NATIONS

UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.

GÉNÉRALE

CAT/C/SR.512

9 août 2002

Original : FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Vingt-huitième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*

DE LA 512e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,

le lundi 6 mai 2002, à 10 heures

Président : M. BURNS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Quatrième rapport périodique de la Norvège

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*Le compte rendu analytique de la deuxième partie (privée) de la séance est publié sous la cote CAT/C/SR.512/Add.1.

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Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l’une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d’édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

La séance est ouverte à 10 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 7 de l’ordre du jour) (suite)

Quatrième rapport périodique de la Norvège (CAT/C/55/Add.4)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation norvégienne, composée de M. Wille, M me  Øie, M me  Widsteen, M me  Wenger et M. Naess, prend place à la table du Comité.

2.Le PRÉSIDENT souhaite la bienvenue à la délégation norvégienne et l’invite à présenter le quatrième rapport périodique de la Norvège (CAT/C/55/Add.4).

3.M. WILLE (Norvège) dit que la Norvège est fermement attachée à la coopération avec les organes chargés de surveiller l’application des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Le dialogue avec les organes conventionnels auquel donne lieu l’examen des rapports périodiques est la pierre angulaire du système international de suivi et un moyen précieux d’aider les États parties à honorer les obligations qu’ils ont contractées au titre de ces instruments.

4.Au cours des quatre années qui se sont écoulées depuis l’examen de son troisième rapport périodique, la Norvège a mené d’importantes activités dans les domaines touchant les travaux du Comité. Certains des progrès accomplis sont mentionnés dans le quatrième rapport périodique et ses annexes, y compris l’élaboration par le Gouvernement norvégien d’un plan d’action en faveur des droits de l’homme. Les faits importants intervenus depuis la présentation de ce rapport en septembre 2000 sont passés en revue ci-après.

5.Le Ministère de la justice a établi une proposition tendant à incorporer dans le droit interne une disposition interdisant expressément la torture conforme à l’article premier de la Convention, et s’apprête à en diffuser le texte, pour observations. En outre, le Gouvernement a proposé au Parlement une série d’amendements à la loi sur la procédure pénale, afin de donner suite aux préoccupations exprimées par le Comité contre la torture et le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT). Cette proposition a essentiellement pour objet de limiter le recours à la mise au secret et de renforcer la supervision judiciaire d’un tel régime. Elle comporte également des mesures visant à réduire la durée de l’instruction et du jugement des affaires pénales, en promulguant une nouvelle législation, en adoptant de nouvelles procédures, en améliorant les qualifications du personnel et en renforçant les moyens informatiques existants. Ces mesures auront à terme pour effet de limiter le recours à la détention avant jugement, en général, et les mesures d’isolement cellulaire, en particulier.

6.Comme suite aux recommandations du CPT, le Ministère de la justice a publié, en coopération avec le Directeur général du parquet, un dossier d’information sur les droits garantis par la loi sur la procédure pénale concernant les personnes placées en détention provisoire. Ce dossier doit être distribué aux intéressés dès leur mise en détention.

7.Le Groupe de travail chargé d’évaluer la qualité des enquêtes menées par les organes spéciaux (par. 8 du rapport) a rendu son rapport en décembre 2001. Il y recommande que la partie lésée ou la personne déposant une plainte pour abus d’autorité de la part de la police soit systématiquement entendue par l’organe d’enquête spécial. Le policier mis en cause devrait également être interrogé dans tous les cas où une enquête doit être ouverte. Le rapport a été rendu public et les observations le concernant doivent être présentées au plus tard en juin 2002. Le Ministère de la justice décidera alors s’il convient de modifier la législation ou de prendre d’autres dispositions pour donner suite aux mesures recommandées par le groupe de travail.

8.Enfin, en ce qui concerne le paragraphe 19 du rapport, le Parlement norvégien a adopté les mesures législatives voulues pour donner effet aux obligations contractées par la Norvège en ratifiant le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

9.M. YU Mengjia (Rapporteur pour la Norvège) dit que le rapport de l’État partie a été établi selon les directives relatives à l’établissement des rapports périodiques et traduit l’importance attachée par la Norvège à l’application des dispositions de la Convention et des recommandations du Comité. Il comprend trois parties : nouvelles mesures et faits nouveaux concernant l’application de la Convention; renseignements supplémentaires communiqués en réponse aux demandes formulées par le Comité; et suite donnée aux conclusions et recommandations du Comité concernant les rapports présentés précédemment. En ce qui concerne les informations provenant d’autres sources, il est important de noter que le CPT a constaté, dans son rapport le plus récent, que les conditions générales d’incarcération dans les prisons et maisons d’arrêt norvégiennes étaient satisfaisantes.

10.Le rapport ne contient pas d’informations relatives à l’article premier de la Convention, mais il ressort de la présentation orale que la Norvège s’apprête à adopter une disposition législative interdisant expressément la torture. M. Yu Mengjia demande à la délégation de préciser la teneur de cette proposition. En particulier, il voudrait savoir si la Norvège renonce ainsi à l’argument avancé dans son rapport, selon lequel la meilleure façon d'assurer l'application de la Convention n’est pas nécessairement d’incorporer cet instrument dans la législation nationale, mais pourrait consister à incorporer les obligations imposées par la Convention de sorte qu’elles coïncident avec les textes en vigueur et les complètent; une telle démarche ayant pour avantage d'assurer que ceux qui appliquent la loi trouvent toutes les règles pertinentes dans un seul et même texte législatif.

11.En ce qui concerne l’application de l’article 2, M. Yu Mengjia demande à la délégation de préciser les conclusions formulées par le Groupe de travail dans son rapport sur l’évaluation des enquêtes menées par les organes spéciaux.

12.Au sujet de l’article 3, M. Yu Mengjia voudrait connaître les dispositions qui ont été prises, comme suite aux recommandations du Comité, pour faire en sorte que les demandeurs d’asile déboutés soient dûment informés de toutes leurs possibilités de recours interne.

13.Enfin, pour ce qui est des articles 4 à 9, M. Yu Mengjia constate que le rapport de l’État Partie renvoie aux renseignements fournis dans les rapports précédents, le seul élément nouveau étant la ratification du Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

14.M. EL MASRY (Corapporteur), commentant l’application de l’article 10, se félicite de l’élaboration du Plan d’action en faveur des droits de l’homme, qui comprend de nombreuses mesures visant, notamment, à former le personnel pénitentiaire et le personnel médical. Il note aussi que le Gouvernement norvégien a adopté quatre nouvelles lois pour promouvoir un système de soins de santé et d’aide sociale fondé sur le respect des droits de la personne et que, préoccupé par les cas où la force est utilisée pour administrer les soins psychiatriques, il envisage de mettre au point un programme modèle d’enseignement en ce qui concerne la santé et les droits de l’homme et a modifié la loi relative aux services sociaux aux fins de contrôler le recours à la coercition dans ce domaine.

15.Pendant son examen du troisième rapport périodique, le Comité s’est déclaré préoccupé par l’institution de la mise au secret, en particulier à titre de mesure préventive pendant la détention avant jugement. Il a recommandé à l’État Partie de faire en sorte que - sauf dans des circonstances exceptionnelles, notamment lorsque la sécurité de personnes ou de biens est en jeu - ce régime soit aboli, ou du moins qu’il soit strictement et expressément réglementé par la loi, et que le contrôle judiciaire soit renforcé. Le Gouvernement norvégien a pris note de cette recommandation, tout en faisant valoir qu'une solution équilibrée consistait non pas à abolir le régime de la mise au secret, mais à en améliorer la réglementation et le contrôle judiciaire et que les effets préjudiciables de cet isolement devaient être mis en balance avec la nécessité de lutter contre la criminalité. Pour sa part, M. El Masry tient à dire que la notion d’équilibre est présente dans la recommandation du Comité, qui commence par les termes «sauf dans des circonstances exceptionnelles». En tout état de cause, l’État Partie a indiqué que des mesures avaient été prises, ou étaient en train de l’être, pour améliorer la situation, y compris par le renforcement des garanties juridiques. Il s’agit notamment des directives concernant l'application de mesures restrictives durant la détention provisoire, qui prévoient que de telles mesures ne peuvent en aucun cas être appliquées en tant que forme de pression exercée sur le prévenu pour l'inciter à faire une déclaration ou à fournir des renseignements et pendant plus de quatre semaines consécutives. De plus, le Gouvernement est conscient du fait qu'une mesure aussi grave que la mise au secret doit être réglementée par la loi et faire l'objet d'une autorisation expresse du tribunal. Dans le rapport sur la visite qu’il a effectuée en Norvège en septembre 1999, le CPT constate une diminution notable de la durée de la mise au secret des détenus, tout en s’inquiétant des allégations selon lesquelles les policiers imposent couramment des mesures restrictives pour obtenir des aveux. Il faut noter à cet égard que le CPT n’a pris connaissance d’aucun cas de torture ou mauvais traitement, même s’il a été saisi de plaintes faisant état d’un recours excessif à la force au moment de l’arrestation. Le CPT indique en outre que de nombreux détenus n’ont bénéficié du droit d’informer une tierce personne qu’après avoir été interrogés par un officier de police. Il note que les directives concernant le droit d’être assisté par un conseil sont loin d’être intégralement appliquées et recommande que tous les détenus bénéficient d’un tel droit dès leur mise en détention. Il recommande en outre que des dispositions soient prises pour garantir officiellement le droit d’accès à un médecin dans les meilleurs délais et souligne la nécessité d’informer les détenus de tous leurs droits, en leur distribuant un formulaire à cet effet lors de leur mise en détention. Les autorités norvégiennes ont fait connaître leur intention d’établir un tel formulaire.

16.Après la visite du CPT, des directives ont été publiées par le Directeur général du parquet. Le Gouvernement élabore actuellement de nouvelles mesures, tendant notamment à modifier la loi relative à la procédure pénale, et un groupe de travail a été chargé de formuler des propositions dans ce domaine. Ces propositions prévoient notamment que l'imposition du régime de mise au secret sera subordonnée à une autorisation expresse du tribunal et assortie d’un délai maximum. M. El Masry demande à la délégation d’apporter des précisions sur ces dispositions et les autres mesures recommandées par le groupe de travail.

17.En ce qui concerne l’application de l’article 15, M. El Masry constate que la loi sur la procédure pénale ne contient aucune disposition stipulant que les déclarations obtenues sous la torture ne peuvent en aucune circonstance être invoquées comme un élément de preuve dans une procédure. Dans un arrêté, la Cour suprême de Norvège a indiqué que même si cette pratique n’était pas interdite directement par la loi, le procureur n’était manifestement pas autorisé à invoquer les aveux obtenus sous la torture. Quand bien même un tel cas ne se serait jamais produit, et alors que l’État Partie affirme qu’une telle situation est impensable, le Plan d’action en faveur des droits de l’homme n’en contient pas moins une recommandation tendant à examiner la possibilité d’incorporer dans la loi sur la procédure pénale une disposition interdisant d’invoquer les aveux obtenus sous la torture comme éléments de preuve. M. El Masry demande à la délégation de commenter les informations portées à la connaissance du Comité à ce sujet et, en particulier, les recommandations acceptées par le Gouvernement et présentées au Parlement et celles qui sont en cours d’examen.

18.Enfin, rappelant que le Comité des droits de l’homme a recommandé à l’État partie d’envisager de prendre les mesures nécessaires en vue d’un retrait total de sa réserve portant sur le paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques («Toute personne déclarée coupable d'une infraction a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation»), M. El Masry demande à la délégation de bien vouloir faire le point sur cette question.

19.M. RASMUSSEN souhaite obtenir des informations complémentaires sur la mise au secret et demande si les autorités norvégiennes ont envisagé la possibilité de créer des unités où les personnes qui ont commis des infractions similaires et sont soumises aux mêmes mesures restrictives (par exemple interdiction de communiquer avec d’autres détenus, de recevoir des lettres ou des visites etc.) pourraient être placées ensemble, ce qui éviterait de nuire gravement à leur santé mentale pendant les 24 heures que dure la sanction.

20.Mme GAER demande à la délégation norvégienne de fournir des précisions sur la façon dont a procédé le Gouvernement pour résoudre de manière aussi satisfaisante la question des demandeurs d’asile et pour faire en sorte qu’il n’y ait pas le moindre cas de mauvais traitements. Il serait intéressant d’avoir de plus amples renseignements sur la formation suivie par toutes les personnes en contact avec les nombreux demandeurs d’asile qui se trouvent dans le pays. D’une manière plus générale, Mme Gaer souhaiterait avoir les informations sur les mesures prises pour lutter contre la violence sexuelle dans les prisons. Compte tenu de l’excellente situation des femmes en Norvège, il serait intéressant de connaître le nombre de femmes dans les centres pour réfugiés, les centres de détention, les établissements pénitentiaires et les établissements psychiatriques. Enfin, Mme Gaer voudrait avoir des statistiques (en pourcentage) sur les personnes détenues, non seulement par sexe mais aussi par âge et par ethnie, et selon l’appartenance à une communauté autochtone.

21.Le PRÉSIDENT dit que le nombre restreint de questions posées à la délégation norvégienne traduit le degré d’avancement de l’État partie dans le respect des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention contre la torture.

22.M. YU Mengjia demande si les membres du Comité considèrent entièrement satisfaisante la proposition du Ministère norvégien de la justice visant à incorporer une disposition spécifique contre la torture dans le droit interne, conformément à l’article premier de la Convention.

23.Le PRÉSIDENT dit que la réponse à cette question dépend de ce que l’on entend par «incorporation». Il serait bon que la délégation norvégienne précise si la proposition indiquée vise à établir une catégorie distincte de crime qui corresponde au libellé de la Convention. Il est encourageant de constater que la Norvège − tout comme la Suède − a indiqué dans son rapport qu’elle avait adopté un plan d’action en faveur des droits de l’homme et il convient de se féliciter du souci des pays scandinaves de rationaliser leurs efforts en vue de la mise en œuvre des droits de l’homme à l’échelle nationale.

24.M. MAVROMMATIS dit qu’il serait intéressant d’avoir une description précise de ce plan d’action.

25.M. WILLE (Norvège) remercie les membres du Comité de leurs questions, auxquelles la délégation s’efforcera de répondre lors d’une prochaine séance.

26. La délégation norvégienne se retire.

La partie publique de la séance prend fin à 10 h 47.