NATIONS

UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.

GÉNÉRALE

CAT/C/SR.447

28 novembre 2000

Original : FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Vingt‑cinquième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*DE LA 447ème SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,

le vendredi 17 novembre 2000, à 15 heures

Président : M. BURNS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Conclusions et recommandations concernant le deuxième rapport périodique de l'Arménie (suite)

Deuxième rapport périodique de l'Australie (suite)

La séance est ouverte à 15 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

Conclusions et recommandations concernant le deuxième rapport périodique de l'Arménie (suite) (CAT/C/XXV/Concl.1; CAT/C/43/Add.3)

1.Sur l'invitation du Président, Mme Gevorgian (Arménie) reprend place à la table du Comité.

2.M. CAMARA (Rapporteur pour l'Arménie) donne lecture des conclusions et recommandations du Comité concernant le deuxième rapport périodique de l'Arménie (CAT/C/XXV/Concl.1), dont le texte est le suivant :

"1.Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique de l'Arménie (CAT/C/43/Add.3) à ses 440ème, 443ème et 447ème séances, tenues les 14, 15 et 17 novembre 2000 (CAT/C/SR.440, 443 et 447), et a adopté les conclusions et recommandations suivantes :

I. Introduction

2.Le Comité note que le deuxième rapport périodique de l'Arménie n'a pas été rédigé en parfaite conformité avec les directives pour l'établissement de rapports périodiques de juin 1998. Cependant, il accueille avec satisfaction la présentation de ce rapport faite oralement par la délégation arménienne et sa bonne disposition à dialoguer avec le Comité.

II. Aspects positifs

3.Le Comité note avec satisfaction les éléments suivants :

a)La poursuite des efforts pour établir un cadre juridique fondé sur les valeurs humaines universelles en vue de sauvegarder les droits de l'homme fondamentaux, y compris le droit de ne pas être soumis à la torture et à d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

b)Le moratoire sur l'exécution de la peine capitale et l'absence de la peine capitale dans le projet de Code pénal;

c)Le fait qu'une personne ne puisse pas être extradée vers un autre État s'il existe des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'y être soumise à la torture ou condamnée à mort;

d)Le programme de formation relatif aux droits de l'homme à l'intention des agents de l'État chargés de l'application des lois, en particulier les employés du Ministère de l'intérieur et de la sécurité nationale;

e)La coopération développée par les autorités publiques avec les organisations non gouvernementales;

f)La volonté de l'État partie de créer un poste d'Ombudsman.

III. Facteurs et difficultés entravant l'application de la Convention

4.Le Comité prend note des problèmes de transition que l'État partie connaît actuellement.

IV. Sujets de préoccupation

5.Le Comité est préoccupé par les éléments suivants :

a)L'absence dans le projet de Code pénal de certains aspects de la définition de la torture telle qu'elle figure à l'article premier de la Convention;

b)Le fait que les droits des personnes privées de liberté ne soient pas toujours respectés;

c)L'existence d'un régime de responsabilité pénale visant les juges qui commettent des erreurs dans leurs sentences de condamnation, ce qui pourrait être de nature à engendrer une précarité du pouvoir judiciaire;

d)L'absence de mesures d'indemnisation effectives des victimes d'actes de torture commis par des agents de l'État en violation des dispositions de l'article 14 de la Convention;

e)Les mauvaises conditions dans les prisons et le fait que les prisons dépendent du Ministère de l'intérieur;

f)La persistance de la pratique du bizutage (dedovshchina) dans l'armée qui donne lieu à des abus ou violation des dispositions pertinentes de la Convention. En outre, cette pratique a un effet dévastateur sur les victimes et peut parfois conduire certaines d'entre elles jusqu'au suicide.

6.Le Comité note avec préoccupation que l'État partie n'a pas pris en considération dans son deuxième rapport périodique des recommandations formulées par le Comité lors de l'examen du rapport initial de l'Arménie en avril 1996. En particulier, il n'a pas communiqué les résultats de l'enquête sur les allégations de mauvais traitements qui avaient été portés à l'attention du Comité.

V. Recommandations

7.Le Comité fait les recommandations suivantes :

a)Bien que la législation arménienne comporte différentes dispositions qui visent certains aspects de la torture telle qu'elle est définie par la Convention, l'État partie, pour s'acquitter réellement de ses obligations conventionnelles, doit adopter une définition de la torture strictement conforme à l'article premier et prévoir des peines appropriées;

b)La garantie d'accès immédiat aux personnes privées de liberté de la part de leur avocat, de membres de leur famille et du médecin de leur choix;

c)Tout en se félicitant du projet de transfert de la tutelle de l'Administration pénitentiaire du Ministère de l'intérieur à celui de la justice, le Comité invite l'État partie à mettre en place un système de contrôle véritablement indépendant et opérationnel visant tous les lieux de détention, qu'ils relèvent des Ministères de l'intérieur, de la justice ou de la défense;

d)Le Comité recommande à l'État partie d'entreprendre sans délai des enquêtes impartiales sur les allégations de bizutage (dedovshchina) dans l'armée et d'exercer des poursuites dans les cas avérés;

e)Le Comité invite l'État partie à rendre le régime de responsabilité pénale des juges conforme aux instruments internationaux pertinents, notamment les Principes fondamentaux relatifs à l'indépendance de la magistrature adoptés en 1985 et les Principes directeurs applicables au rôle des magistrats du parquet adoptés en 1990;

f)Le Comité encourage l'État partie à poursuivre les activités d'éducation et de formation concernant la prévention de la torture et la protection de l'individu contre la torture et les mauvais traitements à l'intention de la police et du personnel de prison, soit des prisons dépendant du Ministère de l'intérieur, soit des prisons militaires;

g)Le Comité recommande à l'État partie d'adopter dans le meilleur délai le projet du Code pénal qui supprime la peine capitale afin de résoudre la situation des nombreux condamnés à cette peine qui demeurent dans une situation d'incertitude, s'apparentant à un traitement cruel et inhumain en violation de l'article 16 de la Convention;

h)Le Comité souhaite recevoir des réponses aux recommandations formulées par le Comité lors de l'examen du rapport initial de l'Arménie, en particulier aux allégations de mauvais traitement qui ont été protées à son attention et qui devaient faire l'objet d'une enquête immédiate et impartiale dont les résultats devaient être communiqués au Comité;

i)Le Comité invite l'État partie à fournir au Comité, dans le prochain rapport qui devra être présenté en octobre 2002, les statistiques nécessaires ventilées selon le sexe et la région géographique;

j)Enfin, le Comité encourage l'État partie à envisager de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention."

3.Mme GEVORGIAN (Arménie), rappelant que la délégation n'a pas pu se présenter à nouveau au complet devant le Comité, lui donne l'assurance que ses recommandations seront dûment transmises au Gouvernement arménien et se félicite du dialogue fructueux qui s'est instauré entre la délégation arménienne et le Comité.

4.Mme Gevorgian (Arménie) se retire.

La séance est suspendue à 15 h 15; elle est reprise à 15 h 30.

Deuxième rapport périodique de l'Australie (CAT/C/25/Add.11) (suite)

5.Sur l'invitation du Président, la délégation australienne reprend place à la table du Comité.

6.M. LUCK (Australie) dit que les autorités australiennes, qui prennent très au sérieux leurs obligations au titre de la Convention, y compris celle de présenter les rapports dans les délais voulus, regrettent le retard avec lequel le rapport à l'examen a été présenté. Ce retard s'explique par un certain nombre de facteurs. Pour élaborer le rapport, il a fallu rassembler des informations de diverses sources, notamment des services du Gouvernement fédéral et de chacun des États et des territoires autonomes, ainsi que des ONG. Par ailleurs, c'est le quatrième rapport que l'Australie présente au titre de ses obligations en vertu d'instruments internationaux depuis mars 2000. La question se pose de savoir si, ayant établi avec le rapport à l'examen une solide base d'informations sur la mise en œuvre de la Convention, les autorités australiennes pourraient dorénavant présenter des rapports plus courts et plus circonscrits et, en complément, fournir toutes les réponses orales nécessaires aux membres du Comité. Cette question a d'ailleurs été soulevée dans le cadre du débat portant sur l'amélioration de l'efficacité des organes conventionnels. Par ailleurs, le travail des délégations serait grandement facilité si le Comité leur envoyait à l'avance une liste de points à traiter; il a été particulièrement difficile pour la délégation australienne d'obtenir du jour au lendemain des informations auprès de diverses juridictions. En outre, la délégation voudrait savoir si la date prévue pour la présentation du troisième rapport périodique (2001) pourrait être reportée étant donné que les renseignements oraux et écrits qui seront fournis au Comité au cours de la séance dressent un tableau très à jour de la situation. Elle va s'efforcer, durant la séance, de répondre oralement sur les principaux points soulevés et fournira aux membres un complément d'informations par écrit.

7.M. CAMPBELL (Australie), expliquant comment le rapport a été élaboré, dit que, sur la base des informations recueillies de diverses sources, au niveau fédéral et au niveau des territoires, un projet a été rédigé par le Bureau du droit international relevant des services du Procureur général, puis renvoyé à ces mêmes sources pour vérification. Le projet a ensuite été distribué aux ONG, notamment à celles participant à la réunion semestrielle du Forum des ONG dans le domaine des droits de l'homme, qui ont formulé des commentaires dont certains ont été incorporés dans le rapport. Après avoir été envoyé au Comité, le rapport a été présenté au Parlement fédéral.

8.Certains des faits nouveaux intervenus depuis la fin de la période couverte par le rapport (1997) ont déjà été présentés par M. Luck dans son intervention initiale; d'autres le seront dans le complément d'informations écrit qui portera notamment sur la mise en œuvre des recommandations de la Commission royale et d'autres initiatives prises par les États pour réduire le nombre de décès d'aborigènes en détention, sur la mise en œuvre de la stratégie nationale d'amélioration des services psychiatriques, et sur les initiatives relatives aux enfants privés de liberté, à la formation et au comportement du personnel de police, ainsi qu'aux conditions de détention en Australie. Pour ce qui est de la formation des policiers, on peut citer l'adoption, par plusieurs juridictions, de mesures législatives spécifiques permettant la conduite d'enquêtes en cas de plaintes déposées contre des policiers et la mise à jour de la législation sur la police et de la formation de la police dans la quasi‑totalité des juridictions. Ainsi, le Queensland s'est doté de la loi (2000) sur les pouvoirs et les responsabilités de la police (Police Powers and Responsibilities Act 2000)et de la loi (1997) sur la perpétration des crimes (Crime Commission Act 1997), au New South Wales, une loi (1998) sur les services de police (Police Service (Complaints and Management Reform) Act 1998) et des procédures d'enquêtes améliorées ont été adoptées.

9.Par ailleurs, l'Australie se félicite d'avoir obtenu de M. Mavrommatis, le Rapporteur, l'assurance que quand le Comité est saisi d'une communication, avant de demander l'adoption de mesures provisoires, il vérifie que la communication contient des indices sérieux justifiant des craintes pour l'intégrité physique de l'auteur.

10.En ce qui concerne la définition de la torture en droit australien, il ne fait aucun doute que la législation en vigueur au niveau fédéral, et au niveau des États et des territoires ‑ malgré sa diversité ‑ donne pleinement effet à la Convention sur tout le territoire. À cet égard, le principe pacta sunt servanda – énoncé à l'article 26 de la Convention de Vienne sur le droit des traités – est tout à fait respecté. Le travail législatif n'est pas terminé pour autant car les lois sont constamment soumises à des révisions et à des améliorations. Le projet de Code pénal type en est un exemple. Il est arrivé, dans le passé, que le Gouvernement fédéral ait des doutes sur la compatibilité d'une loi en vigueur dans tel État ou dans tel territoire avec un instrument international auquel l'Australie est partie. La recherche d'une solution passe dans un premier temps par le dialogue entre les deux niveaux de gouvernement concernés, qui s'avère souvent efficace. La solution de dernier recours, qui consiste pour le pouvoir fédéral à imposer les changements nécessaires au niveau d'un État ou d'un territoire a parfois été utilisée, par exemple pour modifier la législation tasmanienne qui interdisait les relations homosexuelles en privé; toutefois cette option est soumise à des contraintes constitutionnelles et peut de plus entacher durablement les relations entre le Commonwealth d'Australie et les États. Un membre du Comité a rappelé que, d'après la définition de l'article premier de la Convention, le terme "torture" désigne également tout acte par lequel des souffrances sont infligées à une personne "pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination", ce qui l'a conduit à s'interroger sur le sort des populations autochtones. Le Gouvernement australien est fermement résolu à remédier à la situation défavorable inacceptable dans laquelle se trouvent de nombreux autochtones. Il a dégagé pour 2000‑2001 un crédit de 2,3 milliards de dollars devant être affectés à des programmes spécifiques qui visent à améliorer les services de base comme le logement, l'accès à l'éducation et à la formation et les possibilités d'emploi, en complément des programmes déjà financés par les États et les territoires.

11.Mme BICKETT (Australie) répond à plusieurs questions posées au sujet de l'application de l'article 3 de la Convention. Si les États parties sont tenus de respecter leurs obligations en vertu de la Convention, aucune disposition n'indique de quels mécanismes ils doivent se doter pour ce faire. Pour donner effet à l'obligation faite à l'article 3 de ne pas renvoyer un étranger dans un pays où il risque d'être torturé, le Gouvernement australien a choisi comme moyen le processus d'évaluation de la protection des réfugiés d'une part et les pouvoirs d'intervention dans l'intérêt public conférés au Ministre de l'immigration et des affaires multiculturelles d'autre part. Dans la grande majorité des cas, les personnes risquant d'être soumises à la torture si elles sont renvoyées dans leur pays d'origine pourront être reconnues comme réfugiés en vertu de la Convention relative au statut des réfugiés et c'est cet instrument qui sous-tend le processus d'évaluation de la protection des réfugiés. Cependant, pour les personnes qui ne peuvent pas bénéficier de la protection prévue par cette Convention, il existe une procédure d'évaluation supplémentaire : les pouvoirs d'intervention dans l'intérêt public du Ministre de l'immigration et des affaires multiculturelles. Dans un premier temps, des fonctionnaires du Ministère dûment formés examinent le cas, à la lumière de directives publiées par le Ministère. Si les conditions énoncées dans ces directives sont remplies, le cas est soumis à l'examen du Ministre. Il n'est pas inutile de signaler que la définition de la torture, telle qu'elle figure à l'article premier de la Convention, est énoncée dans ces directives, qui sont publiques et régulièrement révisées. Le Comité recevra des informations supplémentaires sur cette procédure ainsi qu'un exemplaire des directives.

12.Certains membres du Comité ont souhaité connaître les conclusions de la Commission juridique et constitutionnelle du Sénat. Le 28 juin 2000, la Commission a rendu public un rapport d'enquête sur le programme de l'Australie en matière humanitaire et dans le domaine de la protection des réfugiés, intitulé "A Sanctuary under review". Elle recommande notamment que les services du Procureur général étudient les moyens les plus appropriés pour incorporer, dans le droit interne, les dispositions de la Convention contre la torture et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques garantissant le non‑refoulement. Elle a cependant conclu qu'il y avait lieu de maintenir la discrétion ministérielle qui permet à l'État de s'acquitter dûment de ses obligations. Le Gouvernement, qui n'a pas terminé son étude du rapport, n'a pas encore pris de décision à ce sujet.

13.En ce qui concerne les persécutions fondées sur le sexe, la législation et la pratique australiennes protègent les personnes qui ont des motifs sérieux de croire qu'elles risquent d'être persécutées en raison de leur appartenance à un groupe social particulier. Il faut savoir que la législation australienne reconnaît le fait que, dans une société donnée, les femmes ou certains groupes de femmes peuvent être considérés comme appartenant à un groupe social particulier. Les demandes d'asile sont examinées au cas par cas, en fonction de la Convention relative au statut des réfugiés d'une part et de la législation et de la jurisprudence australiennes d'autre part. Les demandes d'asile déposées par des femmes sont également étudiées à la lumière des directives sexospécifiques élaborées à l'intention des responsables de l'examen des demandes de visa pour raisons humanitaires. Le risque pour une femme de subir des mutilations génitales au retour dans son pays serait un facteur dûment pris en considération. Un membre du Comité a évoqué le cas d'une Chinoise renvoyée en République populaire de Chine. L'affaire a été examinée par la Commission juridique et constitutionnelle du Sénat qui en a fait état dans son rapport, sur lequel, comme il a été dit, le Gouvernement ne s'est pas encore prononcé. Cependant, le Comité peut d'ores et déjà noter que ce cas particulier a également fait l'objet d'une enquête indépendante réalisée par le président de l'Institute of public administration of Australia, M. Tony Ayers, qui a conclu que toutes les procédures légales avaient été respectées en l'espèce. M. Ayers a effectivement constaté que la femme avait subi un avortement en République populaire de Chine alors qu'elle était enceinte de huit mois et demi sans être en mesure de dire s'il s'agissait d'un avortement spontané ou forcé. Son rapport a été transmis à la Commission du Sénat.

14.M. CAMPBELL (Australie), regroupant les questions posées par les membres du Comité sur les décès en détention, dit que le Gouvernement du Queensland et le Gouvernement de l'Australie occidentale ont fait parvenir des réponses détaillées sur les allégations spécifiques de décès dans les prisons. Dans certains cas, des renseignements supplémentaires ont été fournis pour clarifier les faits, dans d'autres, les plaintes ont fait l'objet d'enquêtes, à l'issue desquelles elles ont été déclarées dénuées de fondement ou ont donné lieu à des actions en justice. De son côté, le Gouvernement de l'Australie occidentale a fait parvenir des informations sur les procédures ouvertes aux détenus pour faire connaître leurs griefs et sur les améliorations qui ont été ou qui seront apportées au système pénitentiaire. Pour ce qui est plus particulièrement des aborigènes morts en détention, des médecins légistes indépendants procèdent à une autopsie dans tous les cas de décès en détention, sans que cela ne soit obligatoire pour tenir compte de l'éventuelle opposition des parents du défunt. Certaines juridictions exigent que l'enquête soit menée par les autorités pénitentiaires. En ce qui concerne le risque de suicides dans le territoire du Nord, en Australie occidentale et en Australie méridionale le personnel pénitentiaire a élaboré un programme de prévention et les agents des prisons de Victoria et de Tasmanie suivent une formation qui devrait leur permettre de reconnaître les détenus à risque.

15.M. LUCK (Australie) dit que le Gouvernement australien a pris des mesures pour améliorer la situation défavorable des aborigènes en leur assurant notamment une plus grande autonomie dans l'administration de leurs propres affaires et en apportant des améliorations dans les domaines spécifiques de la santé, du logement, de l'éducation et de l'emploi. Ces mesures et l'efficacité de leur mise en œuvre sont exposées en détail dans le troisième rapport périodique soumis par l'Australie au Comité des droits économiques, sociaux et culturels (E/1994/104/Add.22) et dans des documents supplémentaires fournis en août de cette année.

16.M. CAMPBELL (Australie) relève que le Comité s'inquiète du caractère potentiellement discriminatoire des peines obligatoires, notamment à l'égard des groupes vulnérables. Les lois prévoyant des peines obligatoires dans le Territoire du Nord et en Australie occidentale sont d'application générale; leur application dépend de la nature de l'infraction et non de son auteur. Elles sont toutefois moins dures à l'égard des jeunes qu'envers les adultes. Aucune donnée statistique n'indique que les peines obligatoires entraînent un taux plus élevé d'incarcération chez la population autochtone ou non autochtone. Néanmoins, le Gouvernement australien, préoccupé par le grand nombre d'autochtones impliqués dans des affaires pénales, a élaboré de nombreux programmes visant à réduire les inégalités sociales qui sont à l'origine de la délinquance chez les autochtones. Toute différence de traitement ne constitue pas une discrimination, si elle est fondée sur des critères raisonnables et objectifs servant un but légitime. Vu que l'objectif visé par les peines obligatoires est de lutter contre la récidive et contre les atteintes aux biens, le Comité conviendra qu'il s'agit d'un but légitime. Toutefois, pour que l'application des peines ne soit pas injuste envers les autochtones et les jeunes, le Gouvernement a alloué 5 millions de dollars au Territoire du Nord pour financer des services d'interprètes en langues aborigènes et organiser des programmes d'orientation à l'intention des jeunes. Une enquête parlementaire a conclu à l'absence d'incidences disproportionnées des peines obligatoires sur les femmes.

17.M. CAMPBELL (Australie) traitera du projet de code pénal type. Le texte élaboré par les gouvernements des États et des Territoires sera progressivement mis en œuvre par chaque juridiction, après quelques modifications visant à l'adapter au niveau fédéral. Le chapitre 5 du projet traite des atteintes aux personnes ayant ou non entraîné la mort, notamment des voies de faits intentionnels ou non, et fixe les peines encourues. Il y est aussi précisé que le recours à la torture est retenu comme circonstance aggravante en cas d'atteinte à l'intégrité physique n'ayant pas entraîné la mort et est puni d'une peine supplémentaire maximale de cinq années d'emprisonnement, en sus de la sanction pénale normale.

18.L'article 15 de la Convention porte sur la recevabilité des "déclarations" uniquement et la question de savoir si des preuves matérielles obtenues à la suite d'aveux illicitement extorqués peuvent être utilisées dans un procès n'est pas soulevée. L'Australie a un pouvoir judiciaire indépendant et c'est au juge qu'il incombe de veiller à ce que l'accusé bénéficie d'un procès équitable. L'accusé qui estime qu'il n'en a pas été ainsi peut faire appel de la condamnation devant une juridiction supérieure. Le juge a toute latitude pour exclure une preuve, notamment si elle a été indirectement obtenue par des aveux extorqués de manière illégale. Ce principe a été confirmé par la High Court dans l'arrêt Foster v. Queen. Le juge doit trouver le juste équilibre entre la nécessité de réprimer l'auteur d'une infraction et la nécessité de protéger l'individu contre un traitement inéquitable ou illégal et de décourager certains comportements de la police. Au sujet des règles (A11) de conduite des interrogatoires par les forces de police et leur examen systématique, M. Campbell explique que la législation des États et des Territoires énonce les obligations des enquêteurs concernant la détention et l'interrogatoire des suspects et il cite certains textes législatifs. Dans d'autres juridictions des règles générales ou des codes de bonne pratique destinés à la police régissent la façon de conduire les interrogatoires dans le cas de personnes vulnérables (mineurs, handicapés, autochtones et immigrés); si la police n'observe pas ces règles, les preuves éventuellement recueillies peuvent être déclarées irrecevables. Les règles applicables font l'objet d'une étude permanente par un mécanisme indépendant tel que l'Ombudsman et sont modifiées si nécessaire. En règle générale, les interrogatoires de police font l'objet d'enregistrements audio et vidéo. La législation dispose que, sauf s'il existe une bonne raison - absence d'équipement par exemple -, tout aveu fait par une personne soupçonnée d'avoir commis une infraction grave sera déclaré irrecevable si l'interrogatoire au cours duquel il a été fait n'a pas été enregistré. Depuis 1997, sept plaintes pour brutalités ont été déposées contre des policiers en Australie méridionale. Deux plaintes ont été déclarées non fondées. Trois sont en cours d'examen. Dans les deux autres cas, les plaintes ont été jugées fondées; l'un des deux responsables a dû verser une amende de 1 000 dollars sans condamnation, et l'autre a été condamné. En Nouvelle‑Galles du Sud, 181 plaintes pour voies de fait ont été déposées et 1 456 plaintes font état de brutalités physiques. Ces plaintes font l'objet d'une enquête par la Commission pour l'intégrité de la police et peuvent donner lieu à la délivrance d'une notification en application d'une disposition spéciale. Au mois de juin 2000, 17 policiers avaient ainsi été démis de leurs fonctions, 69 avaient démissionné. Aucune affaire de ce genre ne s'est produite dans le Territoire du Nord et aucun membre de la police fédérale n'a été reconnu coupable d'agression.

19.M. LUCK (Australie) dit, au sujet des mesures de contrainte utilisées à l'encontre des détenus et les enquêtes menées sur les allégations de plainte, que la plupart des États et Territoires disposent à la fois de mécanismes internes et externes de plainte à différents niveaux. Certaines juridictions ont établi des mécanismes de supervision qui font directement rapport au Parlement. Quant au rôle des directeurs de prison, en Nouvelle‑Galles du Sud les détenus peuvent s'adresser facilement au directeur de l'établissement et demander à être séparés d'autres prisonniers, aux fins de leur protection. Il en va de même en Tasmanie. Les plaintes relatives aux mesures de contrainte utilisées en détention sont exposées aux annexes 2 et 3.1 du rapport. Toute plainte dénonçant le comportement de la police est généralement examinée en premier lieu par un organisme d'enquête interne, sous réserve du contrôle ou de la surveillance d'un organisme extérieur, tel que l'Ombudsman. Dans certaines juridictions, il existe également des organes spécialisés comme la Commission pour l'intégrité de la police dans la Nouvelle‑Galles du Sud. Il existe un registre sur l'utilisation des mesures de contrainte dans les prisons du Territoire du Nord, d'Australie occidentale et de la Nouvelle‑Galles du Sud. À Victoria, le Ministre chargé de l'administration pénitentiaire garde copie des autorisations données aux directeurs de prison pour l'utilisation de méthodes précises de contraintes. Si une mesure de contrainte est appliquée pendant plus de 24 heures d'affilée, ou pendant 48 heures sur une période de 96 heures, le Commissaire chargé de l'administration pénitentiaire doit être avisé. En général, les gardiens de prison ne portent pas sur eux les dispositifs de contrainte mais doivent pouvoir les prendre aisément quand ils en ont besoin. En Australie méridionale les gardiens portent des menottes sur eux, en Nouvelle-Galles du Sud certains portent des armes à feu et des matraques quand ils accompagnent les prisonniers, en Tasmanie les dispositifs de contrainte sont conservés dans une pièce spéciale et il faut l'autorisation du directeur pour les prendre, tout comme en Australie occidentale. Le placement à l'isolement n'est pas pratiqué dans le Territoire du Nord et en Australie méridionale. À Victoria, un détenu peut être séparé des autres, mais il n'existe pas de cellule disciplinaire. Dans le Queensland, en Tasmanie et en Australie occidentale les conditions de mise à l'isolement sont régies par le règlement établi par le directeur de la prison et en Australie méridionale par la loi sur les prisons. Il est en général possible de contester la mesure en recourant aux mécanismes de plainte. Toutefois en Australie occidentale un recours peut être introduit à la suite d'une décision d'un magistrat ou de deux juges de l'application; les plaintes peuvent également être adressées à la Cour suprême lorsqu'un prisonnier estime avoir été victime d'une violation des principes élémentaires de la justice. Pour ce qui est de la surpopulation carcérale, les prisons de Tasmanie et de la Nouvelle‑Galles du Sud ne sont pas surpeuplées et la population carcérale en Australie méridionale a diminué de 7,5 % depuis 1998. Le problème se pose en revanche pour les prisons de Victoria et de l'Australie occidentale.

20.En règle générale, les mineurs détenus sont partout séparés des adultes. Exceptionnellement, dans certains États des jeunes de plus de 16 ans peuvent être, sur décision d'un tribunal, placés dans une prison pour adultes : dans l'État de Victoria, les détenus mineurs sont placés dans des centres spécialement adaptés à leurs besoins et ce n'est que dans des cas exceptionnels que des jeunes de plus de 16 ans particulièrement difficiles à contrôler peuvent, dans des conditions très strictes imposées par la loi, être transférés dans une prison pour adultes. En Australie occidentale, les jeunes délinquants (de 10 à 17 ans) condamnés à la privation de liberté sont placés dans des établissements séparés, mais dans des cas très rares, un jeune âgé de 16 ans ou plus peut, sur décision d'un tribunal, être transféré dans une prison pour adultes; les jeunes en attente de jugement sont détenus séparément des mineurs condamnés. Enfin, en Australie méridionale, très peu de mineurs sont incarcérés et leur cas fait l'objet d'un examen particulier dans le cadre de la procédure normale, compte tenu de leurs besoins particuliers et en consultation avec les services de protection de la famille et de la jeunesse; la question de savoir où et avec qui ils seront incarcérés retient tout particulièrement l'attention et leurs journées sont structurées de manière à être partagées de manière équilibrée entre travail, acquisition de connaissances et loisirs. M. Luck signale que la documentation mise à la disposition du Comité contient des renseignements réactualisés sur la situation des détenus mineurs. Sur l'ensemble du Territoire australien, il existe un âge minimum pour la responsabilité pénale; généralement 10 ans, qui est l'âge retenu dans le code pénal type. En outre, le plus souvent, les enfants âgés de 10 à 14 ans ne peuvent être tenus pour pénalement responsables de leurs actes que s'ils avaient conscience de mal agir; des peines privatives de liberté peuvent leur être appliquées en cas d'infraction pénale.

21.Il a été demandé si les prisonniers et leurs défenseurs avaient accès aux dossiers médicaux conservés par l'administration pénitentiaire : en Australie méridionale, en Australie occidentale, au Queensland et en Tasmanie, tout prisonnier a, de par la loi, accès à son dossier médical; dans le Territoire du Nord, les dossiers ne sont communiqués que sur ordre d'un tribunal dûment saisi; en Nouvelle‑Galles du Sud, les prisonniers mais aussi leurs défenseurs peuvent prendre connaissance du dossier médical. L'un des principaux objectifs du système pénitentiaire australien est la réadaptation des prisonniers et, sur tout le territoire, des possibilités de loisirs, d'éducation et de travail leur sont offertes. Les programmes d'enseignement et de formation professionnelle vont de l'instruction élémentaire aux études secondaires et même supérieures et la formation professionnelle couvre une grande variété de professions. Les prisonniers peuvent par ailleurs travailler aux cuisines, à la blanchisserie, à la menuiserie, etc., et pratiquer différents sports ainsi que s'adonner à des activités artistiques et à l'horticulture. Des programmes de développement personnel leur sont également offerts; tous les établissements proposent des programmes de réadaptation des délinquants sexuels, des stages de préparation au retour à la vie libre, etc.

22.Une question a été posée au sujet des violences sexuelles en prison et de la surveillance dont elles font l'objet. En cette matière, on ne dispose pas de statistiques ventilées en fonction du sexe, de l'âge ou de l'origine ethnique. Les prisonniers sont incités à signaler toute forme de violence et une enquête est alors ouverte. Dans la documentation mise à la disposition du Comité, il y a un ensemble de données statistiques toutes récentes dans ce domaine, qui devraient lui être très utiles.

23.Mme BICKET (Australie) précise, s'agissant de la formation des personnels et en réponse à une question posée par un membre du Comité, que des spécialistes des centres de traitement des victimes de la torture participent effectivement à la formation de toutes les catégories d'agents susceptibles de se trouver en contact avec des victimes de torture dans l'exercice de leurs fonctions, en particulier les fonctionnaires de l'immigration en poste dans les centres de rétention administrative.

24.M. LUCK (Australie) indique, toujours en ce qui concerne la formation, que le personnel pénitentiaire de l'Australie occidentale, de Tasmanie, du Territoire du Nord et de l'Australie méridionale reçoit une formation qui lui permet de se familiariser avec les directives nationales relatives aux normes pénitentiaires à appliquer, lesquelles sont conformes à l'Ensemble de règles minima de l'ONU pour le traitement des détenus. En ce qui concerne la sensibilisation des policiers aux obligations qui leur incombent au titre de la Convention des dispositions spécifiques ont été incluses dans la législation et dans la réglementation relative à la conduite des policiers; ces textes sont décrits dans le rapport initial de l'Australie. Les policiers connaissent très bien ces directives, même si elles ne sont pas nécessairement présentées comme des obligations découlant de la Convention. Pour ce qui est des modalités de recrutement du personnel pénitentiaire, les candidats doivent faire un bilan psychologique ou comportemental dans le Territoire du Nord, en Australie occidentale, en Nouvelle‑Galles du Sud et en Tasmanie. En Australie méridionale, les établissements pénitentiaires recrutent leur personnel conformément aux dispositions de l'Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, en appliquant la réglementation australienne en matière de traitement des détenus. Dans le Territoire du Nord et en Nouvelle‑Galles du Sud, on vérifie les antécédents judiciaires et autres des candidats et en Tasmanie, les candidats doivent, lors de la sélection, participer à des stages de dynamique de groupe et de formation au travail en équipe. Le recrutement de personnel pénitentiaire appartenant à des minorités et notamment aux communautés autochtones est activement encouragé en Australie méridionale, en Nouvelle‑Galles du Sud, dans le Territoire du Nord et en Australie occidentale, où 17  agents autochtones ont récemment été engagés, de même qu'un haut fonctionnaire aborigène chargé de diriger les services s'adressant aux aborigènes. En Australie du Sud, 35 membres de la communauté aborigène occupent des postes à tous les niveaux ‑ agent de liaison, formateur de personnel pénitentiaire, travailleur social, responsable des services s'adressant aux aborigènes. Dans la police, on veille à ce que les effectifs reflètent bien le caractère multiculturel de la société australienne. D'après les renseignements disponibles, il semble que partout, les forces de police comptent des autochtones dans leurs rangs; dans le Territoire du Nord, en particulier, où la population autochtone, la police recrute systématiquement des membres de la communauté aborigène, de telle sorte que c'est là que l'on compte la plus forte proportion de personnes d'origine aborigène au sein des forces de police.

25.Si les médecins spécialistes de la santé publique ne reçoivent pas de formation spécifique en vue de repérer et de traiter les victimes de la torture, tout praticien est tenu de suivre une formation poussée afin d'être capable de diagnostiquer des lésions infligées délibérément (par opposition aux traumatismes accidentels) y compris celles résultant de tortures ou de traitements cruels ou inhumains. Les praticiens sont aussi formés aux aspects psychologiques de ces questions, si bien qu'ils savent tous reconnaître les symptômes psychologiques auxquels donnent lieu les traumatismes. Enfin, les médecins de santé publique travaillant pour la police ou les établissements pénitentiaires savent diagnostiquer les symptômes d'éventuels mauvais traitements.

26.Mme BICKET (Australie), évoquant les politiques et les pratiques suivies dans son pays en matière d'immigration, souligne que l'Australie est l'un des rares pays à s'être doté d'un programme global non discriminatoire en matière d'immigration, qui permet à toute personne de demander à immigrer en Australie, de quelque pays qu'elle vienne et quels que soient son origine ethnique, son sexe, sa race ou sa religion. Pour 2000‑2001, 88 000 places sont disponibles pour de nouveaux arrivants, dont 12 000  sont réservés aux réfugiés et aux personnes invoquant des motifs humanitaires; sur ces 12 000 places, 10 000 seront attribuées à des personnes arrivant de l'étranger pour se réinstaller pour des raisons humanitaires. Cette attitude ouverte s'appuie en grande partie sur le principe de la primauté du droit. La politique d'accueil des immigrés vise à encourager les mouvements de population licites et ordonnés et à décourager les arrivés illicites et clandestines. Concernant le placement en rétention des candidats à l'immigration, le Comité recevra ultérieurement par écrit des renseignements plus détaillés sur la situation actuelle. Mme Bicket se contentera d'évoquer brièvement quelques éléments clefs. Tout d'abord, le placement en rétention s'applique aux étrangers en situation irrégulière; il ne concerne pas les demandeurs d'asile en tant que tels, mais les personnes arrivant sans documents valides ou en possession de faux documents ‑ celles‑ci demandant parfois l'asile par la suite. Le placement en rétention répond à divers objectifs. Il s'agit notamment de faire en sorte que des personnes présentes irrégulièrement sur le sol australien ne s'y installent pas sans que leur demande ait été dûment examinée et acceptée, d'établir l'identité des intéressés et de s'assurer qu'ils ne constituent pas une menace, notamment pour la sécurité de l'Australie, d'assurer la mise en œuvre du programme d'immigration dans de bonnes conditions, de permettre aux demandeurs d'asile de faire examiner leur cas, et d'être en mesure de les renvoyer s'ils sont déboutés. Il faut noter que seule une faible proportion de demandeurs d'asile sont placés en rétention alors que l'immense majorité d'entre eux arrivent sans papiers. Des données statistiques ont été fournies au Comité par écrit à ce sujet. Depuis la présentation du rapport précédent (1991‑1997), d'importantes modifications ont été apportées au dispositif de rétention des immigrants. Jusqu'en 1997, le fonctionnement des centres de rétention était assuré par les pouvoirs publics, mais à cette date, le Gouvernement en a confié la gestion à un prestataire de service qui s'est engagé par contrat à y assurer la sécurité et à veiller à l'hébergement, à l'entretien, à la santé, aux activités éducatives et de loisir, au transport, etc., des personnes retenues. Bien entendu, la durée de la rétention varie en fonction notamment de la complexité du cas, de la volonté de l'intéressé de fournir aux autorités des renseignements sur son identité et ses titres de transport. Chaque cas est réexaminé régulièrement, et la situation dans les centres de rétention est suivie avec une grande vigilance par des instances extérieures. La documentation mise à la disposition du Comité permet de se faire une idée des initiatives prises pour accélérer la procédure. Un service de conseil et d'assistance aide les candidats à l'immigration retenus dans les centres à préparer leur demande de visa; les démarches administratives ont été simplifiées, des visas d'attente sont maintenant délivrés pour libérer des personnes se trouvant dans des situations particulières, etc. Les autorités sont désormais tenues d'appeler l'attention du Ministre de tutelle sur toute personne se trouvant encore en détention plus de six mois après avoir présenté une demande de visa de protection. Le Ministère de l'immigration et des affaires multiculturelles a aussi pris d'importantes mesures pour améliorer le sort des immigrants placés en détention. Il a en particulier élaboré, en collaboration avec l'Ombudsman fédéral, une série de règles visant à s'assurer que les conditions qui sont faites à ces personnes sont conformes aux obligations internationales de l'Australie, par exemple en matière de services d'interprète, de protection de la vie privée, de santé et de sécurité, ainsi qu'en ce qui concerne les activités qui leur sont offertes, la sensibilisation du personnel aux différentes cultures et la possibilité pour les personnes détenues de porter plainte auprès des autorités australiennes et du Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Les autorités australiennes s'efforcent de raccourcir le plus possible le temps nécessaire à la détermination du statut de chacun. Bien entendu, pour les demandes d'asile, les délais peuvent être plus longs si l'identité du requérant est difficile à établir ou si sa personnalité suscite des doutes. Pour la période d'août et septembre 2000, 184 demandes de visa de protection ont été présentées, dont 59 % ont fait l'objet d'une décision préliminaire sous 42,15 jours. La façon dont sont traités les immigrants détenus dans les centres de rétention est très surveillée; des normes relatives aux conditions de détention, conformes aux engagements pris par l'Australie sur le plan international, ont été élaborées en coopération avec l'Ombudsman fédéral. Dans un rapport présenté au Parlement en septembre 2000, la Commission parlementaire mixte permanente de l'immigration a conclu, après s'être rendue sur les lieux, que les personnes détenues sont prises en charge avec une grande compétence, que les installations dont elles disposent sont satisfaisantes et qu'il est tenu compte de leur diversité culturelle. Le contrat passé avec le prestataire de services prévoit une procédure de suivi très rigoureuse permettant aux autorités de surveiller de près le respect des règles fixées. Ce contrat comporte un système d'incitations et de pénalités financières visant à assurer la qualité du service fourni. Un dispositif de surveillance externe et d'examen des plaintes a été mis en place dans chaque centre de rétention. Les parlementaires, l'Ombudsman fédéral et le Commissaire aux droits de l'homme et à l'égalité des chances y ont facilement accès; des mécanismes de consultation avec les communautés fonctionnent dans certains centres cependant que dans d'autres, la direction rencontre régulièrement des organes représentatifs des communautés. Enfin, dans chaque centre, les représentants du Ministère de l'immigration et des affaires multiculturelles, du prestataire de services et des détenus se réunissent à intervalles réguliers. Dans chaque établissement, les personnes retenues sont informées dans leur langue du fait qu'elles peuvent à tout moment présenter leurs griefs, plaintes ou allégation à l'Ombudsman fédéral ou à la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances.

27.C'est après mûre réflexion qu'il a été décidé d'installer les centres de rétention administrative loin des centres urbains. En effet, il était plus facile d'y trouver des terrains, et ceux‑ci présentaient l'avantage d'être situés à proximité des points d'arrivée de la plupart des bateaux; il est ainsi possible d'héberger dans de bonnes conditions et en toute sécurité un grand nombre de personnes, et d'en maintenir certaines en quarantaine pour des raisons de santé publique. Certains ont craint que l'éloignement ne prive les personnes retenues de la possibilité de bénéficier d'une aide juridique, mais la loi indique clairement qu'à leur demande, ces personnes doivent pouvoir se faire aider d'un conseil. Des installations téléphoniques et de télécopie sont mises à leur disposition et elles peuvent correspondre sans difficulté avec leur avocat. En outre, dès lors que les déclarations d'un de ces immigrants donnent à penser qu'il est en droit de bénéficier de la protection de l'Australie, une aide juridique gratuite est fournie pour qu'il fasse pleinement valoir ses droits; cette assistance est dispensée par des équipes de spécialistes de l'immigration qui se rendent dans tous les centres de détention.

28.Les enfants ne sont maintenus dans les centres de détention qu'en dernier recours et aussi brièvement que possible, ils y bénéficient notamment de services éducatifs, sanitaires et sociaux. L'immense majorité d'entre eux sont retenus avec leur famille et les demandes de visa présentées pour des enfants et des familles avec enfants sont traitées en priorité. Dans des cas particuliers, certaines personnes et notamment des enfants sont libérés avec des visas d'attente; cette décision est prise dans l'intérêt supérieur des enfants et à condition qu'ils puissent recevoir à l'extérieur les soins appropriés. Enfin, toutes les deux semaines, un groupe de travail permanent de responsables du Ministère de l'immigration et des affaires multiculturelles passe en revue la situation administrative de chacun et en particulier des enfants. Tous les centres de rétention des immigrants disposent de personnel médical qualifié. Chacun d'eux est doté d'un dispensaire où sont présents infirmiers et infirmiers psychiatriques; médecins généralistes, psychiatres, psychologues et autres spécialistes se trouvent également sur place ou peuvent être appelés ou consultés. Toutes les personnes travaillant dans ces centres ont été formées à déceler les symptômes de torture et de traumatisme et à faire en sorte que les victimes reçoivent les soins médicaux appropriés. Enfin, en présence de victimes de torture, il est fait appel à des organismes extérieurs spécialisées dans la prise en charge de ces cas. Tout le personnel du Ministère de l'immigration et des affaires multiculturelles peut bénéficier d'une formation portant sur le droit des réfugiés, le droit international en général et les obligations contractées par l'Australie au titre de différents instruments internationaux en particulier; les questions liées à l'application de la Convention contre la torture sont traitées à titre prioritaire et le seront plus encore à l'avenir. Toutes les personnes qui sont en contact avec des demandeurs d'asile et des immigrants placés en rétention, y compris le personnel sous contrat chargé du gardiennage et de la sécurité des centres de rétention, sont sensibilisées aux différences culturelles et apprennent à reconnaître et à prendre en charge les victimes de tortures et de traumatismes.

29.Une question a été posée à propos des incidents survenus dans dives centres de rétention administrative en juin 2000. Plus de 800 détenus ont forcé le périmètre autorisé et 483  se sont enfuis; il y a eu des violences et des déprédations, notamment à Woomera. À la suite de ces événements, un certain nombre de fugitifs ont été traduits en justice et condamnés à des peines de prison pour divers délits. Lorsque les incidents ont éclaté, il y avait 1 400 personnes retenues à Woomera et il y en a actuellement moins de 300, mais cela n'a rien à voir avec les incidents en question : tous ces candidats à l'immigration ont été libérés après avoir fait les démarches voulues et obtenu des visas. Le plus paradoxal dans cette affaire est que les personnes impliquées dans ces incidents étaient elles‑mêmes sur le point d'obtenir un visa. Il faut savoir que la libération des personnes placées dans les centres de rétention n'est pas exceptionnelle; dès que les démarches nécessaires ont été accomplies, les intéressés sont libérés.

30.M. LUCK (Australie) rappelle qu'un membre du Comité s'est enquis des suites données aux recommandations formulées à l'occasion des différentes enquêtes dont il est question aux paragraphes 10 à 37 du rapport à l'examen. S'il n'est pas possible, dans le temps imparti, de fournir des réponses détaillées à cette question, certaines précisions peuvent cependant être apportées. Tout d'abord, la manière dont il est donné suite à ces recommandations dépend de leur source. Ainsi, dans le cas de commissions parlementaires, le Parlement fixe des délais pour leur mise en œuvre; c'est certainement le cas en ce qui concerne le rapport sur l'asile, le contrôle aux frontières et la rétention administrative dont il est question au paragraphe 16. La teneur de la réponse du Gouvernement à ce rapport sera communiquée ultérieurement au Comité. Un autre type de rapport, tels que ceux de la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances, sont généralement soumis au Parlement et c'est ensuite au Gouvernement de prendre les mesures voulues. Il va sans dire que toutes les recommandations formulées à l'occasion de ces enquêtes ne pas retenues, ce qui n'enlève rien à leur intérêt. D'ailleurs, le grand nombre de rapports établis sur toutes sortes de questions touchant aux droits de l'homme atteste le caractère ouvert et démocratique du système australien. Pour conclure, M. Luck signale qu'une grande partie de la documentation mise à la disposition du Comité a trait aux progrès, au demeurant considérables, de la mise en œuvre des recommandations de la Commission royale sur les décès d'aborigènes pendant leur détention.

31.M. RASMUSSEN (Corapporteur pour l'Australie) remercie la délégation de ses réponses nombreuses et détaillées, qui rendent justice à la dimension du pays considéré et à la complexité de son organisation interne. Il est d'avis que, même si les questions du Comité n'ont pas été fournies à l'avance à la délégation comme celle‑ci l'aurait souhaité, elles seront utiles à l'État partie pour établir le rapport périodique suivant.

32.Mme GAER croit avoir compris, d'après les réponses orales de la délégation, que les prisonniers sont encouragés à dénoncer les mauvais traitements dont ils sont victimes, mais qu'il n'existe pas de mécanisme de surveillance des cas de violence sexuelle dans les prisons.

33.En ce qui concerne les remarques et suggestions de la délégation sur les méthodes de travail du Comité, Mme Gaer fait observer que chaque comité applique les méthodes les mieux adaptées à l'objet de l'instrument dont il a à surveiller l'application, certains comités travaillant plus dans l'urgence et devant encore plus être à jour que d'autres dans l'examen des rapports. En outre, l'examen d'un rapport périodique n'est peut‑être pas le moment le mieux choisi pour traiter ce sujet. Elle rend toutefois hommage à la délégation pour les efforts considérables qu'elle a faits pour répondre à la batterie de questions du Comité, dans le temps limité qui lui était imparti.

34.M. LUCK (Australie) précise qu'il n'est pas en mesure de donner des statistiques du nombre de plaintes pour violences sexuelles dans les prisons.

35.Ayant une certaine expérience de la présentation des rapports de son pays aux organes conventionnels, il peut affirmer que le fait de disposer à l'avance des questions qui seront traitées est d'une grande utilité; aussi est‑il certain que le déblocage de ressources pour permettre au Comité de procéder ainsi faciliterait grandement la tâche des États parties dans la préparation des réponses.

36.La délégation australienne se retire.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 17 h 30.

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