d'Edmonton, ensuite de quoi la Sous‑Commissaire pour les femmes a ordonné que les détenues de la "catégorie minimale" soient transportées dans des convois séparés. Contrairement à ce qu'un membre du Comité a entendu dire les prisonniers ne sont en aucun cas transportés dans des "cages". Le véhicule généralement utilisé pour tous les trajets, qui est le même pour toutes les catégories de détenus, aussi bien pour les hommes que pour les femmes, est un bus dont l'intérieur est pourvu de compartiments individuels.

34.Le rapport de la juge Louise Arbour a été soumis au Solliciteur général en avril 1996 et le Service correctionnel a élaboré un plan d'action en vue de donner suite aux recommandations qu'il contenait. Aujourd'hui la plupart des recommandations ont été mises en œuvre. La première Sous-Commissaire pour les femmes a ainsi été nommée, en juin 1996, et la pratique a été modifiée de façon à garantir que des hommes ne participent ou n'assistent jamais à la fouille à nu de détenues dans les établissements pour femmes, même en cas d'urgence. Cette interdiction est réitérée dans le protocole national pour le personnel de première ligne publié par la Sous‑Commissaire pour les femmes, dont l'application est suivie de près par les services de la Sous‑Commissaire. Ceux-ci visionnent l'enregistrement vidéo des situations dans lesquelles il a été fait usage de la force et, à ce jour, cette interdiction n'a encore jamais été enfreinte. Ont également été mises en œuvre les recommandations visant à modifier le rôle des équipes pénitentiaires d'intervention d'urgence composées d'hommes, auxquelles on ne fait plus appel qu'en dernier ressort, et à indemniser des détenues touchées par les mesures prises au moment des événements survenus à la prison des femmes à Kingston. Certaines recommandations n'ont pas encore été appliquées, ou ne l'ont été que partiellement, comme celle visant à confier la décision de placer un détenu à l'isolement à un organe indépendant. En octobre 2000, le Gouvernement canadien a proposé un programme pilote de suivi intensif de la pratique de l'isolement qui sera appliqué dans toutes les régions du pays par un groupe mixte composé de représentants du Service correctionnel du Canada et de personnes extérieures à l'administration pénitentiaire. Une évaluation de l'application de ce programme sera réalisée par un organe indépendant. La recommandation concernant l'institution de mécanismes législatifs permettant de prendre des sanctions contre les autorités pénitentiaires en cas d'application de la peine non conforme à la décision judiciaire est en cours d'examen par le Ministère de la justice, qui n'est pas encore parvenu à une conclusion à ce sujet. La recommandation portant création du poste de sous-commissaire pour les femmes a été traduite dans les faits, toutefois, il a été décidé que cette personne n'aurait pas de pouvoir décisionnel, mais qu'elle administrerait les établissements pénitentiaires et serait consultée pour toute décision importante touchant les détenues. La recommandation relative à la surveillance par une vérificatrice indépendante de la politique de dotation en personnel mixte est en cours d'application. Les deux premiers rapports annuels de la vérificatrice ont été publiés en octobre 1998 et février 2000, respectivement, et le troisième et dernier rapport devrait paraître en janvier 2000. Le Service correctionnel prend toutes les mesures voulues pour régler les problèmes signalés dans ces rapports.

35.Un membre du Comité a demandé à quelles mesures s'exposaient les détenus qui détiennent ou consomment de la drogue. Il faut savoir que la consommation ou la possession de drogue ou d'alcool constitue une faute disciplinaire, en vertu de la loi sur le Service correctionnel et la mise en liberté sous condition. Les détenus accusés d'avoir commis une telle faute ont le droit de présenter leur défense, avec toutes les garanties d'équité. Ils peuvent également faire l'objet de mesures administratives, lorsqu'un lien entre la consommation et la vente de drogue peut être démontré. Les sanctions administratives qui sont justifiées par la nécessité d'assurer la sécurité de l'intéressé et des autres détenus, sont d'une durée limitée et doivent être approuvées et réexaminées par le directeur de l'établissement. Elles peuvent consister notamment dans la modification du régime de détention de l'intéressé, de façon à limiter ses contacts avec le monde extérieur, s'il est établi que ces contacts ont un lien avec sa consommation de drogue. Pour ce qui est du problème de la toxicomanie en général, le Service correctionnel du Canada soutient la stratégie nationale de lutte contre la toxicomanie et reconnaît la nécessité de prendre en compte les multiples aspects du problème. Des efforts considérables sont consentis dans le domaine de la prévention et du traitement des toxicomanes ‑ plus de la moitié de la population carcérale ‑ et des mesures sont prises pour empêcher que de la drogue et de l'alcool soient introduits et consommés dans les locaux pénitentiaires.

36.En ce qui concerne les détenus souffrant de maladies mentales, les traitements et médicaments ne sont jamais imposés à ces personnes sans leur consentement, sauf dans les rares cas où il est établi que l'état du détenu le rend incapable de donner ou de refuser son accord. Les psychotropes sont prescrits par des psychiatres engagés par le Service correctionnel, qui sont reconnus par l'ordre des médecins canadiens. Les psychotropes ne sont jamais utilisés à titre de mesure de sécurité. Si le personnel chargé de la sécurité envoie un détenu au psychiatre, celui-ci détermine s'il a besoin d'un traitement médicamenteux. En fait, les psychiatres encouragent généralement les détenus à leur arrivée en prison à réduire la quantité de médicaments qu'ils prenaient jusque-là. Une étude récente portant sur 2 000 détenus a montré que leur état de santé mentale ne se détériorait pas après leur incarcération. Aucun élément ne permet d'avancer qu'il existe une corrélation directe entre les conditions de détention et le taux de détenus souffrant de troubles psychiques.

37.Un membre du Comité a demandé si le Gouvernement canadien envisageait de modifier ou d'abroger l'article 745.6 du Code criminel, dit "faint hope clause" ("clause de l'espoir ténu"), en vertu duquel un individu condamné pour meurtre à la réclusion à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle peut demander une remise de peine s'il a accompli 15 ans et à condition de ne pas avoir commis plusieurs meurtres. Le Gouvernement estime que cette disposition représente un juste équilibre entre les principes humanitaires et la nécessité d'assurer la protection de la population.

38.Pour conclure, M. McVie dit qu'il reste certes encore beaucoup à faire pour améliorer la situation carcérale du Canada mais que la volonté de travailler dans ce sens, en particulier en tirant parti de l'expérience des autres pays et des travaux des organes internationaux comme le Comité contre la torture, ne fait pas défaut.

39.M. JEWETT (Canada) dit que la délégation devrait avoir couvert toutes les questions posées par le Comité, mais reste à sa disposition pour donner tout complément d'information qu'il pourrait souhaiter. Le dialogue avec le Comité a été l'occasion de montrer avec franchise les points forts et les points faibles de la mise en œuvre par le Canada de la Convention et servira à définir dans quelle direction il convient à l'avenir de faire porter l'effort.

40.Mme GAER (Rapporteur pour le Canada) constate que l'État partie persiste, bien qu'il connaisse l'opinion du Comité sur la question, à avoir son interprétation de l'article 3 de la Convention. La protection contre l'expulsion et l'extradition en cas de risque de torture est un droit intangible, et il convient de souligner que la Convention forme un tout dont les parties, les différents articles, se renforcent mutuellement. Il est particulièrement troublant pour le Comité que la contestation du sens à donner à l'article 3 ne soit pas le fait d'un individu ou d'une des provinces de l'État partie, mais du Gouvernement lui-même, dont on s'attendrait à ce qu'il prône le respect des obligations découlant de la Convention.

41.Mme Gaer rappelle que le Gouvernement est tenu de faire poursuivre les tortionnaires présumés ou de les extrader pour qu'ils soient jugés. Il est donc inquiétant que l'État partie expulse les personnes présumées coupables de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité commis hors du Canada, car il se peut bien qu'ainsi, ces personnes ne soient jamais poursuivies. Il est toutefois heureux que la nouvelle législation sur les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité remédie aux problèmes posés par l'affaire Finta. Quand entrera-t-elle en vigueur ? La décision dans l'affaire Finta pourra-t-elle encore être invoquée dans le cas d'actes de torture ne relevant pas de la nouvelle législation ou du Statut de Rome ? L'exigence de l'élément d'intention est‑elle présente dans la nouvelle législation ? En ce qui concerne l'article 3, elle voudrait savoir s'il est exact que les demandeurs d'asile n'ont pas accès aux dossiers concernant l'évaluation des risques qu'ils courraient s'ils étaient renvoyés dans leur pays d'origine.

42.Elle demande à la délégation de commenter une décision de justice rendue dans la province de la Saskatchewan, dans laquelle il est indiqué que la prison est, pour les jeunes autochtones, l'équivalent contemporain de ce qu'étaient les internats pour leurs parents. Existe-t-il une discrimination de fait dans l'application de la loi s'agissant des autochtones, des personnes de couleur et d'origine chinoise, qui constituent une grande part de la population carcérale alors qu'ils ne représentent qu'un faible pourcentage de la population nationale ? Des enquêtes ont-elles été menées à l'échelon provincial ou fédéral pour déterminer les causes de ce déséquilibre ?

43.M. EL MASRY demande si le programme de formation des membres des forces armées comporte une instruction explicite concernant la désobéissance aux ordres contraires à l'éthique et si la Convention contre la torture fait l'objet d'un enseignement.

44.M. YAKOVLEV se félicite de ce que l'État partie ait incorporé dans son Code pénal la définition de la torture telle qu'elle figure à l'article premier de la Convention. Il souhaite savoir quand ce texte de loi a été adopté et s'il existe des exemples de l'application de l'article pertinent.

45.M. JEWETT (Canada) répond que la loi sur les crimes contre l'humanité est entrée en vigueur le 23 octobre 2000. Elle résout les problèmes que posait la décision prise dans l'affaire Finta et inclut bien l'élément d'intention. Il n'y aura donc plus d'échappatoire pour les tortionnaires.

46.M. THERRIEN (Canada) souhaite revenir brièvement sur la question du non‑refoulement et de la mise en œuvre de l'article 3. Comme il l'a dit auparavant, le nouveau projet de loi contiendra une référence spécifique à la torture en tant que facteur à prendre en considération dans l'évaluation des risques auxquels serait exposée une personne si elle était renvoyée dans son pays d'origine. Si certains mécanismes d'évaluation des risques prévoient des critères d'irrecevabilité, c'est‑à‑dire qui excluent d'emblée certaines personnes de la procédure d'examen, tous ceux qui le souhaitent peuvent demander à bénéficier de la procédure d'évaluation qui régit l'octroi d'un permis de séjour permanent pour raisons humanitaires. Par conséquent, les personnes qui ont été exclues des deux premières procédures (moins de 1 % de toutes les demandes), verront leur cas examiné dans le cadre de la troisième procédure.

47.M. JEWETT (Canada) dit que l'article 269‑1 du Code criminel est entré en vigueur en 1989, avant la ratification de la Convention, mais qu'aucune demande n'a encore été présentée au titre de cette disposition. Par ailleurs, des détails écrits supplémentaires seront fournis aux membres du Comité concernant les programmes éducatifs destinés aux militaires, ainsi que sur la question de la surreprésentation des autochtones dans la population carcérale de certaines provinces.

48.M. McVIE (Canada) confirme que le pourcentage élevé d'autochtones dans les prisons est un grave problème dans certaines régions du pays. Le Gouvernement a créé une Division des affaires autochtones qui coopère avec les communautés autochtones, où les problèmes sociaux qui conduisent à la délinquance ont leurs racines. L'objectif est de confier progressivement une partie de la gestion des prisons aux communautés autochtones elles‑mêmes.

49.M. RASMUSSEN remercie la délégation canadienne des réponses très fournies qu'elle a apportées et salue la généreuse contribution faite par le Canada au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 17 h 30.

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