NATIONS UNIES

CAT

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/SR.8249 juin 2008

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Quarantième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*DE LA 824e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le jeudi 8 mai 2008, à 10 heures

Président: M. GROSSMAN

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Deuxième rapport périodique de la Zambie

La séance commence à 10 h 15.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 7 de l’ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique de la Zambie (CAT/C/ZMB/2; CAT/C/ZMB/Q/2; CAT/C/ZMB/Q/2/Add.1; HRI/CORE/1/Add.22/Rev.2)

1. Sur l ’ invitation du Président, M me Imbwae, M. Daka, M me Sinjela, M me Kankasa, M me Mweene, M me Phiri, M. Eyaa, M. Chilukutu, M. Lyempe, M. Cheembwe, M me Zimba, M me Chaiwila, M. Bbuku, M me Nhekairo, M. Musona, M me Habanji, M. Chola, M me Kasoma, M. John Zulu, M me Chanda, M. Mulonda, M. D. Zulu et M me Chola (Zambie) prenn ent place à  la table du Comité.

2.MmeIMBWAE (Zambie) se félicite de l’occasion qui lui est donnée de présenter le deuxième rapport périodique de la Zambie et dit que la responsabilité de rédiger les rapports nationaux incombe au Ministère de la justice. Pour ce faire, le Ministère a créé un comité interministériel chargé de faire rapport sur la situation des droits de l’homme, composé de membres des différents ministères et départements compétents, de l’appareil judiciaire, de la Commission des droits de l’homme, de la société civile et d’universitaires. Le Comité a notamment été chargé de coordonner la collecte des données présentées dans le rapport. Le texte en a ensuite été rédigé sous la supervision du Ministère de la justice et a été approuvé à l’occasion d’un colloque organisé au niveau national en juin 2005, qui a réuni toutes les parties prenantes, soit divers organismes nationaux et organisations de la société civile. En effet, la Zambie a mis en place une pratique qui garantit que la société civile soit associée au processus d’établissement et de validation des rapports relatifs aux droits de l’homme, ce qui a notamment été le cas pour le rapport soumis dans le cadre de l’Examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme, en mai 2008. Le rapport expose donc avec honnêteté et précision les mesures prises par la Zambie pour mettre en œuvre la Convention contre la torture.

3.La rédaction du rapport a été l’occasion pour le Gouvernement de faire le point sur ses fonctions législative, judiciaire et administrative afin d’en évaluer l’incidence sur les droits de l’homme en général, et sur l’interdiction de la torture en particulier. La Zambie procède actuellement à la réforme de sa Constitution et a convoqué à cet effet une conférence constitutionnelle nationale réunissant des parlementaires, des membres d’organisations de la société civile − y compris d’organisations religieuses −, d’institutions étatiques, d’organisations professionnelles, de la Commission des droits de l’homme ainsi que des chefs traditionnels. La Conférence constitutionnelle nationale a été créée en application de la section 3 de la loi no 19 de 2007 et a siégé pour la première fois en décembre 2007. Elle a notamment pour mandat d’examiner le rapport de la Commission de révision de la Constitution et d’adopter un projet de constitution. Différents comités ont été établis dans le cadre de la Conférence constitutionnelle nationale, dont le Comité des droits de l’homme, présidé par le Directeur de la Commission des droits de l’homme. De cette façon, le Gouvernement zambien associe les ressortissants zambiens à l’élaboration du texte final de la Constitution, dans la mesure où il les consulte sur la nature des droits et les principes d’équité et d’égalité qu’ils souhaitent y voir figurer.

4.Toutefois, il faut bien voir que le Gouvernement zambien doit relever des défis de tous ordres − exposés dans le rapport − qui rendent parfois difficile la réalisation effective des droits protégés par la Convention. Il n’en demeure pas moins fermement attaché à la protection et à la promotion des droits de l’homme et des libertés fondamentales, comme le prouve le chapitre consacré à la bonne gestion des affaires publiques figurant dans son cinquième Plan national de développement (2006‑2010).

5.M. MARIÑO MENÉNDEZ (Rapporteur pour la Zambie) dit que la Zambie est de toute évidence résolue à faire progresser, promouvoir et protéger les droits de l’homme, comme en témoignent les divers plans d’action et le cinquième Plan de développement (2006‑2010) qu’elle a élaborés dans le domaine des droits de l’homme, et notamment des droits économiques, sociaux et culturels. Son action en faveur des droits de l’homme est toutefois entravée par un certain nombre de facteurs: c’est un pays en développement, sa population se compose de plus de 70 groupes ethniques et elle doit en outre faire face à une multitude de problèmes liés à la décolonisation. Malgré la période difficile qu’elle a traversée sur le plan politique dans les années 90, elle n’a pas connu de crise interne grave, contrairement à ses pays voisins. Elle a d’ailleurs fait preuve de beaucoup de générosité en accueillant un grand nombre de réfugiés et de personnes déplacées venus de ces pays, auxquels sont venus s’ajouter des immigrants d’autres continents.

6.La Zambie n’a pas incorporé dans sa législation interne une définition de la torture conforme à l’article premier de la Convention. L’article 15 de la Constitution consacre certes le droit fondamental de toute personne de ne pas être soumise à la torture ou à d’autres mauvais traitements, mais cette reconnaissance de principe n’a pas pour autant été suivie d’une incrimination de la torture dans le Code pénal. La réforme de la législation pénale zambienne n’a pas avancé, et le Code pénal réprime toute une série d’actes ayant un rapport avec la torture, mais ne punit pas la torture en tant que telle. Les réponses écrites aux questions nos 8 et 9 de la liste des points à traiter décrivent d’ailleurs en détail les infractions pénales correspondant à ces actes apparentés à des actes de torture mais non qualifiés de torture. La Convention impose aux États parties d’incorporer une définition de la torture dans leur droit interne. Il est difficile de croire que les infractions prévues dans le Code pénal zambien couvrent réellement tous les aspects de la torture telle qu’elle est définie dans la Convention.

7.M. Mariño Menéndez relève une certaine ambiguïté dans la réponse écrite à la question no 9 dans laquelle il est demandé à l’État partie des renseignements sur l’utilisation de la législation en vigueur afin de poursuivre les auteurs d’actes constitutifs de torture; il se demande ce qu’il faut comprendre, dans le cadre de la torture, par «les dispositions de la législation visent tout agent de l’État agissant en dehors du cadre de ses fonctions ou de son domaine de compétence». Il suffirait à l’État partie d’intégrer dans son droit interne la définition de la torture pour s’acquitter entièrement de ses obligations en vertu de la Convention.

8.La Zambie a opté pour un système dualiste, en vertu duquel les dispositions des traités internationaux ne sont pas directement applicables en droit interne. Or d’après les informations présentées par l’État partie, des normes contenues dans des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme sont parfois invoquées devant les tribunaux nationaux; aussi M. Mariño Menéndez souhaiterait‑il savoir s’il est déjà arrivé qu’un tribunal zambien accueille une plainte pour violation d’un article de la Convention, et notamment de l’article premier.

9.Pour ce qui est des articles 2 et 4 de la Convention, et notamment des garanties que les États parties doivent mettre en place pour prévenir la torture, M. Mariño Menéndez rappelle l’Observation générale no 2 sur l’application de l’article 2 par les États parties, adoptée récemment par le Comité. Il demande qui a le pouvoir d’arrêter un suspect et, si la police est habilitée à le faire, s’il faut un mandat d’arrêt préalablement délivré, et dans quels cas le mandat d’arrêt n’est pas nécessaire. Il voudrait également savoir de combien de temps peut être prolongée la détention aux fins d’interrogatoire à l’issue du délai initial, qui est habituellement de vingt‑quatre heures, et si l’autorité judiciaire intervient dans la décision de prorogation.

10.D’après certaines sources, la détention avant jugement serait d’une durée souvent injustifiée; le Comité voudrait savoir s’il est vrai que des individus soient restés en détention avant jugement pendant quatre ans. À ce sujet, il serait intéressant de savoir combien de temps durent les enquêtes portant sur des délits pour lesquels un individu a été inculpé et se trouve en détention provisoire.

11.Le Comité voudrait savoir si le Code de bonne conduite de la police est contraignant du point de vue juridique et quelle est l’autorité qui contrôle les actes des policiers dans le cadre des interrogatoires ou le traitement réservé aux personnes dont la détention provisoire dure depuis particulièrement longtemps. Il existe bien une autorité qui reçoit les plaintes dénonçant les actes illicites de la police, l’Inspection générale des services de police, et il serait utile de connaître les activités concrètes de cet organe, pour déterminer par exemple s’il est habilité à engager une action en justice contre les fonctionnaires de police, qu’il a la faculté de démettre de leurs fonctions. Notant qu’aucun agent des forces de l’ordre n’a jamais été condamné pour actes de torture ou abus d’autorité prononcée en pratique contre des agents des forces de l’ordre pour actes de torture ou abus d’autorité, M. Mariño Menéndez se demande si l’Inspection peut engager une action pénale contre des agents des forces de l’ordre qu’elle soupçonne d’avoir apppliqué des mauvais traitements, voire des tortures, pendant l’enquête. Il existe une autre autorité, l’autorité chargée des plaintes judiciaires, dont il faudrait savoir si les activités complètent celles de l’Inspection générale des services de police et si, dès lors que l’une se saisit d’une affaire l’autre reste en retrait ou si, au contraire, il y a partage des compétences. Les rôles de chacune doivent être clairement définis pour éviter que les auteurs d’actes de torture ou de mauvais traitements restent impunis. Le Comité voudrait savoir quel rôle joue le ministère public − et notamment le Procureur − dans l’ouverture de l’instruction.

12.L’enregistrement des détenus constitue une garantie majeure pour les personnes privées de liberté; or il semble y avoir des lacunes graves dans la tenue de ce registre, dont les détenus ne semblent même pas connaître l’existence. Ainsi le Comité des droits de l’homme, saisi d’une communication d’un Zambien qui disait avoir subi des tortures en détention, n’a pu que constater que l’intéressé ne figurait sur aucun registre de prisonniers. Il faudrait savoir quelle est la pratique en ce qui concerne la tenue des registres. L’inspection des lieux de détention est également un moyen important de garantir la protection des personnes souvent très vulnérables et le Comité voudrait savoir si un mécanisme d’inspection rapide et efficace a été mis en place, avec pour mission notamment de recueillir les plaintes des détenus et de leur donner suite.

13.Il semble que la loi sur les prisons n’ait pas prévu les cas de violation des droits des femmes dans le contexte de la détention, ce qui est une lacune. En revanche, le Médiateur, la «Commission d’enquête», − chargée d’enquêter sur des actes de négligence précis commis par des agents de la fonction publique − ainsi que la Commission des droits de l’homme sont habilités à se rendre dans les prisons et à dénoncer toute situation anormale. La Commission des droits de l’homme est un organe important, dont le financement doit être accru, faute de quoi elle ne pourra pas continuer à s’acquitter de sa mission de surveillance.

14.Dans le contexte des articles 2, 4 et 16 de la Convention, le Comité s’inquiète de la pratique de la privation de nourriture à titre de mesure punitive dans les prisons et de l’âge de la responsabilité pénale fixé à 8 ans, ce qui est particulièrement bas.

15.En ce qui concerne la peine de mort, le Comité ne s’intéresse pas uniquement à son abolition; il s’inquiète de ce que le maintien d’un prisonnier dans le quartier des condamnés à mort pendant des années peut constituer des mauvais traitements, voire une torture. Un moratoire sur les exécutions capitales est certes en vigueur depuis 1997, mais 200 personnes se trouvent encore dans le couloir de la mort, dont une depuis vingt‑sept ans. Le Comité recommande toujours aux États parties non abolitionnistes de limiter l’application de la peine de mort, de multiplier les mesures de grâce et de décider que tout condamné à mort dont l’exécution n’a pas eu lieu au bout d’un certain nombre d’années ne soit jamais exécuté.

16.Le droit à l’assistance d’un avocat au cours des interrogatoires semble être consacré dans la loi sur l’aide juridictionnelle et garanti par les organes chargés de veiller à ce que les personnes démunies en bénéficient. Il serait intéressant de savoir si le droit des détenus de prendre contact immédiatement avec leur famille et le droit à des soins de santé sont également protégés, et si des médecins, notamment des médecins légistes, se rendent régulièrement dans les lieux de détention et les établissements pénitentiaires pour constater l’état de santé des détenus et signaler en toute indépendance les éventuels mauvais traitements et actes de torture qu’ils peuvent avoir subis. Dans de nombreux pays, les prisons sont en effet des foyers de maladies, dont le sida, et elles doivent faire l’objet d’enquêtes bien ciblées.

17.Le droit coutumier et les pratiques qui en découlent sont subordonnés au droit écrit. Pourtant dans les faits les décisions des tribunaux coutumiers, bien que susceptibles d’appel devant les juridictions établies par la loi, sont parfois définitives et les justiciables n’exercent pas les recours prévus, souvent parce qu’ils en ignorent l’existence. C’est en particulier le cas dans les affaires de violence familiale, domaine pour lequel il n’existe pas de loi spécifique. Il faudrait savoir quelles mesures sont prises par l’État partie pour faire en sorte que les questions afférentes à la famille et à la violence familiale, qui posent également la problématique des droits des femmes, soient régies par des lois et non par le droit coutumier.

18.En ce qui concerne l’article 3, l’affaire Attorney general v. Roy Clarke semble confirmer que les décisions administratives d’expulsion font l’objet d’un contrôle juridictionnel fondé sur le principe du non-refoulement, mais le Comité souhaite s’en assurer. Il serait notamment intéressant de savoir si la révision de la loi relative au contrôle des réfugiés et de la loi relative à l’immigration et à l’expulsion prévoit la possibilité de saisir la Haute Cour, et même la Cour suprême, pour contester une décision d’expulsion du Ministre de l’intérieur lorsque la personne devant être expulsée risque personnellement d’être soumise à la torture dans le pays de renvoi.

19.L’État partie indique dans son rapport (par. 15) qu’en matière d’asile ou d’octroi du statut de réfugié, des mesures administratives ont été adoptées en collaboration avec le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Des précisions sur la nature de cette collaboration seraient utiles, notamment sur le point de savoir si le Haut-Commissariat a voix consultative dans les décisions finales ou si son rôle se limite à la fourniture de renseignements. Il est dit au paragraphe 48 b) du rapport que les services d’immigration délivrent des permis temporaires aux immigrés clandestins au lieu de les mettre en prison. De plus amples informations concernant les conditions d’octroi de ces permis et leur durée de validité seraient bienvenues.

20.L’État partie n’a pas répondu par écrit aux questions afférentes aux articles 5 à 9 de la Convention. En ce qui concerne l’établissement de la compétence de l’État aux fins de connaître des crimes de torture où qu’ils se produisent (question no 10), l’État partie a simplement indiqué dans son rapport (par. 19) qu’il n’y avait pas de nouvelle mesure à signaler. L’incertitude demeure donc quant à la question de savoir si, ainsi que l’exige la Convention, la Zambie a établi sa compétence aux fins de connaître des crimes de torture dont les auteurs présumés, qu’ils soient zambiens ou étrangers, se trouvent sur son territoire. Le Comité espère que la délégation pourra apporter des éclaircissements à ce sujet.

21.Il semblerait que des préjugés tenaces persistent contre l’homosexualité dans certaines tribus, et que ce soit l’une des raisons pour lesquelles l’homosexualité constitue toujours une infraction au regard du droit pénal. Si tel est le cas, il serait souhaitable que l’État partie prenne des mesures pour remédier à cette situation.

22.La Zambie n’a pas encore ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture. Le Comité a coutume de recommander à tous les États parties qui ne l’ont pas encore fait de ratifier le Protocole car c’est un moyen pour eux de prévenir plus efficacement toute forme de torture et de peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il encourage donc la Zambie à le faire. Le Comité souhaiterait en outre savoir si la Zambie envisage de ratifier la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, et si elle a l’intention de faire la déclaration prévue aux articles 21 et 22 de la Convention, ce que le Comité préconise également.

23.M. KOVALEV (Corapporteur pour la Zambie) constate avec satisfaction que d’importants progrès ont été accomplis par l’État partie depuis l’examen de son rapport initial en 2001. Un certain nombre de lacunes continuent néanmoins de faire obstacle à la pleine mise en œuvre de la Convention. En ce qui concerne la formation, les différents ateliers et autres activités éducatives dans le domaine des droits de l’homme organisés à l’intention des forces de police et du personnel pénitentiaire sont des initiatives positives mais ne répondent pas à l’objectif de l’article 10, qui est de dispenser une formation sur l’interdiction de la torture non seulement aux fonctionnaires de police, mais aussi au personnel médical et aux autres agents de l’État susceptibles d’intervenir dans la garde, l’interrogatoire ou le traitement de toute personne privée de liberté. Le Comité souhaiterait donc savoir s’il existe à l’intention de ces personnels des règles ou des instructions qui interdisent expressément la torture et, dans l’affirmative, en obtenir une copie.

24.L’adoption en 2003 par le Ministère de l’intérieur de directives contenant des règles à respecter pour l’interrogatoire des suspects et le traitement des personnes détenues, le fait que les aveux ne soient pris en considération par les tribunaux que si la police a recueilli d’autres preuves indépendantes et les efforts fournis pour mettre en place des méthodes d’enquête plus scientifiques constituent des progrès indéniables dans l’application de l’article 11 et méritent d’être salués. Il n’en demeure pas moins que tant que la torture ne sera pas définie comme une infraction pénale spécifique, les agents coupables d’actes de torture resteront impunis. Le Comité voudrait savoir si l’État partie a l’intention d’incorporer dans son Code pénal une définition de la torture conforme à celle donnée dans la Convention. D’autre part, la délégation pourra peut-être indiquer si la Cour suprême a rendu une décision interdisant la prise en considération des preuves obtenues de manière illégale.

25.Une organisation non gouvernementale dont le domaine d’action est les prisons a indiqué que le nombre de personnes incarcérées avait plus que quadruplé depuis l’indépendance de la Zambie, en 1964, mais que les infrastructures pénitentiaires étaient restées les mêmes, ce qui a entraîné une dégradation catastrophique des conditions de vie dans les prisons. Le surpeuplement en est un symptôme, mais ce n’est pas le seul. Il faut y ajouter les conditions sanitaires désastreuses, en particulier dans certains établissements de la province du centre, qui sont totalement dépourvus d’aération et d’eau courante; l’insuffisance et la mauvaise qualité des rations alimentaires; la propagation des maladies infectieuses due à la promiscuité et à l’absence de soins; les violences entre prisonniers, exacerbées par les mauvaises conditions de détention et difficiles à maîtriser en raison du nombre insuffisant de gardiens; l’absence de bâtiments séparés pour les mineurs et les femmes, etc. D’après le Directeur général de l’administration pénitentiaire, en 2006, 114 agents pénitentiaires et 449 prisonniers sont morts en raison des conditions sanitaires déplorables qui règnent dans certaines prisons. La gravité des problèmes constatés appelle des mesures urgentes de la part de l’État partie. Les informations que la délégation pourra donner à cet égard seront très utiles.

26.Le fait que la torture ne constitue pas une infraction pénale empêche la pleine mise en œuvre des articles 12 et 13 de la Convention. Une commission d’enquête chargée de l’examen des plaintes faisant état d’actes de torture ou de mauvais traitements a bien été créée, mais elle ne pourra pas remplir son rôle tant que les victimes elles-mêmes ne sauront pas qu’elle existe et qu’elles peuvent lui adresser leurs plaintes. Des précisions concernant les mesures de sensibilisation prises dans ce contexte seraient les bienvenues.

27.Il ressort du précédent rapport que le système juridique de la Zambie garantit le droit d’obtenir réparation et d’être indemnisé équitablement et de manière adéquate, ainsi que l’exige l’article 14 de la Convention. Il serait intéressant de savoir dans quel texte de loi figurent les dispositions relatives à ces questions. Des statistiques sur le nombre de demandes de réparation présentées à ce jour par des victimes d’actes de torture et sur celles qui ont effectivement donné lieu à une indemnisation adéquate seraient utiles.

28.Dans son précédent rapport, la Zambie avait laissé entendre que les déclarations obtenues par la torture n’étaient pas écartées dans une procédure judiciaire. Le Comité voudrait savoir si, ainsi qu’il est tenu de le faire en vertu de l’article 15 de la Convention, l’État partie veille désormais à ce que les déclarations obtenues par la torture ne puissent pas être utilisées comme un élément de preuve dans une procédure.

29.Le Comité note avec appréciation les efforts déployés par l’État partie en vue de prévenir les traitements cruels, inhumains ou dégradants des personnes privées de liberté, notamment la construction de nouveaux établissements de détention pour réduire la surpopulation carcérale et l’aménagement d’espaces pour accueillir les mineurs délinquants, mais ces mesures sont loin d’être suffisantes. La séparation des catégories de détenus – hommes, femmes, mineurs – n’est pas respectée et les structures et le personnel nécessaires pour répondre aux besoins spécifiques des femmes détenues, notamment celles qui sont enceintes ou qui ont des enfants, font défaut. Des renseignements sur les mesures prises par l’État partie pour améliorer la situation des femmes privées de liberté seraient utiles.

30.L’âge de la responsabilité pénale, fixé à 8 ans dans la loi, n’est pas conforme aux normes internationales relatives aux droits de l’enfant, et devrait donc être relevé. En 2000, l’État partie a créé une juridiction pour les mineurs mais cette initiative ne s’est malheureusement pas accompagnée d’une stratégie concrète pour renforcer l’accès des mineurs à la justice au niveau local. En outre, la pénurie de personnel compétent au sein du service de l’aide juridictionnelle fait que très souvent les mineurs ne sont même pas défendus par un avocat. Il y a donc encore beaucoup à faire pour améliorer la justice des mineurs.

31.D’après la Commission nationale des droits de l’homme, aucun centre de réadaptation n’a à ce jour été mis en place pour les victimes de la torture. Il serait intéressant de savoir si l’État partie envisage d’établir un organisme de ce type.

32.MmeBELMIR dit que certaines dispositions du droit interne de l’État partie entraînent une discrimination de fait à l’égard des réfugiés. Dans ses observations finales (CERD/C/ZMB/CO/16), le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a recommandé la modification de l’article 23 de la Constitution de la Zambie au motif qu’il autorisait à déroger durablement à l’interdiction de la discrimination à l’égard des non‑ressortissants, ce qui constituait une violation du principe de non-discrimination. La réforme en cours sera peut-être l’occasion de mettre en œuvre cette recommandation. Les explications données dans le rapport (par. 13) concernant l’application de la loi relative au contrôle des réfugiés et de la loi sur l’immigration et l’expulsion donnent l’impression que les réfugiés sont considérés d’une manière générale comme une menace pour la sécurité et que les immigrants sont jugés indésirables. La délégation pourra peut-être indiquer si ces considérations visent effectivement l’ensemble des réfugiés et des immigrants ou seulement certains d’entre eux.

33.La hiérarchie des normes de droit n’est pas suffisamment bien établie. La primauté du droit écrit par rapport au droit coutumier n’est pas reflétée dans la pratique. La population est souvent ignorante des lois et ne peut donc pas faire valoir les droits qui en découlent ce qui conduit, dans les faits, à une prévalence du droit coutumier. Cette situation est particulièrement préjudiciable aux femmes, le droit coutumier leur étant défavorable à de nombreux égards. Il y a donc un important travail de sensibilisation à faire, non seulement pour informer la population de ses droits, mais aussi pour faire en sorte que les normes internationales concernant les droits de l’homme deviennent une référence dans l’esprit de tous.

34.Les informations figurant dans le rapport ne permettent pas de bien comprendre quelles sont les attributions respectives de la police et de la justice. En outre, d’après le paragraphe 34 du rapport, la loi no 16 de 2004 portant modification de la loi sur les prisons confère à l’administration pénitentiaire des compétences qui, en principe, sont du ressort du pouvoir judiciaire. Il faudrait savoir si les décisions prises par les fonctionnaires de l’administration pénitentiaire en application de cette loi sont soumises à un contrôle judiciaire.

35.Le rapport fait état de plusieurs obstacles entravant la bonne marche de la justice, dont l’insuffisance des capacités institutionnelles et des effectifs de la police. De plus amples précisions sur la façon dont sont traitées les plaintes déposées contre des membres des forces de l’ordre seraient utiles.

36.Les statistiques établies par la Commission nationale des droits de l’homme concernant les plaintes dont elle a été saisie ne concordent pas avec les statistiques correspondantes de l’État partie, surtout en ce qui concerne 2006, année où la Commission des droits de l’homme a signalé une forte augmentation du nombre de plaintes portées à sa connaissance. Ces divergences appellent des éclaircissements.

37.En ce qui concerne les mineurs, l’on peut constater que le passage à l’âge adulte est fixé à la puberté selon le droit coutumier, ou à 15 ans d’après le droit écrit, mais que l’âge de la responsabilité pénale est fixé à 8 ans. Il faudrait donc que l’État partie uniformise la définition de l’enfant et veille à ce que celle‑ci soit appliquée dans tous les domaines, en particulier dans celui de la justice pour mineurs.

38.Mme SVEAASS relève avec satisfaction que la délégation compte une majorité de femmes. Se référant à la question no 26 de la liste des points à traiter, qui porte sur des incidents survenus en 2006 au cours desquels des enfants des rues ont été abattus par la police, elle demande si l’État partie a adopté une stratégie globale pour lutter contre l’augmentation du nombre d’enfants des rues, conformément à la recommandation formulée par le Comité des droits de l’enfant dans les observations finales formulées à l’issue de l’examen du rapport initial de la Zambie (CRC/C/15/Add.206, par. 69 a)).

39.D’après des informations émanant d’organisations non gouvernementales, bien que les châtiments corporels soient interdits en Zambie, l’article 73 (par. 1, al. e) de la loi sur les adolescents, qui autorise un tribunal à condamner un mineur reconnu coupable d’une infraction à recevoir un certain nombre de coups de canne, n’a pas été abrogé. En outre, le maintien de cette disposition est incompatible avec la décision rendue par la Cour suprême dans l’affaire Banda. Dans cette affaire, qui a fait jurisprudence, la Cour suprême avait conclu que le recours aux châtiments corporels constituait une violation des dispositions de la Constitution interdisant les traitements cruels, inhumains et dégradants. On peut se demander pourquoi la loi sur les adolescents n’a pas encore été modifiée conformément à cette décision. Enfin, les informations émanant de certaines sources selon lesquelles le taux de surpeuplement dans la prison centrale de Lusaka serait d’environ 500 % appellent des observations. Dans ses réponses écrites, l’État partie n’a pas répondu à toutes les questions de la liste des points à traiter et s’est engagé à combler cette lacune oralement; Mme Sveaass s’intéresse particulièrement à la réponse qui sera apportée à la question no 43, consacrée aux violences sexuelles infligées aux femmes et aux fillettes. Pour ce qui est des voies de recours ouvertes aux victimes de ce type de violences, on peut lire dans le rapport (par. 68) qu’en 1994 la Zambie a créé l’Unité d’aide aux victimes, un service d’assistance aux femmes et aux enfants victimes de violences mis en place dans tous les commissariats de police du pays. Toutefois, selon des informations émanant d’organisations non gouvernementales, quatorze ans après sa création, ce mécanisme ne serait pas encore pleinement efficace. Le Comité souhaiterait donc savoir à qui les femmes et les enfants victimes de violences peuvent s’adresser et quelles mesures l’État partie pourrait prendre afin de renforcer l’efficacité de l’Unité d’aide aux victimes.

40.D’après Human Rights Watch, la violence au sein du foyer empêcherait un grand nombre de femmes séropositives d’obtenir des médicaments antirétroviraux et de suivre leur traitement sans interruption. Si tel est réellement le cas, il faudrait savoir comment le Gouvernement zambien pourrait lutter contre ce problème. Enfin, Mme Sveaass demande si l’État partie envisage de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention.

41.M. GAYE dit qu’à la lecture du rapport et des réponses écrites que les trois problèmes majeurs qu’il convient de relever sont le manque d’efficacité des enquêtes ouvertes sur les allégations de mauvais traitements, le surpeuplement dans les prisons et le fait que des compétences qui sont en principe du ressort du ministère public sont dévolues à la police judiciaire. Étant donné que l’État partie manque de moyens et de personnel qualifié pour faire face à ces problèmes, il pourrait éventuellement tenter de les aborder en amont, c’est‑à‑dire en travaillant à la prévention. Il pourrait notamment prendre des mesures afin que les suspects qui en ont les moyens puissent bénéficier des services d’un avocat dès l’enquête préliminaire. Cette mesure aurait un effet dissuasif pour ceux des membres des forces de l’ordre qui seraient tentés de faire subir des tortures et des mauvais traitements au suspect. Enfin, la délégation pourrait indiquer si l’État partie envisage de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention.

42.Mme GAER indique que ses questions et remarques porteront essentiellement sur la situation des femmes, qui font l’objet des questions nos 22, 40, 41 et 43 de la liste des points à traiter. D’après des informations émanant d’organisations non gouvernementales, le nombre élevé de cas de violences sexuelles infligées aux femmes serait dû au fait que le viol ne constitue pas une infraction en droit zambien. Si tel est effectivement le cas, la délégation pourrait indiquer si les victimes de viol ne peuvent invoquer que des dispositions très générales du Code pénal comme celles qui répriment les violences et les coups et blessures pour demander justice. La délégation pourrait également préciser si des mécanismes de surveillance des violences sexuelles ont été mis en place.

43.D’après des renseignements communiqués par Human Rights Watch, il n’existe pas de programmes de formation sur les violences faites aux femmes en Zambie. Or, d’après la réponse à la question no 18 de la liste des points à traiter, des mesures auraient été prises afin que la détection des séquelles de tortures fasse partie de la formation du personnel médical. Étant donné que les violences sexuelles constituent une forme de torture, il serait intéressant de savoir si cet aspect est intégré dans les programmes de formation et si ce n’est pas le cas quand des mesures seront prises afin de combler cette lacune.

44.D’après le rapport du Département d’État des États‑Unis d’Amérique sur la situation des droits de l’homme en Zambie, les gardiens des établissements de détention pour femmes seraient généralement des hommes et il serait courant que ceux‑ci exigent des faveurs sexuelles des détenues en échange de leur remise en liberté. Ces informations appellent des commentaires et il faudrait savoir aussi si des enquêtes ont été ouvertes sur ces pratiques et quel en a été le résultat.

45.En juillet 2007, le Ministre de l’intérieur a présenté au Parlement des statistiques d’où il ressortait notamment que sur 40 affaires de brutalités policières portées devant les tribunaux, 2 avaient été jugées et 38 étaient encore pendantes. Le Comité souhaiterait savoir si ces 38 affaires ont été examinées par les tribunaux depuis. En outre, il voudrait connaître la décision rendue par le tribunal saisi de l’affaire Nyangwali, un jeune homme passé à tabac en mars 2006 par la police de la ville de Kapiri Mposhi.

46.Selon diverses sources, le financement, l’indépendance et les pouvoirs de la Commission des droits de l’homme seraient un motif de préoccupation. Il serait bon de savoir si cet organe peut de sa propre initiative lever des fonds et en recevoir et si le Gouvernement zambien limite la marge de manœuvre de la Commission dans ce domaine.

47.Enfin, le Comité voudrait savoir si les moyens de preuve indirects peuvent être invoqués dans le cadre d’une procédure et s’il est déjà arrivé qu’un accusé conteste la légalité de l’utilisation de ces moyens de preuve et soit acquitté au motif que ses déclarations avaient été obtenues par la torture.

48.M. WANG Xuexian souligne que l’absence de définition de la torture dans la législation zambienne représente une lacune qui est susceptible de favoriser l’impunité des auteurs d’actes de torture. D’après les réponses écrites et le rapport, un certain nombre de dispositions du Code pénal répriment certains actes qui peuvent être des éléments constitutifs de la torture, tandis que d’autres dispositions incriminent des actes qui relèvent des mauvais traitements. Des précisions sur les critères appliqués par l’État partie pour distinguer la première catégorie d’actes de la seconde seraient bienvenues. De plus, les peines fixées pour certaines infractions considérées comme couvrant les actes de torture sont beaucoup moins lourdes que celles qui sont prévues pour les infractions entrant dans la catégorie des mauvais traitements, ce qui appelle des explications de la délégation sur la façon dont l’État partie conçoit l’application des articles 1er et 16 de la Convention.

49.En ce qui concerne la situation dans les prisons, le Comité est bien conscient du fait que les autorités zambiennes se heurtent à des problèmes considérables, dont le manque de ressources et de personnel, mais il considère que tous les États parties à la Convention devraient s’efforcer de suivre les dispositions de l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, quel que soit leur niveau de développement.

50.Le PRÉSIDENT relève, comme Mme Sveaass, la composition majoritairement féminine de la délégation. Revenant sur la question de l’incorporation dans le droit interne de la définition de la torture énoncée à l’article premier de la Convention, il rappelle que l’une des raisons pour lesquelles le Comité insiste tout particulièrement sur ce point est que la torture fait partie des crimes imprescriptibles en vertu du droit international, ce qui n’est pas le cas des infractions citées dans la réponse à la question no 2 de la liste des points à traiter. Il faut bien comprendre que la torture ne se réduit pas à la somme de ses éléments constitutifs; aucune liste d’infractions aussi exhaustive soit‑elle ne pourra jamais remplacer un article de loi consacré à la torture, crime dont la spécificité tient au fait qu’il ne peut être prescrit. En outre, il y a lieu de rappeler que certaines infractions ne sont des cas d’extradition que si elles sont qualifiées pénalement à la fois dans l’État requérant et dans l’État requis. Au cas où les tribunaux ne se déclareraient pas compétents pour juger un tortionnaire présumé, l’absence de définition de la torture dans le droit zambien pourrait constituer un obstacle à l’extradition. De plus, l’État partie a tout intérêt à ce que sa législation soit aussi claire que possible. Or, le fait que la torture soit visée par un grand nombre de dispositions peut créer des confusions et nuire tant aux praticiens du droit qu’aux victimes. Pour toutes ces raisons, le Comité estime indispensable que les autorités compétentes de l’État partie élaborent et adoptent des dispositions légales faisant expressément de la torture une infraction pénale distincte.

51.Un complément d’information serait bienvenu concernant le mémorandum du Conseil des ministres relatif à la transposition de la Convention dans le droit interne, évoqué dans la réponse à la question no 1 de la liste des points à traiter. D’après le rapport (par. 21), le chapitre 94 de la loi relative à l’extradition autorise la Zambie à extrader des personnes vers les pays du Commonwealth ou en provenance de ces pays. Il serait intéressant de savoir si la Zambie peut également extrader des personnes vers d’autres États que ceux du Commonwealth et, dans le cas contraire, si cela ne crée pas un vide juridique.

52.Enfin, tout en étant bien conscient des ressources limitées dont la Zambie dispose pour établir des statistiques, le Comité souhaiterait des renseignements sur la façon dont l’État partie collecte les données. Il attend avec un grand intérêt les réponses orales que la délégation s’est engagée à donner aux questions nos 11 à 16 de la liste des points à traiter et l’invite à poursuivre le dialogue à une séance ultérieure.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 12 h 5.

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