NATIONS

UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.

GÉNÉRALE

CAT/C/SR.412

5 mai 2000

Original : FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Vingt-quatrième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*

DE LA 412ème SÉANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,

le mardi 2 mai 2000, à 10 heures

Président : M. BURNS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

Troisième rapport périodique de la Pologne

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*Le compte rendu analytique de la deuxième partie (privée) de la séance est publié sous la cote CAT/C/SR.412/Add.1.

________________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 7 de l'ordre du jour)

Troisième rapport périodique de la Pologne (CAT/C/44/Add.5; HRI/CORE/1/Add.25/Rev.1)

1.Sur l'invitation du Président, M. Knothe, Mme Janiszewska, M. Przemyski, M. Sledzik, Mme Zurek et Mme Wyznikiewicz (Pologne) prennent place à la table du Comité.

2.Le PRÉSIDENT invite la délégation polonaise à présenter le troisième rapport périodique de la Pologne (CAT/C/44/Add.5).

3.M. KNOTHE (Pologne) dit que des réformes importantes tant sur le plan social que sur le plan juridique ont marqué la période couverte par le troisième rapport périodique. Le 2 avril 1996, le Parlement polonais a adopté la nouvelle Constitution, et le 1er septembre 1998 une nouvelle codification de la loi pénale est entrée en vigueur.

En vertu de la nouvelle Loi fondamentale, les droits et libertés des citoyens sont maintenant effectivement garantis et les instruments internationaux auxquels la Pologne est partie font partie intégrante de l'ordre juridique interne. Ainsi, la Convention et tous les autres instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme qui ont été ratifiés sont directement applicables en Pologne.

4.Parmi les droits individuels garantis par la Constitution figure le droit de ne pas être soumis à la torture ou à d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, y compris les châtiments corporels. Toute personne privée de liberté autrement qu'en vertu d'une décision de justice peut porter plainte devant les tribunaux. Le nouveau Code pénal réprime les violations des règles du droit humanitaire et les atteintes à la dignité humaine. La peine de mort a été abolie, de sorte que l'emprisonnement à vie est devenu la peine la plus sévère qui peut être prononcée. Les autorités polonaises se préparent maintenant à ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, et le Protocole No 6 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales concernant l'abolition de la peine de mort. Le nouveau Code pénal sanctionne les auteurs de tout acte de cruauté infligé à des personnes privées de liberté et les agents de la fonction publique qui ont recours à la violence ou aux menaces de violence ou commettent des actes de cruauté physique ou mentale pour obtenir des aveux ou des informations. Par ces nouvelles dispositions, la Pologne a tenu compte des recommandations faites par le Comité contre la torture à la suite de l'examen du précédent rapport périodique (CAT/C/25/Add.9).

5.M. Knothe attire l'attention sur l'introduction dans le nouveau Code de procédure pénale d'une disposition qui interdit d'influencer les déclarations d'une personne interrogée par des moyens coercitifs, des menaces illégales ou le recours à l'hypnose et toute autre mesure de nature à agir sur le processus mental des personnes interrogées. En outre, les témoignages et déclarations présentés dans des circonstances où la liberté d'expression n'est pas respectée ou obtenus par les actes prohibés susmentionnés ne sont pas admis comme moyens de preuve. Le nouveau Code de procédure pénale a considérablement renforcé les garanties reconnues aux accusés. Il prévoit que toute personne détenue peut s'entretenir immédiatement avec un avocat et communiquer directement avec lui. Il spécifie le délai maximum de détention et reprend la disposition selon laquelle seul un tribunal peut ordonner le placement en détention provisoire.

6.Par ailleurs, il convient de noter que le domaine des droits de l'homme fait l'objet d'une large information et est incorporé dans le programme d'un nombre croissant d'établissements d'enseignement. Des chaires de droits de l'homme ont été créées dans plusieurs universités polonaises. Des séminaires et cours de formation sont régulièrement dispensés à l'intention des juges, des procureurs et des agents de la fonction publique. Enfin, il y a lieu de souligner que, après l'adhésion de la Pologne à la Convention européenne pour la prévention de la torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants a effectué sa première visite sur les lieux de détention en Pologne en juillet 1996. Lors de cette inspection, aucune intervention immédiate n'a été faite.

7.M. EL MASRY (Rapporteur pour la Pologne) remercie la délégation polonaise pour la présentation de son rapport (CAT/C/44/Add.5), qui a été soumis avec un léger retard s'expliquant en grande partie par le fait qu'au cours de la période considérée, le pays a connu d'intenses transformations sociales et juridiques, attestées notamment par la promulgation d'une nouvelle constitution et l'adoption d'un nouveau code pénal en 1997. Ce rapport, très éclairant et riche d'informations est rédigé selon les directives données par le Comité quant à la forme et au contenu des rapports.

8.S'agissant de l'application de l'article premier de la Convention par la Pologne, on se souviendra que lors de l'examen de son deuxième rapport périodique (CAT/C/25/Add.9), la délégation polonaise avait indiqué que la nouvelle constitution consacrerait le principe selon lequel les conventions internationales ratifiées par la Pologne ont même rang que la Constitution et que dès lors, la définition de la torture contenue dans la Convention contre la torture ferait partie intégrante du système juridique polonais sans qu'il soit besoin de légiférer en ce sens. Le Comité n'avait pas été convaincu par cet argument et il avait recommandé à nouveau que soit incorporée au droit interne polonais une définition de la torture reprenant chacun des éléments de la définition figurant dans la Convention. Or, au paragraphe 23 du rapport à l'examen, il est indiqué que la Convention s'applique directement et qu'il n'est pas nécessaire de l'incorporer au droit interne; il est même précisé que si tous les instruments internationaux ne sont pas directement applicables, la majorité des dispositions de la Convention contre la torture, et notamment son article premier, le sont. La question avait fait l'objet d'un long débat lors de l'examen du deuxième rapport périodique, et le Comité avait conclu qu'une définition de la torture s'imposait. Le corapporteur reviendra plus longuement sur ce point.

9.À propos de l'article 2 de la Convention, M. El Masry souhaiterait quelques explications au sujet des "crimes contre la paix" mentionnés au paragraphe 30 du rapport. Pour ce qui est de l'application du paragraphe 2 de l'article 2, le paragraphe 31 du rapport à l'examen ne permet pas de savoir si des mesures ont été prises en matière législative ou administrative ou dans les domaines de l'information ou de l'éducation pour donner pleinement effet aux dispositions de ce paragraphe.

10.La question de la responsabilité pénale d'un fonctionnaire qui a exécuté les ordres d'un supérieur avait déjà été évoquée lors de l'examen du deuxième rapport périodique. À cette occasion, le Comité s'était dit préoccupé par le fait qu'apparemment, l'obéissance à une autorité hiérarchique légitime était considérée comme un fait susceptible d'être invoqué pour justifier la commission d'un acte de torture. Le seul progrès réalisé à cet égard semble être que l'article 344 du nouveau Code pénal exempte de sanctions l'agent de la force publique qui a refusé d'exécuter un ordre en raison de sa nature délictueuse. Toutefois, s'il exécute cet ordre, il ne sera pas considéré comme ayant commis un délit ‑ sauf si, en obéissant à l'ordre, il commet délibérément un autre délit. Dans ces conditions, les conclusions auxquelles le Comité était arrivé à la suite de l'examen du deuxième rapport périodique sont toujours valables : rien ne saurait excuser un acte de torture.

11.S'agissant de l'article 3 de la Convention, M. El Masry constate que le risque d'être soumis à la torture ne figure pas parmi les motifs d'extradition énumérés au paragraphe 41 du rapport à l'examen. Certes, il est précisé au paragraphe 42 que cette liste n'est pas exhaustive et que c'est à la justice de se prononcer à la lumière des textes en vigueur, y compris la Convention contre la torture. Au paragraphe 46 du rapport, un exemple est cité d'une demande d'extradition présentée par la Chine et rejetée au motif que l'extradition violerait l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et le paragraphe 47 fait état d'un arrêt de la Cour suprême indiquant qu'en matière d'extradition, il convient de prendre en considération les normes du droit international, qui interdisent notamment le recours à la torture. Puisqu'il est indiqué au paragraphe 49 du rapport que la Pologne a extradé 58 personnes entre 1994 et 1997, il serait utile d'apprendre quels États ont obtenu l'extradition; lorsqu'il y a eu rejet de la demande, il serait intéressant de savoir si, hormis le refus opposé à la Chine, il y a eu d'autres cas où le refus a été motivé par la violation d'un instrument international ayant force obligatoire. Par ailleurs, M. El Masry relève que l'article 53 de la loi relative aux étrangers interdit l'expulsion d'un étranger vers un pays où il risque d'être soumis à la torture.

12.Au paragraphe 51 du rapport, il est précisé à propos de l'application de l'article 4 de la Convention que la législation pénale polonaise ne définit pas de délit particulier qui couvrirait le recours à la torture; cependant, le nouveau Code pénal de 1997 prévoit des sanctions pour des actes de violence ou des menaces ainsi que pour des mauvais traitements physiques ou psychiques. Les paragraphes 51 et 52 se réfèrent au Code pénal de 1969 comme s'il était toujours en vigueur, mais il est indiqué par ailleurs que le nouveau Code pénal fait mention des cas particuliers où c'est un agent de la fonction publique qui recourt à la violence ou à la menace aux fins d'obtenir une déposition ou autre déclaration, ainsi que de ceux où il est fait usage de la violence contre une personne licitement privée de sa liberté. Or il était annoncé au paragraphe 26 du rapport périodique précédent (CAT/C/25/Add.9) que le nouveau Code pénal contiendrait des dispositions spécifiques sanctionnant quiconque emploierait la violence ou la menace en vue d'influencer le témoin, le traducteur ou l'accusé. La délégation polonaise pourrait‑elle apporter quelques précisions sur ce qu'il en est exactement des dispositions du Code pénal en ce qui concerne l'application de l'article 4 de la Convention ?

13.Les événements dramatiques évoqués au paragraphe 61 du rapport semblent avoir donné lieu à des sanctions adéquates mais, eu égard à la gravité des actes en cause, M. El Masry voudrait en savoir davantage à propos d'une part de l'homicide commis au poste de police de Lomazy et d'autre part du décès causé par l'utilisation "malencontreuse" d'une matraque à Slupsk : les enquêtes auxquelles ont donné lieu ces incidents ont‑elles révélé certains défauts dans le fonctionnement des services et quels enseignements en ont été tirés ? Les autorités ont‑elles pris des mesures préventives et une procédure de réparation et d'indemnisation est‑elle en cours ?

14.La Pologne a entrepris une profonde réforme de son système judiciaire, mais l'une des questions les plus difficiles à résoudre reste celle du comportement des forces de police et des autres organes chargés de l'application des lois. Certains incidents qui ont été signalés font songer à ce qui se passait sous le régime communiste. Citant trois incidents survenus dans la période récente et qui se sont soldés par la mort des victimes, M. El Masry, tout en reconnaissant que les auteurs de ces actes ont été inculpés et condamnés, voudrait savoir ce qu'il en est de l'action préventive. Le Comité des droits de l'homme s'est lui aussi inquiété de l'absence de dispositif indépendant de supervision s'agissant des atteintes aux droits de l'homme dont se rendraient coupables des policiers, des conditions régnant dans les établissements pénitentiaires et en particulier dans les centres de détention pour mineurs, et des plaintes pour violences et autres infractions commises par des membres du personnel pénitentiaire. Le Comité des droits de l'homme s'est également inquiété de la persistance de la pratique du bizutage ("fala") dont sont victimes les nouvelles recrues dans l'armée. Bien qu'il soit indiqué au paragraphe 62 du rapport que 60 à 70 % des délits commis au regard des articles 319 à 321 du Code pénal par des soldats du contingent relèvent de la "fala", le rapport ne fait état d'aucune mesure qui aurait été prise pour mettre fin à des comportements attentatoires à la dignité humaine.

15.À propos de l'article 10 de la Convention, il est indiqué au paragraphe 102 du rapport que les programmes de formation sont axés sur la protection des droits et libertés individuels et qu'ils tendent à favoriser de bonnes habitudes professionnelles chez les policiers. À ce sujet, M. El Masry demande à qui sont destinés ces programmes de formation : s'adressent‑ils aux nouvelles recrues de la police ou à l'ensemble des fonctionnaires ? Il serait intéressant de connaître la proportion de nouveaux venus dans les services de répression par rapport aux agents qui étaient déjà en place sous le régime communiste, eu égard aux exécutions extrajudiciaires et aux cas de traitements inhumains et dégradants qui ont été signalés au cours de la période considérée. À cet égard, le Comité des droits de l'homme a recommandé qu'un système d'examen indépendant soit mis en place pour veiller à ce que les fonctionnaires de l'État agissent en conformité avec la loi. M. El Masry signale à ce propos que la Cour européenne des droits de l'homme a commencé à examiner le cas d'une personne qui, ayant négligé de comparaître comme témoin, aurait été appréhendée par la police alors qu'elle quittait son lieu de travail, emmenée de force, frappée et insultée par les agents de la force publique, puis mise en état d'arrestation sans être informée des raisons de cette mesure et sans pouvoir contacter son avocat.

16.M. YAKOVLEV (Corapporteur) salue la grande qualité du rapport soumis par le Gouvernement polonais, ainsi que les mesures démocratiques et les profondes transformations légales mises en œuvre pendant la période couverte par le rapport. Il regrette néanmoins qu'une définition de la torture conforme à celle de l'article premier de la Convention n'ait pas été introduite dans la législation pénale. Il rappelle que, dans les conclusions et recommandations qu'il avait publiées à la suite de l'examen du deuxième rapport périodique de la Pologne, le Comité s'était inquiété de certaines insuffisances liées aux textes en vigueur pour combattre la torture et avait regretté que la législation interne ne comporte pas de définition de la torture, telle que l'exigent les articles premier et 4 de la Convention. Le Gouvernement polonais estime qu'une définition large de la torture dans le Code pénal est suffisante. Dans le troisième rapport périodique, il fait valoir (par. 51) que le Code pénal de 1969 sanctionne tout acte revenant à léser gravement la santé, y compris la santé mentale, ou à porter autrement atteinte à l'une des fonctions du corps, ou toute autre maltraitance, etc. Il ajoute (par. 54) que la portée étendue de la loi polonaise quand celle-ci sanctionne les personnes coupables d'avoir causé une douleur sévère à la victime ou de lui avoir fait subir une souffrance physique et mentale est l'élément principal qui distingue la législation polonaise des dispositions de la Convention, puisque celle-ci considère que la torture résulte exclusivement d'actes commis par des agents de la fonction publique. Le point de vue du Gouvernement est tout à fait discutable. La question qui se pose en effet est de déterminer ce qui est le plus efficace pour lutter contre la torture : une définition générale ou une définition précise. La définition de la torture donnée à l'article premier de la Convention étant le mieux à même de prévenir et combattre ce crime, il est essentiel de l'introduire dans la législation interne. Cette définition ne vise pas n'importe quel acte de violence ou usage d'une influence illégitime sur une personne où qu'elle se trouve, mais un acte commis par un agent de la fonction publique dans le cadre d'une procédure qui fait partie intégrante du système judiciaire. Chacun sait que l'établissement des preuves est un élément clef dans la procédure judiciaire. S'il est vicié par le recours à la torture, c'est le système judiciaire dans son ensemble qui se trouve ébranlé. C'est pour cette raison que l'article premier de la Convention fait expressément état de la commission d'actes de torture aux fins d'obtenir d'une personne des renseignements ou des aveux. En outre, la torture au sens de l'article premier de la Convention s'entend aussi d'un acte commis pour un motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu'elle soit. Cette précision est importante car les préjugés raciaux sont souvent à l'origine d'actes de torture, et aucun État n'est à l'abri de conflits interethniques. Tous les éléments caractéristiques de l'acte de torture énoncés dans l'article premier de la Convention ne se retrouvent pas dans les dispositions générales du Code pénal polonais.

17.Par ailleurs, M. Yakovlev note avec satisfaction la franchise du Gouvernement polonais qui n'a pas craint d'exposer des cas de mauvais traitements. Il est en effet indispensable de reconnaître des pratiques néfastes pour pouvoir les éradiquer. Cependant, le caractère général des dispositions du Code pénal rend difficile l'identification des infractions commises, en vue notamment de l'établissement de statistiques. Un gouvernement doit pouvoir disposer de statistiques claires et fiables s'il veut prendre les mesures appropriées pour traiter les problèmes.

18.La législation polonaise relative à la situation des détenus est globalement satisfaisante. Il serait cependant intéressant de savoir si une personne en état d'arrestation qui a été soumise à des mauvais traitements par un agent de la fonction publique peut recourir contre la décision du juge ou du procureur de ne pas poursuivre l'auteur des mauvais traitements. En outre, une personne arrêtée peut-elle s'entretenir avec un avocat et demander à être examinée par le médecin de son choix ?

19.M. MAVROMMATIS remercie le Gouvernement polonais de sa présentation et souligne l'excellence du rapport de même que du document de base (HRI/CORE/1/Add.25/Rev.1). Toutefois, un certain nombre de questions demeurent. Tout d'abord il souhaiterait que lui soient précisées la composition du Conseil national de la magistrature et la façon dont est garantie son indépendance. Ensuite, la place exacte de la Convention dans le système juridique polonais n'est pas très claire et il faudrait savoir notamment si elle a le même statut que la Convention européenne pour la prévention de la torture. Eu égard au pouvoir du Président de ratifier les traités et de les dénoncer, il importe de savoir en outre si ces deux conventions peuvent être dénoncées.

20.Comme les rapporteurs, M. Mavrommatis insiste sur la nécessité d'inclure dans la législation une définition de la torture. Le cas cité au paragraphe 61 c) en démontre l'urgence. Il se peut, comme il est indiqué au paragraphe 60 du rapport, que le système juridique polonais garantisse que les actes criminels visés par la Convention donneront lieu à poursuites et à sanction, mais cela ne suffit pas eu égard à la gravité du crime de torture.

21.M. Mavrommatis est déçu par le fait que, en ce qui concerne l'extradition, dans l'affaire citée au paragraphe 46 du rapport, le tribunal provincial n'ait invoqué que la Convention européenne pour la prévention de la torture, alors que seule la Convention qui porte création du Comité contre la torture contient des dispositions interdisant l'extradition, le refoulement et le renvoi d'un individu dans un pays où il risque d'être torturé.

22.En ce qui concerne l'irrecevabilité des aveux obtenus par la force, M. Mavrommatis se rallie à l'opinion émise précédemment et s'élève contre l'exonération accordée au subalterne qui a obéi aux ordres d'un supérieur hiérarchique, s'il savait que ce qu'il faisait était illégal. Nul n'est censé ignorer la loi : donc pourquoi faire cette précision s'agissant de l'auteur d'un acte de torture ? Les preuves obtenues par la contrainte ainsi que les preuves indirectes doivent être exclues de toute procédure pénale.

23.Enfin, il s'étonne du fait qu'aucune plainte pour torture n'ait été enregistrée à ce jour. Il n'existe pas de pays où il ne se produit pas de cas de torture ou de mauvais traitements et M. Mavrommatis se demande si l'absence de plaintes en Pologne tient à l'ignorance, à l'absence de définition de la torture, à une procédure lourde et compliquée ? Il est dans l'intérêt du Gouvernement de rechercher les raisons pour lesquelles aucune plainte n'a été déposée à ce jour, afin de pouvoir prendre les mesures qui s'imposent.

24.Mme GAER présente aussi ses félicitations au Gouvernement polonais pour les remarquables progrès accomplis dans le système légal et pour les réformes entreprises au cours de la période couverte par le rapport. Comme les autres membres du Comité, elle souligne la nécessité d'une définition du délit de torture dans la législation interne. Relevant, au paragraphe 46 du rapport que la Cour suprême a statué que pour rendre un avis sur la recevabilité d'une demande d'extradition, il faut prendre en considération le droit international, elle souhaite savoir si d'autres décisions similaires ont été rendues par la suite. Mme Gaer s'inquiète de la pratique de la "fala" et souhaite savoir quelles mesures ont été prises pour faire cesser ces pratiques et pour accorder réparation aux victimes.

25.Le paragraphe 64 du rapport contient des renseignements très intéressants sur les poursuites engagées contre d'anciens fonctionnaires de l'ex‑ministère de la sécurité publique et dans le paragraphe 66 on lit que 19 anciens fonctionnaires ont été condamnés pendant la période 1994‑1998 pour avoir torturé des détenus; Mme Gaer souhaite savoir si sont aussi prises en considération les exactions commises avant la mise en œuvre de la Convention contre la torture ou avant la création de la République populaire de Pologne.

26.Dans un autre domaine, Mme Gaer a été frappée de lire dans le rapport pour 1996 du Comité européen pour la prévention de la torture que des fils électriques, barres métalliques, battes de base ball, etc. avaient été découverts dans les postes de police et que les raisons avancées pour expliquer la présence de tels objets n'étaient guère convaincantes. Ces objets ont ensuite été interdits dans les postes de police, et elle souhaite savoir si cette interdiction a été étendue à d'autres lieux.

27.Enfin, Mme Gaer souhaiterait des renseignements sur les conditions dans lesquelles les femmes sont détenues. Elle demande s'il existe un contrôle dans les prisons concernant la violence sexuelle, comment sont traitées les plaintes à ce sujet, si les femmes sont surveillées uniquement par des gardiennes, quelles mesures ont été prises pour prévenir la violence sexuelle, s'il y a déjà eu des sanctions pour violence sexuelle et enfin si une sensibilisation et une formation du personnel pénitentiaire ont été envisagées.

28.M. GASPAR HENRIQUES, demande des éclaircissements concernant les paragraphes 16 à 18 du rapport, en particulier sur le statut du ministère public, afin de connaître le degré d'autonomie ou d'indépendance dont il jouit. Y a‑t‑il aussi un rapport hiérarchique à l'extérieur de l'institution, par exemple par le biais du Ministère de la justice ? Des précisions sur les garanties d'indépendance ou d'autonomie dans l'exercice des fonctions du ministère public, c'est‑à‑dire les conditions de nomination, de révocation et d'exercice du pouvoir disciplinaire, sont également nécessaires. Enfin, il demande des explications sur la possibilité "condamner sans jugement" mentionnée au paragraphe 138 alinéa c).

29.M. RASMUSSEN se déclare impressionné par les divers programmes de formation de la police dans le domaine de la protection des droits et des libertés de l'individu et par l'engagement de n'utiliser la force qu'en cas de nécessité absolue. Il voudrait toutefois avoir l'assurance que l'interdiction de la torture est bien comprise dans la "protection des droits de l'homme", car cette expression est très générale.

30.Le PRÉSIDENT, prenant la parole en tant que membre du Comité, note avec satisfaction, d'une part, que la Pologne ne figure pas dans le rapport du Rapporteur spécial sur la torture (E/CN.4/2000/9) et d'autre part, que l'État partie a reconnu la compétence du Comité en vertu de l'article 22 de la Convention. Il s'associe à l'opinion générale concernant l'article premier de la Convention et la nécessité d'inclure dans la législation polonaise une définition de la torture dans les mêmes termes que celle qui est donnée dans la Convention. Il relève que la nouvelle législation polonaise a exclu la prescription pour certains crimes. Il se demande si la torture pratiquée de manière non systématique et non généralisée – qui n'est donc pas constitutive du crime contre l'humanité – est soumise à prescription et, dans ce cas, au bout de combien de temps.

31.En ce qui concerne l'article 5 de la Convention, le paragraphe 71 du rapport ne permet pas de savoir si l'État partie considère qu'il a une compétence pénale universelle en matière de torture. Le Comité contre la torture a toujours estimé que les États ont non seulement le pouvoir mais aussi le devoir d'exercer leur compétence pour le crime de torture, quel que soit le lieu où il a été commis. Il serait utile de connaître avec précision la position de l'État polonais à ce sujet. Enfin, le Président note avec une grande satisfaction que la Pologne a contribué au Fonds de contributions volontaires pour les victimes de la torture en 1999 et l'encourage vivement à continuer à le faire.

32.La délégation polonaise se retire.

La première partie (privée) de la séance prend fin à 11 h 15.

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