NATIONS UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.

GÉNÉRALE

CAT/C/SR.598

24 mai 2004

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Trente‑deuxième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 598e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genèvele jeudi 6 mai 2004, à 10 heures

Président: M. MARIÑO MENÉNDEZ

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Troisième rapport périodique de la Croatie

La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 7 de l’ordre du jour) (suite)

Troisième rapport périodique de la Croatie (CAT/C/54/Add.3; HRI/CORE/1/Add.32/Rev.1; CAT/C/32/L/HRV/Rev.1)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation croate, composée de MM. Damjanović, Veić, de M mes  Štimac, Kuzmanić Oluić, Bečić, et de M. Sočanac, prend place à la table du Comité.

2.Le PRÉSIDENT souhaite la bienvenue à la délégation croate et l’invite à présenter son rapport.

3.M. DAMJANOVIĆ (Croatie) souligne que son pays présente au Comité son rapport périodique dans un contexte nouveau, puisqu’il est désormais sur la voie de l’adhésion à l’Union européenne, celle‑ci ayant estimé que la Croatie était désormais dotée d’institutions stables et démocratiques garantissant l’état de droit et le respect des droits fondamentaux. Au demeurant, le Gouvernement croate est très conscient qu’en favorisant la coopération régionale, le respect des droits des minorités, le retour des réfugiés et la restitution de leurs biens, la réforme du système judiciaire et la coopération avec le Tribunal pénal international pour l’ex‑Yougoslavie, il renforcera la position de la Croatie sur la scène internationale.

4.La Croatie est un partenaire actif de la coopération et de la stabilité régionales et internationales et elle occupe une place importante au sein de la Communauté d’États indépendants, de l’Accord de libre‑échange de l’Europe centrale et du Processus de coopération d’Europe du Sud‑Est notamment. Forte de son expérience, la Croatie souhaite favoriser un processus tendant à ce que les normes européennes soient respectées et incorporées dans les législations de tous les pays voisins. À l’échelle internationale, la Croatie souhaite aussi être un partenaire fiable dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée, et elle est convaincue que le meilleur moyen de prévenir les phénomènes est l’instauration d’une bonne gouvernance et de l’état de droit, ainsi que d’un dialogue interculturel et interreligieux. Quoiqu’il n’ait été confronté à aucun acte de terrorisme depuis 1995, le Gouvernement a conscience qu’aucun pays ne peut faire cavalier seul en ces matières, et il a pris diverses mesures de protection. C’est ainsi que le Bureau Interpol de Zagreb échange en permanence des informations avec les autres pays, que plus d’une vingtaine d’accords bilatéraux sur la coopération dans la lutte contre le terrorisme ont été conclus et qu’un groupe interorganisations a été créé pour veiller à l’application de la résolution 1373 du Conseil de sécurité. La Croatie a entrepris de revoir sa législation nationale afin de l’harmoniser avec les normes internationales et en particulier avec la décision‑cadre relative à la lutte contre le terrorisme ainsi qu’avec la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme. À ce jour, la Croatie a ratifié huit conventions et protocoles des Nations Unies concernant la répression du terrorisme.

5.La Croatie a été l’un des premiers pays à ratifier la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale, les Protocoles additionnels visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, et le Protocole additionnel contre le trafic illicite des migrants; quant au Protocole contre la fabrication et le trafic illicites des armes à feu, il est en cours de ratification. En conséquence, la loi pénale comporte désormais de nouvelles définitions de la criminalité organisée et de la traite des êtres humains. À la fin de 2003, une Commission de surveillance du programme de lutte contre la criminalité organisée, composée de membres de différents ministères et services de l’État, a été mise en place. À son initiative, un groupe de travail a été chargé d’élaborer une stratégie nationale de lutte contre la criminalité organisée, alignée sur le plan d’action en la matière mis au point et préconisé par la Commission européenne. Enfin, la loi sur la protection des témoins est entrée en vigueur le 1er janvier 2004; elle assure une protection efficace aux personnes qui aident la police et la justice à lutter contre la criminalité organisée. On notera aussi à cet égard que la Croatie a signé et est en train de ratifier la Convention européenne pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel et ses protocoles, ainsi que le Protocole additionnel se rapportant à la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale.

6.Le Gouvernement croate attache beaucoup d’importance à ses relations avec les pays voisins et s’emploie activement à trouver des solutions aux questions restées en suspens afin d’assurer la stabilité et la prospérité de la région. En ce qui concerne la Bosnie‑Herzégovine, il continue d’œuvrer à l’instauration de bonnes relations entre pays voisins dans le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriales de la Bosnie‑Herzégovine et du principe d’un seul État constitué d’une communauté de trois nations. La Croatie continuera aussi d’apporter son soutien aux Croates en Bosnie‑Herzégovine, conformément à la Constitution. Quant au maintien de bonnes relations avec la Serbie‑et‑Monténégro, il constitue une question capitale non seulement pour la Croatie mais pour l’ensemble de la communauté internationale. Il s’agit d’un puissant facteur de stabilité dans la région, et le Gouvernement croate est tout acquis au dialogue et s’efforce d’assurer de meilleures conditions de vie aux réfugiés serbes; il a d’ailleurs décidé de proroger la suspension du régime des visas avec la Serbie‑et‑Monténégro. Enfin, le Gouvernement croate applaudit à l’adhésion de la Slovénie à l’Union européenne et est disposé à régler tous les différends qui subsistent avec ce pays traditionnellement ami. Mais c’est la crise du Kosovo qui préoccupe le plus la Croatie, qui souhaiterait voir s’instaurer un dialogue plus suivi entre la Serbie‑et‑Monténégro et le Kosovo.

7.Les autorités croates sont résolues à régler dans les meilleurs délais la question du retour des réfugiés et de la restitution de leurs biens. Cette question a cessé d’être un problème politique et dépend désormais essentiellement de la situation économique dans les régions considérées. Conscient de la gravité des problèmes de droits de l’homme qui se posent à cet égard, le Gouvernement a pris des mesures exceptionnelles pour régler ce contentieux. Le retour inconditionnel de tous, quelle que soit leur appartenance ethnique, est le principe fondamental qui guide le Gouvernement croate, lequel a à maintes reprises invité tous les réfugiés à rentrer chez eux en les assurant du plein respect et du rétablissement de tous leurs droits. Quant aux minorités nationales, le Gouvernement les considère comme un atout pour le pays et s’efforce de répondre de manière satisfaisante à leurs besoins particuliers tant sur le plan de la législation que dans la pratique. Résolue à renforcer la protection des droits des personnes appartenant à des minorités ethniques, religieuses et linguistiques, la Croatie a promulgué une loi constitutionnelle sur les droits des minorités nationales, qui offre un cadre législatif pour la reconnaissance des droits spécifiques des minorités, renforce la protection des personnes appartenant à ces groupes ainsi que leur représentation et leur participation aux prises de décision tant à l’échelon national qu’à l’échelon local. Deux autres lois concernant l’emploi des langues des minorités dans l’administration et dans l’enseignement ont aussi été adoptées.

8.Consciente de la nécessité d’harmoniser sa législation interne avec les conventions internationales pertinentes récemment ratifiées, la Croatie a adopté des amendements au Code pénal, qui devraient entrer en vigueur le 1er juillet 2004. Elle a en outre signé le Protocole se rapportant à la Convention contre la torture en septembre 2003, et la procédure de ratification est en cours. La réforme du système judiciaire se poursuit afin que tous aient promptement accès à une justice efficace. C’est ainsi que, récemment, le Parlement croate a adopté des amendements à la loi sur l’organisation judiciaire autorisant une redistribution des affaires de façon à soulager les tribunaux les plus encombrés. Le budget de l’État pour 2004 prévoit la nomination d’une centaine de juges et conseillers judiciaires. En vertu de la loi d’amnistie de 2003, les tribunaux et les bureaux des procureurs ont été déchargés de toutes les affaires concernant l’amnistie, qui ont été renvoyées au Ministère de la justice. La réforme judiciaire prévoit aussi d’assurer la formation professionnelle des juges, et une école de la magistrature a récemment été créée.

9.La Croatie, qui a été l’un des premiers pays à proposer la création d’un tribunal pénal international pour l’ex‑Yougoslavie, a adopté une loi constitutionnelle de coopération qui lui permet de livrer des citoyens croates au TPIY, et instauré un office de coopération relevant du Ministère de la justice. Le Parlement a quant à lui adopté une déclaration proclamant que la Croatie est résolue à participer activement à l’instruction de tous les crimes de guerre, quelle que soit l’appartenance nationale ou ethnique des intéressés. Le Gouvernement coopère pleinement avec le Tribunal en tant qu’unique instance habilitée à connaître des crimes de guerre dans la région: en déférant volontairement au TPIY des personnes mises en accusation, mais aussi en offrant de saisir la justice croate de certaines affaires, le Gouvernement a montré qu’il tenait à respecter ses engagements.

10.De même, la Croatie a été le premier pays de l’Europe du Sud‑Est à ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Elle défend avec force l’intégrité et l’indépendance de la CPI et se propose de mettre sa législation nationale et en particulier le Code pénal en conformité avec le Statut de la Cour; eu égard au principe de complémentarité consacré par ledit Statut, il est prévu d’instituer de nouvelles infractions concernant les crimes contre l’humanité (art. 7 du Statut) et la responsabilité des supérieurs hiérarchiques (art. 28 du Statut).

11.Pour conclure, M. Damjanović tient à rappeler qu’en Croatie les droits de l’homme sont bien protégés par la Constitution et les traités internationaux. Les traités internationaux en vigueur font partie intégrante de l’ordre juridique interne et l’emportent sur la législation nationale. La Croatie a ratifié la plupart des instruments des Nations Unies et de l’Europe relatifs aux droits de l’homme et a accepté la plupart des procédures de recours instaurées par ces instruments, ce qui atteste sa détermination à protéger les droits de l’homme tant sur le plan interne qu’à l’échelle régionale et mondiale. Elle participe aussi activement à l’élaboration de nouvelles normes en matière de droits de l’homme et défend tout particulièrement l’universalité, l’indivisibilité et l’interdépendance de tous les droits de l’homme ainsi que le renforcement du dispositif de protection des droits de l’homme au sein du système des Nations Unies.

12.M. VEIĆ(Croatie), répondant à quelques‑unes des questions que le Comité a posées à la Croatie et qui figurent dans le document CAT/C/32/L/HRV/Rev.1, précise tout d’abord à propos du point 1 qu’outre les changements importants introduits par la loi portant modification de la loi pénale, la portée de l’article 174 du Code pénal, relatif à la discrimination raciale et aux autres formes de discrimination, a été élargie. C’est ainsi que le paragraphe 1 dudit article a étendu cette notion à la discrimination fondée sur la religion, la langue, les opinions politiques ou autres, l’origine, l’éducation, etc. Le paragraphe 3 du même article stipule que quiconque dénigre publiquement des personnes ou propage des idées sur la supériorité ou l’infériorité de ces personnes en raison de leur race, de leur religion, de leur sexe, de leur origine ethnique ou nationale, est passible d’une peine d’emprisonnement de trois mois à trois ans. L’article 274 du Code pénal, ainsi modifié, est désormais conforme aux exigences des conventions des Nations Unies pertinentes.

13.Se référant à la question 2 de la liste, M. Veić indique que la disposition pertinente figure à l’article 176 du Code pénal (Torture et autres traitements dégradants ou cruels), qui stipule expressément que l’ordre d’un supérieur hiérarchique ne saurait être invoqué pour justifier la torture. Cet article est donc en totale conformité avec l’article premier de la Convention. Un autre texte important est la loi sur les fonctionnaires et agents de l’État, qui, en son article 26, dispose que si un agent de l’État reçoit un ordre d’un supérieur qui lui paraît contraire à la déontologie ou à l’éthique, ou lui semble de nature à causer de graves préjudices, il doit, bien qu’il soit tenu d’obéir aux ordres, rédiger une note à l’intention de son supérieur pour lui faire savoir que l’ordre en question lui paraît aller à l’encontre de ses devoirs. Si cet ordre lui est réitéré par écrit, le fonctionnaire doit l’exécuter mais il n’en assumera pas la responsabilité et il ne pourra pas être inquiété en raison de la note qu’il aura rédigée. Si, en revanche, il a exécuté un ordre constituant une infraction pénale sans avoir auparavant rédigé une telle note, il sera considéré comme responsable au même titre que son supérieur. Par ailleurs, la loi sur la police stipule qu’un policier est tenu d’exécuter les ordres de sa hiérarchie mais en respectant les règles de déontologie. En vertu de l’article 22 de ladite loi, les fonctionnaires de police, quoique tenus d’exécuter les ordres de leurs supérieurs, ne doivent pas le faire si, ce faisant, ils commettaient une infraction pénale. Quant au Code de déontologie de la police, promulgué en septembre 2001, il dispose qu’un fonctionnaire de police ne doit pas obéir à des ordres illégaux.

14.En réponse à la question 3 de la liste, M. Veić précise que l’article 56 de la loi sur les étrangers, en vigueur depuis janvier 2004, prévoit l’expulsion des étrangers présents illégalement sur le territoire et refusant de le quitter. Les étrangers extradés en vertu d’accords internationaux ou devant quitter la Croatie pour des raisons de sécurité sont expulsés sans délai. Dans les autres cas, l’expulsion peut avoir lieu dès qu’un tribunal civil ou pénal compétent a rendu une décision finale en ce sens à titre de mesure de protection, ou lorsqu’une telle décision a été prise pour des raisons de sécurité au cours d’une procédure pénale, ou encore si le Ministre de l’intérieur a annulé un permis de séjour. La mesure d’éloignement du territoire pour des raisons de protection décidée par un tribunal peut être imposée pour une durée maximale de deux ans. Une mesure d’expulsion prise pour des raisons de sécurité et frappant un étranger dans le cadre d’une action pénale peut être imposée pour une période de 1 à 10 ans. Dans des cas exceptionnels, si l’infraction est passible d’une longue peine, l’expulsion peut être définitive. L’annulation du permis de séjour n’est pas une mesure administrative, mais peut le devenir si l’étranger ne quitte pas de lui-même le territoire dans le délai prescrit.

15.L’article 57 de la loi sur les étrangers prévoit des exceptions aux mesures d’expulsion si l’intéressé doit être renvoyé dans un pays où sa vie et sa liberté seraient en danger en raison de sa race, de sa religion ou de sa nationalité, de son appartenance sociale ou politique, ou s’il y risque la torture ou des traitements dégradants. Toutefois, cette interdiction d’expulser un étranger n’est pas applicable si celui-ci risque de compromettre l’ordre public ou la sécurité nationale. L’article 47 du décret relatif aux documents de voyage, aux visas et aux laissez-passer stipule que lorsqu’est demandée l’autorisation d’exécuter une ordonnance d’expulsion, cette demande doit contenir toutes les informations nécessaires pour que la décision soit prise en connaissance de cause, et notamment mentionner d’éventuels obstacles s’opposant à l’expulsion. Par ailleurs, en vertu d’une nouvelle disposition de l’article 63 de la loi sur les étrangers, une autorisation de séjour temporaire peut être accordée à un étranger ne pouvant être expulsé si celui-ci dispose d’un hébergement et de moyens de subsistance et s’il y a une garantie qu’il quittera en fin de compte le pays. Cette autorisation est accordée d’office ou à la demande de l’intéressé pour une durée de six mois prorogeable. Celui‑ci est alors tenu de résider à une adresse précise et ne bénéficie pas d’un statut juridique spécial. Il s’agit d’une forme subsidiaire de protection réservée aux étrangers visés par l’article 3 de la Convention, mais qui peut parfois être accordée pour d’autres raisons stipulées par la loi ou par un accord international.

16.M. VEIĆ (Croatie), répondant aux questions nos 5 et 6, indique que le représentant du HCR en Croatie est autorisé à informer les demandeurs d’asile de leurs droits et obligations et a accès à leur dossier. En outre, le Ministère de l’intérieur lui fournit, à sa demande, toutes les informations et statistiques pertinentes sur les demandeurs d’asile. Lorsqu’un ressortissant étranger ne peut pas être expulsé ou lorsque son identité ne peut pas être établie, il est placé dans un centre d’accueil pour étrangers, où sa liberté de mouvement est restreinte. Toutefois, si l’intéressé dépose une demande d’asile, des dispositions sont prises pour lui permettre de s’entretenir avec le représentant du HCR. À l’heure actuelle, et en attendant la mise en place d’un centre d’accueil spécial pour demandeurs d’asile, les demandeurs d’asile qui ne disposent pas d’un logement sont placés dans un centre d’accueil pour étrangers ou dans un centre provisoire pour demandeurs d’asile.

17.En réponse à la question no 7, M. Veić dit que, pendant la période 2001-2003, il n’y a eu ni condamnation ni poursuites au titre de l’article 176 du Code pénal, qui traite du crime de torture. En revanche, au cours de la même période, des poursuites ont été engagées dans huit affaires et cinq condamnations ont été prononcées au titre de l’article 126 du Code pénal, qui traite de l’extorsion d’aveux, alors que des poursuites ont été engagées dans 38 affaires et 45 condamnations ont été prononcées au titre de l’article 127 du Code pénal, qui traite des mauvais traitements commis dans l’exercice de fonctions publiques.

18.Mme ŠTIMAC (Croatie), répondant à la question no 4, dit que la Constitution garantit à chacun le droit de recours contre toute décision judiciaire ou administrative. En pratique, les décisions prises en première instance par un organe administratif peuvent généralement faire l’objet d’un recours et d’une décision en seconde instance par un organe relevant du ministère concerné. Par ailleurs, le Tribunal administratif peut être saisi d’une requête en examen de la légalité de la décision administrative. En vertu de la loi, certaines décisions administratives ne sont pas susceptibles de recours; de telles décisions peuvent toutefois être soumises au Tribunal administratif aux fins d’examen de leur légalité.

19.En réponse à la question no 8, Mme Štimac dit que, en vertu de la Loi constitutionnelle de 1991 sur la coopération avec le Tribunal international pour les crimes de guerre commis sur le territoire de l’ex‑Yougoslavie, un département a été créé au sein du Ministère de la justice pour répondre à l’ensemble des demandes formulées par le représentant du Procureur du Tribunal international. La Croatie coopère pleinement avec le Tribunal international, comme en atteste le transfert récent de deux généraux, dont les services du Procureur avaient demandé l’arrestation. À l’heure actuelle, une seule question est restée en suspens et concerne un général dont l’arrestation a été demandée et que les autorités croates continuent de rechercher activement.

20.Répondant à la question no 11, Mme Štimac précise que la loi d’amnistie générale est entrée en vigueur en 1996. Elle s’applique à toutes les infractions pénales qui ont été commises dans le cadre du conflit armé dont la Croatie a été le théâtre, d’août 1990 au 23 août 1996, date à laquelle a été conclu l’Accord portant normalisation des relations entre la République de Croatie et la République fédérative de Yougoslavie. Sont exclus du champ d’application de cette loi les atteintes les plus graves au droit humanitaire qui revêtent le caractère de crimes de guerre, le crime de génocide, les crimes de guerre et les actes de cruauté commis à l’encontre de blessés, de malades, de prisonniers de guerre ou de la population civile, le crime d’esclavage et les infractions pénales qui n’ont aucun lien avec le conflit. En outre, en vertu de cette loi, les personnes condamnées par contumace pour crimes de guerre peuvent demander à être rejugées en leur présence. Cette loi est pleinement conforme à la Convention, compte tenu du fait que les atteintes les plus graves au droit humanitaire sont exclues de son champ d’application.

21.M. VEIĆ (Croatie), en réponse à la question no 12, dit que l’article 46 de la Constitution dispose que tout citoyen a le droit d’adresser des pétitions et des doléances, de faire des propositions aux corps de l’État et autres organismes ayant un caractère public, et d’en obtenir réponse. Des dispositions similaires figurent dans la loi sur la police. En pratique, toute personne qui affirme avoir subi des mauvais traitements de la part de fonctionnaires de police peut déposer une plainte qui sera examinée par le Service de contrôle interne du Ministère de l’intérieur. En outre, elle peut demander réparation devant les juridictions civile et pénale.

22.Par ailleurs, tout détenu qui aurait eu à subir des mauvais traitements de la part du personnel pénitentiaire peut adresser une plainte aux institutions nationales de défense des droits de l’homme, au directeur de la prison, au juge de l’application des peines, au Médiateur ou au Procureur général. Si la plainte s’avère fondée, des mesures disciplinaires peuvent être prises et une action civile peut être engagée à l’encontre des fonctionnaires responsables.

23.Répondant à la question no 13, M. Veić dit que diverses dispositions législatives régissent la protection des témoins, parmi lesquelles l’article 238 du Code pénal, l’article 69 de la loi sur la police et la récente loi sur la protection des témoins.

24.En réponse à la question no 15, M. Veić dit que l’article 134 de la Constitution dispose que les accords internationaux conclus et ratifiés conformément à la Constitution, parmi lesquels la Convention, font, après leur publication, partie de l’ordre juridique interne de la République. À ce titre, la Convention fait partie intégrante de la formation de base des fonctionnaires de police. Ses dispositions sont expliquées en détail dans un manuel destiné aux policiers. Par ailleurs, la Convention, assortie de notes explicatives, a été publiée à l’intention du grand public.

25.M. DAMJANOVIĆ (Croatie), répondant à la question no 9, dit que la loi sur l’exécution des peines d’emprisonnement, qui est entrée en vigueur en juillet 2001, a pour objet de garantir un traitement humain et des possibilités de réinsertion aux détenus. La responsabilité de l’application des dispositions de cette loi incombe à l’administration pénitentiaire et au juge de l’application des peines. Pour améliorer les conditions carcérales et aider les détenus à se réinsérer dans la société à la fin de leur peine, l’administration pénitentiaire s’adjoint les services de spécialistes dans les domaines scientifique, juridique, psychologique et social. Les établissements pénitentiaires sont tenus de ne négliger aucun effort pour aider les détenus à développer leur sens de la responsabilité personnelle et pour les encourager à participer activement aux programmes mis en place en vue de leur réinsertion. Les détenus jouissent par ailleurs de l’ensemble des droits garantis par la Constitution et les lois en vigueur. Pendant leur détention, ils doivent bénéficier d’un espace minimum de 5 m2, de locaux suffisamment éclairés, et ceux d’entre eux qui sont handicapés bénéficient d’installations spécialement adaptées à leurs besoins.

26.En réponse à la question no 9, M. Damjanović énumère les différents droits que la loi sur l’exécution des peines d’emprisonnement garantit au détenu. Le droit à la confidentialité de son dossier personnel assure au détenu que les informations y figurant (par exemple les données à caractère personnel enregistrées lors de son admission, son dossier médical, le verdict du procès et la peine infligée, les observations des services de sécurité, le programme relatif à l’exécution de la peine et les modifications éventuelles apportées à ce programme) ne seront accessibles qu’au personnel dûment autorisé, au juge de l’application des peines et, à l’exception des observations faites par le personnel autorisé, au prisonnier lui‑même. Pour chaque détenu, le directeur de la prison établit un programme personnalisé détaillé − qui est revu tous les trois mois − concernant à la fois l’exécution de la peine et la réinsertion du prisonnier dans la société lorsqu’il sera libéré; le détenu est informé de toute modification apportée à ce programme. Si le détenu a un comportement conforme à ce qui est attendu de lui, s’il est discipliné et s’acquitte de toutes les obligations définies dans le programme, il peut se voir accorder certains privilèges, par exemple une plus grande liberté de circulation dans l’établissement ou encore plus de contacts avec le monde extérieur.

27.Les autorités pénitentiaires sont tenues d’assurer au détenu des repas réguliers et variés, tenant compte de son état de santé, du travail qu’il accomplit, de sa religion et de sa culture. En revanche, il est interdit de forcer un prisonnier à s’alimenter. Le droit au travail est garanti à chaque détenu. L’organisation du travail et les méthodes de travail au sein de l’établissement pénitentiaire doivent être les plus proches possible de celles existant à l’extérieur. Les détenus qui travaillent reçoivent un salaire, dont 30 % sont obligatoirement placés sur un livret d’épargne, le reste pouvant être utilisé librement. Le prisonnier peut être amené à travailler à l’extérieur de la prison mais, pour des raisons de sécurité, il doit donner son consentement par écrit. Son salaire est alors le même que s’il travaillait dans la prison. Les détenus qui n’ont pas de revenus, qui ont plus de 65 ans, qui sont dans l’incapacité de travailler ou qui ne peuvent pas travailler plus de trois mois, reçoivent une aide financière.

28.La loi garantit aussi au prisonnier le droit à l’éducation. Les établissements pénitentiaires dispensent gratuitement un enseignement de base et une formation professionnelle. Les prisonniers défavorisés qui suivent ces cours bénéficient d’une aide. Si un détenu veut suivre une formation supérieure, il doit le faire à ses frais. Il n’est possible de suivre une formation que si elle n’est pas incompatible avec les règles de sécurité.

29.La loi garantit enfin au détenu une aide judiciaire, le respect de ses droits, la possibilité de déposer, auprès du directeur de la prison, de l’administration pénitentiaire ou du juge de l’application des peines, une plainte concernant tout acte du personnel pénitentiaire à laquelle il doit être répondu dans un délai de 15 à 30 jours, le droit à la santé, ainsi que divers autres droits comme, par exemple, celui de pratiquer sa religion ou encore de voter aux élections générales.

30.M. RASMUSSEN (Rapporteur pour la Croatie) remercie la délégation croate de son rapport et de ses réponses approfondies. Il dit que c’est M. Yakovlev qui traitera de la partie du rapport concernant les articles 1 à 9 de la Convention et qu’il reprendra lui‑même ultérieurement la parole pour présenter ses observations sur les articles 10 à 16.

31.M. YAKOVLEV (Corapporteur pour la Croatie) salue le travail accompli par la délégation, qui atteste l’importance que l’État croate accorde au respect de la Convention. Il prend acte avec satisfaction de toutes les informations contenues dans le paragraphe 19 du rapport ainsi que du fait que les plaintes concernant le comportement individuel des agents de l’État peuvent être transmises directement au Procureur général et qu’il existe un droit à réparation pour les victimes. Il souhaite avoir davantage d’informations sur le Bureau de contrôle interne, sur son fonctionnement et sur les résultats de ses interventions. Il note, dans le même temps, l’existence d’une loi sur la police et d’un code de déontologie de la police qui témoignent des efforts de la Croatie pour assurer le respect de la Convention. Se référant au paragraphe 7 du rapport, il demande en quoi consiste exactement la définition élargie de l’expression juridique «personne légale» dans le nouveau Code pénal, et quels sont les droits qui en résultent. En ce qui concerne le paragraphe 21, il souhaite savoir si la nouvelle loi sur les forces de police garantit aux personnes arrêtées le droit de prendre contact avec un avocat, un médecin et un membre de leur famille. À propos des statistiques qui figurent au paragraphe 29, il juge très positif le simple fait que des données de ce type figurent dans un rapport, car elles permettent de voir concrètement comment les lois, qui sont toujours parfaites en théorie, sont appliquées dans la réalité. Il remarque toutefois que le recours à des moyens de contrainte a triplé entre 1997 et 2000, avec pour conséquence une forte augmentation du nombre de personnes blessées. Il voudrait savoir quelles sont les causes de cette évolution et s’il existe des statistiques plus récentes en la matière qui permettent de vérifier si cette tendance se poursuit. M. Yakolev se demande s’il existe un lien entre le recours accru aux moyens de contrainte et les mesures disciplinaires prises contre certains fonctionnaires mentionnés au paragraphe 36 et, plus précisément, si ces mesures ne sont pas prises en réponse à des violations. Le cas échéant, il souhaiterait savoir si une simple procédure disciplinaire est suffisante. S’agissant des étrangers qui font l’objet de condamnations (par. 44), les statistiques font état d’une très forte augmentation de leur nombre entre 1997 et 2000. M. Yakovlev demande quelles sont les causes de ce phénomène et s’il existe aussi des données chiffrées pour la période 2000-2004.

32.Notant que les informations transmises au Comité indiquent que, jusqu’à présent, la Croatie n’a jamais accordé le droit d’asile, M. Yakovlev aimerait savoir si tel est toujours le cas. Par ailleurs, il voudrait savoir s’il existe des statistiques sur les crimes de guerre et sur les mesures spéciales prises à l’encontre des Serbes dans le contexte du conflit.

33.M. RASMUSSEN (Rapporteur pour la Croatie) remercie la délégation de toutes les informations utiles qu’elle a fournies. Commentant ce que M. Yakovlev a dit à propos de l’article 3, il souligne qu’il est, lui aussi, extrêmement surpris que jamais personne n’ait obtenu le droit d’asile en Croatie. Sans être un spécialiste des questions d’asile, il croit savoir que, se fondant sur la Convention de Chicago relative à l’aviation civile, certains États refoulent quiconque arrive dans un aéroport international sans papiers d’identité valides. L’existence d’une telle disposition est pour le moins surprenante. Quelle est à cet égard l’attitude des autorités aéroportuaires croates lorsqu’une personne qui a dû fuir son pays pour échapper à la torture se présente à elles sans papiers ou avec de faux papiers et demande l’asile dans une langue qu’elles ne comprennent pas. Cette personne est‑elle simplement refoulée? D’autre part, la Croatie considère‑t‑elle la zone de transit de ses aéroports internationaux comme faisant partie de son territoire ou plutôt comme un secteur international qui n’est pas régi par la législation nationale? M. Rasmussen se félicite des amendements apportés à l’article 57 de la loi sur les étrangers stipulant qu’une personne ne peut être renvoyée dans son pays où elle risque d’être torturée, et demande si ces dispositions sont effectivement appliquées.

34.M. Rasmussen prend acte avec satisfaction de la collaboration de la Croatie avec le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR), encore que des améliorations restent nécessaires dans ce domaine puisque l’accès aux dossiers des réfugiés se heurte encore à des obstacles bureaucratiques. Il croit comprendre qu’il existe un centre de détention pour immigrants illégaux et un centre ouvert, géré par la Croix-Rouge. Selon certaines informations, des demandeurs d’asile sont détenus pendant des périodes excessivement longues dans le premier établissement avant d’être transférés dans le second. Par ailleurs, M. Rasmussen aimerait savoir si les demandeurs d’asile reçoivent des informations écrites dans leur langue sur la procédure à suivre. Il souhaite, d’autre part, que la délégation de l’État partie lui explique pourquoi il a fallu si longtemps (un an) pour que la nouvelle loi sur l’asile entre en vigueur, surtout que cette loi apporte certaines améliorations à l’ancien régime. Il voudrait à ce propos savoir quelle est la procédure exacte instituée par cette nouvelle loi en ce qui concerne les demandeurs d’asile placés dans le centre fermé.

35.Pour conclure sur ce sujet, M. Rasmussen souhaite que la Croatie permette au HCR d’accéder librement aux demandeurs d’asile afin qu’il puisse surveiller les procédures de demande s’asile et garantir que les droits des intéressés soient pleinement respectés.

36.S’agissant de l’article 10, il est beaucoup question, dans le rapport, des dispositions prises pour assurer aux policiers et aux militaires une formation aux dispositions de la Convention, mais qu’en est‑il des agents du Ministère de la justice? M. Rasmussen pense en effet qu’il est important de familiariser avec les obligations découlant de la Convention les gardiens de prison ainsi que les médecins employés par le système pénitentiaire. Ces derniers devraient en particulier apprendre à détecter d’éventuels cas de torture et à pouvoir établir les certificats médicaux nécessaires dans toute procédure à l’encontre de policiers. Se référant au paragraphe 74 du rapport, M. Rasmussen dit que des événements récents montrent combien il est important que les militaires soient formés au respect des détenus. Par ailleurs, il souhaite des éclaircissements sur la question de l’obéissance à l’ordre d’un supérieur. Il croit comprendre, d’après les explications de l’État partie, que la personne qui commet un acte de torture, après avoir reçu un ordre écrit, partage la responsabilité de son acte avec son supérieur alors qu’elle est dégagée de toute responsabilité si l’ordre a été donné oralement. Force est de rappeler, à cet égard, que la Convention ne fait aucune distinction entre un ordre verbal et un ordre écrit et que l’obéissance à l’ordre d’un supérieur, quel qu’il soit, ne peut en aucun cas dégager une personne de sa responsabilité en cas de torture.

37.S’agissant de l’article 11, M. Rasmussen tient à saluer toutes les initiatives pour améliorer le système pénitentiaire passées en revue dans les paragraphes 76 à 81 du rapport, ainsi que les dispositions prises pour le traitement des troubles post‑traumatiques chez les détenus évoquées au paragraphe 82 du rapport. Se référant à cet égard aux réponses de la Croatie aux questions posées dans le rapport du Comité européen pour la prévention de la torture de 1998 au sujet du traitement des troubles post-traumatiques chez les policiers et le personnel pénitentiaire, il voudrait savoir où en sont les mesures prises par les autorités croates dans ce domaine.

38.En ce qui concerne l’article 11 de la Convention, qui dispose que tout État partie exerce une surveillance systématique sur les dispositions concernant la garde et le traitement des détenus, M. Rasmussen note que le rapport ne contient pas de renseignements sur ce point. Or il constate à la lecture du rapport du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) sur la visite qu’il avait effectuée en Croatie en 1998 que cet organe avait dénoncé les mauvais traitements infligés par le personnel du centre de rééducation pour mineurs de Turopolje aux jeunes qui y étaient internés. L’État partie a donné l’assurance par la suite dans un rapport au CPT que, lorsque le directeur de cette institution recevrait des certificats médicaux attestant l’existence de mauvais traitements, il les transmettrait au Procureur compétent. M. Rasmussen prie donc la délégation de lui indiquer combien de certificats de ce type ont été envoyés au Procureur depuis 1998. En outre, d’après un document d’information établi par Amnesty International à l’intention du Comité (document distribué en séance, en anglais seulement), les autorités croates ne font rien pour prévenir la violence parmi les jeunes placés dans des établissements de protection des mineurs. M. Rasmussen souhaite savoir ce que fait l’État partie pour remédier à ce problème.

39.Par ailleurs, M. Rasmussen relève que d’après le document susmentionné d’Amnesty International les violations commises contre les étrangers en situation irrégulière retenus dans le centre de Ježevo ne sont pas toutes signalées et que, notamment, un jeune homme, Tony Atkinson, y a subi des mauvais traitements en juin 2003. La délégation croate est priée de commenter ces allégations et d’indiquer si des poursuites ont été engagées, en particulier dans l’affaire Atkinson, et, le cas échéant, quel en a été l’aboutissement. En outre, les étrangers retenus dans le centre de Ježevo n’auraient pratiquement aucun droit à des loisirs ou à des sorties, ce qui est préoccupant étant donné que ces personnes y séjournent souvent pendant de très longues périodes. La délégation est priée d’indiquer si des mesures ont été prises en vue d’améliorer les conditions dans ce centre.

40.En ce qui concerne les droits fondamentaux des personnes placées en garde à vue, à savoir le droit d’informer leur famille, d’avoir accès à un avocat dès le début de la garde à vue et d’être examinées par un médecin, il ressort du rapport susmentionné du CPT qu’en 1998 aucun de ces droits n’était pleinement respecté dans l’État partie. M. Rasmussen voudrait donc savoir si la situation a changé depuis lors. En outre, il demande si les autorités croates ont suivi la recommandation formulée dans ce rapport tendant à ce qu’elles enlèvent les plaques de métal placées devant les fenêtres des cellules des prisons de Zagreb et de Split, qui rendaient pénibles les conditions de détention dans ces établissements. N’étant pas certain d’avoir bien compris la réponse concernant la densité de la population carcérale, M. Rasmussen prie la délégation de préciser quel est le nombre de mètres carrés par détenu selon les nouvelles normes.

41.M. DAMJANOVIĆ (Croatie) indique que la norme est de 4 m2 et de 10 m3 par détenu.

42.M. RASMUSSEN (Rapporteur pour la Croatie) notant que, d’après le rapport du CPT, les personnes en détention provisoire sont simplement «parquées» dans des cellules et n’ont aucune possibilité d’avoir des activités, prie la délégation d’indiquer si la situation a été améliorée à cet égard. Il souhaiterait également savoir quelle est la fréquence des visites inopinées du Procureur général dans les prisons, si les constatations de ce dernier sont rendues publiques et si elles se traduisent par l’adoption de mesures. Il demande en outre à la délégation de lui préciser si la nouvelle fonction de juge chargé de l’exécution des peines est distincte de celle de Procureur général ou si elle recouvre des attributions identiques.

43.En ce qui concerne l’obligation des États, conformément à l’article 12, de veiller à ce que la justice soit rendue avec impartialité et diligence, M. Rasmussen note avec satisfaction que, d’après la présentation orale de la délégation, les auteurs présumés d’actes de torture ne peuvent pas bénéficier d’une amnistie et qu’un organe a été créé afin d’aider les tribunaux à juger les auteurs de crimes de guerre. Cependant, il lit dans un rapport de mission de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) daté de décembre 2003 que, pendant l’année 2003, les procédures entamées par les tribunaux croates n’ont pas été menées de manière impartiale, les accusés serbes étant systématiquement traités de façon discriminatoire par rapport aux accusés croates, et que les éléments de preuve obtenus par le biais de l’entraide judiciaire n’ont pas été utilisés de façon cohérente. De plus, les tribunaux auraient accumulé des retards dans le traitement de plusieurs affaires et à tous les stades de la procédure. M. Rasmussen demande à la délégation croate de commenter ces allégations et d’indiquer si les autorités croates ont donné suite aux recommandations formulées par le Comité après l’examen du rapport initial ainsi que du deuxième rapport périodique tendant à ce que l’État partie déploie tous les efforts nécessaires pour que les autorités compétentes procèdent immédiatement à une enquête impartiale lorsque des allégations de violations graves étaient soumises par des organisations non gouvernementales.

44.Concernant l’article 13 de la Convention, M. Rasmussen souhaiterait savoir s’il existe des recours ouverts aux victimes d’actes de torture et des moyens de garantir que l’enquête soit menée avec impartialité. Il voudrait également savoir selon quels critères le procureur peut refuser d’ouvrir une enquête sur des allégations de tortures et s’il existe des voies de recours dans ce cas. Par ailleurs, la délégation est priée d’indiquer si des mesures sont prévues pour assurer la protection des plaignants et des témoins et placer la victime hors d’atteinte de la personne contre laquelle elle a déposé plainte.

45.D’après le document d’information d’Amnesty International cité précédemment, les tribunaux croates ne traitent pas immédiatement et de manière approfondie les affaires de violence contre des Roms imputées à des personnes qui ne sont pas des agents de l’État. La délégation est priée d’expliquer pourquoi la justice est inefficace dans ces cas et si des efforts sont fournis pour améliorer la situation.

46.Concernant l’article 14, M. Rasmussen souhaite savoir si les non-ressortissants peuvent s’adresser aux tribunaux pour demander réparation en cas de torture et être indemnisés et si, le cas échéant, l’indemnisation versée est purement financière ou accompagnée de mesures médicales de réadaptation. Enfin, il voudrait recevoir les données statistiques plus étoffées que la Comité a demandées dans la question no 14 de la liste des points à traiter.

47.M. MAVROMMATIS, tout en se félicitant des progrès accomplis ces dernières années par la Croatie dans le domaine de la protection des droits de l’homme, demande que le délai de trois jours imparti aux victimes de mauvais traitements pour saisir le Procureur général, qui est trop court pour qu’ils puissent réellement exercer ce droit, soit prolongé.

48.D’après les statistiques fournies par la délégation sur l’usage de la force entre 1997 et 2000, notamment des armes à feu, M. Mavrommatis constate que les incidents sont en nette augmentation. Il voudrait savoir si les progrès enregistrés récemment ont permis de freiner cette tendance et, notamment, dans quelles conditions l’utilisation d’armes à feu est autorisée et si les règles en vigueur sont compatibles avec les dispositions connexes des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.

49.D’autre part, M. Mavrommatis prie instamment l’État partie de faire en sorte que les autorités judiciaires compétentes ouvrent des enquêtes sur les violations des droits de l’homme commises en Croatie entre 1991 et 1995. Enfin, il l’encourage à autoriser le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme à visiter les centres où sont retenus les demandeurs d’asile.

50.M. GROSSMAN demande à la délégation s’il existe des statistiques sur les actes de violence motivés par des considérations d’ordre ethnique commis par des personnes qui ne sont pas des agents de l’État et, le cas échéant, combien de personnes ont été poursuivies et combien de jugements ont été prononcés à cet égard.

51.Mme GAER, ayant lu dans le document d’information déjà mentionné d’Amnesty International que le Premier Ministre avait affirmé en décembre 2003 qu’il contesterait par la voie judiciaire l’accusation portée par le Tribunal pénal international pour l’ex‑Yougoslavie (TPIY) contre le général à la retraite Ante Gotovina, prie la délégation de confirmer ou d’infirmer cette information et d’indiquer si les autorités sont déterminées à rechercher cet homme et à le traduire en justice.

52.Mme Gaer souhaiterait en outre que la délégation fournisse des statistiques ventilées par sexe et appartenance nationale ou ethnique des victimes de mauvais traitements ou d’abus de pouvoir qui ont déposé des plaintes. Notant que le nombre d’infractions pénales, dont les actes de torture, figurant dans les statistiques contenues dans le rapport est nettement inférieur à celui fourni par la délégation, elle souhaite savoir à quoi sont dus ces écarts.

53.En ce qui concerne la question de la surveillance des prisons, elle demande si les actes de violence entre détenus, en particulier les actes de violence sexuelle, sont recensés, si les détenus ont la possibilité de porter plainte, et sont protégés contre les représailles au cas où ils entreprendraient une telle démarche. Des poursuites ont-elles été engagées et des condamnations prononcées contre les auteurs d’infractions commises dans ce contexte? De même, Mme Gaer voudrait savoir si l’on dispose d’informations, notamment à travers des associations de mères de jeunes recrues, sur les violences dans l’armée et si des mesures ont été prises pour les prévenir et en sanctionner les auteurs.

54.Le PRÉSIDENT demande à la délégation de préciser si un non-ressortissant ayant commis des actes de torture à l’étranger et dont l’extradition n’a pas été demandée peut être jugé en Croatie, conformément à l’article 5 de la Convention. Par ailleurs, il souhaiterait savoir si, lorsqu’un étranger en situation irrégulière fait l’objet d’une mesure d’expulsion, on tient systématiquement compte de la situation dans son pays d’origine et s’il existe des listes des pays de transit et de destination considérés comme sûrs.

55.M. PRADO VALLEJO demande comment il se fait, si on peut saisir les tribunaux afin qu’ils rejugent les criminels de guerre, qu’on ne puisse pas leur demander de revenir sur une décision d’amnistie.

56.Le PRÉSIDENT remercie la délégation croate et l’invite à reprendre à une prochaine séance le dialogue avec les membres du Comité

57. La délégation croate se retire.

La séance est levée à 13 heures.

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