Nations Unies

CAT/C/SR.965

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

16 novembre 2010

Original: français

Comité contre la torture

Quarante ‑ cin qu ième session

Co mpte rendu analytique de la première partie (publique)* de la 965 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le lundi 8 novembre 2010, à 15 heures

Président: M. Grossman

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19de la Convention (suite)

Quatrième, cinquième et sixième rapports périodiques de l’Équateur

La séance est ouverte à 15 h 10 .

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19de la Convention

Quatrième, cinquième et sixième rapports périodiques de l’Équateur (CAT/C/ECU/4-6; CAT/C/ECU/Q/4)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation équatorienne prend place à la table du Comité.

2.M me Moncada (Équateur), présentant le rapport périodique de l’Équateur, dit que depuis l’adoption de la nouvelle Constitution en 2008, son pays s’est employé à renforcer la démocratie sur les plans politique et institutionnel et que, dans ce cadre, il a adopté un ensemble de mesures visant à mettre fin à la pratique de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants sur tout son territoire. L’État équatorien a ainsi entrepris une œuvre de longue haleine: mettre la législation secondaire en conformité avec la nouvelle Constitution et en faire un outil efficace qui permettra de renforcer la démocratie et la transparence, de s’attaquer aux facteurs qui font que la torture persiste et de combattre l’impunité, l’abus de pouvoir et la corruption. Les progrès accomplis à ce jour consistent en l’amélioration de l’accès à la justice, en l’élaboration de programmes destinés à en finir avec la torture, à en punir les auteurs, à accorder réparation aux victimes et à améliorer la situation des personnes privées de liberté.

3.La Commission de Vérité, créée en 2007 par le Gouvernement pour enquêter et recueillir des informations sur les atteintes aux droits de l’homme dont s’étaient rendues coupables la police et l’armée entre 1984 et 1988, a présenté en juin 2010 son rapport final, qui contient une analyse des violations graves des droits de l’homme commises par des agents de l’État au cours de ladite période, notamment les atteintes aux droits à la vie et à l’intégrité de la personne, et évoque les responsabilités aux niveaux civil, pénal et administratif. La délégation équatorienne tient ce rapport et d’autres documents à la disposition des membres du Comité. Pour donner suite aux conclusions de la Commission de Vérité, les autorités ont chargé, en octobre 2010, une unité spéciale du parquet général de l’État de mener des enquêtes sur les cas les plus graves de violation de droits de l’homme qui avaient été mis en lumière. C’est ainsi que 118 dossiers ont été transmis dès octobre 2010 aux autorités judiciaires.

4.Dans le cadre des efforts pour mettre sa législation en conformité avec le cadre constitutionnel du pays, l’Équateur a procédé à la réforme de son Code pénal et de son Code de procédure pénale et a modifié la loi sur le ministère public. En outre, il a fait de la police judiciaire, placée sous la supervision directe du parquet, le seul organe public habilité à mener des enquêtes sur les infractions pénales. En août 2009, la loi organique du système judiciaire est entrée en vigueur. Elle trace la voie à des réformes fondamentales visant à améliorer le fonctionnement de la justice et à accélérer les procédures judiciaires. Dans cette optique de nouvelles juridictions continuent d’être créées et des programmes pour la formation des juges ont été lancés.

5.Le Ministère de l’intérieur a émis en août 2010 un décret qui permet de réexaminer des affaires de violation des droits de l’homme classées sans qu’une enquête approfondie ait été menée ou dans lesquelles de nouveaux éléments pourraient permettre de déterminer d’éventuelles responsabilités sur les plans civil, pénal et administratif. C’est en application de ce décret que la Commission de Vérité a réexaminé certains dossiers. Dans le cadre de ce processus, plusieurs membres de corps spécialisés de la police ont été arrêtés et des poursuites ont été engagées à leur encontre. Afin de sensibiliser les membres des forces armées aux principes de la démocratie et des droits de l’homme, des programmes de formation comportant une dimension ethnique et culturelle et axés sur la prévention de la torture et des violations des droits de l’homme sont en cours d’élaboration.

6.Diverses mesures de réadaptation sociale ont été prises en faveur des personnes privées de liberté, dans le cadre d’une action concertée des Ministères de la santé et de l’éducation et de la Direction nationale de la réinsertion sociale. Des ateliers de production et de formation professionnelle ont ainsi été mis en place, les installations pénitentiaires ont été rénovées et de nouveaux centres de détention, dont un établissement pour mineurs, ont été construits.

7.Force est d’évoquer enfin les événements graves qui se sont produits en Équateur à la fin du mois de septembre 2010, qui illustrent bien les difficultés rencontrées dans la lutte contre l’impunité. Des membres de la police nationale ont en effet tenté de renverser l’ordre constitutionnel, séquestrant notamment pendant plusieurs heures le Président de la République et provoquant des affrontements qui ont fait plusieurs morts et blessés. Les autorités équatoriennes ont ouvert une enquête sur ces événements et le parquet a engagé une procédure contre les responsables du soulèvement et a déjà établi les chefs d’accusation contre les instigateurs et les participants à la rébellion. Comme le souhaite la population toute la vérité sera faite sur ces incidents.

8.Le Président (Rapporteur pour l’Équateur) de la délégation dit qu’il se réjouit de la remarquable diversité de la délégation équatorienne. Il salue les progrès accomplis par l’Équateur sur le plan législatif et, plus particulièrement, de la modification de la Constitution et de l’incorporation dans la législation secondaire des droits constitutionnels. Après la vive inquiétude suscitée par les événements de septembre 2010, le Comité a appris avec soulagement que l’ordre constitutionnel avait été rétabli. Le monde entier et, au niveau du continent américain, les États membres de l’Organisation des États américains ont manifesté leur solidarité avec le peuple équatorien et se sont réjouis de l’issue satisfaisante des événements.

9.En ce qui concerne l’article premier de la Convention, le Rapporteur souhaiterait recevoir des précisions sur le projet de réforme du Code pénal, qui prévoit d’ériger en infraction tous les actes de torture visés aux articles 1 à 4. Les termes utilisés à l’article 187 du Code pénal actuel pour décrire la torture sont particulièrement archaïques et rappellent l’inquisition, puisqu’il y est question de «tourments corporels». Concrètement, la nouvelle définition est-elle complète et, notamment, inclut-elle la torture psychologique? Des précisions de la délégation à ce sujet seraient les bienvenues. De même, des détails sur les peines prévues par les nouvelles dispositions pour le crime de torture seraient utiles. En vertu du Code pénal actuel, quiconque soumet une personne arrêtée ou détenue à des tourments corporels encourt trois à six ans d’emprisonnement, alors que, selon les informations dont dispose le Comité, un voleur de bétail est passible de un an à cinq ans d’emprisonnement. Il faudra veiller à ce que les nouvelles dispositions respectent davantage le principe de proportionnalité des peines. Le Comité aimerait, à cet égard, avoir des informations sur les éventuels obstacles à l’évolution du Code pénal sur ce point, et à sa mise en conformité avec les dispositions de la Constitution.

10.Le Président voudrait savoir si l’article 88 de la Constitution, qui garantit l’opposabilité des droits constitutionnels, a déjà été invoqué devant les tribunaux, y compris à propos de violations des normes internationales. Le trafic de drogues, qui est un problème endémique dans la région, doit certes être combattu avec force, mais dans le respect des droits fondamentaux. Or d’après certaines informations, ces droits, notamment celui de ne pas être soumis à la torture ou à des mauvais traitements, ne seraient pas toujours respectés dans le cas des personnes arrêtées pour des infractions liées au trafic de drogues. Le Président voudrait entendre la délégation sur ce sujet. Il est incontestable que des dispositions législatives importantes ont été adoptées pour encadrer la détention provisoire et assurer aux détenus certaines garanties, mais il faudrait être sûr qu’elles sont suivies d’effet. Le Président voudrait notamment savoir si le délai de déferrement de vingt-quatre heures est respecté dans les faits et si la proportion de personnes détenues sans jugement a diminué depuis la réforme.

11.Un complément d’information sur l’exécution des mesures provisoires ordonnées par la Cour interaméricaine des droits de l’homme et la Commission interaméricaine des droits de l’homme serait souhaitable. On ne peut parler de réparation intégrale d’une violation que si les auteurs sont jugés et condamnés, or il subsiste dans l’État partie un grave problème d’impunité dont il faudrait savoir s’il reçoit de la part du Gouvernement toute l’attention requise. Au paragraphe 63 de son rapport, l’État partie évoque l’élaboration d’un projet de nouvelle loi sur la sûreté nationale. Le Président voudrait savoir où en est ce projet, et si le caractère absolu de l’interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants, y compris dans les situations d’urgence, y est expressément établi.

12.Dans le rapport sur sa mission de 2006 en Équateur (A/HRC/4/40/Add.2, par. 25), le Groupe de travail sur la détention arbitraire indiquait que le service du Défenseur du peuple employait seulement 32 avocats quand le pays comptait au total 323 procureurs. Il serait intéressant de savoir si depuis 2006, davantage de ressources ont été allouées à cette institution pour lui permettre de jouer pleinement son rôle.

13.Le Président a noté avec intérêt qu’une fiche énonçant les droits des détenus avait été élaborée à l’intention des policiers, qui avaient l’obligation d’en donner lecture à toute personne en état d’arrestation (par. 84 du rapport périodique de l’État partie). Toutefois, d’après une source non gouvernementale, cette obligation serait souvent ignorée. Le Président voudrait savoir si des sanctions ont déjà été infligées à des policiers pour ce motif et si des dispositions ont été prises pour surveiller l’application de cette mesure relativement récente. L’État partie indique dans son rapport (par. 86) que des cours ont été organisés par le Ministère de la justice et des droits de l’homme au profit de 2 420 policiers entre juillet et décembre 2008; il serait intéressant de savoir si la fiche relative aux droits des détenus faisait partie de la formation qui a été dispensée. Le Président souhaiterait aussi des éclaircissements au sujet de l’application des garanties fondamentales aux mineurs détenus par la police car il croit comprendre que la présence d’un représentant légal n’est prévue qu’après l’inculpation, alors qu’elle doit être assurée dès le premier interrogatoire.

14.Le Président souhaiterait des précisions concernant le système d’enregistrement étendu mis en place par l’État partie en 2008 pour faire face à l’afflux de ressortissants colombiens nécessitant une protection internationale et accélérer le traitement de leurs demandes d’asile. Combien de personnes se sont prévalues de cette procédure à ce jour et quels sont les droits qui leur sont garantis? En ce qui concerne les mesures d’expulsion, le Président voudrait savoir si les décisions en la matière sont susceptibles de recours et si les personnes sous le coup d’une mesure d’expulsion bénéficient des garanties d’une procédure régulière, notamment du droit d’être assistées par un avocat. Il souhaiterait aussi s’assurer que le risque de torture est évalué préalablement à toute décision d’expulsion. D’après les informations données par l’État partie dans son rapport, l’obligation de non-refoulement est prévue dans le manuel de procédure destiné aux personnels des services des migrations; il serait intéressant d’avoir un exemplaire de ce manuel. Le Comité a reçu des informations relatives à plusieurs cas de mort violente ou suspecte de réfugiés dans la province de Sucumbíos, limitrophe de la Colombie; la délégation pourra peut-être apporter un complément d’information à ce sujet et indiquer si le Gouvernement est attentif à ce problème et prend des mesures pour y remédier?

15.Le Président croit comprendre que la tentative de pratiquer la torture et la complicité dans un acte de torture constituent des infractions au regard du droit pénal de l’État partie mais il voudrait en avoir confirmation. Des ONG ont appelé l’attention du Comité sur plusieurs cas de personnes disparues ou décédées après avoir été arrêtées et torturées par la police qui n’ont donné lieu à aucune enquête. En outre, le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires a signalé à l’issue de sa récente mission en Équateur que la province de Sucumbíos était le théâtre de nombreuses exactions, notamment de violences sexuelles à l’égard de réfugiées colombiennes, imputées à des membres des forces de l’ordre et des forces armées équatoriennes, et a recommandé la création d’un organisme indépendant pour enquêter sur ces violations. Il serait utile de savoir ce que pense le Gouvernement équatorien de cette situation et quelles mesures sont prises pour lutter contre la violence qui sévit dans cette province.

16.M. Mariño Menéndez (Corapporteur pour l’Équateur), revenant sur les événements de septembre 2010, demande si l’exercice de certains droits protégés par la Constitution a été suspendu pendant l’état d’urgence et, dans l’affirmative, si la suspension a été notifiée au Comité des droits de l’homme ou à un des organes du système interaméricain des droits de l’homme.

17.L’article 344 de la Constitution dispose que le droit, les coutumes et les pratiques ancestrales des peuples autochtones doivent être pris en considération par les autorités judiciaires aux fins de l’application de la Constitution et des instruments internationaux aux autochtones. La question qui se pose est celle de savoir comment la compatibilité du droit coutumier avec les obligations internationales en matière de droit de l’homme est assurée et si l’application des normes internationales est garantie en cas de conflit avec le droit coutumier, notamment lorsque des pratiques autorisées par ce droit sont assimilables à des traitements cruels, inhumains ou dégradants au regard des normes internationales. Des travaux avaient été lancés en vue de l’élaboration d’un projet de loi sur la coordination et la coopération entre la justice autochtone et la justice ordinaire; la délégation pourra peut-être indiquer où en est ce projet et s’il comporte des dispositions qui garantissent l’applicabilité des normes internationales aux communautés autochtones.

18.Le climat de violence extrême qui sévit à la frontière avec la Colombie est très préoccupant et expose les ressortissants colombiens qui fuient leur pays pour se réfugier en Équateur à toutes sortes de violations. À ce sujet, M. Mariño Menéndez voudrait savoir si une coopération a été établie avec les autorités consulaires de la Colombie. Il souhaiterait également des précisions concernant les dispositions qui régissent le statut des demandeurs d’asile, notamment leur droit de travailler, et voudrait savoir s’il est exact que les Colombiens qui demandent l’asile en Équateur doivent joindre un extrait de leur casier judiciaire à leur demande. Certains immigrants choisissent la clandestinité au lieu de demander l’asile, de peur d’être déboutés et expulsés; ils sont particulièrement vulnérables, notamment les enfants, dont beaucoup sont victimes d’exploitation. M. Mariño Menéndez voudrait savoir s’il existe des dispositifs de surveillance qui visent spécifiquement à protéger les enfants migrants contre le travail forcé et toute forme d’exploitation. Il voudrait également savoir s’il existe à l’intention des policiers et des membres des forces armées des programmes de formation au respect des droits fondamentaux des demandeurs d’asile et des candidats au statut de réfugiés.

19.Il serait intéressant de savoir si, dans le cadre de la mise en œuvre du Plan national d’éradication des violences sexuelles dans le système éducatif, un personnel spécialisé est dépêché dans les établissements scolaires pour recevoir les plaintes des victimes, et si les mesures de prévention prises par l’État partie dans ce domaine ont été couronnées de succès.

20.M. Mariño Menéndez appelle l’attention sur l’affaire Paola Guzmán c. Équateur qui est toujours en instance devantla Commission interaméricaine des droits de l’homme, dans laquelle la victime, violée de manière systématique par le Principal adjoint de son école dont elle est tombée enceinte, a mis fin à ses jours. Croyant savoir que ce type d’affaire est assez répandu dans l’État partie, il souhaite savoir à quoi est dû le faible nombre de procédures engagées pour ce motif.

21.M. Mariño Menéndez apprécierait en outre un complément d’information sur les activités de la Commission de la femme et de la famille chargée des questions relatives à la violence au foyer, en particulier sur les résultats qu’elle a déjà obtenus et sur un éventuel projet de restructuration de cet organe.

22.La délégation voudra bien aussi indiquer si le Gouvernement équatorien a pris des mesures pour protéger les femmes dans la zone située à la frontière avec la Colombie, qui sont nombreuses à être victimes d’actes de violence graves commis non seulement par des membres de groupes paramilitaires colombiens, mais aussi par des agents de la force publique colombienne.

23.Notant que le Bureau du Procureur général confie de plus en plus souvent les enquêtes à la police judiciaire, M. Mariño Menéndez demande si les médecins légistes travaillent en toute indépendance de la police judiciaire et si l’État partie s’est doté d’un nombre suffisant de laboratoires de police scientifique à l’échelle du pays. Rappelant qu’en matière de privation de liberté, il existe trois étapes distinctes, l’arrestation du suspect, le placement en détention et l’interrogatoire, M. Mariño Menéndez souhaiterait savoir si les mêmes personnes ont la responsabilité de chacune de ces étapes, et notamment si les agents chargés de surveiller les détenus sont également ceux qui les interrogent et, enfin, quel rôle joue le Bureau du Procureur général tout au long de cette procédure.

24.M. Mariño Menéndez voudrait avoir des précisions sur le rôle joué par la Direction des droits de l’homme et du droit international humanitaire créée au sein du Ministère de la défense nationale.

25.La délégation équatorienne est aussi invitée à décrire la situation dans les prisons et autres «centres de réadaptation sociale» et fournir des informations sur les «communautés thérapeutiques» mises en place dans les établissements pénitentiaires. Elle pourrait notamment fournir des détails sur les activités proposées par ces différentes institutions, et préciser si leur vocation première est de permettre aux détenus d’acquérir certaines compétences en vue de leur réinsertion dans la société une fois leur peine exécutée.

26.La délégation pourrait également indiquer si l’État partie pratique l’isolement cellulaire et, dans l’affirmative, dans quelles conditions, sachant que le Comité assimile cette pratique à un traitement inhumain.

27.Il serait intéressant de savoir si la Commission de Vérité − qui a achevé sa mission − sera remplacée par un organisme indépendant des services de police, qui aura pour tâche de surveiller le respect par les membres des forces de l’ordre des normes internationales aux fins d’éradiquer la torture et les traitements inhumains, comme l’avait recommandé M. Alston, Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires. Le fait que plusieurs cas de décès de détenus dans des établissements pénitentiaires n’ont donné lieu à aucune action en justice amène à se poser la question de savoir si les structures chargées d’enquêter sur les actes des membres de la police sont réellement indépendantes, et où en est l’État partie dans la lutte contre l’impunité.

28.Un complément d’information sur les groupes de défense des paysans serait le bienvenu. Il serait notamment intéressant de savoir quel est le statut juridique de ces groupes, s’ils sont chargés de maintenir l’ordre public, y compris en faisant usage de la force, et s’ils respectent les normes juridiques en vigueur.

29.Notant que les défenseurs des droits de l’homme − et d’une manière générale les personnes qui cherchent à établir la vérité − continuent malheureusement d’être pris pour cible, M. Mariño Menéndez apprécierait des précisions sur les circonstances qui ont entouré la mort d’Ivan Muela, syndicaliste décédé le 21 janvier 2010 et de Germán Antonio Ramírez Herrera, médecin légiste spécialisé dans les affaires de torture, qui collaborait avec le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et avec le Conseil international de réadaptation pour les victimes de la torture, enlevé le 6 juillet 2010 puis assassiné. La délégation pourrait en outre préciser si ces affaires ont donné lieu à une enquête.

30.M me Sveaass encourage vivement l’État partie à interdire les châtiments corporels tant au sein de la famille que dans les établissements offrant une protection de remplacement. Elle est favorable au renforcement des garanties juridiques applicables à l’hospitalisation d’office, aux mesures de contrainte et à l’usage de moyens de contention dans ce contexte, auxquels sont notamment soumises les personnes handicapées placées dans des centres de réadaptation ou des établissements de santé.

31.Faisant elle aussi référence à l’affaire Paola Guzmán c. Équateur et au rapport du Center for Reproductive Rights, Mme Sveaass dénonce avec vigueur la pratique inacceptable consistant pour les enseignants et autres membres du personnel d’encadrement des établissements scolaires à exiger parfois de certaines adolescentes des services sexuels en échange d’un soutien scolaire. Elle aimerait à cet égard savoir de quelle manière l’État partie entend mettre fin à cette pratique.

32.Le nombre de viols et de délits sexuels a beaucoup augmenté ces dernières années ce qui devrait se traduire par une augmentation du nombre de plaintes. Paradoxalement le nombre de procédures engagées et de condamnations prononcées dans ce contexte reste faible. À quoi est due cette situation. Une loi sur la réadaptation des victimes de tels actes étant actuellement en vigueur, des informations détaillées sur son application concrète seraient les bienvenues.

33.Revenant sur l’affaire Germán Antonio Ramírez Herrera, Mme Sveaass souhaiterait savoir quelles mesures ont été prises pour faire la lumière sur son assassinat car il est essentiel de protéger le personnel médical qui contribue à lutter contre la torture.

34.M. Bruni note que bien que la détention avant mise en accusation ait été abolie et que l’État partie ait pris de nombreuses mesures pour lutter contre le surpeuplement carcéral, telles que le recours à des peines non privatives de liberté, le Comité des droits de l’homme s’est dit préoccupé, dans les observations finales qu’il a adoptées à l’issue de l’examen des cinquième et sixième rapports périodiques de l’Équateur en novembre 2009 (CCPR/C/ECU/CO/5), par le taux élevé de surpeuplement des prisons, ce qui laisse penser que les dispositions prises n’ont pas été efficaces.

35.À propos du paragraphe 85 du rapport à l’examen, il serait intéressant de savoir si le médecin de garde chargé d’examiner tout détenu avant qu’il soit placé dans un centre pénitentiaire ou en cellule est employé par le Ministère de l’intérieur, le Ministère de la justice ou le Ministère de la santé.

36.M. Bruni souhaiterait également savoir si la plainte relative aux mauvais traitements qui auraient été infligés à des détenus au Centre de réadaptation sociale de Varones de Esmeraldas, mentionnée à l’alinéa d du paragraphe 146 du rapport à l’examen, a donné lieu à une condamnation et, dans l’affirmative, à quelle peine. Il s’étonne du faible nombre de plaintes déposées pour mauvais traitements, alors que d’après la Fondation pour la réadaptation intégrale des victimes de violence, qui a mené une enquête auprès de 166 détenus du Centre de réinsertion sociale pour hommes de Quito en 2008‑2009, 41 % des prisonniers ont déclaré avoir été victimes de torture ou de mauvais traitements au cours de cette période. La délégation équatorienne voudra bien fournir un complément d’information sur ce sujet.

37.Enfin, à propos de ce qui est dit à l’article 148 du rapport à l’examen, M. Bruni souhaiterait savoir si les visites périodiques qu’entreprend le Défenseur du peuple dans les centres de réadaptation sociale sont planifiées à l’avance ou s’il se rend parfois dans ces centres à l’improviste. Des précisions sur la teneur des recommandations formulées par le Défenseur du peuple à l’issue de ces visites, ainsi que sur la suite donnée par les autorités compétentes à ces recommandations, seraient les bienvenues.

38.M. Bruni voudrait des renseignements à jour sur les mesures de protection prises par l’État partie en faveur de la communauté des Sarayacus. Il évoque des informations selon lesquelles les membres de cette communauté autochtone ne seraient jamais protégés par la police, y compris lorsque des intrus tentent de s’approprier leurs terres ancestrales. Notant avec satisfaction que l’Équateur a ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture en juillet 2010, il souhaite savoir si la délégation équatorienne a une idée de la composition du futur mécanisme national de prévention et si la société civile va être consultée lors de sa mise en place.

39.M me  Gaer dit que selon le rapport de 2009 du Département d’État américain, les auteurs d’actes de torture sont poursuivis pour «atteintes à la vie» plutôt que pour «crimes de torture» et sont généralement condamnés à des amendes au lieu d’être emprisonnés. Elle demande pourquoi les infractions de torture sont ainsi qualifiées et pourquoi les peines prononcées sont si clémentes. Elle demande également comment des affaires de torture et de mauvais traitements peuvent être réglées à l’amiable, comme indiqué au paragraphe 211 du rapport à l’examen. Elle souhaite savoir où en est l’élaboration de la stratégie en vue du réexamen des affaires de torture dont les auteurs n’ont pas été punis (par. 215 du rapport). Constatant, d’après les tableaux 7 à 9 du rapport, la montée en flèche du nombre de viols, qui est passé de 941 en 2001 à 2 570 en 2003, Mme Gaer demande pourquoi le nombre de condamnations reste, lui, paradoxalement très faible. Elle voudrait en outre savoir si les auteurs de viol sont condamnés au versement d’amendes ou s’ils font l’objet de peines d’emprisonnement. Des précisions sur la suite donnée à l’appel urgent lancé à l’État équatorien en août 2008 par la Rapporteuse sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, aux fins de l’adoption de mesures concrètes pour protéger les droits et les libertés de l’activiste Ester Landetta, seraient appréciées.

40.Mme Gaer demande ce que font les pouvoirs publics pour remédier au problème des lynchages collectifs qui, selon plusieurs sources, sont relativement répandus et mettent en péril l’état de droit. Elle demande à la délégation équatorienne pourquoi, à son avis, les citoyens ont tendance à se rendre eux-mêmes justice. Elle voudrait aussi obtenir des renseignements sur les homicides commis par des membres de la police, ainsi que sur les poursuites engagées et les peines éventuellement prononcées à l’encontre des policiers impliqués. Enfin, s’agissant de la violence sexuelle à l’égard des filles à l’école, Mme Gaer demande combien de cas sont officiellement signalés à la police chaque année et combien de personnes ont déjà été condamnées, en particulier depuis l’adoption du plan national de lutte contre la violence sexuelle.

41.M me  Belmir évoquant les dysfonctionnements de la justice équatorienne, voudrait connaître le point de vue de la délégation équatorienne à ce sujet. La disproportion entre le nombre de magistrats et celui des dossiers et le fait que la police judiciaire soit insuffisamment formée expliquent en partie la situation mais il existe probablement d’autres facteurs qu’il faudrait étudier. En tout état de cause, les abus sont nombreux et la police semble faire ce qu’elle veut des détenus. À l’évidence, une réforme de grande envergure s’impose dans le secteur de la justice. Par ailleurs, Mme Belmir partage les inquiétudes de Mme Sveaass et de Mme Gaer et lance un cri d’alarme au sujet de la situation des filles qui sont sexuellement traumatisées à l’école.

42.Le Président (Rapporteur pour l’Équateur) voudrait que la délégation équatorienne fournisse des précisions sur les nombreuses initiatives que l’État partie envisageait d’entreprendre en 2009. À titre d’exemple, au paragraphe 248 du rapport, il est indiqué que le Sous-Secrétariat aux droits de l’homme prévoyait d’établir un diagnostic au sujet des droits autochtones ainsi qu’un projet de loi sur les autochtones; au paragraphe 180, il est mentionné que les juridictions militaires continuaient de siéger jusqu’à ce que des réformes législatives soient mises en œuvre; au paragraphe 110, l’État partie notait que le Ministère des affaires étrangères entendait renforcer les cours de formation à l’intention de la police nationale affectée aux zones frontalières. Le Président demande si ces projets et d’autres annoncés dans le rapport ont été réalisés.

43.M me  Moncada (Équateur) dit que l’adoption de la nouvelle Constitution équatorienne en 2008 a marqué le début d’un long travail de promotion et de défense des droits de l’homme en Équateur. Il reste certes beaucoup à faire mais la délégation équatorienne s’attachera à montrer aux membres du Comité, à la séance suivante, l’ampleur des progrès accomplis en l’espace de deux ans seulement.

44. La délégation équatorienne se retire.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 17 h 5.