Nations Unies

CAT/C/SR.872

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

14 janvier 2010

Français

Original: anglais

Comité contre la torture

Quarante ‑deuxième session

Compte rendu analytique de la première partie (publique)* de la 872 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le jeudi 30 avril 2009, à 10 heures

Président: M. Grossman

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Rapport initial du Nicaragua

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (point 5 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport initial du Nicaragua (CAT/C/NIC/1)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation nicaraguayenne prend place à la table du Comité.

2.M. Robelo Raffone (Nicaragua), présentant le rapport initial de son pays (CAT/C/NIC/1), déclare que son Gouvernement est fermement résolu à promouvoir et à protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales de tous ses ressortissants. Lorsqu’il est entré en fonctions en 2007, le Gouvernement a fait du respect de ses obligations au titre de différentes conventions internationales relatives aux droits de l’homme une priorité, et l’une des premières initiatives qu’il a prises a été de préparer et de soumettre des rapports aux organes conventionnels pertinents. À cette fin, un service spécial a été mis sur pied au sein du Ministère des affaires étrangères, et un comité interinstitutionnel comprenant des institutions publiques et des organisations de la société civile a été chargé d’élaborer les rapports.

3.Pour évaluer la façon dont le Nicaragua applique les dispositions de la Convention, le Comité devrait tenir compte de la situation socioéconomique du pays, et notamment de la pauvreté et de l’extrême pauvreté qui y sévissent, et que le Gouvernement considère comme constituant une violation extrêmement grave des droits de l’homme. Il est également important de tenir compte des changements d’ordre juridique et institutionnel qui sont intervenus ces dernières années, tout particulièrement la réforme du Code pénal et l’adoption d’un nouveau Code de procédure pénale.

4.Bien que le Nicaragua n’ait pas été partie à la Convention en 1987, date à laquelle sa Constitution actuelle a été adoptée, ladite Constitution interdit effectivement la torture. Le nouveau Code pénal contient une définition de la torture et l’érige en infraction pénale. Si le Code pénal précédent ne qualifiait pas la torture d’infraction distincte, il permettait d’engager des poursuites à l’encontre des auteurs d’actes de torture en se référant à d’autres types d’infractions, telles que l’abus de pouvoir. Le nouveau Code de procédure pénale, où l’ancienne procédure judiciaire inquisitoire a été remplacée par un système accusatoire, proscrit aussi la torture et les autres traitements cruels, inhumains ou dégradants et instaure des garanties en faveur des personnes accusées d’infractions.

5.La loi relative au régime pénitentiaire et à l’application des peines adoptée en 2003 définit les règles de fonctionnement du système pénitentiaire national d’une manière qui est conforme aux principes de la rééducation et de la resocialisation, et interdit les mauvais traitements physiques ou psychologiques et toute autre atteinte à la dignité humaine des prisonniers. Un Procureur spécial chargé des prisons surveille l’application de cette loi et un Inspecteur général s’assure que la police respecte la Constitution et les lois pour ce qui est des arrestations et de la garde à vue. En outre, l’Inspecteur général enquête sur toutes les allégations de torture ou d’autres atteintes aux droits de l’homme. La Police nationale est un corps civil dont le professionnalisme et le comportement respectueux des droits de l’homme est reconnu aux niveaux régional et international. Le représentant à Managua du Programme des Nations Unies pour le développement a même qualifié la police nicaraguayenne de modèle pour l’Amérique latine.

6.Le Gouvernement nicaraguayen, soucieux de remplir les obligations contractées en vertu de la Convention, cherche à s’assurer que les fonctionnaires reçoivent un enseignement et des informations au sujet de l’interdiction de la torture et en dépit des difficultés financières qu’il connaît, dispense une formation au personnel chargé de veiller à l’application des lois et au personnel médical. Le programme de formation de l’Académie de la Police nationale comporte un enseignement sur la promotion et la protection des droits de l’homme et la formation continue des policiers traite des aspects de la législation qui concernent le travail de la police. Les médecins des prisons reçoivent une formation dans le domaine des droits de l’homme, de la médecine légale et des besoins particuliers des prisonniers en matière de soins de santé.

7.La délégation nicaraguayenne se félicite d’engager un dialogue franc et constructif avec le Comité.

8.M me  Sveaass (Rapporteuse pour le Nicaragua) félicite l’État partie d’avoir ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention et d’avoir récemment promulgué une loi sur la protection des réfugiés. Elle souhaiterait savoir quelles mesures sont actuellement prises pour désigner un mécanisme national de prévention ainsi qu’il est prévu dans le Protocole facultatif, et suggère que le Bureau du Procureur chargé des droits de l’homme pourrait assumer ce rôle. L’État partie ayant signé la Convention en 1985 mais ne l’ayant ratifiée qu’en 2005, il serait intéressant d’apprendre ce qui a motivé un tel retard. Des informations complémentaires seraient également souhaitées au sujet du comité interinstitutionnel auquel le chef de la délégation a fait allusion. En particulier, il serait utile de savoir en quoi il diffère du Groupe de travail sur la Convention contre la torture et quelles sont les organisations de la société civile qui ont participé à la rédaction du rapport.

9.La définition de la torture donnée dans le nouveau Code pénal nicaraguayen paraît très semblable à celle énoncée à l’article premier de la Convention, sauf en ce qui concerne l’auteur de l’infraction. Les sections du Code relatives aux sanctions visent expressément les agents de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel. Il serait intéressant de savoir s’il est prévu d’aligner totalement cette définition sur celle donnée dans la Convention, ainsi que d’apprendre si quelqu’un a été jugé coupable du crime de torture et, dans l’affirmative, quelles sanctions ont été prises.

10.Au sujet des droits des détenus, qui sont exposés aux paragraphes 53 et 54 du rapport de l’État partie, il serait important de savoir dans quel délai les détenus doivent être informés des raisons de leur détention, et s’ils ont le droit d’être examinés par un médecin indépendant. Par ailleurs, il est indiqué au paragraphe 34 que le Nicaragua compte au total 79 défenseurs publics. Quelles conséquences cela a-t-il pour ce qui est du droit à la justice des accusés qui n’ont pas les moyens de s’assurer les services d’un avocat privé?

11.L’article 193 c) du règlement d’application de la loi sur la police, mentionné aux paragraphes 55 et 56, semble instaurer une exception à l’interdiction énoncée dans la Convention d’invoquer l’ordre d’un supérieur ou d’un représentant de la puissance publique pour justifier la torture. Qu’en est-il exactement?

12.Il est indiqué au paragraphe 86 du rapport que les juges de l’application des peines se rendent dans les centres de détention afin de donner suite aux plaintes déposées par les détenus et de s’assurer que leurs droits sont respectés. Le Comité souhaiterait être informé du nombre d’inspections ainsi effectuées, du nombre de plaintes reçues et des mesures prises par les juges de l’application des peines. Il souhaiterait aussi savoir quelles procédures sont appliquées par les juges qui reçoivent des allégations de torture et quel rôle spécifique jouent le Bureau du Procureur chargé des droits de l’homme et le Procureur spécial chargé des prisons en ce qui concerne l’inspection des centres de détention, les allégations de torture et les plaintes déposées par les immigrants. S’agissant de ces derniers, le Comité a été informé par des ONG que les immigrants sont systématiquement retenus pendant des périodes de plus de trois mois dans des conditions déplorables. Le cas d’un groupe de migrants venus de Chine a notamment été évoqué. Il serait souhaitable que la délégation s’exprime au sujet de ces allégations.

13.Il ressort du paragraphe 39 du rapport que le budget alloué aux organes chargés de protéger les droits des détenus est insuffisant, ce qui conduit parfois à des atteintes à ces droits. Que fait-on pour remédier à cet état de choses?

14.Ayant vécu au Nicaragua, Mme Sveaass est particulièrement sensible au problème de la violence à l’égard des femmes et des enfants, et notamment des violences physiques, sexuelles et psychologiques dont ils sont victimes. Des statistiques récentes montrent que les crimes contre les femmes ont augmenté de façon alarmante. L’État partie a l’obligation de faire tout ce qui est en son pouvoir pour prévenir ces violences, pour faire en sorte que les victimes bénéficient d’une assistance juridique, pour enquêter sur toutes les allégations de violences au foyer, pour en punir les auteurs et veiller à ce que les victimes soient indemnisées. Il serait important d’apprendre quelles mesures sont prises pour faire appliquer les lois proscrivant la violence et particulièrement la violence familiale, quelles actions sont en cours ou envisagées pour prévenir les sévices à enfants, y compris les châtiments corporels, quels recours, tels que foyers d’hébergement et lignes d’assistance téléphonique, sont offerts aux victimes de violences au foyer, et combien de plaintes pour violences ont été déposées et ont fait l’objet d’enquêtes et de poursuites. Enfin, il serait utile de savoir si les fonctionnaires chargés de veiller à l’application des lois reçoivent une formation en ce qui concerne les questions liées aux comportements sexistes et quelles ressources sont allouées aux programmes de formation et aux campagnes de sensibilisation.

15.Un problème qui, à bon droit, a suscité de vives réactions au sein des organes conventionnels des Nations Unies et ailleurs est celui de l’interdiction générale de l’avortement, même en cas de viol, d’inceste ou de grossesse susceptible de mettre en danger la vie de la mère, qui est énoncée aux articles 143 et 145 du Code pénal. Le fait qu’en 2006, le Parlement a abrogé la loi autorisant l’«avortement thérapeutique» dépasse l’entendement. La grossesse résulte parfois de crimes odieux et humiliants pour la victime tels que l’inceste, ou d’un viol. Obliger une femme à mener à terme une grossesse au péril de sa vie est tout aussi inacceptable. En outre, le personnel soignant est contraint par les articles 148 et 149 du Code pénal à enfreindre les normes internationales et à bafouer le serment d’Hippocrate. Empêcher un professionnel de la santé de venir en aide à une fillette de 12 ans se présentant avec une grossesse non désirée équivaut, de l’avis de la Rapporteuse, à couvrir un acte de torture.

16.Le Comité des droits de l’homme, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels et le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes ont tous fermement pris position à ce sujet, de même que nombre d’ONG de premier plan. Étant elle-même une professionnelle de la santé, Mme Sveaass escompte soulever le problème dans d’autres forums internationaux tels que l’Association médicale mondiale, d’autant plus que les principes directeurs énoncés par l’Organisation mondiale de la santé pour la prise en charge médico-légale des victimes de violences sexuelles semblent avoir été bafoués lors de l’adoption de cette loi. L’État partie envisage-t-il de revoir la loi et d’indemniser les victimes du grave préjudice qui leur a été causé avec le consentement de personnes occupant des fonctions officielles, préjudice de nature fondamentalement discriminatoire?

17.Il a aussi été signalé au Comité que des défenseurs des droits de l’homme et des militants politiques qui s’étaient opposés à cette loi ont été la cible d’agressions. Mme Vilma Núñez, Présidente du Centre nicaraguayen des droits de l’homme, craint pour sa vie. Mme Patricia Orozco, coordonnatrice de la Campagne du 28 septembre pour la dépénalisation de l’avortement en Amérique latine et dans les Caraïbes et l’une des chefs de file du Mouvement autonome des femmes, a été menacée de mort et de violences sexuelles. L’État partie a le devoir moral de leur venir en aide.

18.Le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires a appelé l’attention sur un certain nombre de cas non élucidés de disparitions forcées au Nicaragua. Des faits nouveaux sont-ils intervenus à cet égard? Et en ce qui concerne le droit des personnes hospitalisées dans des établissements psychiatriques de s’élever contre le traitement qui leur est imposé, quels mécanismes de surveillance ont-ils été mis en place?

19.En vertu de l’article 18 du Code pénal, l’une des conditions de l’extradition est que l’État demandeur offre les garanties d’un procès équitable à la personne extradée et des assurances qu’elle ne sera pas soumise à la torture ni à des mauvais traitements. Il serait utile que la délégation précise la nature des garanties exigées.

20.Une loi sur la protection des réfugiés a été adoptée le 4 juin 2008. Comment les autorités entendent-elles s’assurer que les demandeurs d’asile et les réfugiés peuvent effectivement exercer les droits qui leur sont reconnus par cette loi et que les fonctionnaires chargés de l’application des lois en connaissent bien les dispositions? Apparemment, un grand nombre de réfugiés salvadoriens vivent dans le pays depuis les années 80 sans être en possession de papiers en bonne et due forme. Quelles mesures va-t-on prendre pour régulariser leur situation?

21.Le Comité souhaiterait savoir quelles autorités sont chargées de veiller à ce que les demandeurs d’asile déboutés ne soient pas renvoyés dans des pays où il y a des motifs sérieux de croire qu’ils risquent d’être soumis à la torture ou maltraités. Quelles décisions ont été prises dans des affaires relevant de l’article 3 de la Convention?

22.Les paragraphes 115 à 118 du rapport énumèrent les sanctions disciplinaires susceptibles d’être appliquées au personnel pénitentiaire, sanctions qui vont de la réprimande faite en privé à la révocation. Il serait intéressant de savoir si les peines prévues à l’article 369 de l’ancien Code pénal ont été mises à jour dans le nouveau Code.

23.Enfin, Mme Sveaass demande si des membres du personnel de l’Institut de médecine légale ont appris à confirmer l’existence de cas de torture à l’aide du Protocole d’Istanbul.

24.M. Gallegos Chiriboga (Corapporteur pour le Nicaragua) constate que le rapport soumis par l’État partie en 2007 rend compte avec clarté des efforts consentis par celui-ci pour s’acquitter des obligations qu’il a contractées en vertu de la Convention. La délégation vient de distribuer un gros document exposant les faits survenus dans la période récente, lequel aurait beaucoup aidé le Comité s’il avait été reçu un peu plus tôt.

25.D’après le paragraphe 143 du rapport, la formation du personnel médical de l’administration pénitentiaire n’inclut pas spécifiquement la détection des cas de torture ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Or l’ensemble du personnel des prisons doit recevoir ce type de formation. En outre, l’État est d’une manière générale tenu de sensibiliser tous les fonctionnaires à ce qui constitue des actes de torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi qu’à la nécessité de veiller à ce que les groupes vulnérables tels que les femmes, les enfants, les personnes handicapées et les migrants bénéficient d’une protection particulière. Dans les cours de formation destinés au personnel chargé de veiller à l’application de la loi et aux autres agents de la fonction publique, des problèmes tels que le harcèlement sexuel et les assassinats de femmes ne sont apparemment pas abordés. Le personnel ayant affaire à des enfants et des adolescents n’est pas systématiquement informé des droits des mineurs.

26.Il serait utile de connaître les mesures qui ont été prises pour mettre en œuvre le protocole d’action pour les délits de mauvais traitements dans la famille et d’agressions sexuelles adopté en 2003 à la suite d’une initiative de la Cour suprême de justice. En particulier, l’École nationale de la magistrature a-t-elle mis en place des programmes spéciaux de formation, notamment à l’intention des juges attachés à la chambre pénale des juridictions d’appel pour mineurs? Il semble que peu de progrès aient été faits en ce qui concerne la formation des procureurs, la mise en place d’équipes pluridisciplinaires au service des tribunaux pénaux de district pour mineurs et la formation de fonctionnaires appelés à mettre en œuvre des programmes socioéducatifs pour adolescents ayant vocation à se substituer à l’emprisonnement. Bien entendu, le personnel des centres de détention pour mineurs doit lui aussi bénéficier d’une formation spéciale en matière de droits de l’homme.

27.À propos des paragraphes 165 à 176 du rapport qui traitent des dispositions prises pour enquêter sur des allégations de torture, il serait utile d’avoir des renseignements concrets sur les enquêtes qui ont été diligentées et leurs résultats. Y a-t-il eu des cas où les autorités compétentes n’ont pas donné suite à une plainte déposée pour torture et, dans l’affirmative, pour quels motifs?

28.Prendre des mesures énergiques pour prévenir l’impunité est absolument essentiel si l’on veut éliminer la torture. Il est donc important de communiquer des données chiffrées détaillées sur le nombre de tortionnaires qui ont été poursuivis et condamnés et sur le type de peines qui ont été prononcées.

29.Le Centre nicaraguayen des droits de l’homme a communiqué au Comité des renseignements statistiques donnant à penser que les policiers sont souvent accusés de violations des droits de l’homme. Ces accusations portent sur un recours excessif à la force pouvant être assimilé à des actes de torture ou à des mauvais traitements au cours de la garde à vue et, moins fréquemment, lors de l’enquête. Selon son rapport annuel pour 2008, le Centre a reçu 265 plaintes à l’encontre de policiers pour voies de fait, détention illégale et mauvais traitements. Il serait souhaitable que la délégation commente ce chiffre.

30.L’impartialité des juges est une condition indispensable pour la protection des droits de l’homme. Il serait utile de savoir combien d’affaires concernant des actes de torture commis par des fonctionnaires ont été examinées par les autorités judiciaires.

31.Le droit à indemnisation et à réadaptation des victimes de la torture est-il reconnu aux seuls ressortissants nicaraguayens ou peut-il aussi être exercé par les migrants et les réfugiés? Le droit d’être indemnisé découle-t-il d’une condamnation au pénal ou une indemnisation peut-elle aussi être réclamée dans les cas où une sanction disciplinaire ou administrative a été imposée à l’auteur d’un acte de torture ou de mauvais traitements? Il serait souhaitable d’en apprendre davantage sur les programmes de réadaptation mis en place par l’État partie en faveur des victimes de la torture, sur leurs traitements médicaux, sur tels ou tels cas particuliers et les décisions juridiques auxquelles ils ont donné lieu. Quels sont les critères appliqués pour déterminer le niveau d’indemnisation? Une victime peut-elle introduire un recours si elle considère que son indemnisation est insuffisante?

32.Selon le paragraphe 194 du rapport, les deux principales difficultés qui s’opposent à l’amélioration des conditions régnant dans les centres de détention sont le faible montant des allocations budgétaires et le fait que les fonctionnaires sont démotivés par des salaires trop bas. Quelles mesures sont prises pour remédier à cette situation? Il est reconnu dans le rapport que la surpopulation carcérale est importante dans un certain nombre d’établissements et que la prison de Bluefields ne remplit pas les conditions minimales nécessaires pour accueillir les détenus. Il n’y a pas de système d’évacuation des eaux usées ni d’alimentation en eau potable, et l’état de l’infrastructure est si déplorable que les détenus ont tendance à manifester leur frustration par des comportements violents. Les mineurs sont souvent détenus dans les mêmes quartiers que les prisonniers adultes. Selon le rapport, il est urgent de construire un établissement pénitentiaire dans la Région autonome de l’Atlantique Nord. Le Corapporteur souhaiterait savoir si les travaux de construction de cet établissement ont commencé depuis la soumission du rapport.

33.Tout État a le devoir de veiller à la sécurité de ses citoyens. Le Nicaragua est donc tenu de prendre des mesures énergiques contre la violence familiale et les autres formes de violence entre les personnes. Comment sont traitées les plaintes pour violences au foyer et quelle est l’efficacité des mesures prises pour protéger les femmes, les enfants et les autres groupes vulnérables?

34.Le Comité des droits de l’homme a constaté avec préoccupation (CCPR/C/NIC/CO/3) qu’un nombre croissant de plaintes dénonçaient des cas de harcèlement systématique et de menaces de mort contre des défenseurs des droits de l’homme de la part d’individus, de groupes politiques et d’organismes liés à l’appareil de l’État. Il s’est également inquiété de ce que des défenseurs des droits de la procréation ont fait l’objet d’enquêtes pénales, et notamment que des actions sont engagées au pénal contre les neuf femmes qui défendent les droits des femmes impliquées dans l’affaire de l’interruption de grossesse d’une jeune fille mineure, enceinte à la suite d’un viol. Il serait important de savoir quelles mesures sont prises pour mettre fin à ce harcèlement systématique.

35.Selon des informations émanant d’ONG, les mauvais traitements infligés à des personnes détenues dans les prisons et les locaux de la police demeurent souvent impunis. Quelles mesures prend-on pour mettre fin à ces violences et faire en sorte que leurs auteurs aient à en rendre compte?

36.Le Comité souhaiterait que lui soit précisé si la traite et l’exploitation sexuelle des enfants et des femmes est qualifiée d’infraction dans le Code pénal et si des peines appropriées sont prévues à cet égard. D’autres organes conventionnels ont appelé l’attention sur le fait que la traite représente un problème majeur au Nicaragua.

37.Il serait important de savoir si les demandeurs d’asile peuvent effectivement exercer les droits que leur confère la loi sur la protection des réfugiés fort heureusement adoptée par l’Assemblée nationale en 2008, et si les garde frontières ont été formés à l’application des dispositions de ladite loi. Il semble que des dispositifs spéciaux ont été mis en place pour empêcher le refoulement des demandeurs d’asile vers des pays où ils risqueraient d’être soumis à la torture ou aux mauvais traitements.

38.Il a été signalé que des migrants, et en particulier des migrants d’origine chinoise, font l’objet de rétentions prolongées; il serait intéressant d’apprendre dans quelle mesure la Convention interaméricaine pour la prévention et la répression de la torture est appliquée aux migrants et aux apatrides.

39.M me  Belmir relève que le ministère public est décrit au paragraphe 27 du rapport comme une institution indépendante dotée d’une autonomie organique, fonctionnelle et administrative. En tant que partie prenante aux procédures judiciaires, quelle est sa relation avec les tribunaux et quels sont les recours disponibles à l’encontre de ses décisions?

40.Selon une ONG, des plaintes pour mauvais traitements auraient été déposées contre 30  % de tous les policiers en 2008, et des sanctions auraient été imposées dans 10 % de ces cas. Un effort majeur s’impose donc en matière de formation et de sensibilisation.

41.Les dispositions du Code de procédure pénale décrites au paragraphe 131 du rapport, qui garantissent un traitement équitable à tous les stades de la procédure judiciaire, paraissent satisfaisantes. Toutefois, le principe de l’égalité n’y est pas mentionné. Étant donné que dans beaucoup de pays, les problèmes liés au pluralisme ethnique ont une incidence sur le système judiciaire, il serait utile de savoir si tous les citoyens nicaraguayens sont égaux devant la loi.

42.Selon le Groupe de travail sur la détention arbitraire (A/HRC/4/40/Add.3), il existe au Nicaragua une catégorie particulière de détenus qui sont des oubliés de la justice et dont, en substance, on a «fait cadeau» au système pénitentiaire. Ils n’ont aucun contact avec le monde extérieur et aucune possibilité de se prévaloir des recours auxquels ils ont droit. Le Groupe de travail a également appelé l’attention sur la sévérité excessive des sanctions pénales prononcées pour des infractions liées à l’utilisation et à la vente de stupéfiants, relevant que l’amende minimum pour ce type d’infraction est d’un montant déraisonnablement élevé (1 million de córdobas, soit environ 61 000 dollars des États-Unis) et que les intéressés étant généralement incapables de la verser, cette amende est remplacée par une année supplémentaire d’emprisonnement. Le Groupe de travail a également relevé l’existence d’une mesure d’incarcération en vertu de laquelle une juridiction civile peut ordonner le placement d’une personne en détention pour une période pouvant aller jusqu’à un an si elle n’a pas rempli les conditions d’un accord de prêt.

43.Il ressort du paragraphe 67 du rapport que les migrants en situation irrégulière sont retenus en un lieu désigné comme Centre national de rétention de migrants illégaux, où différentes mesures de sécurité leur sont appliquées avant leur renvoi. Aucune information n’est fournie au sujet de la durée maximum de la rétention et des recours possibles devant les tribunaux contre l’ordonnance de renvoi.

44.Évoquant le cas des enfants se trouvant en situation de vulnérabilité au Nicaragua, Mme Belmir ne doute pas que le Gouvernement est conscient des problèmes posés par les enfants des rues et les enfants en conflit avec la loi, par le phénomène du travail des enfants et d’autres formes d’exploitation. À cet égard, elle appelle tout particulièrement l’attention sur le cas des enfants des travailleuses et des migrantes, et rappelle que le Comité des droits de l’enfant a exhorté l’État partie à donner un rang de priorité plus élevé à la protection et à la prise en charge des enfants de migrantes.

45.Enfin, la délégation est invitée à s’exprimer au sujet de la façon dont on concilie le principe de laïcité avec une législation fondée sur des convictions religieuses, dans le cas de la législation sur l’avortement par exemple.

46.M. Mariño Menéndez , se référant aux observations faites par les orateurs précédents au sujet du rôle des défenseurs des droits de l’homme, demande si le Procureur chargé des prisons a accès aux installations et locaux militaires, ou à d’autres lieux où des personnes sont placées en détention, tels que commissariats de police, centres spécialisés pour mineurs délinquants et services de psychiatrie.

47.Concernant l’article 3 de la Convention relatif au renvoi ou à l’expulsion, il serait utile de savoir si les autorités nicaraguayennes ont institué une procédure permettant de déterminer avant leur renvoi si des personnes entrées illégalement sur le territoire du Nicaragua ont besoin d’une protection pour des raisons humanitaires. En l’absence d’une telle procédure, ces questions sont-elles laissées à l’appréciation des fonctionnaires en poste aux frontières, et le délai accordé avant l’expulsion est-il conforme aux exigences du droit international?

48.Pour ce qui est de la transparence des procès, il serait important de savoir dans quelles circonstances les juges sont amenés à décider de tenir des audiences à huis clos, si ces décisions sont prises par les juges en toute indépendance ou en consultation avec d’autres autorités judiciaires, et s’il est possible de faire appel de ces décisions. D’autre part, il serait utile que la délégation indique si des données existent sur la fréquence des recours en habeas corpus, sur les plaintes relatives à des violations de ce droit, et sur le laps de temps durant lequel ce recours est possible à l’issue de la détention. La question de la proportionnalité, à laquelle le Gouvernement nicaraguayen est très attaché, se pose à cet égard. Il serait particulièrement important d’apprendre s’il existe une jurisprudence ou une doctrine qui établit ce que signifie la proportionnalité dans le contexte de l’enquête.

49.Il serait également souhaitable que la délégation précise quelles sont les maladies dont il est dit au paragraphe 75 du rapport initial qu’elles sont fréquentes en prison.

50.M. Gaye, rappelant que la torture n’est pas qualifiée d’infraction pénale dans la législation nicaraguayenne, souhaiterait savoir ce qu’il en est des amendements qu’il est proposé d’apporter au Code pénal, amendements qui, notamment, répareraient cette omission et prescriraient les sanctions correspondantes. Il souhaiterait aussi savoir si le Gouvernement nicaraguayen a fait la déclaration reconnaissant la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications présentées par ou pour le compte de particuliers prétendant être victimes d’une violation des dispositions de la Convention.

51.Il est indiqué au paragraphe 131 du rapport que l’article 4 du Code de procédure pénale consacre le droit à la défense et que l’État garantit l’assistance judiciaire d’un défenseur public aux personnes qui n’ont pas les moyens de rémunérer les services d’un avocat privé. Il serait bon de préciser quel est le statut des défenseurs publics et s’il s’agit d’avocats professionnels ou de personnes employées par l’État.

52.Le Comité ayant reçu des informations inquiétantes au sujet du traitement des mineurs en conflit avec la loi, il serait important de savoir si les autorités nicaraguayennes ont mis en place des procédures et dispositions spéciales pour leur prise en charge, leur placement en détention et leur hébergement.

53.Les informations fournies dans le rapport sur le statut des juges semblent incomplètes, ce qui est surprenant dans la mesure où il paraît indispensable que les États parties communiquent des données sur le cadre institutionnel et les principes fondamentaux qui régissent la fonction judiciaire.

54.Il semble que l’Église a été pour beaucoup dans l’adoption des amendements récemment apportés à la loi sur l’avortement, et les avortements thérapeutiques sont apparemment désormais interdits. Cependant, la législation du pays est ambiguë en ce qui concerne la déontologie médicale, les médecins ne disposant pas d’indications claires sur la question de savoir s’ils risquent d’être poursuivis s’ils procèdent ou ne procèdent pas à un avortement thérapeutique dans le but de sauver une vie. Il serait souhaitable que la délégation précise le cadre juridique applicable à ces situations.

55.M me  Kleopas, se référant à la question que vient de poser l’orateur précédent, demande si le Gouvernement nicaraguayen a tenu compte des recommandations faites par le Comité des droits de l’homme en décembre 2008 au sujet de l’avortement. Il serait intéressant de savoir si des médecins ont été poursuivis pour négligence parce qu’ils s’étaient abstenus de procéder à un avortement susceptible de sauver une vie par crainte d’encourir des poursuites pénales.

56.Il serait utile de savoir si des procédures spéciales de dépôt de plainte ont été mises en place en faveur des femmes et jeunes filles victimes de violences familiales et sexuelles. D’autre part, le Gouvernement a-t-il l’intention d’imposer la prescription en ce qui concerne la responsabilité pénale pour les actes de torture?

57.M me  Gaer souhaiterait obtenir un complément d’information au sujet des enquêtes relatives à des allégations de violences policières. Étant donné que sur plus de 2 000 plaintes déposées en 2008, environ 67 % concernaient des atteintes aux droits de l’homme, il est permis de se demander quelle proportion de ces violations avaient trait à des actes de torture, à des mauvais traitements ou à des voies de fait, et si leurs éventuels auteurs ont été punis en conséquence.

58.Il semble que des groupes d’autodéfense s’en prennent systématiquement et violemment aux membres de l’opposition politique, à la société civile et aux personnes militant pour différentes causes. Des organisations de défense des droits de l’homme ont signalé que le Gouvernement se montre peu enclin à enquêter sur les cas de violences perpétrées par ces groupes d’autodéfense, et y fait même parfois obstruction. Il serait donc intéressant d’apprendre dans combien de cas des enquêtes ont été ouvertes et qui a été jugé coupable de ce genre d’agissements.

59.Le Gouvernement a-t-il donné suite aux recommandations formulées par le Groupe de travail sur la détention arbitraire à l’issue de sa visite au Nicaragua en 2006 au sujet de la tenue de registres d’écrou?

60.Des statistiques donnant une idée de la situation des femmes détenues et de l’état des locaux où elles sont placées seraient les bienvenues. Il est permis de se demander pourquoi de plus en plus de femmes sont incarcérées, et il serait souhaitable de disposer de statistiques sur les enquêtes diligentées à propos de plaintes déposées pour voies de fait ou violences sexuelles. Des dispositifs ont-ils été mis en place afin de surveiller les cas de violences sexuelles au sein de la population carcérale tant masculine que féminine?

61.Lors de sa visite au Nicaragua en 2005, le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée a appelé l’attention sur le traitement réservé aux autochtones et aux personnes d’ascendance africaine. Ces groupes souffrent de manière disproportionnée de la marginalisation sociale et de la discrimination, et le Rapporteur a souligné les carences de l’infrastructure sanitaire caractérisant les régions où ils vivent. Il serait utile de savoir si des données sont collectées au sujet du nombre de personnes demandant à être soignées pour des problèmes découlant de traumatismes pouvant avoir pour origine des mauvais traitements ou la médiocrité des soins dispensés, notamment en cas de problèmes de santé touchant à la procréation. Il serait important de savoir s’il existe des statistiques de ce genre ventilées en fonction de l’appartenance ethnique, de la région, du sexe et de la race, car l’absence de toute stratégie de lutte contre les formes multiples que prend la discrimination aggrave encore les maux dont souffrent les sociétés.

62.Pour ce qui est du harcèlement dont sont victimes les défenseurs des droits de l’homme, il serait souhaitable d’apprendre comment s’est conclue l’affaire à l’occasion de laquelle plusieurs personnes ont été poursuivies pour être venues en aide à la victime d’un viol qui était âgée de 9 ans.

63.Le Président rappelle que selon les indications données dans les directives générales sur l’établissement des rapports à propos des mesures prises en vue d’appliquer la Convention, il est aussi demandé aux États parties de fournir des exemples concrets et des statistiques à l’appui de leurs affirmations concernant la façon dont ils s’acquittent de leurs obligations.

64.Le rapport rend compte de l’adoption d’un certain nombre de dispositions juridiques et de différentes garanties découlant de ces dispositions, mais il serait utile que la délégation donne des exemples précis illustrant la mesure dans laquelle le système judiciaire les fait respecter.

65.À propos de la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention et de la mise en place d’un mécanisme national de prévention, le Président souligne qu’il est nécessaire d’allouer suffisamment de ressources au Bureau du Procureur chargé des droits de l’homme pour qu’il puisse agir efficacement. Sans moyens adéquats, il ne pourra pas s’acquitter des tâches supplémentaires qu’il devra assumer en vertu du Protocole facultatif.

66.En ce qui concerne le paragraphe 88 du rapport, il serait souhaitable que la délégation précise la relation existant entre le Code pénal militaire et le nouveau Code pénal qui consacre la notion de torture. Les nouvelles dispositions remplacent-elles les dispositions du Code pénal militaire, qui renvoie à l’infraction moins grave d’«abus d’autorité» pour des pratiques relevant de la torture. Il faudrait savoir si les militaires peuvent avoir à répondre d’actes de torture en vertu du nouveau régime juridique.

67.Le paragraphe 118 du rapport évoque le cas de cinq personnes qui ont été victimes de voies de fait de la part de policiers. La révocation des policiers en cause ne semble pas une sanction suffisamment sévère eu égard à la gravité de leurs agissements, qui semblent devoir être qualifiés d’actes de torture et de traitements cruels, inhumains et dégradants. Il est vrai que d’après le paragraphe 121 du rapport, ces policiers risquent d’être traduits en justice. Il serait intéressant de savoir quel a été le résultat de l’action pénale si celle-ci a été mise en mouvement et, plus important encore, quelle définition juridique a été appliquée à cette procédure. Ces policiers seront-ils jugés pour abus d’autorité, mauvais traitements ou torture?

68.Les dispositions prises en matière de contrôle des procédures régissant la garde et le traitement des prisonniers paraissent assez satisfaisantes; toutefois, il serait intéressant de savoir combien de cas où des plaintes ont été déposées par des détenus selon les modalités décrites au paragraphe 149 du rapport ont été traités et réglés. Par ailleurs, il serait utile de savoir si la santé et le bien-être des détenus sont vérifiés quotidiennement, ainsi que le prescrit le manuel à l’usage du personnel chargé de la surveillance des détenus (rapport, par. 52).

69.L’adoption du nouveau Code de procédure pénale atteste la volonté du Nicaragua de donner effet aux garanties existantes en matière de respect des droits de l’homme. Il serait souhaitable que la délégation fournisse des statistiques concernant les détenus en attente de jugement ainsi que sur la proportion de détenus effectivement condamnés par rapport à ceux qui attendent le prononcé de leur condamnation.

70.En ce qui concerne les actes de torture ou les mauvais traitements infligés par le personnel pénitentiaire, le Président demande combien de cas se sont produits et combien de plaintes ont été déposées. Il souhaiterait savoir si une victime de torture n’a jamais été indemnisée au Nicaragua.

71.Il ressort du rapport que les manquements à la discipline constatés au sein de la population carcérale ont augmenté de 50 % en 2006 par rapport à 2005. C’est là un chiffre inquiétant, qui atteste que la situation se dégrade; cela est peut-être dû à l’absence de surveillance médicale, à des problèmes de santé ou à des restrictions apportées aux visites des familles. D’une manière générale, il serait utile que l’État partie fournisse davantage de renseignements statistiques.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 12 h 10.