Nations Unies

CAT/C/SR.1033

Convention contrela torture et autres peinesou traitements cruels,inhumains ou dégradants

Distr. générale

15 novembre 2011

Original: français

Comité contre la torture

Quarante-septième session

Compte rendu analytique de la 1033e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 9 novembre 2011, à 15 heures

Président: M. Wang Xuexian

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Troisième et quatrième rapports périodiques de Sri Lanka (suite)

La séance est ouverte à 15 heures.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19de la Convention (suite)

Troisième et quatrième rapports périodiques de Sri Lanka (CAT/C/LKA/3-4, CAT/C/LKA/Q/3-4, CAT/C/LKA/Q/3-4/Add.1, HRI/CORE/LKA/2008) (suite)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation sri-lankaise reprend place à la table du Comité.

2.M.Pieris (Sri Lanka) dit que compte tenu de leur très grand nombre et de leur complexité, les questions posées par les membres du Comité ne pourront pas toutes être traitées à la présente séance mais le Comité peut être assuré que la délégation a dûment pris en considération chacun des points soulevés. Dans son ouvrage intitulé «The Law of armed conflict», Gary D. Solis pose avec lucidité le problème de la difficile conciliation entre l’interdiction absolue de la torture établie par le droit international et la tragique réalité, qui est que non seulement la torture est pratiquée, mais qu’elle peut être efficace. Non que cela limite le moins du monde les implications juridiques de la torture, mais c’est une vérité qu’il serait vain de nier.

3.La Constitution de Sri Lanka contient toutes les dispositions nécessaires pour garantir le respect de la Convention contre la torture. L’article 27 (par. 15) fait obligation à l’État de promouvoir le respect du droit international et des obligations découlant des instruments internationaux dans les relations entre les États. L’article 11 garantit le droit de ne pas être soumis à la torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et l’article 13 (par. 4) dispose que toute condamnation à mort ou à une peine de prison doit être prononcée par un tribunal compétent, dans le respect des procédures prévues par la loi. Le droit de ne pas être soumis à la torture et son inviolabilité étaient inscrits dans l’ordre juridique sri-lankais bien avant que la Convention contre la torture n’entre en vigueur. Le Code pénal de 1884 réprimait déjà le fait d’infliger intentionnellement une douleur aiguë à une personne dans le but d’obtenir des renseignements ou des aveux.

4.Bien que le droit à la vie ne soit pas expressément consacré par la Constitution, la Cour suprême de Sri Lanka a reconnu ce droit comme implicitement garanti par la Constitution. L’affaire Silva c. Iddamalgoda a été particulièrement marquante à cet égard. Dans plusieurs affaires, dont celle-ci, qui avaient trait à des actes de torture ayant entraîné la mort de la victime, la Cour suprême a reconnu le droit à réparation des ayants cause de la victime et leur a accordé une indemnisation, en pleine conformité avec l’article 14 de la Convention contre la torture. Si le Comité le souhaite, de plus amples détails concernant ces affaires pourront lui être communiqués par écrit ultérieurement.

5.Les garanties juridiques fondamentales (question 2 de la liste de points) sont traitées de manière explicite dans les réponses écrites. Le droit de toute personne privée de liberté d’être informée du motif de son arrestation est expressément garanti par l’article 13 (par. 1) de la Constitution ainsi que par l’article 23 (par. 1) du Code de procédure pénale. Le droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal compétent est garanti par l’article 13 (par. 3) de la Constitution. Ayant pratiqué le droit pendant trente-cinq ans, M. Pieris a pu constater que ces dispositions étaient respectées dans l’immense majorité des cas.

6.De nombreuses préoccupations ont été exprimées au sujet du traitement réservé aux personnes détenues par la police, en particulier en ce qui concerne les interrogatoires et la valeur probante accordée aux aveux. Il est utile de rappeler qu’en droit sri-lankais, les déclarations ou les aveux obtenus par la police ne peuvent pas être retenus contre leur auteur et sont irrecevables devant les tribunaux. Peuvent en revanche être admis comme preuves les déclarations ou aveux faits à un particulier, à un juge ou à toute autre personne exerçant une autorité pour autant qu’ils n’aient pas été obtenus par la contrainte, par la menace ou contre la promesse d’un quelconque avantage.

7.Ces règles s’appliquent aussi aux fins de la loi sur la prévention du terrorisme, si ce n’est que dans ce contexte, les aveux obtenus par la police peuvent être recevables et sont réputés avoir été faits librement; la charge de prouver qu’ils ont été obtenus par la contrainte incombe donc à l’accusé. Celui-ci n’a toutefois pas à prouver qu’il y a eu contrainte au-delà de tout doute raisonnable; il lui suffit de convaincre le tribunal qu’une forme de pression a pu être exercée pour que les aveux soient déclarés irrecevables, ce qui arrive dans près de 75 % des affaires relatives à des infractions visées par la loi sur la prévention du terrorisme. Ce pourcentage montre bien que la charge de la preuve imposée à l’accusé n’est nullement accablante. Il faut par ailleurs préciser que le renversement de la charge de la preuve est expressément prévu par l’article 13 (par. 5) de la Constitution et reconnu par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, et qu’en tout état de cause le tribunal n’examine pas les aveux sous le seul angle de la recevabilité mais doit également en déterminer la véracité.

8.La présence de l’avocat aux interrogatoires menés par la police n’est pas une nécessité dès lors que les déclarations obtenues dans ce contexte ne peuvent pas être retenues comme éléments à charge. Un comité interministériel examine actuellement une proposition tendant à mettre en place un système de permanences juridiques inspiré de celui qui existe en Grande-Bretagne en vertu de la loi sur la police et les preuves judiciaires, en vertu duquel la police aurait l’obligation de notifier toute arrestation à la permanence afin qu’un avocat puisse se rendre immédiatement sur les lieux pour conseiller le suspect. À l’heure actuelle, les avocats ne sont pas admis dans les commissariats de police de plein droit, ce qui peut les rendre vulnérables. Cette situation n’est pas satisfaisante et des mesures sont prises pour y remédier. En juin 2009, l’Inspecteur général de la police a émis une circulaire définissant les obligations des policiers à l’égard des avocats, fondée sur la jurisprudence de la Cour suprême. Un comité composé d’un représentant du Bureau de l’Attorney général, du Président de l’ordre des avocats de Sri Lanka et du Directeur du Département de la police a été constitué pour surveiller la mise en œuvre de la circulaire. Celle-ci a déjà permis de nets progrès dans les relations entre policiers et avocats.

9.Force est de reconnaître qu’il n’y a pas suffisamment d’interprètes, mais il faut savoir que toute procédure dans laquelle l’une des parties a besoin d’être assistée par un interprète ne peut commencer que si l’assistance requise peut être assurée; dans le cas contraire, l’audience est reportée. Le droit à un procès équitable n’est donc nullement remis en cause. La pénurie d’interprètes n’en est pas moins un problème auquel le Gouvernement s’efforce de remédier. Pour répondre aux besoins à court terme, des interprètes trilingues à la retraite ont repris du service. Une politique visant à rendre obligatoire la maîtrise du cinghalais et du tamoul dans la fonction publique, en particulier pour ce qui est des professeurs et des interprètes, a été mise en place. Dans le nord et dans l’est du pays, où la majorité de la population est tamoule, les procédures judiciaires se déroulent dans cette langue.

10.L’accord avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a été prolongé et ses représentants continuent de se rendre dans les centres de détention. En outre, la Commission nationale des droits de l’homme, qui, en vertu de son mandat, peut formuler des recommandations en vue d’améliorer les conditions de détention, a augmenté la fréquence de ses visites.

11.Les informations concernant des personnes placées en garde à vue au commissariat de Mount Lavinia sans qu’un procès-verbal ait été établi mettent en lumière des abus, mais elles confirment que la Commission nationale des droits de l’homme s’acquitte de ses obligations. Des chiffres précis sont donnés, sous forme de tableaux, sur les allégations de torture et de mauvais traitements imputés à des policiers et, s’agissant des cas d’atteintes présumées aux droits fondamentaux, sur les plaintes déposées contre des policiers.

12.Lors de l’examen médical effectué par le médecin légiste, le champ du formulaire consacré aux antécédents cliniques est rempli par le suspect, qui peut ainsi expliquer l’origine d’éventuelles blessures. Or comme les tribunaux sont saisis de ces formulaires médicaux, qui sont des éléments de preuve importants, la présence de policiers lors des examens médicaux n’est pas autorisée. Les suspects sont envoyés à l’hôpital par le tribunal. Ils sont examinés par un médecin qui établit un rapport. Ce document n’est pas rendu public afin d’éviter tout risque de falsification. Il est envoyé au tribunal, sous pli scellé, et un exemplaire est communiqué à l’Attorney général. Le médecin légiste ne communique jamais les résultats de l’examen médical au suspect, mais conserve le rapport médical confidentiel en lieu sûr, jusqu’à ce qu’un tribunal en soit saisi.

13.Dans le district de Vavuniya, des requêtes en habeas corpus ont été déposées dans environ 150 cas par des membres de la famille. Les anciens combattants avaient le choix entre une justice réparatrice et une justice répressive. Il aurait été plus facile pour le Gouvernement de privilégier une justice répressive, mais il a été estimé que cette option n’était pas la bonne, car elle n’allait pas dans le sens d’une véritable réconciliation. Après trente ans d’effusions de sang, soucieux d’aller de l’avant, le Gouvernement a choisi une justice réparatrice. Les combattants peuvent soit opter pour le programme de réinsertion soit décider de répondre d’accusations devant un tribunal. Seules 689 personnes sur plus de 11 000 suivent des programmes de réinsertion.

14.À propos de la déclaration du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires concernant le nombre élevé de disparitions forcées, les chiffres communiqués datent des années 80 et de la période de l’insurrection du Janathā Vimukthi Peramuna (Front populaire de libération). Les personnes dont on n’a plus aucune nouvelle depuis cette époque sont comprises dans le chiffre inquiétant de 5 000 disparus. Parmi les mesures prises par le Gouvernement figure l’adoption de la loi de 2010 portant modification de la loi sur les commissions d’enquête, qui permet à chacun d’adresser une requête à la Commission de réconciliation afin d’obtenir un certificat de décès pour une personne portée disparue. La loi de 2010 sur l’enregistrement des décès autorise, elle, les membres de la famille ou les proches à déclarer, sous serment, le décès d’une personne en vue de la délivrance d’un certificat de décès. Le sort des disparus n’étant dans la plupart des cas pas connu, la loi prévoit l’annulation du certificat de décès s’il s’avère que la personne concernée est encore vivante.

15.En vertu de la loi sur la prévention du terrorisme, le Président peut délivrer une ordonnance de mise en détention pour une durée maximale de trois mois, qui peut être prolongée de dix-huit mois au maximum. Cette ordonnance peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire, mais les tribunaux contournent cette disposition par une ordonnance de certiorari, même si la loi prévoit que les ordonnances délivrées sont définitives et sans appel.

16.S’agissant du cas de M. Tissainayagam, la juge a usé de son pouvoir discrétionnaire pour imposer la peine maximale. En outre, par l’intermédiaire de son avocat, M. Tissainayagam a adressé au Président de la République une lettre dans laquelle il sollicitait sa grâce, déclarait regretter ses actes et reconnaissait avoir commis une erreur, admettant de ce fait sa complicité dans l’affaire.

17.En ce qui concerne l’accès à des conseils privés, rien n’empêche les détenus de rencontrer des avocats dans les prisons, aux heures de visite. Des policiers ne sont postés dans la salle où se déroule l’entretien qu’à des fins de sécurité.

18.S’agissant des visites d’ONG dans les centres de détention, c’est à la Commission nationale des droits de l’homme qu’il appartient de délivrer les autorisations. Il n’existe aucun centre de détention secret dans le pays. Chaque lieu de détention figure au Journal officiel et Puntotam est l’un des principaux centres de réinsertion du pays. Les documents relatifs à la question mis à la disposition du public peuvent être consultés sur l’Internet (www.documents.gov.lk) et des renseignements sur les centres de détention figurent dans deux numéros du Journal officiel (1195/7 du 30 juillet 2001 et 1662/18 du 14 juillet 2010).

19.Des bases de données concernant les détenus ont été mises en place à Vavuniya, Colombo et Boosa, ainsi que dans tous les sièges des forces de sécurité. Tous les membres de la famille des personnes arrêtées y ont accès et peuvent prendre connaissance du lieu de détention de leurs proches et des chefs d’accusation retenus contre eux. De nombreux détenus ayant indiqué qu’ils ne souhaitaient pas que les données les concernant soient diffusées, notamment aux médias, ces informations ne sont communiquées qu’à la famille ou au représentant légal. La Commission nationale des droits de l’homme a, elle aussi, créé une base de données, qui est accessible à toutes les personnes autorisées.

20.En ce qui concerne M. Amitha Ariyaratne, un avocat qui aurait été menacé de mort par des policiers, il convient de signaler que tous les membres de l’unité de police à qui il a eu affaire ont été transférés et font l’objet de mesures disciplinaires sans que l’intéressé n’ait jamais déposé de plainte dans un commissariat.

21.En ce qui a trait à l’article 12 de la Convention et l’excès de zèle dont ont fait preuve des policiers, les personnes concernées ont été poursuivies et sanctionnées conformément à la loi. Pour ce qui est des disparitions forcées, le nombre de plaintes est quasiment nul. Les accusations affichées sur des sites Web taxant des avocats de traitres à la nation ne sauraient être assimilées à des actes de torture, mais doivent être considérées comme des désagréments inhérents à la profession. Quant au garçon de 7 ans tué par balle, il ne s’agit pas d’un cas de torture mais d’un regrettable accident, la victime s’étant malheureusement trouvée au mauvais endroit lorsque des policiers ont ouvert le feu sur des criminels qu’ils poursuivaient.

22.Le Plan national d’action pour la promotion et la protection des droits de l’homme, qui consacre un important chapitre à la torture, a fait l’objet de larges consultations au cours desquelles les parties prenantes ont insisté sur la nécessité d’améliorer les procédures et les méthodes d’enquête, de renforcer la prévention, de créer des mécanismes institutionnels de suivi et de mettre en place une base de données sur les cas de torture et de mauvais traitements. Lors de ces consultations, les questions de l’impunité, de la protection spéciale à accorder aux femmes et aux enfants ou encore celle de la réhabilitation des victimes d’actes de torture ont été examinées en profondeur. La question des victimes sri-lankaises d’actes de torture commis à l’étranger a également été abordée. Les parties prenantes ont défini les différents objectifs du plan et déterminé les principaux organismes publics qui seraient chargés de l’appliquer; elles ont aussi établi un calendrier de mise en œuvre. Ce plan national d’action, qui est en cours d’élaboration, sera présenté au Parlement pour adoption à la fin décembre 2010. Une fois adopté, il aura force de loi.

23.Le Président remercie la délégation sri-lankaise de ses réponses et invite les membres du Comité qui souhaitent faire des observations à prendre la parole.

24.MmeGaer (Rapporteuse pour Sri Lanka) remercie la délégation sri-lankaise de ses réponses et dit qu’en raison de l’heure tardive, elle s’en tiendra à quelques observations et questions. Elle se félicite de l’élaboration d’un plan national d’action, d’autant plus que la société civile semble y avoir été largement associée. Ce plan couvre un vaste éventail de questions, notamment celles de la prévention de la torture, de la mise en œuvre d’un système de suivi des cas de torture, de la lutte contre l’impunité, de la protection particulière des femmes et des enfants contre la torture et les mauvais traitements, de l’indemnisation des victimes de la torture, de la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et de la reconnaissance de la compétence du Comité pour examiner les communications émanant de particuliers. Il y a donc lieu de se réjouir de ce plan d’action ambitieux qui, s’il est effectivement mis en œuvre, contribuera certainement à améliorer la situation de manière significative dans le pays.

25.Le Plan national d’action met également l’accent sur la formation et prévoit la création d’une base de données sur les actes de torture et les mauvais traitements, l’aménagement de salles d’interrogatoire spéciales, le renforcement du mandat de la Commission nationale des droits de l’homme et la mise en place de comités consultatifs composés de représentants de la société civile chargés d’aider la Commission à effectuer des visites inopinées dans les lieux de détention. Il convient donc de saluer toutes ces mesures qui contribueront grandement à protéger les victimes et à prévenir la torture. Toutefois, des questions essentielles au regard de la Convention, notamment celles concernant les enquêtes et les poursuites diligentées en cas d’actes de torture ou de mauvais traitements présumés, ne sont pas du tout traitées. Or conformément à l’article 12 de la Convention, tout État partie veille à ce que les autorités compétentes procèdent immédiatement à une enquête impartiale chaque fois qu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’un acte de torture a été commis sur tout territoire sous sa juridiction. Il s’agit d’une obligation fondamentale des États parties à la Convention et il est pour le moins préoccupant que rien ne soit prévu à ce sujet dans le Plan d’action. Il serait utile d’entendre le point de vue de la délégation à ce sujet.

26.Dans ses réponses écrites à la liste des points à traiter, Sri Lanka évoque les visites effectuées par des membres du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) dans des établissements pénitentiaires et centres de détention; il serait intéressant de savoir lesquels et notamment si les membres du CICR ont pu se rendre dans la prison de Boosa. Mme Gaer regrette que la délégation sri-lankaise ait déclaré que, pour des raisons tenant à la vie privée des intéressés, elle ne pouvait pas communiquer la liste de toutes les personnes détenues dans le pays. Cet argument semble en effet difficilement recevable.

27.Le Groupe spécial d’investigation et le Groupe des enquêtes sur les disparitions ont élucidé 12 000 cas de disparitions forcées environ, ce dont il faut se réjouir. Il convient toutefois d’appeler l’attention de la délégation sur le fait que 5 000 autres sont encore pendants. Par ailleurs, le Comité a reçu d’Amnesty International des informations sur l’existence de centres de détention secrets à Sri Lanka; les autorités sri-lankaises prévoient-elles de mener une enquête indépendante et impartiale à ce sujet? Le Comité voudrait également savoir combien de cas de disparation forcée ont été signalés au cours de la période couverte par le rapport. Des enquêtes sont-elles systématiquement diligentées lorsqu’il y a des raisons sérieuses de croire qu’une personne a disparu? La délégation pourrait-elle aussi indiquer si les rapports préliminaires de la Commission sur les leçons tirées et la réconciliation, qui est chargée de l’enquête sur le déroulement de la guerre contre les Tigres de libération de l’Eelam tamoul, seront publiés? Le Comité voudrait également savoir si les actes de violence sexuelle qui auraient été commis contre des femmes sri-lankaises à la fin du conflit ont donné lieu à des enquêtes. Des actes de torture et des mauvais traitements auraient également été commis pendant cette période, et il faudrait savoir s’ils ont donné lieu à des enquêtes.

28.Le 3 novembre 2007, l’Organisation des Nations Unies a décidé de rapatrier 108 casques bleus sri-lankais qui s’étaient rendus coupables d’abus sexuels sur des mineures haïtiennes. Il semblerait que les intéressés aient été simplement réprimandés. Que faut-il entendre exactement par «réprimande»? Dans ses réponses à la question no 9 de la liste des points à traiter, Sri Lanka décrit le cadre juridique de la lutte contre la violence à l’égard des femmes mais ne dit rien des mesures concrètes qui ont été prises pour enquêter sur ces faits et traduire leurs auteurs en justice. La délégation pourrait-elle en dire davantage à ce sujet? Le Comité avait également demandé à l’État partie de commenter l’information donnée dans le rapport du Groupe d’experts du Secrétaire général chargé d’étudier les questions de la responsabilité à Sri Lanka (http://www.un.org/News/dh/Sri_Lanka/POE_Report_Full.pdf) concernant des photos et des vidéos prises pendant les derniers mois du conflit, montrant les cadavres de responsables des LTTE de sexe féminin avec des commentaires émanant de militaires laissant penser qu’elles avaient sans doute subi des violences sexuelles avant ou après leur exécution. Dans ses réponses, Sri Lanka se borne à dénoncer les méthodes utilisées par le Groupe d’experts du Secrétaire général chargé d’étudier les questions de la responsabilité à Sri Lanka. Or la question ne portait pas sur le mandat du Groupe d’experts mais sur les mesures prises pour enquêter sur ces faits et traduire leurs auteurs en justice. L’État partie pourrait-il indiquer combien de soldats ou d’éléments des forces paramilitaires impliqués dans ces événements ont été arrêtés, démis de leurs fonctions ou poursuivis? Quant aux réponses de l’État partie à la question no 27 de la liste des points à traiter, elles sont particulièrement brèves. Le Comité saurait gré à la délégation d’en dire davantage sur les mesures prises pour enquêter sur les assassinats de journalistes et de défenseurs des droits de l’homme? Des renseignements complémentaires seraient particulièrement bienvenus concernant la suite donnée à l’affaire Gerald Perera, assassiné après avoir accusé plusieurs policiers du commissariat de Negombo d’avoir commis des actes de torture. Est-il exact que les six policiers accusés de l’avoir torturé ont été acquittés en 2008, alors que le tribunal avait constaté que de graves blessures avaient été infligées à l’intéressé pendant sa détention par la police en 2002. Le Comité voudrait également savoir si l’enlèvement et la disparition en mai 2009 de Steven Suntharaj, membre du Centre pour les droits de l’homme et le développement, ont donné lieu à une enquête. De manière plus générale, il serait intéressant d’apprendre si les autorités soutiennent les activités des défenseurs des droits de l’homme pour faire la lumière sur les cas de disparition forcée. Le Comité a reçu des informations selon lesquelles il n’y aurait eu aucune mise en accusation au titre de la législation sur la torture depuis 2009; la délégation confirme-t-elle cette information? Les cas d’actes de torture ou de mauvais traitements signalés à la Commission nationale des droits de l’homme ont-ils donné lieu à des enquêtes, à des poursuites et, le cas échéant, à des condamnations? Enfin, il serait intéressant de savoir combien de victimes d’actes de torture ou de mauvais traitements ont été indemnisées.

29.M. Bruni (Corapporteur pour Sri Lanka) voudrait savoir si le Gouvernement sri-lankais envisage de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention et s’il est prévu de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture. Dans ses réponses, tant écrites qu’orales, l’État partie a surtout évoqué les mesures législatives et administratives qui ont été ou seront adoptées pour donner effet à la Convention, mais il n’a pas vraiment donné de précisions sur leur application concrète. S’il est utile au Comité de connaître la législation sri-lankaise en matière de lutte contre la torture, des renseignements sur son application lui sont encore plus précieux pour déterminer dans quelle mesure la Convention est respectée. Ainsi, il serait intéressant de connaître le montant du budget alloué à la Commission nationale des droits de l’homme. Il serait également utile de savoir si ses membres peuvent accéder aux lieux de détention de l’armée. Au paragraphe 78 du rapport, il est dit qu’en vertu de l’ordonnance sur l’administration de la preuve, une déclaration ou des aveux faits à un policier ne sont pas recevables comme preuves dans un procès pénal, ce qui est pour le moins surprenant. Des éclaircissements seraient bienvenus à ce sujet.

30.Enfin, le Corapporteur demande des exemples récents d’affaires dans lesquelles la Cour suprême a accordé une réparation, y compris une indemnisation, à des victimes d’actes de torture et de mauvais traitements.

31.M. Mariño Menéndez voudrait savoir si l’État partie a adopté une législation spécifique concernant les apatrides et s’il a ratifié la Convention relative au statut des apatrides et la Convention sur la réduction des cas d’apatridie. Il demande quelles sont les mesures prises pour garantir la protection des travailleurs sri-lankais à l’étranger, en particulier des employées de maison qui seraient parfois exploitées dans des pays du Golfe. Il voudrait obtenir des précisions sur le fonctionnement du fichier central informatisé du Département de la police qui contient des données relatives à l’arrestation et au placement en détention de suspects en vertu de la loi sur la prévention du terrorisme et demande s’il est prévu d’utiliser le fichier pour les arrestations et détentions effectuées en vertu d’autres lois afin de prévenir les actes de torture. Il souhaite que la délégation sri-lankaise réagisse aux allégations selon lesquelles les procès-verbaux d’audition et d’interrogatoire seraient parfois signés par des personnes non présentes pendant ces procédures. Enfin, il demande combien dure la détention au secret et qui contrôle sa mise en œuvre.

32.Mme Kleopas croit comprendre, d’après les informations fournies par la délégation sri-lankaise, que les personnes détenues dans des commissariats de police n’ont pas besoin d’avoir accès à un avocat parce qu’il n’existe aucun risque de torture, leurs aveux n’ayant aucune valeur de preuve. Elle souligne que les personnes détenues dans des commissariats de police peuvent être victimes d’autres formes de torture, notamment psychologique, et que toutes les personnes privées de liberté doivent avoir accès à un avocat dès leur placement en détention.

33.Mme Belmir engage l’État partie à renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire, qui ferait trop souvent l’objet de pressions de la part du Président et du Parlement. Elle demande des renseignements sur la pratique des autorités sri-lankaises consistant à délivrer des certificats de décès de façon expéditive afin d’obtenir la clôture d’un dossier. Elle rappelle la nécessité de faire la lumière sur toutes les affaires, en particulier en cas de présomption d’actes de torture ou d’exécutions extrajudiciaires.

34.Mme Sveaass demande des renseignements sur Prageeth Eknaligoda, journaliste sri‑lankais qui aurait été enlevé en janvier 2010 et qui n’aurait plus donné de nouvelles depuis cette date. Elle note avec satisfaction que plus de 10 0000 personnes ont pu quitter les camps de réadaptation et se réinsérer dans leur communauté mais voudrait savoir si elles ont eu la possibilité de porter plainte pour les mauvais traitements qu’elles auraient pu subir dans ces camps et, dans l’affirmative, si elles ont obtenu réparation. Elle se félicite de l’élaboration du Plan national d’action pour la promotion et la protection des droits de l’homme et demande s’il est prévu d’y inclure un programme spécifique pour les femmes et les enfants victimes de violences sexuelles, notamment de la part des forces armées.

35.M. Pieris (Sri Lanka) dit qu’une enquête est en cours sur la disparition de Prageeth Eknaligoda mais que d’après les renseignements disponibles, ce journaliste aurait trouvé refuge à l’étranger. Les personnes privées de liberté peuvent avoir accès à un avocat dès leur placement en détention et Sri Lanka leur fournit les services d’un avocat commis d’office en attendant qu’elles puissent se faire représenter par un avocat de leur choix. La délivrance rapide de certificats de décès s’inscrit dans le cadre de la promotion de la justice réparatrice et n’empêche aucunement la réalisation d’une autopsie ou de toute enquête postmortem. Sri Lanka est vivement préoccupée par la situation des employées de maison sri-lankaises dans certains pays arabes et a établi un bureau des travailleurs migrants à l’étranger pour mieux suivre leur situation. Le Gouvernement envisage même de décourager officiellement les femmes d’accepter de travailler à l’étranger comme employées de maison. En tout état de cause, le Plan national d’action pour la promotion et la protection des droits de l’homme comprendra un volet distinct en faveur de la protection des droits des travailleurs migrants. C’est l’émergence du terrorisme à Sri Lanka en 1983 qui a obligé les autorités sri-lankaises à accepter comme éléments de preuve les aveux faits auprès de la police dans les affaires relevant de la loi sur la prévention du terrorisme. La mise en œuvre d’une politique de tolérance zéro à l’égard des actes de torture compte parmi les grandes priorités du Plan national d’action pour la promotion et la protection des droits de l’homme. La situation s’est sensiblement améliorée en la matière mais Sri Lanka est consciente qu’il lui reste encore beaucoup à faire pour éradiquer totalement la torture. M. Pieris fait en outre observer que les plaintes pour actes de torture et mauvais traitements sont peu nombreuses par rapport au nombre de personnes arrêtées et détenues chaque année.

36.D’une manière générale, la délégation sri-lankaise a l’impression que la plupart des questions posées par les membres du Comité sont directement liées au rapport établi par le Groupe d’experts du Secrétaire général chargé d’étudier les questions de la responsabilité à Sri Lanka (http://www.un.org/News/dh/infocus/Sri_Lanka/POE_Report_Full.pdf). Force est pourtant de constater que le Groupe d’experts n’a jamais été habilité à mener des enquêtes officielles et s’est contenté d’avoir des entretiens d’ordre privé avec un certain nombre d’interlocuteurs à Sri Lanka. Les renseignements et autres sources sur lesquels il a fondé ses conclusions n’ont jamais été vérifiés.

37.Par ailleurs, M. Pieris appelle l’attention des membres du Comité sur le fait que nombre d’anciens combattants prétendent avoir été victimes d’actes de torture et de mauvais traitements à Sri Lanka pour pouvoir obtenir l’asile en Europe alors que leur exil est uniquement lié à des raisons économiques. Il s’agit de leur part d’une invocation abusive de la Convention contre la torture à des fins purement personnelles.

38.Le Président assure la délégation sri-lankaise que les membres du Comité ne laisseront jamais personne se servir de la Convention contre la torture pour leur propre intérêt personnel.

La séance est levée à 18 h 5.