Nations Unies

CAT/C/SR.1100

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

6 novembre 2012

Original: français

Comité contre la torture

Quarante- neuv ième session

Co mpte rendu analytique de la première partie (publique)* de la 1100 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le jeudi 1er novembre 2012, à 10 heures

Président:M. Grossman

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19de la Convention (suite)

Sixième et septième rapports périodiques de la Norvège

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19de la Convention (suite)

Sixième et septième rapports périodiques de la Norvège (CAT/C/NOR/6-7)

1.Sur l ’ invitation du Président, la délégation norvégienne prend place à la table du Comité.

2.M me Meinich (Norvège) dit que le groupe de travail interministériel formé en juin 2011 pour réfléchir aux conséquences d’une éventuelle ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a rendu son rapport en avril 2012, pour examen par le Gouvernement, les organismes publics compétents et les organisations non gouvernementales. Il est recommandé dans ce rapport que le Médiateur parlementaire fasse office de mécanisme national de prévention si le Protocole est ratifié. En outre, le Gouvernement norvégien a présenté au Parlement une proposition de ratification de la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

3.L’institution nationale des droits de l’homme est en cours de restructuration. Créée en 2001 en tant que Centre norvégien des droits de l’homme au sein de l’Université d’Oslo, elle était initialement conforme aux Principes de Paris et dotée du statut A par le Comité international de coordination des institutions nationales de promotion et de protection des droits de l’homme, avant que celui-ci envisage de la rétrograder au statut B au moment du renouvellement de son mandat. Jugeant incompatibles sa mission de recherche et de liberté intellectuelle et ses obligations à la tête du Centre norvégien des droits de l’homme, l’Université d’Oslo a exprimé le souhait de ne pas poursuivre l’expérience à la tête dudit centre. Le Gouvernement norvégien a donc créé un groupe de travail interministériel chargé de modifier le mode de fonctionnement du centre actuel, voire de créer une nouvelle institution nationale qui soit conforme aux Principes de Paris. Le Groupe rendra son rapport le 14 décembre 2012.

4.Une proposition de révision de la Constitution a été présentée par le Parlement en juin 2009 afin de donner rang constitutionnel aux normes relatives aux droits de l’homme déjà consacrées dans la loi sur les droits de l’homme de 1999, parmi lesquelles l’interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Les propositions de modification de la Constitution pourraient être adoptées après les prochaines élections législatives, qui auront lieu en septembre 2013.

5.Les propositions de modification de la législation relative aux jeunes en conflit avec la loi mentionnées aux paragraphes 103 à 105 du rapport ont été adoptées par le Parlement. La réforme vise notamment à réduire le nombre de jeunes de 15 à 18 ans placés en détention en mettant l’accent sur la justice réparatrice et à faire en sorte que ces jeunes soient séparés des adultes, ce qui sera possible dès que le nouveau centre de détention pour mineurs pouvant accueillir 15 personnes aura ouvert dans l’est du pays. Pour l’heure, il existe une unité pour mineurs d’une capacité de quatre places à Bergen. Dans l’attente, les autres détenus mineurs sont placés dans une unité de jour de la prison d’Oslo. La Direction de la santé a adopté une stratégie sur la santé mentale pour 2012-2015, préconisant notamment de limiter l’utilisation des moyens de contrainte.

5.La Norvège a été frappée le 22 juillet 2011 par un double attentat terroriste qui a fait 69 morts à Utya et huit à Oslo, ainsi que de nombreux blessés et d’importants dégâts matériels. Le procès de l’auteur des faits, Anders Breivik, a mis à rude épreuve le système judiciaire norvégien, étant donné le très grand nombre de personnes touchées par cette tragédie. Le procès a été retransmis par lien vidéo dans les tribunaux du pays et l’État a commis et pris à sa charge des conseils chargés de défendre les victimes, conformément aux règles de la procédure pénale relative aux actes violents. M. Breivik est soumis à un régime carcéral de très haute sécurité, qui interdit tout contact avec d’autres détenus et prévoit des conditions de sécurité spéciales pour le courrier, les visites et les communications téléphoniques. Ces événements tragiques ont posé la question de la responsabilité pénale et de l’incapacité mentale.

6.Enfin, souhaitant corriger une erreur qui s’est glissée au paragraphe 66 du rapport, Mme Meinich explique que seuls les étrangers extradés en raison d’une violation de la loi sur l’immigration, et non ceux qui ont commis une infraction pénale, peuvent bénéficier gratuitement de l’aide juridictionnelle.

7.Le Président (Rapporteur pour la Norvège) exprime la solidarité du Comité avec les victimes des terribles attentats qui ont frappé la Norvège le 22 juillet 2011. Il souhaiterait savoir si l’État partie envisage d’incorporer la Convention dans son ordre juridique interne afin de la rendre directement applicable par les tribunaux nationaux et si la tentative de pratiquer la torture est réprimée par le Code pénal. Il souhaiterait également savoir si l’État partie a pris ou envisage de prendre des mesures pour réduire le nombre élevé de contrôles de police auxquels sont confrontés les membres des minorités ethniques. Il apprécierait en outre un complément d’information sur les conditions d’octroi de l’aide juridictionnelle gratuite.

8.La délégation est invitée à indiquer à quel ministère incombe la mise en œuvre des recommandations formulées par la commission chargée d’étudier la situation des victimes de viol et à donner des précisions sur la surveillance électronique des personnes faisant l’objet d’une ordonnance de restriction. Notant une discordance entre les statistiques fournies par l’État partie et celles émanant des organisations non gouvernementales (ONG), le Président demande quelle est la durée maximale du séjour des étrangers dans le centre de rétention pour étrangers de Trandum, et si des femmes et des enfants y sont également placés. Il souhaiterait également savoir si les dossiers médicaux et les dossiers des services de police sont bien tenus séparément. La délégation pourrait indiquer si le Gouvernement norvégien est revenu sur son refus d’accorder à la Croix-Rouge l’autorisation d’effectuer des visites dans l’État partie. Elle pourrait aussi décrire les circonstances dites «extrêmes» qui justifient le placement d’un suspect en régime cellulaire, et citer des cas concrets dans lesquels cette mesure a été utilisée, en précisant quelle a été la durée de l’isolement et si des personnes placées en détention avant jugement ont également été soumises à ce régime. À ce sujet, il serait intéressant de savoir s’il est possible de faire appel d’une décision de placement en isolement cellulaire.

9.Le Président souhaiterait connaître le résultat des investigations que la commission des recours a menées à la suite du renvoi et de l’emprisonnement d’un demandeur d’asile en Iran. Il aimerait savoir si des mécanismes ont été mis en place afin de surveiller la situation des ressortissants afghans arrêtés par la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) en Afghanistan puis remis aux autorités de ce pays. Enfin, sachant que les personnes en instance d’expulsion ne bénéficient plus d’une aide juridictionnelle gratuite au tout début de la procédure, il voudrait savoir si les intéressés sont néanmoins informés dans une langue qu’ils comprennent de l’existence d’associations susceptibles de leur offrir une aide judiciaire à titre bénévole et si on leur indique qu’ils ont le droit de refuser d’être interrogés en l’absence de leur avocat.

10.M. Wang Xuexian (Corapporteur pour la Norvège) note que l’une des propositions de modification de la Constitution évoquées par la délégation dans sa déclaration liminaire porte sur l’incorporation d’une nouvelle disposition interdisant la «discrimination injuste». Il demande si, pour l’État partie, il existe une discrimination «juste» qui serait tolérable. Il aimerait en outre savoir en quoi consistent les difficultés qui freinent la création d’un deuxième centre de détention pour mineurs en conflit avec la loi dans l’est du pays, étant donné que sa capacité d’accueil ne sera que de 15 personnes. À ce propos, il demande si la Norvège envisage de lever les réserves qu’elle a émises aux paragraphes 2 b) et 3 de l’article 10 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

11.Il serait intéressant de savoir pourquoi l’État partie considère que la mise au point d’une méthode d’évaluation de l’efficacité de ses programmes de sensibilisation dans le domaine des droits de l’homme est une tâche complexe et difficile, au point qu’il n’envisage pas de le faire dans l’immédiat. Les autorités norvégiennes ne pourraient-elles pas dresser un bilan très général de l’effet de ces programmes, sans nécessairement élaborer de méthode à cette fin? Étant donné que le nombre de plaintes pour traitement discriminatoire déposées contre des membres de la police est très faible, M. Wang Xuexian ne comprend pas pourquoi le Bureau d’enquête sur les affaires concernant la police ne dispose pas de statistiques à ce sujet. Des précisions sur les statistiques concernant l’usage illégitime de la force fournies dans le rapport, en particulier la nature exacte des actes commis, seraient bienvenues. En ce qui concerne l’affaire Obiora, le Corapporteur voudrait savoir pourquoi l’ambulance a mis autant de temps à arriver sur les lieux et si ce retard pourrait être lié d’une quelconque manière à l’origine étrangère de M. Obiora. Il demande en outre si le Gouvernement a répondu aux critiques formulées par le Médiateur parlementaire à la suite de cette affaire et s’il a pris des mesures pour combler les lacunes dans la formation de la police en ce qui concerne les techniques d’immobilisation des suspects.

12.La délégation est invitée à commenter les chiffres donnés aux paragraphes 169 et 180 du rapport en ce qui concerne le signalement des cas de viol et la rareté des poursuites et des condamnations pour ce type d’acte. Elle pourrait en outre indiquer si les autorités norvégiennes mènent des enquêtes suffisamment approfondies pour retrouver la trace des mineurs portés disparus des centres d’accueil pour migrants et pour s’assurer qu’ils sont en sécurité. Par ailleurs, il serait intéressant d’avoir une description de la personnalité d’Afan Bhatti, qui avait tiré en 2006 sur la synagogue d’Oslo et qui avait été condamné à huit ans d’emprisonnement. La décision rendue dans cette affaire contraste avec celle prononcée dans une affaire similaire, où un avocat d’une cinquantaine d’années avait tiré par balles sur un centre d’accueil pour demandeurs d’asile, blessant une personne. On avait alors estimé que l’état psychique de l’intéressé ne lui permettait pas de participer à une procédure, et il n’avait pas été condamné. La délégation pourra peut-être indiquer si cet homme travaillait comme avocat à l’époque des faits et s’il pratique encore son métier à l’heure actuelle. Enfin, d’après des informations portées à la connaissance du Comité, un détenu de prison de Trondheim aurait passé cent dix jours à l’isolement cellulaire avant d’être transféré à l’hôpital. La délégation voudra bien indiquer quelles dispositions de la législation autorisent le maintien d’un détenu à l’isolement pendant une période aussi prolongée.

13.M. Tugushi demande si des mesures ont été prises à la suite de la visite du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) afin que la police ne soit plus habilitée à décider quels détenus peuvent bénéficier de soins médicaux et pour garantir que ce type de décision relève uniquement du personnel médical. Il aimerait savoir s’il est prévu d’agrandir le centre de rétention pour migrants de Trandum et s’enquiert des raisons pour lesquelles les mineurs non accompagnés doivent quitter les centres d’accueil pour migrants lorsqu’ils atteignent l’âge de 18 ans. Que font les autorités lorsque ceux-ci disparaissent des centres d’accueil? Les autorités norvégiennes prévoient-elles d’allouer des ressources supplémentaires à la police afin qu’elle soit mieux à même d’enquêter sur les affaires de traite d’enfants et de prévenir ce phénomène?

14.M me Belmir note que, d’après la présentation orale de la délégation, la question de l’altération des facultés mentales et de l’irresponsabilité pénale qui en découle est actuellement débattue dans l’État partie. Elle demande si cette question n’avait encore jamais été examinée avant l’affaire Breivik.

15.M. Bruni prie la délégation de fournir des informations à jour sur le nouveau système électronique d’enregistrement des étrangers placés dans le centre de rétention de Trandum. Sachant que, lorsque les prisons sont pleines, les personnes condamnées à des peines légères doivent attendre qu’une place se libère pour pouvoir l’exécuter, il aimerait savoir où les intéressés passent cette période d’attente, combien de temps s’écoule jusqu’à leur entrée en prison et quelles infractions ces personnes ont commises. Il demande si un bilan du système de signalement des violences entre détenus et des violences infligées aux surveillants dans les établissements pénitentiaires a été dressé. Dans son rapport sur sa visite effectuée en mai 2011 dans l’État partie, le CPT a constaté avec préoccupation que les suspects pouvaient être maintenus en garde à vue pendant neuf jours dans des cellules dépourvues de fenêtres au quartier général de la police de Bergen. L’État partie ayant expliqué au CPT qu’il ne pouvait pas y aménager de fenêtres du fait que ces locaux se trouvaient dans un sous-sol, M. Bruni dit que l’on pourrait régler ce problème en limitant strictement la durée maximale de la garde à vue à quarante-huit heures ou en cessant d’utiliser ces locaux. Enfin, il demande si l’étude sur la santé mentale dont il est question au paragraphe 207 du rapport a été effectuée.

16.M me Gaer demande pourquoi le processus de ratification du Protocole facultatif est aussi long dans l’État partie et quelle est la priorité accordée aux réformes qui doivent être engagées afin que l’institution nationale des droits de l’homme soit pleinement en conformité avec les Principes de Paris. Elle aimerait savoir si les procédures en vigueur au sein de la police d’Oslo en ce qui concerne la prise en charge des victimes de viol ont été revues, si des unités spéciales s’occupant des victimes de violences sexuelles ont été créées au sein de la police, et si une formation à l’utilisation du Protocole d’Istanbul est dispensée aux forces de l’ordre afin qu’elles soient à même de détecter les séquelles d’actes de torture et, en particulier, de violences sexuelles. Elle aimerait en outre savoir si le Code pénal contient une définition du viol assimilant cet acte à une forme de torture et s’il existe des lignes téléphoniques d’urgence et des centres accueillant les victimes de viol dans l’ensemble du pays. En outre, Mme Gaer souhaiterait savoir ce que fait l’État partie pour lutter contre les infractions inspirées par la haine, en particulier les infractions visant certaines personnes en raison de leur orientation sexuelle, et pour combattre le harcèlement contre les élèves juifs dans les établissements scolaires, qui serait largement répandu selon une étude menée par la communauté juive de Norvège. À ce propos, elle souhaiterait connaître l’état d’avancement du plan de lutte contre le harcèlement à l’école élaboré par le Ministère de l’éducation. Enfin, elle prie la délégation de fournir des statistiques sur le recours à la contrainte dans les établissements psychiatriques.

17.M. Mariño Menéndez demande si l’État partie a adopté des mesures d’action positive afin de prévenir la discrimination contre les Samis de l’Est et les Roms et s’il envisage de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Il aimerait savoir si les migrants entrés illégalement en Norvège pour y trouver du travail peuvent bénéficier d’une aide juridictionnelle gratuite s’ils font l’objet d’un arrêté d’expulsion. Il prie la délégation de fournir des statistiques sur le nombre de migrants renvoyés dans un pays de l’Union européenne en application du Règlement Dublin II et d’indiquer si la législation norvégienne reconnaît le droit au regroupement familial. Enfin, il voudrait savoir si les mineurs non accompagnés qui n’ont pas obtenu le statut de réfugié mais qui ne peuvent pas non plus être renvoyés dans leur pays continuent d’être sous tutelle une fois qu’ils ont atteint leur majorité.

18.M. Doma hsouhaite savoir si l’État partie est doté d’une loi relative à la lutte contre le terrorisme et, dans l’affirmative, quelles sont les garanties dont bénéficient les personnes accusées d’actes de terrorisme. Il voudrait également connaître le délai prévu par la législation entre le moment où une personne est arrêtée par la police et celui où elle est traduite devant un juge. S’agissant des soins de santé mentale, il serait utile d’avoir des précisions sur la législation régissant le placement en hôpital psychiatrique et sur les protocoles observés en la matière, ainsi que sur le point de savoir qui décide du service dans lequel les patients sont pris en charge et du traitement qui leur est dispensé. Enfin, la délégation est invitée à fournir des renseignements sur la législation relative à la violence à l’égard des femmes, ainsi que des données statistiques sur ce type de violence portant sur les trois années précédentes.

19.M. Gaye relève qu’il est indiqué dans le rapport qu’environ 9 000 mesures d’expulsion ont été prises entre 2007 et 2010 et que plus de 26 000 demandes d’asile ont été rejetées pendant cette même période. Ces chiffres paraissent élevés et appellent des observations. M. Gaye note en outre que ces décisions sont susceptibles de recours devant les tribunaux. Il souhaiterait savoir, à cet égard, si ces recours ont un effet suspensif et si la délégation est en mesure de citer des affaires dans lesquelles les tribunaux ont donné gain de cause à une personne qui avait formé un tel recours.

20.M. Wang Xuexian(Corapporteur pour la Norvège) évoque le cas, rapporté par la presse, d’une adolescente de 15 ans qui avait fugué du foyer dans lequel elle était placée et qui avait été appréhendée par la force par deux policiers et menottée. Elle avait craché sur l’un des policiers et l’avait insulté. Celui-ci, en retour, l’avait frappée à la figure et lui avait donné des coups de pied. L’intéressée a été condamnée par le tribunal de district d’Oslo qui, en ce qui concerne les policiers, s’est borné à critiquer l’usage de la force, sans en tirer plus de conséquences. Le Corapporteur s’explique mal le raisonnement suivi par le tribunal et invite la délégation à formuler des observations à ce sujet.

21.Le Président (Rapporteur pour la Norvège)relève qu’il est indiqué dans le rapport de l’État partie que le Gouvernement a nommé une commission chargée de réexaminer les dispositions de la loi sur la santé mentale relatives au recours à la détention et à l’utilisation de moyens de contention et que cette commission présenterait son rapport en mai 2011. Il serait utile que le Comité dispose d’une copie de ce rapport.

La première partie (publique) de la séance prend fin à midi.