NATIONS

UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.

GÉNÉRALE

CAT/C/SR.428

18 mai 2000

Original : FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Vingt-quatrième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*DE LA 428ème SÉANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,le vendredi 12 mai 2000, à 10 heures

Président : M. BURNS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Rapport initial de la Slovénie

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*Le compte rendu analytique de la deuxième partie (privée) de la séance est publié sous la cote CAT/C/SR.428/Add.1.

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Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

GE.00-42113 (F)

La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 7 de l'ordre du jour) (suite)

Rapport initial de la Slovénie (CAT/C/24/Add.5; document annexe sans cote distribué en séance, en anglais seulement)

1.Sur l'invitation du Président, M. Zore, M. Korošec, M. Mikša, M. Klemenčič, M. Hočevar et M. Zidar (Slovénie) prennent place à la table du Comité.

2.Le PRÉSIDENT invite la délégation slovène à présenter le rapport initial de la Slovénie (CAT/C/24/Add.5).

3.M. ZORE (Slovénie) regrette que le rapport initial de la Slovénie, qui aurait dû être soumis en 1994, soit présenté au Comité avec plusieurs années de retard. Toutefois, après son accession à l'indépendance, en juin 1991, son pays a dû se consacrer à l'organisation de son administration publique et assurer la transition vers la démocratie et l'économie de marché. Il s'est en outre attaché à mettre son organisation institutionnelle en conformité avec les règles de l'Union européenne dont il est un membre associé.

4.Le rapport, qui a été établi à la demande du Gouvernement par une institution indépendante ‑ l'Institut de criminologie de la faculté de droit de l'Université de Ljubljana ‑ et complété par les ministères et autres organes gouvernementaux compétents, présente de façon exhaustive l'ensemble des mesures législatives et autres promulguées récemment. À cet égard, M. Zore souligne l'attachement de la Slovénie au respect et à la promotion des droits de l'homme en général et à l'interdiction de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en particulier. Il indique que son pays est partie aussi aux principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme ainsi qu'à la Convention européenne des droits de l'homme et à la Convention européenne pour la prévention de la torture. En outre, la Slovénie a engagé la procédure de ratification du statut de la Cour pénale internationale et signé le Protocole facultatif relatif à la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

5.Pour lutter contre la torture sur le plan international, la Slovénie a décidé de contribuer de façon permanente au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture, par le biais du Fonds de contributions volontaires pour la coopération technique dans le domaine des droits de l'homme. D'autre part, pour combattre la torture sur le plan interne, elle a incorporé dans sa Constitution plusieurs dispositions visant à interdire et prévenir la torture et les mauvais traitements, notamment en matière de procédure pénale, en vertu de l'article 18 qui interdit la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que d'autres dispositions qui protègent le droit de recourir en justice et d'obtenir réparation.

6.Étant donné les changements importants qui ont marqué la législation slovène depuis l'établissement du rapport initial, la Slovénie a remis tout récemment au Comité un document annexe présentant les innovations législatives qui ont eu lieu pendant la période allant de mars 1998 à mai 2000. M. Zore en fait ressortir les principaux points. Ainsi, la Slovénie a promulgué une nouvelle loi sur l'application des sanctions pénales, qui comporte une définition des actes de torture très proche de celle de la Convention et qui permet au condamné qui estime faire l'objet de tels actes pendant son emprisonnement, d'obtenir une protection judiciaire. La Slovénie a en outre adopté une loi portant modification du Code de procédure pénale, qui tend à limiter le recours à la détention provisoire et à soustraire les accusés au contrôle et à la garde directe des agents de l'État pendant les procédures pénales. La loi d'amendement prévoit à cet effet un ensemble de mesures de substitution à la détention telles que l'obligation de se présenter à un poste de police ou l'assignation à résidence. Elle prévoit aussi la présence obligatoire d'un avocat, qui peut être commis d'office, pendant la comparution de l'accusé devant le juge d'instruction et la procédure de décision concernant la mise en détention préventive et la remise en liberté, et à tout moment pendant la période de détention.

7.La Slovénie a également adopté une nouvelle loi sur la police qui remanie radicalement l'organisation, l'administration, les compétences et les pouvoirs de la police, notamment en matière de privation de liberté. La loi énonce des protections concernant tous les aspects de la privation de liberté par la police et un bureau de gestion et de supervision a été créé en vue de surveiller systématiquement le comportement des membres des forces de police. Enfin, des dispositions très importantes concernant l'application de la nouvelle loi, notamment le règlement sur les pouvoirs de la police et le Code de déontologie de la police qui définissent de façon détaillée les pouvoirs de la police, ont été promulguées en 1999 et 2000.

8.Le PRÉSIDENT remercie le représentant de la Slovénie de sa présentation du rapport initial particulièrement complet de la Slovénie dont l'élaboration, souligne‑t‑il, a été confiée à un organe indépendant, ce qui constitue une approche novatrice et louable en la matière. Il invite les membres du Comité à poser des questions à la délégation slovène.

9.M. YAKOVLEV (Rapporteur pour la Slovénie) se félicite de la qualité du rapport initial présenté par la Slovénie et complété par un document annexe très intéressant portant sur la période la plus récente. Il est conscient que ce rapport reflète une période difficile de l'histoire récente de la Slovénie qui a dû quasiment se reconstruire depuis son accession à l'indépendance. Le pays a obtenu des résultats impressionnants dans le processus de transformation sociale engagé et progresse sûrement vers l'instauration d'une démocratie évoluée. Toutefois, ce processus ne va pas sans certaines difficultés, dont il y a lieu de tenir compte dans l'examen de la mise en œuvre de la Convention.

10.S'agissant de la définition de la torture au sens de l'article premier de la Convention, M. Yakovlev lit dans le rapport (par. 34) que celle‑ci n'a pas été intégrée littéralement dans le droit interne de la Slovénie. Il lit par ailleurs avec satisfaction (par. 27 et 30) que les instruments internationaux ratifiés par l'État partie peuvent être incorporés dans le droit interne moyennant une procédure normative appropriée qui lui permet notamment de leur apporter les transformations nécessaires pour inscrire dans le droit pénal positif les sanctions et les peines requises pour donner pleinement effet concrètement à la Convention. Il constate néanmoins qu'en dépit de ces possibilités, l'État partie n'a pas incorporé cette définition dans son droit interne en tant que telle, mais d'une manière indirecte, ce qui en affaiblit la portée. La Slovénie semble ainsi considérer que les peines prévues dans le Code pénal pour abus de pouvoir commis par des agents de l'État qui infligent à une personne des souffrances physiques ou mentales aiguës, qui portent atteinte à l'intégrité physique de personnes ou qui leur infligent des lésions corporelles graves, sont suffisantes pour donner pleinement effet à la Convention. Malheureusement, c'est négliger que la torture est un acte qui a des caractéristiques très particulières, et qui doit faire l'objet, par conséquent, d'une définition et de dispositions pénales spécifiques.

11.M. Yakovlev note cependant avec satisfaction que la situation à cet égard a évolué favorablement en Slovénie depuis l'établissement du rapport initial car il lit dans le document annexe complémentaire qu'une définition de la torture proche de celle de la Convention a été récemment incorporée dans le droit interne slovène, en vertu de la loi du 23 février 2000 sur l'application des sanctions pénales. Il regrette néanmoins que cette définition, excellente au demeurant, ne fasse pas partie intégrante du droit pénal proprement dit car elle figure dans un texte législatif d'application seulement, ce qui en limite sûrement la portée et l'autorité. Quoique la nouvelle loi prévoie assurément une protection pour les personnes ayant fait l'objet d'une condamnation pénale, elle n'assure toujours pas l'applicabilité directe de la Convention en Slovénie. Pour remédier à cette lacune, il faudrait par exemple que la Slovénie promulgue une loi spécifique et crée une juridiction appropriée afin de disposer d'un dispositif juridique efficace et complet (procédure de dépôt de plaintes et de saisine, d'enquête, de poursuites et de condamnation) afin de punir tous les actes de torture et de donner pleinement effet à la Convention.

12.M. Yakovlev est préoccupé par ailleurs par l'insuffisance de la protection assurée à certains groupes ethniques, en particulier les Roms, contre les actes de torture commis par la police, et par le fait que la partialité des policiers semble être liée en partie à des préjugés culturels. Il juge toutefois positif et encourageant le fait que le Gouvernement slovène reconnaît les problèmes qui se posent à cet égard, et l'action vigoureuse d'inspection, d'enquête et de protection menée par l'Ombudsman pour les droits de l'homme (par. 178).

13.M. Yakovlev juge en revanche préoccupant l'article 51 de la nouvelle loi sur les étrangers en date du 14 août 1999, évoquée dans le document annexe, qui prévoit une exception à la règle selon laquelle un étranger ne peut être extradé vers un pays où il risquerait d'être soumis à la torture. La dérogation prévue dans cette loi est inadmissible en droit, même si l'intéressé a été condamné pour un crime d'une gravité exceptionnelle ou semble représenter une menace pour la sécurité nationale. La notion sur laquelle repose l'exception pour cause de danger potentiel pour la sécurité nationale est en outre contestable en droit car fondée sur l'idée d'une dangerosité liée à la personnalité et non à des actes effectivement commis.

14.Mme GAER (Rapporteur adjoint pour la Slovénie) félicite la délégation de la qualité du rapport de la Slovénie riche en informations particulièrement intéressantes. À propos de l'application de l'article 11, elle se félicite des pouvoirs étendus d'inspection de lieux de détention octroyés à l'Ombudsman pour les droits de l'homme (par. 274) et note avec satisfaction qu'aucune plainte concernant l'impartialité de ce dernier n'a été formulée. Elle souhaite néanmoins avoir des renseignements supplémentaires sur la procédure de sélection de l'Ombudsman. Quelle est l'importance du service qu'il dirige ? Combien de visites d'inspection a‑t‑il effectuées et combien de rapports a‑t‑il établis ?

15.Mme Gaer lit dans le rapport (par. 306) que différents groupes ethniques, les étrangers, les homosexuels et les transsexuels ainsi que les membres de la communauté rom sont exposés au risque d'un traitement discriminatoire et (par. 307) que les Roms sont nombreux parmi ceux qui violent les lois et les règlements. Elle pense qu'il serait utile à cet égard pour examiner la situation en connaissance de cause que le Comité dispose de chiffres sur la situation de ces groupes vulnérables. Quel pourcentage des condamnés et des détenus représentent‑ils ? Combien de plaintes ont‑il déposées contre la police et d'autres représentants de l'État ?

16.S'agissant de l'application de l'article 13, Mme Gaer se félicite de l'abondance des informations fournies sur les mesures prises par le Gouvernement slovène pour faciliter les procédures engagées devant les tribunaux et relève, par exemple, que toute personne détenue a le droit d'adresser sous pli scellé une initiative demandant à l'Ombudsman d'introduire une procédure. Elle aimerait toutefois avoir des précisions sur la possibilité pour les membres des forces armées slovènes de porter plainte sans passer par la filière hiérarchique et sur le service spécial pour la protection des droits individuels, dit Service "VOX". D'autre part, elle note que le nombre de plaintes déposées ne cesse d'augmenter même si seules 17 % d'entre elles sont fondées, d'après le Ministère de l'intérieur. Il serait intéressant de savoir combien de plaintes ont été déposées pour violence entre les officiers de police et les groupes les plus vulnérables de la société. En outre, s'agissant des recommandations formulées par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), Mme Gaer demande si le Gouvernement slovène utilise déjà l'équipement électronique d'enregistrement vidéo pendant les interrogatoires. Elle aimerait aussi connaître les raisons pour lesquelles le Gouvernement slovène qualifie de "perverses" les plaintes déposées à l'encontre du Gouvernement.

17.Passant à l'application de l'article 16, Mme Gaer demande des précisions sur l'augmentation considérable du nombre d'entrées clandestines en Slovénie au cours des dernières années. Par ailleurs, elle souhaiterait avoir de plus amples informations sur les violences sexuelles exercées dans les prisons, sur la manière dont les plaintes à ce sujet sont traitées et sur les sanctions appliquées, ainsi que sur toutes les mesures prises pour lutter contre la surpopulation carcérale et sur les traitements psychiatriques dispensés dans les établissements relevant d'autorités publiques. Enfin, Mme Gaer note avec satisfaction qu'une ONG a participé à l'élaboration du rapport et elle demande des précisions sur le degré de coopération entre cette ONG et les autorités relevant du Gouvernement.

18.M. MAVROMMATIS félicite la délégation slovène de la richesse des informations fournies, même si elles ne sont pas toutes pertinentes pour l'application de la Convention contre la torture. Il note que le rapport et le document de base contiennent tous deux des renseignements utiles, mais il déplore que les statistiques remontent à 1991. Il pense en outre qu'il serait bon de ne pas donner de définition précise de l'"agent de la fonction publique" auquel il est fait référence à l'article 16 de la Convention afin d'avoir toute latitude lors des références à la jurisprudence. Il demande d'autre part si la Convention européenne pour la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales se trouve réellement intégrée dans la Constitution, comme l'indique le paragraphe 11 du rapport. Enfin, se référant au paragraphe 12 du rapport, il considère qu'il devrait être possible de "déroger" temporairement aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales garantis par la Constitution mais non de les suspendre.

19.Le PRÉSIDENT dit que le Comité poursuivra l'examen du rapport initial de la Slovénie à une prochaine séance.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 11 h 10.

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