NATIONS UNIES

CAT

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/SR.85211 mai 2009

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Quarante et unième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 852e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genèvele jeudi 13 novembre 2008, à 10 heures

Président: M. GROSSMAN

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Rapport initial du Kenya

La séance est ouverte à 10 h 15.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 5 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport initial du Kenya (CAT/C/KEN/1)

1.Sur l ’ invitation du Président, M me Karua, M me Nzomo, M me Mohamed, M me Njau-Kimani, M me Kimani, M. Kiraithe, M. MacGoye, M me Mwangi, M. Gicharu, M. Owade, M. Iringo et M. Kihwaga (Kenya) prennent place à la table du Comité.

2.Mme KARUA (Kenya), présentant le rapport initial de son pays, dit que le Kenya accorde une grande importance à la promotion et à la protection des droits de l’homme et qu’il s’attache, en tant que signataire de la Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains et dégradants, à ce que nul ne soit soumis à la torture ou à d’autres traitements cruels et inhumains. Depuis 2003, il prête une attention particulière aux violations des droits de l’homme à cause de son histoire: en effet, il est sorti d’un régime dictatorial à parti unique qui a commis des violations massives des droits de l’homme en se fondant sur des lois et des institutions répressives héritées de la période coloniale. Meurtres, torture, détentions arbitraires, exil ou ruine économique ont été le lot de nombreux Kényans qui luttaient pour leurs droits et leurs libertés fondamentales. Après les élections démocratiques de 2002, des mesures ont été prises pour protéger les citoyens mais aussi pour promouvoir la paix, la stabilité, la liberté et la justice dans le pays.

3.Plusieurs initiatives ont été engagées en vue de faire du Kenya un pays respectueux des droits de l’homme. Ainsi, une politique et un plan d’action de vaste portée sont en cours d’élaboration afin de faire face aux problèmes du pays et d’aider les ministères, les administrations et d’autres acteurs à intégrer les droits de l’homme dans le processus de planification nationale. Ce sera également l’occasion de réaffirmer la volonté du Gouvernement de protéger et de promouvoir les droits de l’homme. En outre, un programme ayant trait à la gouvernance, à la justice et au droit a été lancé en vue de réformer l’ensemble des secteurs juridique et judiciaire et de mettre en place un système d’administration de la justice qui soit efficace et juste tout en assurant le respect et la promotion des droits de l’homme.

4.Des mesures concrètes ont été prises pour éliminer la torture et les autres traitements cruels et dégradants. À son arrivée au pouvoir en 2003, le Gouvernement a ouvert au public les chambres de torture de Nyayo House dans lesquelles de nombreux prisonniers politiques avaient été systématiquement torturés par des agents publics. Il a également modifié le droit pénal afin de protéger les suspects contre la torture: conformément à la loi de 2007 portant diverses modifications du droit kényan, il est interdit de torturer les personnes soupçonnées d’avoir commis une infraction. Auparavant, les aveux étaient recueillis dans les postes de police par des policiers inexpérimentés, ce qui donnait lieu à des allégations de torture. Désormais, un suspect ne peut faire une déposition que devant un juge, un magistrat ou un policier (non chargé de l’enquête) ayant au moins le grade d’inspecteur en chef, et en présence d’un tiers qu’il aura désigné. Les châtiments corporels ont également été abolis. Une personne victime d’actes de torture peut télécharger en ligne ou se procurer auprès de n’importe quel hôpital public un formulaire P‑3 d’examen médical alors qu’elle devait auparavant s’adresser à la police, ce qui posait des problèmes lorsque l’auteur des actes était un policier. Enfin, le Gouvernement, en collaboration avec des partenaires de développement nationaux et internationaux, a engagé une réforme du programme de formation à l’intention des membres des forces de l’ordre et des agents de la fonction publique afin de mettre l’accent sur les droits de l’homme et l’interdiction de la torture. Les droits de l’homme sont à présent un sujet d’examen dans toutes les institutions de formation des forces de l’ordre et autres responsables de l’application des lois.

5.Le Gouvernement a imposé un moratoire de fait sur la peine de mort: en février 2003, le Président Kibaki a suspendu l’exécution des condamnés à mort, ordonné la libération de 281 détenus qui étaient dans le couloir de la mort et commué en prison à vie la peine de 195 autres détenus. Bien que cette situation ne soit pas pleinement satisfaisante, elle est la plus humaine en attendant que la Constitution soit modifiée. Les autorités et la Commission nationale des droits de l’homme, en collaboration avec des organisations de la société civile, s’efforcent de sensibiliser les Kényans au recul de la peine capitale dans le monde, dans l’espoir que la société kényane, pour le moment largement opposée à l’abolition de ce châtiment, se rallie à cette idée et que le pays puisse signer le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

6.Le Gouvernement a également réformé les services pénitentiaires en appliquant des programmes stratégiques axés sur les droits de l’homme, la bonne gouvernance et les pratiques démocratiques dans l’administration des établissements. Ces programmes visent essentiellement à créer un environnement sûr et humain pour les détenus et le personnel pénitentiaire. À ce sujet, la loi sur les prisons est en cours de révision. Il faut noter que les prisons font désormais l’objet d’une surveillance indépendante: en effet, la loi habilite les membres de la Commission nationale des droits de l’homme à se rendre dans les lieux de détention, droit qui a été confirmé par une décision judiciaire. Les magistrats sont également vivement encouragés à exercer leur droit de se rendre dans ces établissements pour s’assurer que les droits des détenus ne sont pas bafoués.

7.Certaines mesures qui étaient en préparation au moment de la rédaction du rapport initial sont à présent en vigueur. Ainsi, un Conseil indépendant de surveillance de la police, dont les membres sont issus d’organisations de la société civile et du secteur privé, a été établi en vue de renforcer les mécanismes de plainte contre les responsables de l’application des lois, compte tenu de la conviction largement partagée que ceux-ci ne peuvent être juges dans leur propre cause. Un Comité permanent d’examen des plaintes, créé à la mi-2007, a été chargé de jouer le rôle de médiateur et de traiter les plaintes visant des agents et organismes publics. Un programme national d’aide juridique et de sensibilisation a également été mis en place afin de favoriser l’accès à la justice, en particulier pour les personnes pauvres et vulnérables. Le Gouvernement a conscience que la torture pose aussi des problèmes liés aux inégalités entre les sexes, notamment parce que les femmes et les enfants sont plus exposés à certaines pratiques assimilables à la torture. La loi sur l’enfance et la loi sur les infractions sexuelles interdisent et répriment les mutilations génitales féminines et les mariages précoces ou forcés. Le Ministère de l’égalité entre les sexes, des sports, de la culture et des services sociaux assure la coordination d’un comité interministériel sur les mutilations génitales féminines qui veille à la mise en œuvre du plan d’action national pour l’éradication de ces pratiques. Dans la plupart des postes de police de Nairobi, un service spécial a été créé et doté de personnel dûment formé pour veiller à ce que les victimes de violences sexistes soient bien accueillies et reçoivent l’attention nécessaire. Le Chef de la police a constitué un groupe de travail chargé d’enquêter sur les infractions à caractère sexuel qui auraient été commises par des membres du personnel de sécurité pendant les troubles qui ont suivi les élections nationales de décembre 2007. Le Procureur général a élaboré un manuel de référence destiné aux enquêteurs et aux procureurs, aux médecins, aux militants de l’égalité des sexes et aux usagers des services de justice pénale, afin d’expliquer la loi sur les infractions sexuelles, de fixer des normes et de faire des recommandations sur les meilleures pratiques à mettre en œuvre. Il a également édicté des règles relatives aux infractions sexuelles qui ont été publiées au journal officiel en octobre 2008 et feront office de règlement d’application de la loi. Enfin, en matière de poursuites, le Kenya a mis en place une politique en vertu de laquelle les policiers doivent rendre compte au Procureur général lorsque les personnes accusées d’une infraction ne sont pas déférées à la justice dans les délais prévus.

8.Comme bien des pays qui connaissent des mutations rapides, le Kenya doit encore faire face à de nombreux problèmes en matière de promotion et de protection des droits de l’homme. En particulier, la Convention n’est pas incorporée dans le droit national et la torture n’est pas définie, il n’existe pas de données ventilées dans ce domaine, les bandes criminelles et la criminalité organisée sont politisées et menacent la sécurité nationale, les armes légères prolifèrent et les menaces terroristes se multiplient en raison de l’instabilité qui règne dans la région. Malgré ces difficultés, dans plusieurs cas des agents publics ont été inculpés, jugés et condamnés par des tribunaux pénaux pour avoir commis des actes relevant de la définition de la torture énoncée à l’article premier de la Convention et des victimes de torture qui ont saisi des tribunaux civils pour obtenir réparation ont été indemnisées par l’État. Enfin, la Commission d’enquête judiciaire chargée d’enquêter sur les violences qui ont suivi les élections de 2007 vient de rendre son premier rapport sur les atrocités qui ont été commises.

9.Mme SVEAASS (Rapporteuse pour le Kenya), tout en regrettant le retard avec lequel le rapport initial du Kenya a été soumis, se réjouit à la perspective de mener un dialogue constructif avec la délégation en vue d’éradiquer la torture dans l’État partie. Le Comité, s’il se félicite des faits nouveaux positifs qui se sont produits au Kenya, notamment de la ratification de la Convention contre la torture et d’autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ainsi que des mesures prises pour développer le droit et protéger les droits des personnes, a le devoir de mettre en lumière les problèmes et les lacunes qui existent dans la législation du pays comme de noter les failles constatées dans la mise en œuvre de ces dispositions. Il lui incombe également de relever les points sur lesquels il estime que l’État partie ne respecte pas les dispositions de la Convention. À ce sujet, la grande franchise avec laquelle l’État partie reconnaît ses défaillances tout en suggérant des solutions pour y remédier est des plus louables.

10.Ces dernières années, le pays a connu des transformations radicales et la transition pacifique vers la démocratie qui s’est produite en 2002 a suscité d’immenses espoirs. Cependant, l’année écoulée a été extrêmement difficile et douloureuse à bien des égards. Le Comité est profondément préoccupé par les informations qui lui parviennent faisant état de violences graves et de grande ampleur qui continuent de se produire dans l’État partie. Il a également conscience des graves problèmes qui se posent à lui en ce qui concerne la propriété foncière et le droit à la terre ainsi que d’autres injustices sociales et économiques – toutes questions traitées dans l’Accord national et qui sont une des causes profondes de la torture. Le présent examen initial portera sur les bases juridiques et leur évolution, même si des questions seront également posées sur les informations parvenues au Comité au sujet de violations des droits et de violences commises par l’État.

11.Le Comité se fondera d’abord sur le rapport soumis par l’État partie, mais il tiendra également compte de rapports qu’il a reçus d’organisations non gouvernementales nationales et internationales qui ont été mis à la disposition de l’État partie. Le rapport initial est conforme aux directives concernant les rapports initiaux. L’État partie ayant indiqué avoir procédé à de larges consultations avec la société civile, le Comité souhaiterait avoir des précisions sur les modalités de ces consultations. Il apprécie que le Kenya ait souligné ses faiblesses ou les problèmes non résolus mais déplore que le rapport ne contienne pas de statistiques, alors que ces données lui sont nécessaires pour évaluer les situations. En outre, les annexes citées dans le rapport ne lui ont pas été communiquées. Enfin, l’État partie n’a pas élaboré le document de base qui aurait fourni au Comité des informations de fond sur la situation dans le pays. D’une manière générale, le rapport souffre d’un manque de renseignements précis et de données statistiques sur un grand nombre de questions importantes, outre qu’il a été élaboré en 2007, si bien que de nombreuses lois adoptées depuis n’y figurent pas.

12.La question de la définition de la torture est traitée aux paragraphes 19, 23 à 25 et 31 et 32 du rapport (CAT/C/KEN/1). Aux termes du paragraphe 23, «le Kenya est un État dualiste dans lequel l’incorporation des instruments internationaux dans le droit interne nécessite la promulgation de lois par le Parlement». En conséquence, les instruments internationaux ne sont pas considérés comme faisant partie de la législation et ne peuvent pas être directement appliqués par les tribunaux ou les autorités administratives, à moins d’être expressément incorporés dans le droit interne. Néanmoins, il est indiqué au paragraphe 19 que les tribunaux veillent à interpréter les lois de manière qu’il n’y ait pas de conflit entre ces dernières et les instruments auxquels le Kenya est partie. Il est également reconnu au paragraphe 25 que quoiqu’elle interdise la torture, la Constitution en donne une définition dont la portée est bien moindre que celle de la définition énoncée à l’article premier de la Convention. En outre, ni le Code pénal ni le Code de procédure pénale ne comportent de dispositions définissant expressément le crime de torture. Or le meilleur argument en faveur de l’incorporation de la définition de la torture énoncée à l’article premier de la Convention et de l’érection de tous les actes de torture en infractions pénales est donné par la Constitution kényane, dont l’article 77‑8 dispose que nul ne peut être condamné pour une infraction pénale si celle-ci n’est pas définie et si la peine qu’elle emporte n’est pas prévue dans un texte de loi. Cela signifie que la Constitution interdit d’inculper des personnes d’infractions qui ne sont pas définies par la loi. Il est précisé au paragraphe 27 que «les différents actes constitutifs de torture au sens de la Convention entrent dans le champ d’application de diverses lois. C’est notamment le cas des coups et blessures, du viol, de l’attentat à la pudeur et du meurtre, lorsqu’ils sont commis en présence d’un agent de la fonction publique ou perpétrés par un agent de la fonction publique dans l’exercice de ses fonctions». Des éléments importants de la définition de la torture ne sont donc pas couverts par ces lois, ce qui pose un sérieux problème. Le Comité voudrait savoir ce qui est prévu pour incorporer la Convention dans le droit interne et quelles mesures doivent être prises à cette fin. Il appelle en effet régulièrement l’attention sur les failles que crée l’absence de définition claire de la torture dans les législations nationales, car cette situation peut favoriser la commission d’actes de torture et l’impunité.

13.Au cours des dix années qui ont suivi la ratification de la Convention, le droit kényan a été profondément remanié, de sorte que les dispositions de cet instrument auraient pu y être intégrées à plusieurs occasions: une première fois lorsque le Parlement a promulgué la loi no 10 de 1997, qui a introduit l’article 14A de la loi sur la police et l’article 20 de la loi sur les pouvoirs des chefs traditionnels, en vue d’incriminer et d’interdire les actes de torture commis par des policiers et des chefs traditionnels: bien qu’expressément interdits, ces actes n’ont pas été définis; une deuxième fois lors de l’adoption de la loi de 2001 sur l’enfance, dont l’article 18 interdit la torture, sans définir ce qui la constitue; une troisième fois lors de l’adoption de la loi de 2003 portant modification de la loi pénale en vertu de laquelle seuls les aveux faits devant un magistrat en audience publique peuvent être admis comme éléments de preuve; et une quatrième fois à l’occasion de la promulgation de la loi de 2007 portant diverses modifications du droit kényan. Il est donc permis de s’interroger sur le degré de priorité que l’État partie accorde à l’incorporation de la Convention dans son droit interne.

14.Une conséquence de ce qui précède est que les actes de torture mentale ou psychologique ne peuvent pas être punis en vertu du système pénal en vigueur ainsi qu’il est reconnu au paragraphe 62 du rapport. Compte tenu des effets destructeurs de la torture mentale, il faut rappeler que l’impunité pour ces actes est totalement inacceptable dans toute société et que ses conséquences à long terme au niveau psychologique et social sont très graves. Pour apporter des réponses juridiques et morales à la torture, il faut une définition qui prenne en compte tous les éléments constitutifs de la torture, de façon à pouvoir définir la responsabilité encourue pour ces actes et à permettre aux victimes de porter plainte et de demander réparation. Il est indiqué au paragraphe 26 du rapport que lorsque des allégations de torture sont formulées, le Gouvernement applique des sanctions et des mesures disciplinaires internes à l’égard des contrevenants et, dans certains cas, engage des poursuites pénales à leur encontre. La Rapporteuse souhaiterait avoir des précisions sur les mesures en question, le nombre d’affaires et le nombre de personnes reconnues coupables, et savoir si les résultats des sanctions et mesures disciplinaires prises sur le plan interne sont communiqués ou rendus publics. Elle voudrait également avoir des détails sur les indemnisations accordées par le Gouvernement aux victimes qui engagent une action en réparation, en particulier sur la procédure, le nombre d’indemnisations accordées et le nombre de personnes ayant bénéficié de programmes de réadaptation.

15.L’article 2 de la Convention, qui fait obligation à l’État partie d’empêcher que des actes de torture soient commis, est extrêmement important pour les travaux du Comité et la délégation sait probablement que celui-ci a adopté en novembre 2007 une observation générale sur l’application de cet article, qui traite des mesures à prendre à différents niveaux en matière de prévention de la torture. La Rapporteuse saisit cette occasion pour souligner l’importance que le Comité attache à la constatation des traces de torture et notamment aux examens médicaux, et tient en particulier à rendre hommage au travail accompli par le Service médico-légal indépendant (IMLU) qui mène ses activités conformément aux dispositions du Protocole d’Istanbul.

16.En ce qui concerne les mesures législatives, administratives et judiciaires efficaces à prendre pour prévenir les actes de torture, Mme Sveaass souhaite savoir quelles sont les dispositions en vigueur dans l’État partie pour éviter que des violations assimilables à des actes de torture ne se produisent. En particulier, pour ce qui a trait aux droits et aux garanties applicables aux personnes privées de liberté, elle demande quelle est la durée de la détention provisoire et quel est le délai moyen qui s’écoule avant que les intéressés soient déférés à la justice, quand et comment ils sont informés de leurs droits, notamment de leur droit à un avocat, à un médecin indépendant, comment les familles sont prévenues, etc., et s’il existe des possibilités de se plaindre lorsque ces droits ne sont pas respectés.

17.Le Comité a reçu des informations faisant état d’arrestations arbitraires, en particulier lors des troubles survenus tout récemment dans l’État partie. Il souhaite savoir s’il existe des mécanismes permettant de mettre un terme aux arrestations arbitraires et illégales. Les arrestations, en particulier celles effectuées dans le cadre de manifestations de masse, sont propices au recours excessif à la force. Il serait utile d’avoir des précisions non seulement sur les mesures législatives en vigueur, mais aussi sur la mise en œuvre concrète de mesures permettant d’empêcher les actes de torture commis dans le cadre des activités policières, de mener des enquêtes et de punir les auteurs de ces actes; il serait utile d’apprendre quelles règles régissent le comportement des policiers, le cadre dans lequel ils opèrent et les sanctions qu’ils encourent en cas de non-respect du règlement. En effet, l’État partie a évoqué le problème de la formation des policiers et celui du transfert de la responsabilité des arrestations, mais le Comité est très préoccupé par les violences signalées lors des opérations menées à Mount Elgon et à Matari, où la police et l’armée ont agi de concert. Un rapport du Bureau de la coordination des affaires humanitaires daté du 6 novembre 2008 faisait état de la gravité de la situation dans le district de Mandera où un grand nombre de personnes ont été déplacées et où les troubles persistent. Il semble que les opérations de sécurité en cours aggravent les problèmes au lieu de les résoudre, et il y aurait eu des violations graves des droits de l’homme, notamment des incarcérations abusives, des actes de torture, des violences sexistes et des pillages. Alors que ces violences ont provoqué des morts dans le district, les missions d’enquête dépêchées pour établir les faits se sont heurtées à des résistances. Un ancien député du district a été arrêté et la manifestation organisée à Nairobi pour demander sa libération a été réprimée par la police qui a tiré en l’air et utilisé des gaz lacrymogènes. Le député a été remis en liberté au bout de deux ou trois jours. Il semble que toute la lumière n’ait pas encore été faite sur ces événements. La délégation pourra peut-être indiquer s’il est prévu de confier une enquête à la Commission nationale des droits de l’homme, auquel cas il faudrait savoir quel usage le Gouvernement fera des conclusions de celle‑ci. De son côté, la commission chargée d’enquêter sur les violences survenues après les élections a rendu ses conclusions en octobre 2008. Il serait intéressant de savoir quelle suite va y être donnée. Mme Sveaass note par ailleurs avec satisfaction qu’un important travail de fond est mené au Kenya par les défenseurs des droits de l’homme. Toutefois, d’après des sources non gouvernementales, ceux-ci seraient confrontés à de nombreuses difficultés. Des précisions sur ce sujet seraient utiles.

18.D’importantes propositions législatives ont été faites dans le sens d’une meilleure protection des droits des femmes et des enfants, ce qui est encourageant. La disposition établissant l’âge de la responsabilité pénale à 8 ans reste néanmoins en vigueur, ce qui va à l’encontre de la définition de l’enfant énoncée dans la loi sur l’enfance, selon laquelle un enfant s’entend de toute personne âgée de moins de 18 ans. La délégation voudra peut-être commenter ce point, et aussi indiquer ce qu’il est advenu du projet de constitution dont un grand nombre de dispositions étaient consacrées aux droits de l’enfant et à leur protection, projet qui semble avoir été abandonné. La délégation a indiqué que des lois avaient été adoptées pour interdire certaines pratiques traditionnelles préjudiciables telles que les mutilations génitales et les mariages précoces. Des précisions concernant la manière dont ces textes sont appliqués et leur impact sur l’incidence de ces pratiques seraient utiles, car la lutte contre la violence faite aux enfants est une priorité.

19.Au Kenya comme dans de nombreux autres pays, la violence contre les femmes est un problème persistant au sein de la famille et de la communauté ainsi que dans les lieux de privation de liberté. Les victimes ne parviennent que très difficilement à dénoncer les mauvais traitements qui leur sont infligés et bien souvent, leurs plaintes sont classées sans suite. La délégation a indiqué que des mesures avaient été prises pour permettre une prise en charge appropriée des femmes victimes de violence, en particulier de violences sexuelles. Il importe que les efforts de l’État partie s’orientent également sur l’instauration d’un mécanisme efficace de plaintes, la conduite d’enquêtes, la poursuite des coupables, leur condamnation et l’indemnisation des victimes. La mise en place de structures d’accueil adaptées est également essentielle. Toute information complémentaire que la délégation pourra fournir sur les moyens mis en œuvre dans ce sens sera bienvenue.

20.L’article 83 de la Constitution du Kenya dispose que l’interdiction de la torture n’est pas susceptible de dérogation, même en temps de guerre. Pourtant, un grand nombre de civils ont été soumis à la torture par des membres des forces de sécurité pendant la période troublée qui a suivi les élections. Des explications seraient souhaitables. Par ailleurs, au paragraphe 52 de son rapport, l’État partie indique qu’un ordre donné par un supérieur ou un représentant de l’autorité publique ne peut pas être invoqué pour justifier des actes constitutifs de torture, ce qui est conforme à l’article 2 de la Convention. La loi sur la police dispose que tout fonctionnaire de police doit exécuter promptement tout ordre légal reçu de ses supérieurs dans l’exercice de ses fonctions et punit l’exécution d’un ordre illégal d’une peine d’emprisonnement de trois mois ou d’une amende de 5 000 shillings, ou des deux à la fois (art. 15 et 63 de ladite loi). Étant donné l’absence de définition de la torture dans la législation kényane, il faudrait savoir comment est qualifié l’ordre de commettre un acte de torture au regard de ces dispositions.

21.La loi sur les réfugiés adoptée en 2006, qui n’est pas encore entrée en vigueur, prévoit que nul ne peut être bloqué à l’entrée du territoire, ou renvoyé du Kenya vers un autre pays où il risque d’être persécuté en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à une catégorie sociale particulière ou de ses opinions politiques, mais le risque de torture ne figure pas parmi les motifs qui empêchent l’expulsion. On peut donc s’interroger sur la compatibilité de cette disposition avec l’article 3 de la Convention. Des précisions sur le cadre juridique régissant les procédures d’expulsion, d’extradition et autres formes d’éloignement du territoire seraient utiles, de même que sur la manière dont l’évaluation des risques est effectuée et par qui. L’État partie indique dans son rapport que les décisions administratives sont susceptibles de recours, ce qui est essentiel au regard de la Convention. Il serait intéressant de savoir si des enquêtes ont déjà été menées par suite de décisions d’expulsion prises en violation de l’article 3 de la Convention et, dans l’affirmative, si les victimes ont obtenu une quelconque réparation.

22.L’article 21 1) de la loi sur les réfugiés permet au Ministre de l’immigration d’expulser un réfugié pour des raisons de sécurité nationale, ce qui pourrait être interprété comme une exception au principe de non-refoulement. Il serait utile d’entendre la délégation à ce sujet, en particulier eu égard au projet de loi de 2003 sur la répression du terrorisme, qui prévoit que le Kenya peut extrader un individu soupçonné d’activités terroristes vers un autre pays lorsque ces activités constituent des infractions couvertes par une convention de lutte contre le terrorisme à laquelle le Kenya est partie et si un traité d’extradition a été conclu entre le Kenya et le pays requérant. Il faudrait savoir avec quels pays le Kenya a conclu des traités d’extradition et comment le risque de torture est pris en compte dans les extraditions effectuées en application de ces traités. L’État partie ne doit pas oublier que la lutte contre le terrorisme doit être menée d’une manière qui respecte l’interdiction absolue de la torture, laquelle englobe le principe de non‑refoulement. Or, le Comité a reçu des informations selon lesquelles des ressortissants kényans et étrangers auraient à plusieurs reprises été transférés dans des pays où ils couraient pourtant un risque prévisible d’être soumis à la torture. En janvier 2007, huit Kényans soupçonnés d’être des terroristes auraient été arrêtés à Kiunga et envoyés en Éthiopie où ils seraient restés en détention pendant plusieurs mois. Mme Sveaass souhaiterait obtenir des précisions sur les suites données à cette affaire.

23.À propos de l’absence de définition de la torture dans le droit interne kényan, il est indiqué dans le rapport (par. 62 et 63) que le Comité chargé de coordonner son élaboration a formulé des recommandations tendant à incorporer dans le droit interne une définition de la torture conforme à celle énoncée dans la Convention, et que la Commission de la réforme du droit a été saisie de la question. Il serait intéressant de connaître l’état d’avancement des travaux de ladite Commission à ce sujet.

24.Aux termes de l’article 4 de la Convention, tous les actes de torture doivent être passibles de peines proportionnées à leur gravité. Or en vertu de certaines lois kényanes, par exemple la loi sur l’enfance et la loi sur la police, qui répriment des actes constitutifs de torture, même s’ils ne sont pas définis comme tels, ces actes sont seulement passibles de peines d’emprisonnement d’un à douze mois ou d’amendes d’un montant de 5 à 500 euros. Il sera intéressant d’apprendre de la délégation quelles mesures peuvent être envisagées pour faire en sorte que les actes de torture soient sanctionnés avec la sévérité que requiert leur gravité.

25.L’État partie indique dans son rapport (par. 65) que la torture n’étant pas définie comme une infraction dans la législation pénale, elle ne peut pas donner lieu à extradition. Le fait que la définition de la torture énoncée dans la Convention ne soit pas incorporée dans l’ordre juridique interne empêche donc l’État partie de s’acquitter pleinement de ses obligations au regard de l’article 5 de la Convention. Le Kenya a ratifié le Statut de Rome de la Cour pénale internationale et il serait utile de savoir quelles mesures ont été prises pour donner effet à ses dispositions dans le droit interne.

26.L’absence de définition de la torture entrave aussi l’application des articles 6 à 9 de la Convention. Concernant l’article 6, il est dit dans le rapport (par. 69) que lorsque l’auteur présumé d’une infraction donnant lieu à extradition se trouve sur le territoire de l’État partie, l’intéressé est arrêté et retenu en garde à vue pendant que l’enquête suit son cours. Mme Sveaass demande des précisions concernant la procédure suivie dans ce type d’affaires. L’État partie indique dans son rapport que les personnes soupçonnées d’actes de torture, qu’il s’agisse de ressortissants ou de non-ressortissants, peuvent être poursuivies pour certaines infractions réprimées par le Code pénal (par. 71) mais que l’absence de définition de la torture dans la législation pénale ne permet pas de savoir avec certitude quelles ont été les décisions rendues par les tribunaux dans ce type d’affaire (par. 75), ce qui n’est pas compatible avec l’article 7 de la Convention. Enfin, l’État partie indique qu’il a coopéré avec le Tribunal pénal international pour le Rwanda aux fins de l’extradition de personnes accusées de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et d’actes de torture commis au Rwanda (rapport, par. 80). De plus amples informations sur les modalités de cette coopération seraient les bienvenues.

27.M. WANG Xuexian (Corapporteur pour le Kenya) salue les efforts déployés par l’État partie pour présenter un rapport clair, concis et conforme aux directives générales du Comité concernant la présentation et le contenu des rapports périodiques. Il a écouté avec un grand intérêt la déclaration liminaire de Mme Karua et la description des différentes initiatives prises par le Gouvernement kényan. Deux d’entre elles lui semblent particulièrement positives: l’élaboration d’une stratégie et d’un plan d’action de vaste portée sur les droits de l’homme et le lancement du programme de réforme des secteurs de la gouvernance, de la justice et de l’ordre public.

28.En 2003, les droits de l’homme et le droit humanitaire ont été ajoutés au programme de formation du personnel de la police et de l’administration pénitentiaire, ce qui est positif. Il faudrait savoir si le personnel militaire reçoit également une formation dans ces domaines, car conformément à l’article 10 de la Convention, tous les personnels, civils mais aussi militaires, susceptibles d’intervenir dans la garde, l’interrogatoire ou le traitement de personnes privées de liberté doivent recevoir une formation sur l’interdiction de la torture. Il serait également intéressant de savoir s’il existe à l’intention de ces personnels un code de conduite qui récapitule l’ensemble des prescriptions relatives à la garde, à l’interrogatoire et au traitement des personnes privées de liberté.

29.La réforme systématique des secteurs juridique et judiciaire en cours est une initiative bienvenue. Le rapport indique que le règlement des prisons a été révisé et que le texte définitif en a été établi, tandis que les règlements relevant de la loi sur la police et de la loi sur la police administrative sont encore en cours de rédaction. Des précisions concernant leur état d’avancement seraient utiles. Le surpeuplement des prisons est préoccupant. Le Comité a conscience que les défis à relever sont nombreux pour un pays en développement comme le Kenya et que le manque de ressources ajoute encore à la difficulté de la tâche. Mais pour prévenir efficacement la torture en détention, l’État partie doit tout mettre en œuvre pour se conformer à l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus.

30.Mme Karua a indiqué dans sa déclaration liminaire que les prisons faisaient désormais l’objet d’une surveillance indépendante. Pourtant, la Commission nationale des droits de l’homme, censée avoir librement accès à tous les lieux de détention, se heurte à des résistances de la part des autorités. La délégation pourra peut-être faire le point de la situation à cet égard. Des juges inspecteurs sont habilités à se rendre régulièrement dans les établissements pénitentiaires, mais il semblerait qu’ils ne le font que rarement − auquel cas il faudrait savoir pourquoi. Par ailleurs, quatre unités spéciales ont été créées au sein de la police pour enquêter sur un certain type d’infractions, mais ces unités ne disposent pas de leurs propres locaux et sont par conséquent amenées à détenir des suspects dans des lieux différents qui ne sont pas toujours connus. Dans ces conditions, les garanties fondamentales qui doivent être assurées à tout détenu, c’est-à-dire le droit de contacter des membres de sa famille, le droit de s’entretenir avec un avocat et le droit de demander à être examiné par un médecin de son choix, se trouvent compromises. M. Wang Xuexian apprécierait des précisions concernant le mandat de ces unités spéciales et les règles qui leur sont applicables, ainsi que sur les lieux de détention qu’elles utilisent.

31.L’article 12 de la Convention dispose qu’il doit être procédé immédiatement à une enquête impartiale chaque fois qu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’un acte de torture a été commis. Dans ces affaires, la diligence de l’enquête est essentielle car c’est la seule façon de protéger la victime contre de nouvelles persécutions et d’éviter la disparition de preuves. Il serait utile de savoir quelle est la procédure appliquée pour garantir que les enquêtes sont menées avec la diligence et l’impartialité voulues.

32.Le droit de porter plainte garanti à l’article 13 de la Convention est désormais mieux protégé car le formulaire P‑3 d’examen médical que les victimes de torture doivent présenter pour porter plainte est désormais disponible non seulement dans les postes de police mais également en ligne et dans les hôpitaux. D’après certaines informations, l’accès à ce formulaire serait payant, ce qui empêcherait les victimes les plus démunies de dénoncer les actes de torture perpétrés contre elles. La délégation confirme-t-elle ces informations? Il semblerait en outre que 80 % des plaintes pour torture adressées par des détenus à la juridiction compétente sont classées sans suite et que les policiers mis en cause dans ce genre d’affaires continuent d’exercer leurs fonctions pendant la durée de l’enquête au lieu d’être suspendus. M. Wang Xuexian souhaiterait entendre la délégation à ce sujet.

33.Dans un de ses rapports, la Commission nationale des droits de l’homme a fait état de plaintes selon lesquelles la police aurait été impliquée dans près de 500 exécutions extrajudiciaires entre juin et octobre 2007. Il serait intéressant de savoir quelles mesures le Gouvernement a l’intention de prendre pour vérifier ces allégations. De son côté, la commission chargée de faire la lumière sur les violences survenues après les élections a conclu dans son rapport d’enquête que 1 133 personnes avaient été tuées à l’occasion de ces événements, dont 405 par balle. Au cours de la même période, 29 femmes auraient été victimes de viols collectifs par des membres de la police à Kibera. M. Wang Xuexian demande si ces faits vont donner lieu à des enquêtes.

34.Le droit de porter plainte protégé par l’article 13 de la Convention inclut la garantie que la plainte soit dûment examinée par les autorités compétentes. Dans sa déclaration liminaire, Mme Karua a mentionné la création d’un conseil de surveillance de la police chargé d’enquêter sur les violations commises par des policiers. Des précisions concernant la composition de cet organe seraient les bienvenues. Il serait également intéressant de savoir où en est le processus de mise en place d’un bureau chargé de recevoir les plaintes de particuliers dirigées contre des institutions et des fonctionnaires de l’État. D’après certaines ONG, il serait fréquent que les rapports médicaux, y compris les formulaires P‑3, ne soient pas pris en considération par les juges. Est-ce exact? S’il existe une procédure spéciale pour le dépôt de plaintes concernant des actes de torture commis par des agents de l’État ou des recours en réparation spécifiques concernant de tels actes, le Comité apprécierait des précisions à leur sujet.

35.Au Kenya, toute personne ayant été soumise à la torture peut intenter une action civile en réparation que l’affaire ait ou non été jugée par une juridiction pénale, ce qui est une excellente chose. Mais ces recours judiciaires ne suffisent pas à garantir aux victimes le versement d’une indemnisation. En effet, même dans les cas où les victimes obtiennent gain de cause, le versement effectif de l’indemnisation convenue n’intervient parfois que des années plus tard. Il faudrait savoir quels facteurs, en dehors du manque de ressources de l’État, peuvent expliquer de tels dysfonctionnements. Il serait également intéressant d’apprendre si, en cas de décès de la victime de torture, ses ayants droit peuvent prétendre à une indemnisation.

36.Le Chief of Justice a publié une directive en vertu de laquelle les recours constitutionnels ou judiciaires doivent obligatoirement être traités par les juridictions compétentes de Nairobi. Il serait utile de savoir si les personnes vivant loin de la capitale peuvent faire valoir leurs requêtes par d’autres moyens − courrier électronique, représentation par un tiers, etc.

37.Concernant l’article 15 de la Convention, M. Wang Xuexian rappelle qu’en 2003, une modification avait été apportée à la législation kényane selon laquelle les dépositions faites par le suspect lors de l’interrogatoire de police ne pouvaient pas être utilisées comme élément de preuve lors du procès, sauf si ces déclarations avaient été faites en présence d’un magistrat. Or, en 2007, une nouvelle modification a été apportée aux dispositions pertinentes de la loi, en vertu de laquelle la police et les tribunaux sont désormais tous deux habilités à recueillir des déclarations susceptibles d’être invoquées au cours d’une procédure. La délégation est invitée à expliquer pourquoi les autorités kényanes sont revenues en arrière sur cette question et à donner des exemples d’affaires dans lesquelles les tribunaux ont considéré des déclarations comme irrecevables au motif qu’elles avaient été obtenues par la torture.

38.En ce qui concerne l’article 16 de la Convention, le Corapporteur a constaté à la lecture de rapports émanant d’ONG que, lorsque des troubles ou des conflits éclatent, les femmes sont les premières à être victimes de violences, en particulier de violences sexuelles. Il demande si ce phénomène s’explique par le fait que les auteurs sont assurés de jouir de l’impunité ou si cela est imputable à d’autres facteurs. Enfin, il serait important de savoir si les 3 741 personnes qui se trouvent dans les quartiers des condamnés à mort au Kenya sont au courant de l’existence du moratoire de fait sur les exécutions capitales.

39.M. GAYE note qu’après les troubles qui ont suivi les élections de décembre 2007, le pouvoir judiciaire a annoncé que les membres de la police qui s’étaient rendus coupables d’abus de pouvoir en fermant les yeux sur les actes de torture commis par des milices privées seraient jugés avec beaucoup de sévérité par les tribunaux. Or, ces déclarations risquent de rester lettre morte du fait de l’absence de définition de la torture dans le droit interne, puisque nul ne saurait être condamné à une peine si les actes qu’il a commis ne sont pas réprimés par le Code pénal.

40.Par ailleurs, la délégation est invitée à indiquer quelles mesures concrètes l’État partie a adoptées pour combattre efficacement la corruption au sein des organes chargés de l’application des lois, en précisant en particulier ce qu’il entend entreprendre pour renforcer l’indépendance de la justice, dont les services du procureur. La délégation est également invitée à commenter des allégations selon lesquelles le Président de la Commission nationale des droits de l’homme se verrait systématiquement refuser l’accès aux locaux de garde à vue. La délégation pourrait donner de plus amples détails sur l’accès des personnes appartenant aux couches les plus défavorisées de la population à l’aide juridictionnelle et commenter des informations selon lesquelles l’État partie ne respecterait pas le principe de non-refoulement tel que consacré à l’article 3 de la Convention à l’égard des réfugiés venant de Somalie.

41.M. GALLEGOS CHIRIBOGA, notant avec satisfaction qu’un conseil indépendant composé notamment de représentants de la société civile a été créé afin de renforcer l’efficacité des organismes publics chargés de traiter des plaintes déposées contre des membres de la police, voudrait savoir si le mandat de ces organismes pourrait être élargi de façon à couvrir également les actes commis par des acteurs non étatiques. Il souhaiterait en outre avoir une estimation du nombre d’auteurs de violations, en particulier de violences sexuelles contre les femmes, qui jouissent de l’impunité.

42.Mme BELMIR, relevant qu’un nombre considérable de personnes sont retenues en garde à vue et que le montant de la caution exigée d’elles et de leurs proches en échange de leur remise en liberté est exorbitant, se demande si la police ne se sert pas du placement en garde à vue pour soutirer de l’argent aux intéressés. Par ailleurs, elle s’inquiète de constater que l’âge de la responsabilité pénale est fixé à 8 ans dans l’État partie et qu’en conséquence, un enfant de cet âge peut théoriquement être condamné à mort. À propos de la situation des femmes, elle rappelle que la pratique des mutilations génitales féminines n’a aucun fondement religieux et espère que le Gouvernement kényan prendra des mesures afin de l’éradiquer. Elle signale en outre que plusieurs pays musulmans interdisent d’ores et déjà la polygamie ou envisagent de le faire au motif que celle-ci engendre des inégalités entre les femmes concernées et représente une atteinte à leur dignité.

43.Mme GAER, relevant avec satisfaction que les femmes sont fortement représentées au sein de la délégation kényane, note à la lecture du rapport (par. 104) que l’État partie a reconnu que la torture avait été une pratique systématique dans le passé. Or, d’après le rapport parallèle soumis au Comité par un groupe d’ONG, dans lequel des exemples postérieurs à la période couverte par le rapport sont cités, il semble que la torture continuerait d’être systématiquement pratiquée au Kenya. La délégation est invitée à commenter cette divergence de point de vue.

44.Se référant au rapport établi par le Rapporteur spécial sur la question de la torture à la suite de la visite qu’il a effectuée en 1999 au Kenya (E/CN.4/2000/9/Add.4), dans lequel 106 affaires de torture sont citées, Mme Gaer voudrait savoir si des enquêtes ont été ouvertes sur ces affaires, si les victimes ont été indemnisées et si, par ailleurs, une personne affirmant avoir subi des tortures à l’étranger pourrait demander réparation devant les juridictions pénales ou civiles de l’État partie.

45.Relevant avec satisfaction qu’une équipe spéciale a été créée au sein de la police afin d’enquêter sur les violences sexuelles commises par les membres des forces de sécurité pendant la période de troubles qui a suivi les élections de décembre 2007, Mme Gaer prie la délégation de décrire la composition de cette équipe, de préciser si les enquêtes qu’elle a ouvertes ont déjà abouti à des résultats et de communiquer des informations récentes sur ses activités, en particulier s’agissant des enquêtes éventuellement ouvertes sur les viols collectifs commis à Kisumu, Nairobi et Mombasa.

46.D’après le rapport parallèle des ONG, le taux d’occupation dans les prisons serait de 284 % et les mauvais traitements, la violence entre détenus et les violences sexuelles seraient largement répandus dans les lieux privatifs de liberté. Selon le rapport sur le Kenya publié en 2008 par le Département d’État des États-Unis d’Amérique, ces violences seraient le fait non seulement de détenus mais aussi de gardiens. Mme Gaer voudrait donc savoir si l’État partie a mis au point un mécanisme de surveillance de ces violences, si des enquêtes ont été ouvertes sur ces incidents et si des mesures ont été prises pour protéger d’éventuelles représailles les victimes qui ont porté plainte. Enfin, il serait intéressant de connaître la suite donnée aux affaires de torture pendantes devant les tribunaux qui sont citées à l’annexe V du rapport parallèle susmentionné. Si ces affaires ont été jugées, la délégation voudra bien indiquer quelle a été l’issue dans chaque cas, en précisant la nature des peines prononcées et en indiquant si les victimes ont obtenu réparation.

47.M. KOVALEV souhaiterait connaître le sort d’un terroriste présumé d’origine kényane, Mohammad Abdul Malik qui, selon diverses ONG, aurait été arrêté en février 2007, puis transféré à la base de Guantánamo avec l’assentiment du Gouvernement kényan. À ce jour, cet homme n’aurait pas eu le droit de recevoir de visites, pas même celle d’un avocat, et son statut ne serait pas clairement défini. Ses proches au Kenya auraient introduit une action en habeas corpus afin de demander un examen de la légalité de sa détention, mais leur requête aurait été rejetée par la Haute Cour au motif que les tribunaux kényans n’auraient pas compétence pour le juger du fait qu’il n’a pas la nationalité kényane, ce que ses proches contestent, preuves à l’appui. M. Kovalev souhaiterait des éclaircissements sur les fondements de la décision de la Haute Cour et demande si le Gouvernement entend prendre des mesures pour avoir accès à cette personne.

48.M. MARIÑO MENÉNDEZ voudrait savoir si la législation kényane dispose que les personnes indigentes − les victimes de la torture comme les suspects d’infractions − ont droit à une aide juridictionnelle et que les étrangers arrêtés par les forces de l’ordre doivent être informés de leur droit de demander l’assistance d’un représentant des autorités consulaires ou diplomatiques de l’État dont ils sont ressortissants. D’autre part, la délégation voudra bien indiquer si les personnes privées de liberté ont accès à un médecin de leur choix ou, du moins, à un médecin indépendant et s’il existe au Kenya des instituts de médecine légale indépendants de l’État.

49.Par ailleurs, M. Mariño Menéndez souhaiterait que la délégation précise s’il existe effectivement des procureurs de la police (police prosecutors) dans l’État partie et qu’elle décrive en détail la façon dont le parquet est structuré. Compte tenu de la diversité ethnique, religieuse et culturelle caractérisant le Kenya, il se demande si les femmes sont entendues par des tribunaux différents et jugées selon des droits différents selon qu’elles appartiennent à telle ou telle minorité ethnique ou religieuse. La délégation pourrait indiquer comment les compétences sont réparties entre les tribunaux civils et les tribunaux religieux, en particulier en matière de droit de la famille, et si la législation est unifiée afin que toutes les femmes vivant au Kenya puissent exercer les mêmes droits.

50.D’autre part, la délégation voudra bien indiquer si l’État partie prévoit d’adopter une loi afin d’incorporer dans l’ordre juridique interne le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, que le Kenya a ratifié. Notant que, d’après des informations communiquées par l’État partie, le subordonné qui obéit à un ordre illégitime de son supérieur commet une infraction, M. Mariño Menéndez prie la délégation d’indiquer ce que recouvre l’expression «ordre illégitime» et de commenter des allégations selon lesquelles les peines prévues pour sanctionner ce type d’infraction seraient trop clémentes.

51.La délégation est en outre invitée à préciser quel est l’âge minimal de la responsabilité pénale et si le Kenya envisage de ratifier la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui. Enfin, M. Mariño Menéndez note que l’État partie n’a pas encore incorporé la Convention dans son droit interne, ce qui compromet la bonne application de l’article 3. Selon certaines informations, les autorités kényanes auraient refusé de laisser entrer sur le territoire un groupe entier de réfugiés provenant de Somalie, ce qui constitue une violation du principe généralement reconnu de non-refoulement. La délégation est priée de formuler des observations à ce sujet.

52.Mme KLEOPAS relève avec préoccupation que les autorités n’enquêtent pas immédiatement sur les cas de torture. Elle rappelle que c’est une obligation en vertu de l’article 12 de la Convention et qu’il n’est pas nécessaire que la victime ait porté plainte: une simple dénonciation, par exemple de la part d’une ONG, suffit pour justifier l’ouverture d’une enquête. Or, les allégations solidement documentées ne manquent pas, notamment dans le rapport de la Commission nationale des droits de l’homme. La conduite d’enquêtes indépendantes est particulièrement importante dans le cas des violences imputées à la police. La Commission d’enquête sur les violences postélectorales (Commission Waki) a publié son rapport, mais rien n’a été dit sur les mesures prises pour y donner suite. De même, des précisions seraient bienvenues sur ce qui est fait pour combattre la violence contre les femmes. Enfin, il serait intéressant de savoir où en sont les projets de lois sur la violence familiale et sur la traite des personnes.

53.Le PRÉSIDENT se félicite que les suspects soient désormais entendus par des fonctionnaires de rang supérieur uniquement, mais se demande si l’État partie envisage d’instituer une surveillance des auditions, à titre de garantie supplémentaire. Le formulaire P‑3 relatif aux plaintes pour torture est très utile, mais il faudrait chercher des moyens, en consultation avec la société civile, de le simplifier et de le diffuser plus largement. Par ailleurs, le programme de formation des fonctionnaires et agents de la force publique, dont la délégation a dit qu’il était en cours de remaniement, devrait comprendre des études de cas concrets en plus des enseignements théoriques. Il faut rappeler à ce propos que les ONG et les instances académiques locales peuvent aussi jouer un rôle important dans la formation. En tout état de cause, un exemple concret de fonctionnaire traduit en justice sera plus efficace que n’importe quel cours pour décourager le recours à la torture. Il est donc essentiel de lutter sans relâche contre l’impunité.

54.La délégation n’a pas précisé si certains crimes étaient automatiquement punis de la peine de mort, sans qu’aucune circonstance atténuante ne puisse être prise en considération. Le fait que la Commission nationale des droits de l’homme puisse inspecter librement les lieux de détention est un point positif mais encore faut-il qu’elle ait les moyens de le faire, ce qui ne semble pas être le cas. Une autre mesure bienvenue est la création du Programme national d’aide juridique et de sensibilisation, qui pourrait être complété par la mise en place de juges de proximité, comme l’ont fait certains pays avec succès, ou de mécanismes de médiation, qui permettent en général de régler 90 % des litiges.

55.Le Comité aimerait savoir si des enquêtes ont été ouvertes sur le cas des Kényans qui auraient été livrés aux autorités éthiopiennes et de Mohammad Abdul Malik, qui d’après Human Rights Watch serait détenu à Guantánamo Bay après avoir été arrêté par les autorités kényanes en février 2007. Ce genre d’opération de remise de détenus est contraire au principe de non‑refoulement consacré à l’article 3 de la Convention.

56.Des ONG affirment que les victimes de torture doivent se rendre à Nairobi pour porter plainte, et que les détenus handicapés n’ont pas le droit d’utiliser leurs béquilles ou d’autres prothèses en prison. La délégation est invitée à commenter ces informations. Les organisations de la société civile affirment également, tout comme la Commission nationale des droits de l’homme, que les communautés les plus pauvres sont les plus exposées à la torture et aux mauvais traitements, en particulier dans les zones urbaines. Il serait intéressant de savoir si l’État partie a envisagé d’analyser ce phénomène en vue de prendre les mesures voulues. Certes, la lutte contre la pauvreté ne relève pas du mandat du Comité, mais ce facteur ne peut être ignoré dès lors qu’il a une incidence sur le risque de torture. Enfin, le Président se félicite de la fermeture de Nyayo House, ainsi que de la création du Conseil civil indépendant de surveillance de la police et du Comité permanent d’examen des plaintes, dont le Comité suivra avec attention les travaux.

57.Mme KARUA (Kenya) remercie le Comité de ses observations et dit que la délégation s’efforcera d’y répondre avec précision dans le délai imparti. Elle-même souhaite faire déjà quelques remarques générales.

58.La torture n’étant pas définie dans la Constitution ni dans la législation, il est difficile − mais pas impossible – de poursuivre les tortionnaires, car c’est aux juges de première instance qu’il appartient d’apprécier les actes constitutifs de torture, en particulier dans le cas de la torture psychologique, plus difficile à prouver. Les agents de l’État accusés de torture peuvent aussi être poursuivis pour diverses infractions prévues par le Code pénal, comme l’agression, les coups et blessures graves ou même le meurtre. Il est prévu de remédier à ces insuffisances dans la réforme constitutionnelle et législative qui est en cours. Il aurait certes été possible d’y pourvoir dans la loi portant diverses modifications du droit kényan, mais il faut savoir que l’adoption de celle-ci a été reportée plusieurs fois en raison de difficultés politiques avant d’être finalement adoptée en 2007. Les victimes de torture peuvent saisir les tribunaux civils, mais beaucoup ne le font pas, par ignorance ou faute de moyens. La mise en place d’un mécanisme de réparation pour les victimes de violences imputées à des agents de l’État sera examinée dans le cadre de la réforme judiciaire. La création d’un mécanisme de médiation, comme l’a suggéré le Président, est aussi sérieusement envisagée, en particulier pour remédier à l’accumulation d’affaires en souffrance. Les formulaires P-3 sont disponibles gratuitement dans les hôpitaux et en ligne, mais il est arrivé que des victimes de torture aient dû payer pour le faire remplir par le médecin ou au poste de police; il s’agit donc d’obliger les acteurs concernés à respecter leurs obligations, et des mesures seront prises dans ce sens. En revanche, il n’est pas exact que les victimes de torture soient obligées de se rendre à Nairobi pour porter plainte: cette exigence ne s’applique qu’aux demandes de réexamen judiciaire et a été décidée par le Chief of Justice pour remédier à la multiplication de ces demandes, souvent présentées simultanément à plusieurs endroits par une même personne.

59.Aucune sanction n’a été prise en relation avec les arrestations de Mohammad Abdul Malik et des Kényans envoyés en Éthiopie, car celles-ci s’inscrivaient dans le cadre d’un accord politique tacite avec les États-Unis. Des mesures ont également été prises au niveau interne, mais il est difficile d’en parler en raison de la dimension politique de ces affaires. En tout état de cause, le Kenya entend respecter à l’avenir les normes internationales et ses propres lois dans ses relations avec les autres pays.

60.La Commission kényane des droits de l’homme est un organisme indépendant investi d’un mandat officiel pour enquêter sur les violations des droits de l’homme et le Gouvernement ne peut pas s’ingérer dans ses travaux. Elle a officiellement accès à tous les lieux de détention, mais les établissements pénitentiaires, avec qui ses relations sont difficiles, sont réticents à lui ouvrir leurs portes et doivent encore prendre conscience qu’il ne s’agit pas d’un choix mais d’une obligation.

61.Outre le juge Waki, la Commission d’enquête sur les violences postélectorales était formée d’un ancien responsable de la police néo-zélandaise et d’un juriste de la République démocratique du Congo. Son rapport a été publié tout récemment, en octobre 2008, et n’a donc pas encore été examiné par le Conseil des ministres, mais le Gouvernement s’est d’ores et déjà engagé à mettre en œuvre les recommandations qui y sont formulées. L’une de ces recommandations est la création d’un tribunal indépendant pour juger les cas de violences survenues à la suite des élections, qui serait composé en partie de juges non kényans. À propos des allégations d’arrestations arbitraires survenues à l’occasion de ces violences, il faut préciser que des bandes de délinquants ont participé aux troubles, et qu’en tout état de cause, seule la police a compétence pour arrêter des civils, même si l’armée l’assiste dans ses opérations. Les plaintes pour violences sexuelles imputées à des policiers pendant ces événements sont actuellement examinées par le groupe de travail créé par le chef de la police, qui est un organe interne, mais elles devraient par la suite faire l’objet d’une enquête indépendante. Il convient de rappeler que si les mécanismes d’enquête de la police étaient jusqu’à présent strictement internes, la mise en place du Conseil civil indépendant de surveillance de la police va permettre d’exercer également un contrôle externe et indépendant.

62.Le Kenya est conscient que la pauvreté est la principale raison qui pousse des jeunes à se livrer à des activités criminelles au sein de bandes organisées. C’est pourquoi la création d’emplois est l’un des objectifs qui ont été fixés dans le cadre du point 4 du Dialogue national et de réconciliation engagé sous les auspices de Kofi Annan. Par ailleurs, un projet de loi sur l’incorporation du Statut de Rome dans le droit interne est actuellement examiné par le Parlement, de même qu’un projet de loi sur la traite des femmes. À propos de la réforme constitutionnelle, il faut rappeler que le référendum de 2005 s’était soldé par un échec, mais un projet de loi permettant de relancer le processus vient d’être adopté.

63.Le moratoire sur la peine de mort n’a pas été officiellement annoncé, mais il n’y a pas eu d’exécutions depuis 1987 et il est envisagé de modifier la Constitution de façon à interdire ce châtiment. En outre, plus de 280 condamnés à mort ont été libérés en 2003 et 195 autres ont vu leur peine commuée. Tout détenu peut voir un médecin de l’hôpital public. S’il veut voir un praticien de son choix, il doit en faire la demande au tribunal et assumer les frais. Les «procureurs de la police» (police prosecutors) dépendent du Procureur général, tout comme les «procureurs des tribunaux» (State law officers), mais ces derniers ne s’occupent que des infractions les plus graves.

64.M. Mariño Menéndez a demandé si les femmes de certaines communautés, notamment les musulmanes, n’étaient pas en position d’inégalité devant la loi, en particulier dans le cas des affaires familiales. Il faut rappeler à ce propos que la Constitution reconnaît la compétence des tribunaux de droit coutumier ou islamique pour connaître des questions à caractère personnel comme le mariage, le divorce et la succession. Mais elle garantit aussi que la législation nationale s’applique à tous sur un pied d’égalité. Par conséquent, toute décision rendue par un de ces tribunaux peut être contestée devant les juridictions civiles, qui peuvent conclure à la primauté des lois nationales.

65.Le Kenya a toujours été une terre d’asile, comme en témoigne le grand nombre de réfugiés présents sur son sol. Ce n’est que récemment que le processus d’accueil a été ralenti en raison de contrôles jugés nécessaires pour des raisons de sécurité nationale, en particulier à la frontière somalienne.

66.Le Gouvernement entretient un dialogue continu avec les ONG. Celles-ci participent notamment au programme relatif à la gouvernance, à la justice et au droit déjà évoqué, et sont invitées à donner leur avis sur toutes sortes de questions de procédure, y compris l’utilisation du formulaire P-3. Enfin, d’une façon générale, le Kenya dispose désormais d’une législation complète, mais il a encore des difficultés à l’appliquer. Il ne faut pas oublier que, pendant des décennies, rien n’a été fait pour empêcher la torture, qui est presque devenue une pratique normale. Une réforme de toutes les institutions a été engagée, mais c’est une entreprise de longue haleine, même si tout est mis en œuvre pour l’accélérer.

67.Le PRÉSIDENT remercie la délégation et l’invite à poursuivre le dialogue à une séance ultérieure.

68. La délégation kényane se retire.

La séance est levée à 13 h 2.

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