Nations Unies

CAT/C/SR.968

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

7 novembre 2012

Français

Original: anglais

Comité contre la torture

Quarante-cinquième session

Compte rendu analytique de la 968 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 10 novembre 2010, à 10 heures

Président: M. Grossman

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l'article 19 de la Convention

Deuxième rapport périodique du Cambodge (suite)

La séance est ouverte à 10 heures.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l'article 19 de la Convention (suite)

Deuxième rapport périodique du Cambodge(suite) (CAT/C/KHM/2; CAT/C/KHM/Q/2; HRI/CORE/1/Add.94)

1. Sur l'invitation du Président, les membres de la délégation cambodgienne re prennent place à la table du Comité.

2.M.  Sun Suon (Cambodge), répondant aux questions posées par le Comité à la séance précédente, dit que le Comité cambodgien des droits de l'homme a récemment procédé à l'inspection de 24 prisons municipales et provinciales et a conclu que, dans nombre d'entre elles, la gestion et les conditions de détention se sont beaucoup améliorées. Il demeure impossible de satisfaire pleinement aux normes internationales en raison du manque de ressources dans le pays, qui est classé parmi les moins avancés. Néanmoins, les autorités prennent des mesures pour améliorer les conditions, telles que le transfert des détenus des établissements surpeuplés vers ceux qui le sont moins, la construction de nouvelles prisons et l'agrandissement de celles qui existent. Des mesures sont prises aussi pour surveiller la santé des détenus, d'autant plus que la surpopulation est souvent préjudiciable à la santé. Le Comité cambodgien des droits de l'homme a constaté que l'approvisionnement en eau potable de toutes les prisons était suffisant. Des renseignements plus détaillés sur d'autres améliorations se trouvent au paragraphe 42 du rapport périodique.

3.Afin de lutter contre la corruption dans les prisons, tous les établissements ont un règlement interne. Tout membre du personnel des prisons qui ne respecte pas le règlement fait l'objet de mesures disciplinaires allant d'un avertissement verbal au licenciement et aux poursuites pénales. Des renseignements détaillés sur l'interdiction de la torture dans la police et les prisons figurent aux paragraphes 45 à 47 du rapport.

4.Les efforts mis en œuvre pour éliminer le travail des enfants dans le secteur du prêt-à-porter ont été couronnés de succès et des mesures sont prises aujourd'hui pour obtenir les mêmes résultats dans le secteur informel et dans celui du démantèlement des navires. Afin d'encourager les enfants à aller à l'école, l'enseignement primaire et secondaire est gratuit. Le cas des enfants en conflit avec la loi est réglé conformément aux dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant et autres dispositions internationales applicables.

5.Le Gouvernement cambodgien a conclu avec le Viet Nam et le HCR un accord tripartite qui régit le traitement des demandeurs d'asile Montagnards. Il entretient d'excellentes relations constructives avec le HCR, et la Loi sur l'immigration s’applique dans tous les cas. Le Gouvernement regrette les expériences négatives qu'ont pu connaître des demandeurs d'asile ou des réfugiés au Cambodge, qu'il s'agisse d’Ouïghours chinois ou de membres d'une autre communauté.

6.La législation nationale ne contient pas de définition de la torture mais, conformément à la Constitution, les instruments internationaux auxquels le Cambodge est partie sont automatiquement applicables dans les tribunaux locaux. Il appartient donc aux juges d'invoquer dans leurs décisions la définition de la torture énoncée dans la Convention.

7.Quand le régime de Pol Pot a pris fin, il n'y avait que sept avocats dans tout le pays. Il y a maintenant une Association du barreau qui compte quelque 600 membres, et il y a plus de 200 juges et procureurs, dont 10 sont des femmes. Une femme procureur agit actuellement en qualité de co-procureur auprès des chambres spéciales des juridictions du Cambodge.

8.La loi anticorruption, promulguée le 17 avril 2010, prévoit la création du Conseil suprême national de lutte contre la corruption, qui est chargé de la planification stratégique et de l'élaboration de la politique nationale, et de l'Unité anticorruption. L'Unité est chargée des affaires quotidiennes, de recevoir les plaintes, de mener des activités de sensibilisation, de procéder à des enquêtes et de maîtriser les infractions liées à la corruption. Elle a décidé de poursuivre une politique de tolérance zéro quels que soient l'entité ou le groupe politique en cause. La loi prévoit l'indépendance de l'Unité qui doit être secondée par des agents de police spécialement accrédités. Quelque 14 agents de police étaient formés à ce travail en août 2010 et un deuxième contingent pourra commencer à travailler au début de 2011. L'Unité mettra l'accent sur l'éducation du public, la prévention et l'application de la loi, soutenue dans toutes ses activités par un partenariat stratégique. Elle élabore actuellement ses documents de base et son règlement intérieur dans le but de lancer un plan biennal d'action au début de 2011. En outre, le Cambodge a participé en qualité de membre à part entière à l'Initiative anticorruption pour l'Asie et le Pacifique menée conjointement par la Banque asiatique de développement (BAsD) et l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) depuis 2003.

9.M.  Ke Sovann (Cambodge) dit que, même si la législation pénale interne n’indique pas avec précision qu'aucune circonstance exceptionnelle ne saurait justifier la torture, la torture est érigée en infraction pénale et est rigoureusement interdite dans le pays. Quiconque se rend coupable d'actes de torture est puni par la loi.

10.Les juges, procureurs et les autres agents des forces de l’ordre sont parfaitement au courant des instruments internationaux auxquels le pays est partie. Après la ratification d'un instrument, le texte en est envoyé aux branches judiciaires et exécutives du Gouvernement accompagné d'une recommandation visant à ce qu’il soit porté à l'attention des responsables grâce à la formation et à d'autres moyens d'action et de mise en œuvre.

11.Le Gouvernement cambodgien est conscient de la nécessité d'accélérer l'adoption de la Loi organique sur l'organisation et le fonctionnement des tribunaux, de la Loi sur la modification du Conseil suprême de la magistrature et de la Loi sur le statut des juges et procureurs. L'adoption de ces textes figure en priorité sur l'agenda des réformes du Gouvernement.

12.M. Ke Sovann souligne que la préparation d'une nouvelle législation anticorruption est en cours. Une enquête sur les allégations actuelles de corruption sera ouverte prochainement.

13.Bien qu'il n'existe aucune donnée sur les actes de torture commis au cours des cinq années passées, pendant cette période les tribunaux se sont prononcés sur certaines affaires de torture. L'absence de base de données est une lacune à laquelle l'État partie remédiera, mais il aura besoin d'aide pour rassembler et classer les affaires.

14.Les agents des forces de l’ordre peuvent enquêter sur les activités criminelles, y compris la torture, mais il est possible d’améliorer leurs compétences. Il est nécessaire de consacrer une formation plus approfondie aux procédures, aux codes et à la collecte des éléments de preuve.

15.Les plaintes pour torture ou mauvais traitements imputés aux membres des forces de l’ordre peuvent être portées devant le Ministère de l'intérieur. Le licenciement fait partie des sanctions administratives prévues pour ces actes; en cas d'infraction grave, le responsable est obligatoirement jugé.

16.Les personnes en garde à vue ont l'autorisation de consulter un avocat dans les 24 heures qui suivent leur arrestation et, quand il s'agit d'un mineur, un parent ou le tuteur légal est informé immédiatement. Un suspect peut être détenu pendant 48 heures au maximum avant d'être inculpé. Dans les cas exceptionnellement compliqués, une prolongation de 24 heures peut être accordée à la police.

17.L'Association du barreau du Royaume du Cambodge fonctionne en toute indépendance en appliquant son propre code de conduite qui reprend les principes et les pratiques juridiques internationales. Le Gouvernement lui apporte un appui financier pour permettre à ses de représenter les personnes démunies.

18.Le premier procès des Khmers rouges – affaire no 1 – a été mené à terme par les chambres spéciales des juridictions du Cambodge en 2010 et l'affaire no 2 débutera sous peu. Le Gouvernement est satisfait des progrès réguliers qui ont été faits. Il fera œuvre de justice pour le peuple cambodgien, tout en maintenant la paix, la sécurité et la stabilité.

19.Une indemnité a été versée à toutes les victimes du régime des Khmers rouges. Le pays a été reconstruit malgré l'embargo économique imposé pendant les années 80, et il connaît aujourd'hui la paix et la prospérité économique. Il est important de mettre en place un plan de réadaptation pour venir en aide aux victimes du régime. Il y a des hôpitaux publics et des cliniques privées qui dispensent des services de soutien psychologique aux victimes de torture. Le Cambodge améliorera le niveau de vie de sa population et la crédibilité de son Gouvernement dès que la Convention sera pleinement appliquée. Mais, la mise en œuvre se fera progressivement car le pays est confronté à des difficultés financières. Environ un tiers de la population vit en-deçà du seuil de pauvreté. Le Gouvernement applique une stratégie de réduction de la pauvreté grâce au développement économique et social qui, il faut l'espérer, contribuera à réduire la délinquance.

20.Il est à regretter que l'ONG citée la veille n'ait pas présenté un rapport impartial.

21.M.  Nouth Savna (Cambodge) dit que, depuis sa création, le mécanisme national de prévention (MNP) a collaboré avec tous les intervenants, en particulier les partenaires de développement, pour renforcer les capacités et mettre en place une législation conforme au Protocole facultatif. Malgré le manque de ressources, le MNP a beaucoup progressé dans ces domaines. Son secrétariat attend avec intérêt de pouvoir bénéficier de la formation que le HCDH consacrera à la manière de conduire les entretiens avec les détenus, de préparer les questionnaires, de mener des visites sur place et de gérer l'indemnisation des victimes. Le Gouvernement s'est efforcé de maintenir l'indépendance des différents membres du mécanisme tout en veillant à ce que ce dernier, dans une culture de respect de l'autorité, ait suffisamment de poids grâce à la participation de personnalités comme le Vice-Premier Ministre.

22.M. Nouth Savna ne peut pas répondre immédiatement à certaines des questions posées la veille par les membres du Comité car il s'agit de questions délicates sur le plan politique ou confidentielles. Il s'engage à faire des recherches et à présenter des réponses ultérieurement.

23.Le MNP reçoit des plaintes concernant toutes les formes de torture ou de mauvais traitements infligés par les autorités aux détenus ou à d'autres personnes dans les établissements publics. Sur les conseils donnés par le HCDH aux fins d’amélioration de la procédure de plaintes, une ligne d'urgence et des boîtes de plaintes ont été installées dans ces établissements. Des mesures rationnelles seront mises au point pour permettre de saisir les tribunaux pénaux et faire en sorte que les victimes aient accès à la justice et à réparation. Le mandat actuel du mécanisme ne prévoit pas la possibilité de faire des visites inopinées dans les lieux de détention, mais les membres peuvent exercer leur droit de visite sur une base régulière et s’entretenir avec les détenus sans crainte de représailles ou de violences.

24.En ce qui concerne l'indemnisation des survivants du régime des Khmers rouge, les chambres spéciales des juridictions du Cambodge (ECCC) ont défini une procédure visant à préparer la participation d'un grand nombre de demandeurs et de leurs représentants légaux à un programme de réparation morale et, si possible, financière. Le nouveau programme de réparation démarrera en même temps que la procédure concernant l'affaire no 2.

25.M.  Kong Chhan (Cambodge), parlant de la traite des êtres humains, dit que tous les ans, un certain nombre de Cambodgiens se déplacent des zones rurales vers les zones urbaines du pays et les pays voisins pour y chercher du travail. Des personnes sont attirées vers la Thaïlande avec la promesse d'emplois bien rémunérés, et de là deviennent victimes de traite vers la Malaisie. Des hommes, des femmes et des enfants sont tous victimes de traite. Des Vietnamiennes, victimes de traite, arrivent au Cambodge à des fins d'exploitation sexuelle et des enfants cambodgiens font l'objet de traite vers le Viet Nam, essentiellement à des fins de mendicité.

26.En 2008, le Ministère des affaires sociales, des vétérans et de la réhabilitation de la jeunesse a reçu et réadapté 105 femmes et enfants victimes de traite vers la Thaïlande à des fins d'exploitation sexuelle. En outre, 745 Cambodgiens victimes de traite à des fins de travail forcé ont été rapatriés du Viet Nam et 4 Vietnamiennes ont été renvoyées dans leur pays.

27.Le Cambodge et la Thaïlande ont signé en 2003 un mémorandum d'accord sur l'élimination de la traite des femmes et des enfants et l'aide aux victimes, et ont adopté des directives communes sur le rapatriement et la réintégration. En 2005, le Cambodge a signé un accord bilatéral de coopération similaire avec le Viet Nam. Des accords ont également été signés avec la Thaïlande et le Viet Nam sur les procédures d'identification et le rapatriement des victimes. Le Cambodge a passé avec la Malaisie un accord aux termes duquel l'Ambassade du Cambodge dans ce pays utilise un formulaire de traçabilité de l'Organisation internationale des migrations pour identifier les victimes de traite. Les victimes sont rapatriées par les soins du Ministère des affaires sociales, qui engage une action pour retrouver les familles. Des ONG aident le Ministère à identifier et à évaluer les victimes ainsi qu'à faciliter leur réintégration et leur prise en charge. La réintégration est aussi planifiée par le Ministère. Entre 2007 et 2009, le Conseil national pour l'enfance, en coopération avec le Ministère et des ONG, a publié des lignes directrices et des normes minima de protection des enfants victimes de traite.

28.La réintégration se fait au travers d’un passage de courte durée dans un centre de transit où des travailleurs sociaux apportent un soutien psychosocial intensif. Sur la longue durée, un foyer accueille les victimes qui ne peuvent pas retourner dans leurs familles. Les victimes peuvent choisir de retourner dans leurs communautés, au lieu d’être prises en charge dans un foyer.

29.Le Gouvernement a pris des mesures pour assurer la protection des droits des victimes. En 2007, il a chargé un groupe de travail de haut niveau de la lutte contre la traite des êtres humains. Le Ministère des affaires sociales a publié plusieurs directives concernant ce fléau et en 2007, il a élaboré une politique de protection de placement des enfants victimes. En 2005, une Commission nationale a été mise en place pour répondre aux besoins des enfants des rues et prévenir la migration. La Commission a créé un centre des affaires sociales qui fournit des services d'aide au rétablissement et à la réintégration, y compris une formation professionnelle aux femmes et aux enfants. À l'inverse de ce que laissent entendre les renseignements fournis, le centre des affaires sociales n'est pas un centre de détention. L'UNICEF et le HCDH ont aidé le Gouvernement à recruter des consultants indépendants pour assurer des services au centre.

30.Le Gouvernement élabore actuellement un projet de loi sur la justice pour mineurs en consultation avec les parties prenantes, y compris les enfants eux-mêmes. Le projet portera sur des problèmes tels que l'incarcération des jeunes délinquants. Une protection sociale est assurée aux enfants dont les mères se trouvent en prison.

31.M.  Sun Suon (Cambodge) dit que, avec ses partenaires de l'ANASE, le Gouvernement cambodgien a amélioré l'aide qu'il apporte aux victimes de traite.

32.Conformément à son mandat, le MNP est habilité à procéder régulièrement à l'examen des personnes privées de liberté dans les centres de détention afin de les protéger contre la torture et les mauvais traitements; à formuler des recommandations aux autorités compétentes, fondées sur les normes des Nations Unies, afin d'améliorer les conditions de détention et de prévenir la torture; à se rendre dans les centres de détention de tout le pays afin d'obtenir des renseignements auprès des détenus et d'évaluer les conditions de détention; à faire des propositions concernant la législation en vigueur et les projets de loi; et à aider la Sous-Commission pour la prévention de la torture à s'acquitter de ses fonctions en application de l'article 20 du Protocole facultatif.

33.Les chambres spéciales des juridictions du Cambodge (ECCC) ont beaucoup progressé pour prévenir l'impunité et la récurrence des atrocités du passé. L'affaire no 1 est terminée et l'affaire no 2, qui met en cause quatre personnes, est en cours. Le Secrétaire général de l'ONU s'est rendu au Cambodge en octobre 2010 et a fait une excellente déclaration sur la procédure appliquée par les ECCC. De plus, le 23 février, le Vice-Premier Ministre du Cambodge et le Secrétaire général adjoint de l’ONU aux affaires juridiques ont publié une déclaration conjointe dans laquelle ils se sont félicités des résultats importants enregistrés par les ECCC depuis la réunion précédente, notamment de l’ouverture des audiences publiques du premier procès devant les chambres, et ils ont reconnu que des avancées importantes avaient été faites en ce qui concerne l'impunité des crimes commis sous le régime des Khmers rouges. Ils se sont déclarés satisfaits des progrès réalisés lors des séances conjointes de leurs réunions en janvier et février 2009 pour renforcer la gestion des ressources humaines des ECCC, y compris les mesures de lutte contre la corruption. Des propositions présentées de part et d'autre lors des séances conjointes ont abouti à une plus grande compréhension mutuelle. Les deux parties sont convenues des éléments essentiels d'une structure consacrée au renforcement de toute l'administration des ECCC. Cette structure assurera le respect des garanties légales, y compris la protection absolue du personnel contre toute possibilité de représailles en cas de dénonciation de méfaits faite de bonne foi.

34.M me Gaer (Rapporteuse pour le Cambodge), remercie la délégation d'avoir utilisé le peu de temps dont elle disposait depuis la séance précédente pour préparer tant de réponses aux questions du Comité.

35.La délégation a souligné qu'il est nécessaire de considérer le respect par l'État partie de la Convention dans le contexte de l'histoire récente du Cambodge. Le Comité a bien entendu tenu compte des circonstances, mais la Convention est un instrument mondial qui doit s'appliquer dans tous les contextes. Mme Gaer a été très impressionnée par l'ampleur de la coopération de l'État partie avec d'autres pays et les organismes internationaux et par le fait que quelque 3 000 ONG opèrent au Cambodge. Toutefois, en dernière analyse, la responsabilité de la mise en œuvre de la Convention incombe au Gouvernement.

36.Mme Gaer invite la délégation à faire part de ses commentaires sur les menaces, formulées récemment, de fermeture du bureau extérieur du HCDH au Cambodge.

37.La veille, le Comité a posé de nombreuses questions sur un manque troublant de responsabilité et des allégations de corruption. Les réponses fournies ne sont pas entièrement satisfaisantes.

38.S'agissant du retour des demandeurs d'asile dans leur pays, la délégation déclare que la présence du HCR garantit le déroulement régulier de la procédure. Cependant, la décision de signer un texte mettant fin au statut de réfugié de 20 Ouïghours a été prise par les autorités cambodgiennes deux jours seulement avant leur refoulement, et non par le HCR. Mme Gaer demande si l'article 3 de la Convention a été pris en considération quand leur statut a été déterminé et si ce statut a été surveillé.

39.Elle est satisfaite des renseignements fournis sur la définition de la torture. D'après la délégation, certains points qui ne sont pas explicitement mentionnés dans la définition sont néanmoins applicables. Elle demande une copie du texte.

40.La délégation a déclaré également que la Constitution faisait état des traités internationaux, lesquels sont donc applicables en droit interne. Mme Gaer se demande si, dans la pratique, les agents de la fonction publique sont conscients du fait que les dispositions de la Convention concernant, par exemple, les règles de la preuve, l'inculpation et la condamnation dans les affaires de torture et de mauvais traitements sont applicables en droit interne.

41.Mme Gaer se félicite de la décision prise le 10 mai 2010 par les ECCC sur la recevabilité de l'appel de Ieng Sary. La chambre préliminaire a déclaré explicitement au paragraphe 35 de sa décision que les moyens de preuve sont évalués conformément aux règles juridiques internationales et que la loi applicable au Cambodge incorpore les instruments internationaux tels que la Convention contre la torture. Au paragraphe 37, la chambre précise que la pertinence de certaines pièces dans l'affaire Kaing Guek Eav "Duch" est limitée car elles ont été obtenues sous la torture, et au paragraphe 38, elle souligne que l'article 15 de la Convention doit être rigoureusement appliqué et qu’aucune déclaration obtenue sous la torture ne peut être utilisée pour établir la vérité ou à toute autre fin. Mme Gaer demande si la décision sera largement diffusée et fera partie de la législation et de la pratique cambodgiennes.

42.La délégation a dit que de nouvelles prisons sont en construction mais, si les taux d'incarcération restent aux niveaux actuels, il conviendra d'examiner sérieusement la question des solutions de substitution à l'emprisonnement. Mme Gaer demande quelle est la proportion des visites d'inspection des prisons qui se font sans préavis.

43.Conformément à la circulaire no 006 publiée par le Ministère de l'intérieur, quiconque commet des actes de torture fera l'objet d'une "rétrogradation ou d'une mesure de renvoi des forces de police". Relevant que 26 gardiens ou agents de prison ont été punis pour avoir commis des sévices physiques ou des actes dégradants ou avoir insulté des détenus, Mme Gaer demande si les uns ou les autres ont été poursuivis.

44.Bien que la Constitution impose aux juges d'appliquer les traités internationaux et la définition de la torture énoncée dans la Convention, jamais un juge n'a fait état de la Convention dans une décision. Mme Gaer demande donc comment les juges appliquent l'interdiction de la torture et s'il existe des statistiques sur les plaintes et les poursuites.

45.La corruption étant un problème extrêmement grave, elle demande des renseignements précis sur l'application de la Loi anticorruption.

46.S'agissant des comités d'autogestion dans les prisons, les personnes qui se sont entretenues avec des détenus ont fait savoir au Comité que, bien que ces comités aient été créés dans le but d'aider les agents des forces de l’ordre, leurs membres ont en fait commencé à malmener d’autres détenus. Outre le fait qu'ils rouent de coups les nouveaux détenus, ils en forcent d’autres à payer pour les visites médicales, les cellules plus spacieuses, une meilleure nourriture, les activités en plein air et les visites des familles. Il semble donc que des agents non étatiques peu recommandables opèrent librement devant des autorités carcérales qui restent indifférentes. Mme Gaer demande comment sont nommés les membres des commissions d'autogestion, quelles sont les procédures de plainte qui existent et quelles sont les mesures qui sont prises pour protéger les plaignants.

47.Il y aurait des personnes arrêtées qui n'auraient pu consulter un avocat qu’au bout de 24 heures. Il est essentiel de permettre l'accès à un avocat dès le moment de l'arrestation car des mauvais traitements – par exemple, pour extorquer des aveux – sont souvent infligés dans l’intervalle. Les règlements extrajudiciaires sont manifestement aussi très fréquents pendant les premières 24 heures, impliquant parfois un paiement pour la mise en liberté. Les registres d’écrou sont parfois laissés ouverts et les documents sont incomplets. Mme Gaer demande que lui soit donnée l'assurance qu'il est possible de contacter un avocat dès le moment de l'arrestation.

48.Elle est préoccupée par la déclaration de la délégation selon laquelle, dans leurs rapports, les ONG feraient preuve de partialité, ne reconnaîtraient pas les résultats du Gouvernement et seraient inacceptables. Cela ressemble à un avertissement lancé aux ONG pour qu'elles modifient leur comportement. Le Comité considère que les ONG ont un rôle majeur à jouer dans la surveillance du bien-être des personnes et les résultats des gouvernements. En novembre 2009, le Premier Ministre cambodgien aurait déclaré que le Gouvernement respecte les ONG locales et internationales dont les activités sont bénéfiques à l'humanité et aident le Gouvernement, et qu'elles ne seront pas menacées par le projet de loi sur les ONG. Il a ajouté, toutefois, que certaines ONG dont les activités paraissent servir le parti d'opposition craignent la législation. Ultérieurement, quelque 230 ONG ont publié une déclaration dans laquelle elles avançaient que le moment n'était pas venu d'élaborer une loi sur les ONG. Mme Gaer aimerait avoir un complément d'information sur l'état de la loi, et l'assurance que le rôle des ONG est bien compris. La critique de l'action gouvernementale ne doit pas être érigée en infraction, et Mme Gaer se déclare préoccupée par l'idée que les ONG qui soutiennent un parti d'opposition doivent être réglementées. Elle espère que les ONG actives dans le domaine des droits de l'homme, qui accomplissent un travail très utile d’aide aux victimes de torture et aux personnes exposées à des mauvais traitements, ne feront pas l'objet de représailles.

49.Elle suppose que le MNP sera composé de membres de la branche exécutive étant donné que le peuple cambodgien, pour des raisons culturelles, respecte les anciens et l'autorité. Or, le Protocole facultatif prévoit que le mécanisme doit être indépendant. Mme Gaer invite la délégation à faire des observations sur cette contradiction.

50.Certaines questions du Comité ont été décrites comme étant trop délicates ou "trop complexes subjectivement pour qu'une réponse leur soit apportée". Pourtant le Comité a reçu l'assurance que les questions feraient l'objet de recherches en temps voulu. Mme Gaer aimerait avoir des éclaircissements sur cette observation.

51.M me Sveaass (Co-Rapporteuse pour le Cambodge), est tout à fait consciente de toutes les difficultés que l'État partie a rencontrées au cours des années et de l'ampleur du travail qui reste à faire. Elle est impressionnée par toute la panoplie de plans, programmes et lois qui sont déjà mis en œuvre ou prévus.

52.Mme Sveaass comprend que la confiance du public et le sentiment que le Gouvernement se préoccupe du bien-être de la population soient extrêmement importants, en particulier dans une atmosphère d'après conflit. L'idée que le changement apporte la prospérité économique, la sécurité et la paix peut compenser jusqu'à un certain point les atrocités de la période des Khmers rouges. Cependant, il faudra du temps pour dissiper la peur. Il est donc indispensable de créer des mécanismes permettant aux personnes, aux familles et aux communautés de porter plainte et de signaler les cas d'injustice. Par exemple, il faut garantir aux victimes de viol le droit de porter plainte et de bénéficier d'une prise en charge et d'une réparation appropriée. Mme Sveaass demande donc instamment à l'État partie de renforcer ces mécanismes et de les rendre rapidement opérationnels.

53.Mme Sveaass demande si des représentants de la société civile feront partie du mécanisme national de prévention.

54.Mme Sveaass tient aussi à en savoir davantage sur le projet de législation concernant les ONG. Toute restriction à leur action risque d'être antidémocratique ou de les empêcher de s'acquitter de leur rôle de "chien de garde".

55.Quand le Comité prépare son dialogue avec un État partie, il examine avec soin toutes les informations émanant de l'État partie lui-même, des autres organes conventionnels, et des ONG nationales et internationales. Il y a eu de sérieuses allégations concernant, par exemple, la situation dans l'établissement de Prey Speu entre 2006 et 2008. Mme Sveaass aimerait savoir si ces allégations ont fait l'objet d'enquêtes et si des délinquants ont été traduits en justice. Même si des allégations ne paraissent pas fondées, elles doivent faire l'objet d'enquêtes, en particulier quand elles concernent des mauvais traitements infligés à des groupes vulnérables comme les mineurs ou les victimes de traite.

56.Mme Sveaass comprend que des dispositions ont été prises pour surveiller comme il convient les rapatriés vers le Viet Nam ou d'autres pays ainsi que pour assurer la prise en charge des personnes rapatriées au Cambodge. Elle demande un complément d’information sur les programmes de réadaptation mentionnés par la délégation, et aimerait avoir l'assurance que les établissements concernés ne sont pas des centres de détention illégaux où des violations de la Convention peuvent se produire.

57.Mme Sveaass s'interroge sur les règlements qui régissent les comités d'autogestion dans les prisons et demande si des sanctions peuvent être imposées en cas d'actes illicites.

58.Le Comité a reçu l'assurance de la délégation que les règlements et codes de conduite sont applicables aux agents de police et aux gardiens de prison et que des sanctions sont infligées en cas de mauvais traitements et de torture. Mme Sveaass croit comprendre toutefois qu'aucune affaire fondée sur des plaintes portées à l’encontre des agents de police ou des gardes de prison n'a été entendue par un tribunal pénal. Aucune statistique n'a été fournie sur les procédures administratives ou judiciaires et leurs résultats. Mme Sveaass souligne que l'action judiciaire doit intervenir non seulement quand il y a meurtre, mais aussi quand il ya tortures et mauvais traitements.

59.De sérieuses plaintes ont été formulées au sujet du traitement des Khmers du Kampuchéa Krom au Viet Nam et au Cambodge, par exemple en ce qui concerne l’absence de cartes d'identité, le déni de certains droits et la perte de terres. Mme Sveaass demande quelles mesures seront prises pour garantir les droits des peuples autochtones.

60.Mme Sveaass a noté avec grand intérêt que des médecins recevaient une formation pour pouvoir dispenser des services de traitement et de réadaptation aux victimes de torture et d'abus sexuels. Mme Sveaass espère qu'ils fourniront aussi une aide aux personnes qui comparaissent devant les ECCC.

61.M.  Mariño Menéndez félicite le Gouvernement pour les efforts qu'il déploie afin de protéger les enfants contre les pires formes de travail et demande si les enfants nés au Cambodge acquièrent automatiquement la citoyenneté du pays et bénéficient des mesures de protection correspondantes, dont jouissent les citoyens. Il se demande si les membres de la minorité Khmer Krom ont droit à la citoyenneté cambodgienne et si des membres de cette minorité ont été expulsés au Viet Nam.

62.Il aimerait en savoir davantage sur la Loi antiterrorisme et demande dans quelle mesure cette loi respecte les dispositions internationales sur la détention provisoire, l'accès à la justice et l'accès aux services d'un conseil. Préoccupé par les violations des droits fondamentaux de l'homme pendant les expropriations foncières qui ont lieu dans le pays, il demande quelles mesures sont prises pour protéger contre les déplacements forcés. Des syndicalistes étant persécutés dans tout le pays, il demande quelles sont les mesures prises pour les protéger et quelle action judiciaire a été intentée à la suite du décès de Chea Vichea.

63.M.  Gaye dit que non seulement la définition de la torture énoncée à l'article premier de la Convention doit être incorporée dans le droit interne, mais que la torture et les mauvais traitements doivent aussi être érigés en infractions assorties des peines appropriées. Au paragraphe 9 de son rapport, l'État partie déclare que le juge peut utiliser le mandat d'amener sans avoir préalablement établi de convocation, ce qui semble être un recul en matière de protection des libertés individuelles car une personne peut tout simplement ne pas se présenter devant un tribunal, n’étant pas au courant de l'affaire engagée à son encontre. M. Gaye demande si la loi cambodgienne prévoit des solutions autres que l'emprisonnement, qui contribueraient à résoudre le problème de la surpopulation carcérale et aideraient les délinquants à se réinsérer dans la société.

64.Il se demande comment des agents de la fonction publique qui ont reçu des ordres contraires à la loi peuvent se protéger contre les représailles de leurs supérieurs s'ils refusent de les exécuter. Selon des renseignements fournis par des ONG, des détenues sont souvent victimes de sévices sexuels et de mauvais traitements, ce qui pourrait s'expliquer par le manque de gardiennes de prison, mentionné au paragraphe 54 du rapport. M. Gaye remercie la délégation pour les renseignements fournis sur la compétence du Conseil constitutionnel, mais il continue de penser qu'il serait utile d'inclure dans la Constitution une disposition spécifique établissant l’autorité juridique des instruments internationaux.

65.M me Belmir dit que, bien souvent, les jeunes délinquants sont victimes de mauvais traitements et devraient être traités comme des victimes et non des criminels. Une stratégie plus globale devrait être appliquée pour répondre à leurs besoins et mettre fin au cycle de la délinquance.

66.M.  Wang Xuexian dit que, en raison des différences de terminologie utilisée dans les réponses de la délégation, dans la Constitution et dans la décision du Conseil constitutionnel, il ne voit pas très bien si les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme sont directement applicables ou non dans l'État partie.

67.Le Président demande quelles sont les procédures de nomination des juges et de révocation de ceux qui ne satisfont pas aux normes professionnelles. La Loi organique sur l'organisation et le fonctionnement des juridictions et la Loi sur la modification du Conseil suprême de la magistrature sont devant le Parlement depuis 2002, mais toujours en instance; le Président aimerait savoir où en est la situation à l’heure actuelle. Il aimerait savoir aussi quel est le nombre total de juges dans le pays, dont celui des femmes juges, le nombre total des avocats, dont celui des avocates. Il félicite le Cambodge pour sa législation moderne sur le viol conjugal et demande combien de condamnations ont été prononcées dans des affaires de viol en général, et dans des affaires de viol conjugal en particulier.

68.Il demande un complément d'information sur la réglementation de l'État concernant l'admission à l'Association des avocats, y compris sur le nombre des admissions. Le mécanisme national de prévention devrait être habilité à procéder à des visites inopinées des lieux de détention. Il importe certes que les membres de ce mécanisme soient des personnes respectées ayant des positions de responsabilité, mais les conflits d'intérêts doivent être évités. Les membres ne doivent donc pas appartenir aux institutions supervisées par le mécanisme.

69.M.  Sun Suon (Cambodge) rappelle l'histoire tragique de son pays et souligne les difficultés auxquelles le Cambodge est confronté dans son effort pour clore ce sombre chapitre de son histoire et se tourner vers le futur. Le Gouvernement encourage la participation de la société civile, et les ONG locales et nationales font un travail important en matière de droits de l'homme. Le principal défi consiste à construire un dialogue constructif avec ces organisations et à prévenir la politisation de leur travail, parce que la démocratie au Cambodge est jeune et fragile. M. Sun Suon demande au Comité de tenir compte des résultats obtenus jusqu'ici, comme la réduction de l'extrême pauvreté et l'élévation du niveau de vie.

70.Il reconnaît la nécessité d'une institution nationale des droits de l'homme; le Gouvernement prend des mesures pour mettre en place cette institution, mais cette mise en place prendra du temps. L'indépendance du mécanisme national de prévention est aussi une question importante, mais le fait d'avoir établi ce mécanisme représente déjà un progrès. La privatisation foncière entamée après le régime des Khmers rouges a entraîné un accaparement de terres par des investisseurs nationaux et étrangers, et le Gouvernement s'efforce de réglementer la situation. Le Gouvernement reçoit parfois des signaux conflictuels de la part du Comité. Auparavant, il était critiqué pour ne pas réglementer les ONG et maintenant qu’il a adopté la Loi sur les ONG, le Comité a demandé pourquoi cette loi restreignait l’action des ONG. Mais, le Gouvernement accepte ses insuffisances et est déterminé à mettre en œuvre les recommandations du Comité.

71.La Constitution dispose clairement que tous les Khmers Krom sont des Cambodgiens; ces derniers ne constituent donc pas un groupe minoritaire dans le pays, mais ils en constituent peut-être un au Viet Nam. Toutefois, les citoyens qui ont une double nationalité relèvent d'une juridiction différente, qui s'applique également à tous les Cambodgiens qui jouissent d’une double nationalité, quel que soit l'autre pays. La pauvreté est la cause profonde du travail des enfants et le Cambodge progresse nettement vers l'abolition de cette pratique par le biais d'institutions telles que le Conseil national cambodgien pour l'enfance.

72.Le Gouvernement croit en la réconciliation nationale: néanmoins traduire les Khmers rouges devant la justice par le biais des chambres spéciales des juridictions du Cambodge est difficile à cause du passé douloureux du pays. L'aspect le plus important de la réconciliation consiste à panser les plaies laissées par ce régime. La corruption pose un problème et le Gouvernement cambodgien est déterminé à rendre les fonctionnaires corrompus responsables, mais il s'agira d'une longue procédure qui exige des campagnes de sensibilisation et des ressources humaines et financières importantes.

73.Le Président remercie la délégation pour la détermination dont elle a fait preuve et lui demande d'envoyer les autres réponses au secrétariat par écrit.

La séance est levée à 13 h 10 .