NATIONS

UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/SR.71222 mai 2006

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Trente‑sixième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*DE LA 712e SÉANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,le jeudi 11 mai 2006, à 15 heures

Présidence: M. MAVROMMATIS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Rapport initial et deuxième, troisième, quatrième et cinquième rapports périodiques du Togo présentés en un seul document (suite)

La séance est ouverte à 15 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 7 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport initial et deuxième, troisième, quatrième et cinquième rapports périodiques du Togo présentés en un seul document (CAT/C/5/Add.33) (suite)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation togolaise prend place à la table du Comité.

2.Mme ACOUETEY (Togo) remercie le Comité pour les remarques, encouragements et questions qu’il a adressés à la délégation dans le cadre de l’examen du rapport du Togo et espère qu’un dialogue durable s’établira entre le Comité et le Togo afin de permettre à ce dernier de lutter plus efficacement contre la torture et les traitements inhumains et dégradants. Revenant sur la question posée par M. Camara au sujet de l’attitude adoptée en cas de conflit entre les dispositions d’un traité auquel le Togo est partie et celles de sa Constitution, Mme Acouetey indique que, lorsqu’un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l’article 139 de cette dernière, en vertu duquel l’engagement international en question ne peut être ratifié ou approuvé qu’après la révision de la Constitution, s’applique. En ce qui concerne la nécessité de définir la torture dans le droit positif interne, il a déjà été indiqué que les dispositions de la Convention contre la torture, notamment celles relatives à la définition de la torture et à sa répression, seraient incorporées dans le droit positif interne togolais par la Commission nationale de modernisation de la législation créée dans le cadre du programme national de modernisation de la justice. Au sujet de la procédure consistant à remettre une personne extradée de police à police en dehors de toute procédure judiciaire, Mme Acouetey reconnaît que cette pratique n’offre pas suffisamment de garanties à la personne à extrader. Toutefois, l’article 23 de la Constitution de 1992, qui prévoit que la personne à extrader doit pouvoir se présenter devant une instance judiciaire pour plaider sa cause, prévaut sur les accords de 1984 en vertu desquels la pratique susvisée a été instaurée.

3.Il sera répondu ultérieurement et par écrit aux préoccupations exprimées par le Comité au sujet de l’accord signé par le Togo avec les États‑Unis et du cas de l’ex‑Président Patassé. En ce qui concerne les événements survenus après les élections d’avril 2005, le Gouvernement, soucieux d’établir la réalité des faits, a créé une commission nationale spéciale d’enquête indépendante, laquelle lui a remis son rapport. Le Gouvernement a également reçu le premier rapport de deux missions internationales d’établissement des faits et attend le second. L’examen des conclusions de ces rapports a été inscrit à l’ordre du jour du dialogue politique national en cours dans le pays qui devrait permettre de définir la ligne d’action à suivre pour résoudre les problèmes liés à cette phase de l’histoire du Togo.

4.Concernant la durée nécessaire à la réécriture des textes du droit positif interne, la Commission nationale de modernisation de la législation, créée le 5 mai dernier, a pour mission, par l’intermédiaire de sa sous‑commission des droits de l’homme, de mettre le droit interne en conformité avec les instruments internationaux auxquels le Togo est partie. Le Togo espère que cette réforme pourra être menée à bien dans un délai raisonnable avec l’appui de ses partenaires en matière de développement.

5.Répondant à la question des mesures adoptées pour éradiquer la torture dans les lieux de détention, Mme Acouetey indique que le Gouvernement a signé, le 14 mars 2006, une convention avec le Comité international de la Croix‑Rouge (CICR), en vertu de laquelle ce dernier peut effectuer des visites inopinées dans tous les lieux de détention du Togo afin d’observer les conditions dans lesquelles les personnes y sont détenues. En outre, le Ministère de la justice veille à ce qu’un accès aux prisons et autres lieux de détention soit ménagé aux associations et aux ONG. Quant au programme de formation du personnel pénitentiaire, il est axé sur les droits de l’homme et plus spécifiquement sur les règles de garde des personnes détenues ainsi que sur l’interdiction de la torture. Ce programme, tout récent, est mis en œuvre par des experts nationaux dans le cadre du Programme d’appui d’urgence au secteur pénitentiaire (PAUSEP).

6.Concernant le plan national de lutte contre le trafic des enfants, Mme Acouetey indique que la loi du 3 août 2005 relative à la définition, à la prévention et à la répression de la traite des enfants comporte des dispositions prévoyant la création d’une commission de lutte contre ce fléau. Afin de renforcer la lutte contre ce phénomène, le Gouvernement examine actuellement un avant‑projet de loi portant création d’une commission nationale de lutte contre la traite des personnes.

7.Pour ce qui est du droit des détenus à l’accès aux soins médicaux, il faut distinguer le droit à l’examen médical qui s’exerce dès le placement en garde à vue et le droit aux soins médicaux pendant la détention provisoire ou dans l’attente de l’exécution de la peine. Dans le premier cas, la personne placée en garde à vue ou un membre de sa famille doit demander la réalisation de l’examen médical. Dans le second cas, les soins doivent être prodigués sans que le détenu ait à en faire la demande. Toutefois, force est de reconnaître que, dans un cas comme dans l’autre, des problèmes se posent, auxquels la Commission nationale de modernisation de la législation doit trouver des solutions.

8.En ce qui concerne la passivité des conseils des inculpés évoquée au paragraphe 319 du rapport, Mme Acouetey précise qu’en raison de l’absence des avocats pendant l’instruction judiciaire les éléments à décharge ne sont pas versés au dossier et la procédure, au lieu d’aboutir à un non‑lieu, se solde par une ordonnance de renvoi devant le juge.

9.Les enquêtes sur les événements d’avril 2005 ont été confiées à une commission spéciale indépendante qui a déjà rendu son rapport. La circulaire du Premier Ministre portant abandon de toute poursuite vise essentiellement les procédures engagées ou à engager contre les personnes qui se sont réfugiées dans les pays voisins. Elle a été adoptée à la demande du Haut‑Commissariat pour les réfugiés qui en a fait une condition sine qua non de la signature de l’accord tripartite destiné à permettre le retour des réfugiés au pays.

10.En ce qui concerne les mesures de détention provisoire prolongée, Mme Acouetey indique que la détention provisoire est régie par les articles 112 à 115 du Code de procédure pénale et constitue une mesure exceptionnelle. Lorsqu’elle est requise, elle ne doit pas dépasser 10 jours pour les délinquants qui encourent une peine inférieure à deux ans de prison et ne doit pas s’élever à plus de la moitié du maximum de la peine encourue si celle‑ci est supérieure à deux ans. Dans le cas des mineurs, ce sont les articles 455, 456 et 475 du Code de procédure pénale qui s’appliquent. Il faut toutefois reconnaître que les délais indiqués ne sont pas toujours respectés dans la pratique. C’est dans le but de remédier à ce problème que le Gouvernement examine la possibilité de nommer un juge d’application des peines qui serait responsable de contrôler la légalité des mesures de détention. Il convient de signaler que les mineurs devant être placés en détention sont désormais transférés dans le quartier réservé aux mineurs ou à la brigade pour mineurs et personnes vulnérables. Au sujet de la liberté de visite des lieux de détention, le Togo, en application des engagements qu’il a pris envers l’Union européenne, ne la soumet à aucune restriction. Les ONG qui en font la demande sont par conséquent totalement libres de visiter le lieu de détention de leur choix.

11.En ce qui concerne les décisions de réparation des dommages causés par un acte de torture, Mme Acouetey indique qu’il n’y a pas de jurisprudence en la matière au Togo. Toutefois, l’incorporation prochaine dans le droit interne de la définition de la torture au sens de l’article premier de la Convention ainsi que son incrimination permettront, lorsqu’un acte de torture sera commis, de rendre de telles décisions. Pour ce qui est de la nullité des déclarations faites sous la torture, les nouveaux textes contiendront des dispositions expresses sur les conditions de validité des déclarations des personnes arrêtées. Ainsi, toute déclaration faite sous la torture sera déclarée nulle et sans effet.

12.En ce qui concerne la répression des sévices corporels, le Code pénal sanctionne les violences, sévices et châtiments corporels à l’égard des enfants d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à cinq ans. De plus, l’ordonnance du 7 mai 1975 portant réforme de l’enseignement scolaire interdit les châtiments corporels dans les établissements scolaires. Pour ce qui est du maintien en vigueur de certaines coutumes, il est vrai que des rites de veuvage avilissants subsistent dans certaines parties du pays. Le Comité interministériel qui avait été mis sur pied pour réexaminer et reformuler certaines dispositions du Code des personnes et de la famille a recommandé la suppression de ces pratiques. En ce qui concerne la surveillance des prisons, la principale lacune tient à l’absence de personnel féminin parmi les gardiens. À l’heure actuelle, ce sont des paramilitaires qui assurent les fonctions de gardiens. Le Programme d’appui d’urgence au secteur pénitentiaire, mis en œuvre avec l’appui du PNUD, prévoit la constitution d’un corps civil de gardiens de prison sous l’autorité du Ministère de la justice au sein duquel seront recrutées des femmes. Une formation sur le respect des droits des détenus et des condamnés et sur l’interdiction de la torture fait également partie du programme. Ce dernier a déjà permis de rénover 12 prisons civiles et d’augmenter la capacité d’accueil de la prison de Lomé. Un quartier pour mineurs a également été créé dans la prison de Sekode, entre autres initiatives.

13.La justice militaire, prévue par la loi no 81‑5 du 30 mars 1981, n’a jamais été opérationnelle. Le Gouvernement ne possède pas de milice progouvernementale et n’en tolère pas l’existence. Certains partis politiques font néanmoins appel à leurs militants pour assurer la sécurité de leurs dirigeants. En ce qui concerne les mesures prises pour favoriser le retour des réfugiés, un haut‑commissariat aux réfugiés et à l’action humanitaire a été mis sur pied le 8 juin 2005 avec pour mission première de recueillir des informations sur la situation des réfugiés togolais et des personnes déplacées à l’intérieur du pays, de déterminer les causes de leur déplacement, de proposer aux autorités des solutions durables pour favoriser leur rapatriement et assurer leur sécurité, et d’aider les personnes rapatriées à se réinsérer dans la société togolaise. Un plan d’action pour le retour des réfugiés et des personnes déplacées a été mis en place par la suite. Il a bénéficié de la participation d’un spécialiste international afin d’assurer les meilleures conditions de sécurité aux réfugiés retournant au pays. Ce plan a été officiellement lancé le 2 décembre 2005. Le 2 février 2006, les Gouvernements béninois et togolais ont rencontré la représentation régionale du Haut‑Commissariat pour les réfugiés au Bénin pour évaluer les mesures prises par les autorités togolaises et négocier des accords entre les trois parties en vue de permettre le rapatriement rapide des réfugiés. Des comités d’accueil ont été créés et seront implantés prochainement dans les localités dont les habitants ont été nombreux à quitter le pays. Le 10 mars 2006, le Premier Ministre a signé la lettre circulaire donnant pour instruction aux forces de l’ordre, aux magistrats du parquet et aux officiers de police judiciaire d’abandonner toute poursuite à l’encontre des réfugiés ayant commis des infractions ou des délits étroitement liés à l’élection de 2005. Depuis un mois, des spots publicitaires sur les mesures prises par les autorités togolaises en faveur du retour des réfugiés sont diffusés régulièrement. La question des réfugiés est en outre inscrite à l’ordre du jour du dialogue politique qui se déroule actuellement à Lomé.

14.En ce qui concerne la liberté d’exercice des défenseurs des droits de l’homme, l’État garantit le libre exercice des activités des ONG et des associations de défense et de protection des droits de l’homme sur l’ensemble du territoire. Les ONG et les associations sont créées et organisées librement et ont accès, lorsqu’elles en font la demande, aux lieux de détention de leur choix. Contrairement à ce qui a été suggéré, le siège de la Ligue togolaise des droits de l’homme (LTDH) n’a jamais été attaqué par une quelconque milice. Une altercation s’est simplement produite en mai 2005 alors que la LTDH présentait son rapport en public. En ce qui concerne la venue au Togo de la Rapporteuse spéciale pour les défenseurs des droits de l’homme, Mme Hina Jilani, cette dernière a été invitée par le Gouvernement togolais le 15 mars 2005 mais n’a pour le moment pas répondu à cette invitation. Pour ce qui est des journalistes qui ont été détenus au Togo en 2003, aucune poursuite n’a été engagée contre les auteurs présumés des actes de torture commis pendant leur détention, et aucune sanction n’a par conséquent été appliquée.

15.La Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) est une institution indépendante qui ne subit aucune influence de la part du Gouvernement, tant sur le plan de sa composition que dans son fonctionnement. Elle est formée de magistrats, d’avocats, de représentants d’associations des droits de l’homme, d’associations de femmes et d’associations des droits de l’enfant, de médecins, de syndicalistes, de professeurs de droit ainsi que de représentants des confessions religieuses. La CNDH a un budget autonome et a le droit de saisir la justice ainsi que de visiter les lieux de détention.

16.Les informations demandées par le Comité sur le cas de Djikosoko lui seront envoyées dès le retour de la délégation au Togo. Revenant sur la question de la détention au secret, Mme Acouetey réaffirme que, conformément à l’interdiction de cette pratique par le Gouvernement, celle‑ci n’a plus cours dans aucun lieu de détention du Togo. Les lieux de détention sont tous ouverts aux organisations et aux associations de défense des droits de l’homme. En ce qui concerne les faits relatifs aux élections d’avril 2005, ils sont inscrits à l’ordre du jour du dialogue politique national.

17.L’évaluation des programmes de formation se fonde sur l’examen du comportement des agents des forces de l’ordre et de sécurité sur le terrain à l’occasion des opérations de maintien de l’ordre ou des procédures d’interrogatoire judiciaire, ainsi que sur les modalités de la garde à vue et la réduction du nombre des plaintes des justiciables. Parmi les ONG associées à la formation figurent entre autres la LTDH, le WILDAF ainsi que WAO Afrique et Plan Togo, qui ont formé respectivement le personnel pénitentiaire, les magistrats et les policiers. Au sujet de la dame qui était en détention depuis 1998, Mme Acouetey assure que cette personne a été libérée. En ce qui concerne les délais de la garde à vue, le point à retenir est que la garde à vue ne peut pas dépasser légalement huit jours. L’institution du juge d’application des peines est destinée à empêcher tout abus dans ce domaine, en particulier dans le cas des mineurs. En ce qui concerne l’extradition d’une personne coupable d’acte de torture qui risque d’être soumise à la torture dans le pays de renvoi, le Togo, dans la mesure où il est partie à la Convention contre la torture, n’accédera jamais à une demande d’extradition dans ces conditions, même si la personne concernée a elle‑même commis des actes de torture. Toutefois, pour que cette personne ne reste pas impunie, le Togo pourra, à défaut de la poursuivre, appliquer le principe de la compétence triangulaire et l’extrader vers un pays dont les juridictions ont une compétence universelle.

18.M. CAMARA (Rapporteur pour le Togo) remercie la délégation pour le soin apporté à ses réponses et examinera avec intérêt les compléments d’information que cette dernière fera parvenir ultérieurement au Comité. Dans ses observations finales, le Comité fera part de ses préoccupations et formulera des recommandations destinées à permettre à l’État partie de mieux s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de ses engagements conventionnels.

19.M. MARIÑO MENÉNDEZ (Corapporteur pour le Togo), revenant sur la question de l’accès des défenseurs des droits de l’homme aux lieux de détention, signale que, d’après ses échanges avec des organisations non gouvernementales togolaises, celles‑ci participent peu aux activités du Gouvernement destinées à améliorer la situation des droits de l’homme dans les lieux de détention. Il serait intéressant de savoir si le Plan d’action évoqué par la délégation prévoit de faire participer les ONG togolaises telles que la Ligue togolaise des droits de l’homme (LTDH) aux visites des lieux de détention. Par ailleurs, la délégation a laissé entendre que les soins médicaux n’étaient pas dispensés automatiquement au détenu mais à la demande de ce dernier. Des précisions sur ce point seraient les bienvenues. Le Corapporteur est également préoccupé par le fait que les déclarations obtenues par la torture ne sont pas déclarées nulles automatiquement mais seulement si l’acte délictuel reproché au prévenu n’est pas démontré. La délégation pourra s’exprimer sur ces questions dans les réponses écrites qu’elle soumettra au Comité ultérieurement.

20.Mme GAER, appuyée par le Président, encourage la délégation à répondre de vive voix au plus grand nombre de questions possible afin que les conclusions et recommandations du Comité puissent être concrètes et représentatives des informations qu’elle aura fournies au Comité. Conformément à la procédure établie, le Comité enverra à l’État partie des conclusions et recommandations en demandant à ce dernier de l’informer dans un délai d’un an des mesures qu’il aura prises pour mettre en œuvre certaines d’entre elles. Mme Gaer, en tant que Rapporteuse pour le suivi des conclusions et recommandations, juge préférable que le suivi reste ciblé sur les quelques points précis qu’aura choisis le Comité sans que s’y ajoutent des réponses à de multiples questions qui n’auront pas pu être résolues au moment de l’examen du rapport.

21.Concernant la contribution des ONG à l’élaboration du rapport, des précisions au sujet des modalités de la participation des ONG mentionnées à la fin du rapport seraient les bienvenues. Pour ce qui est de l’accès des personnes en détention à un médecin et à un avocat, le rapport, dans sa version anglaise, donnait à penser que cet accès n’était pas garanti. Il pourrait toutefois s’agir d’un problème de traduction. Il serait par conséquent souhaitable que la délégation précise si cet accès est soumis à des délais ou subordonné à l’existence de circonstances particulières. Enfin, en ce qui concerne le maintien en vigueur de certains rites, notamment de veuvage, il serait utile de savoir si le Gouvernement a pris des mesures pour les interdire.

22.Mme BELMIR, revenant sur la question de la justice des mineurs et des délais de la garde à vue, souligne que les lacunes constatées dans ces domaines, bien qu’ayant été particulièrement manifestes lors des événements de 2005, ne sont pas pour autant conjoncturelles. Elles traduisent de véritables dysfonctionnements de l’appareil judiciaire auxquels il doit être remédié.

23.Mme SVEAASS, évoquant le cas de la dame qui se trouvait en détention depuis 1998 et qui vient d’être libérée, demande si une enquête a été menée sur les circonstances qui ont conduit à cette détention et si des mesures ont été prises pour éviter qu’un tel cas ne se reproduise. S’agissant de la question des réfugiés, l’experte demande quelle est la situation actuelle et quelles mesures ont été prises pour enregistrer les demandeurs d’asile et assurer la sécurité des personnes vulnérables, en particulier les femmes et les enfants.

24.M. GROSSMAN, appelant l’attention sur l’aspect symbolique de la réparation, demande si l’État partie envisage de prévoir des crédits budgétaires pour dédommager les victimes. Il souligne que la lutte contre l’impunité joue un rôle primordial dans la prévention, qui constitue elle‑même une obligation en vertu de la Convention, et qu’un mécanisme de réparation joue un rôle important dans ce cadre.

25.Le PrÉsident, se faisant l’écho des interrogations de Mme Sveaass concernant la dame qui était en détention depuis 1998, demande si les responsables ont été punis.

26.Mme ACOUETEY (Togo) dit, au sujet de l’utilisation de la torture lors d’interrogatoires, que tout aveu recueilli dans de telles circonstances n’a aucune valeur juridique.

27.M. KODJO (Togo) précise à cet égard que, même si aucun texte ne le dit expressément, le principe général est que tout magistrat constatant qu’une déclaration a été obtenue sous la torture est tenu de la déclarer nulle. L’État partie est toutefois conscient de l’intérêt que présente une codification de ce principe et envisage d’y procéder.

28.Pour ce qui est de l’action des organisations non gouvernementales, M. Kodjo, qui est depuis peu responsable des prisons, indique qu’il a accordé à plusieurs ONG l’accès aux lieux de détention et qu’il accueille leurs recommandations visant à améliorer les conditions de détention. Soulignant que les centres de détention sont des lieux régis par des règlements, il regrette la méfiance qui pèse encore sur la relation entre les ONG et le Gouvernement et se dit prêt à délivrer d’autres autorisations.

29.Pour ce qui est des soins médicaux, M. Kodjo indique que la personne gardée à vue, ou un proche, peut demander un examen médical. Le procureur dépêche alors un médecin. M. Kodjo reconnaît l’importance d’un examen médical systématique dans l’optique de la prévention de la torture et pense que l’État partie prendra des mesures législatives en ce sens. Quant aux personnes en détention provisoire, elles sont sous la responsabilité du médecin de la prison, qui intervient à la demande.

30.Pour ce qui est de la garde à vue, M. Kodjo indique que les carences dans la gestion de cette mesure s’expliquent par le manque d’institutions. Ainsi, la fonction de juge de l’application des peines vient tout juste d’être instituée. S’agissant de la dame qui était en détention depuis 1998, vu l’importance que le Comité attache à la question, M. Kodjo préfère ne pas lui donner d’informations incomplètes et lui transmettra l’ensemble du dossier dès son retour.

31.Mme ACOUETEY (Togo), évoquant la persistance de coutumes avilissantes, souligne que le Comité interministériel de réécriture du Code des personnes et de la famille a précisément été mis sur pied pour examiner ces pratiques et qu’il a recommandé leur suppression. L’excision est déjà interdite et les rites de veuvage le seront bientôt. Quoi qu’il en soit, beaucoup de femmes refusent déjà de se soumettre aux rites de veuvage, notamment pour des raisons religieuses.

32.Mme PABOZI (Togo), évoquant le rôle des ONG dans l’élaboration du rapport, indique que l’État partie a pu compter sur le concours de la Ligue togolaise des droits de l’homme, de la Commission nationale des droits de l’homme et des experts mentionnés dans le rapport, qui n’ont pas participé directement à la rédaction mais lui ont fourni une documentation abondante et ont pris part à de nombreuses consultations. Les experts ont en outre relu le rapport et proposé des améliorations.

33.Mme ACOUETEY (Togo), répondant à une question sur les défenseurs des droits de l’homme, signale que la Ligue togolaise des droits de l’homme travaille en partenariat avec son Ministère. Son statut a été reconnu et ses représentants ont été reçus par le Premier Ministre. Elle peut désormais mener des actions de sensibilisation sur tout le territoire et il est prévu qu’elle intervienne dans la formation des agents de sécurité. Elle visite les lieux de détention et informe le Ministère de la justice des cas de violation des droits de l’homme. La Ligue et le Ministère ont, d’ailleurs, décidé de mettre en œuvre un plan d’action conjoint.

34.M. AWA (Togo), répondant à une question sur les demandeurs d’asile, indique que c’est la Commission nationale des réfugiés, organe interministériel qu’il préside, qui examine les demandes d’asile. Il souligne que la plupart des demandeurs d’asile africains se préoccupent moins de leur protection que de l’obtention d’un statut. Des organisations caritatives facilitent cependant leur insertion, notamment en leur fournissant au besoin une assistance judiciaire et en veillant à ce que les enfants soient scolarisés. M. Awa estime que la situation est généralement satisfaisante et souligne la mise en place récente d’un Comité consultatif des réfugiés, qui recueille les doléances des réfugiés et les transmet au bureau du HCR à Cotonou.

35.M. ESSO (Togo) rappelle que le Togo est désormais animé d’une volonté politique d’entreprendre des réformes en vue de renforcer la démocratie et les institutions et qu’il a engagé à cet effet un processus de dialogue politique national. La présence d’une personnalité de l’opposition à la tête du bureau chargé du dialogue montre que la sérénité commence à prévaloir. Le dialogue national a pour vocation de renforcer la démocratie, favoriser la réconciliation et restaurer la confiance. Pour ce qui est de la réparation, dès qu’une décision sera prise quant à l’indemnisation des victimes de violences, les autorités prendront les mesures budgétaires requises.

36.Mme ACOUETEY (Togo) souligne que le gouvernement actuel a entrepris de combattre l’impunité. L’ONU et la Commission d’enquête nationale indépendante ont déterminé les responsabilités et défini des mesures contre l’impunité. Cependant, les deux parties en présence au Togo soulignent que les responsabilités sont partagées et souvent collectives. Avant de prendre des mesures concrètes, l’État partie doit mener des enquêtes judiciaires et déterminer les responsabilités individuelles. Toutefois, il ne pourra le faire qu’à l’issue du dialogue national. La culture de l’impunité ne sera plus acceptée au Togo. Telle est la volonté des autorités et de l’ensemble de la population.

37.M. AWA (Togo), répondant à une question concernant un commissaire de police, souligne que cette personne avait fait l’objet d’une suspension disciplinaire de six mois et que sa demande de réintégration vient d’être approuvée par le Ministre de la sécurité. Mme Acouetey confirme ces informations.

38.Le PRÉSIDENT remercie la délégation togolaise. Il se félicite de la qualité du dialogue amorcé avec l’État partie et l’assure du soutien du Comité dans les réformes entreprises. Il lui recommande de solliciter l’assistance du Haut‑Commissariat aux droits de l’homme, qui considère le Togo comme une priorité et envisage d’y établir un bureau.

39.La délégation togolaise se retire.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 16 h 25.

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