NATIONS UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/SR.61226 août 2004

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Trente‑deuxième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 612e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le lundi 17 mai 2004, à 10 heures

Président: M. MARIÑO MENÉNDEZ

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Troisième rapport périodique de la Bulgarie

La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 7 de l’ordre du jour) (suite)

Troisième rapport périodique de la Bulgarie (CAT/C/34/Add.16; HRI/CORE/1/Add.81; CAT/C/32/L/BGR)

1. Sur l’invitation du Président, MM. Tzantchev, Tehov, Vladimorov et Philipov et M mes  Valchanova et Vladimirova (Bulgarie) prennent place à la table du Comité.

2.Le président souhaite la bienvenue à la délégation bulgare et invite son chef à faire une déclaration liminaire.

3.M. TZANTCHEV (Bulgarie) dit que la mise en œuvre effective des normes universellement reconnues relatives aux droits de l’homme constitue un défi majeur pour la communauté internationale. La Bulgarie qui assure la présidence de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) pour 2004 participe activement aux activités de l’Organisation visant à lutter contre les violations des droits de l’homme dans l’ensemble de la région de l’OSCE et au‑delà. Par ailleurs, la Bulgarie, qui estime que le renforcement des capacités nationales dans le domaine de la promotion et de la protection des droits de l’homme relève, au premier chef, de la responsabilité des États, est fermement décidée à prendre toutes les mesures, législatives, administratives et autres, nécessaires dans ce domaine.

4.Au cours des dernières années, la Bulgarie a sensiblement amélioré la protection et la promotion des droits de l’homme en prenant des mesures importantes en vue de l’application pleine et entière des dispositions des instruments internationaux auxquels elle est partie. À cet égard, des progrès importants ont été enregistrés dans l’application des dispositions de la Convention au cours des deux dernières années, grâce notamment aux recommandations du Comité. En dépit des difficultés liées à la période de transition qu’elle a traversée au cours des 15 dernières années, la Bulgarie a considéré la coopération avec le Comité comme une de ses priorités, n’épargnant aucun effort pour présenter tous les rapports demandés au titre de la Convention.

5.Le président remercie M. Tzantchev de son introduction et invite la délégation bulgare à répondre aux questions posées dans la Liste des points à traiter (CAT/C/32/L/BGR).

6.M. TEHOV (Bulgarie), répondant à la question nº 1, rappelle que la Constitution de la République de Bulgarie interdit explicitement la torture et dispose que nul ne peut être soumis à une expérience médicale, scientifique ou autre sans son consentement écrit. Cela étant, il n’était, en principe, pas nécessaire d’incorporer au Code pénal la définition de la torture contenue à l’article premier de la Convention, compte tenu du fait que, en vertu de l’article 5 de la Constitution, tous les instruments internationaux ratifiés par la Bulgarie et qui sont en vigueur dans le pays font partie intégrante de l’ordre juridique interne. Toutefois, compte tenu de l’opinion du Comité sur cette question, il a été proposé d’incorporer cette définition dans le nouveau Code pénal, dont la rédaction devrait être achevée avant 2007.

7.M. Tehov signale, par ailleurs, que les actes visés à l’article premier de la Convention sont punis par le Code pénal en tant qu’éléments constitutifs des infractions pénales de coercition, de préjudice corporel et de menace. Ainsi, en vertu de l’article 287 du Code pénal, tout agent de l’État qui, dans l’exercice de ses fonctions, userait de moyens de coercition pour obtenir une information, des aveux ou une déposition serait passible de 3 à 10 ans d’emprisonnement et de la privation de certains droits civiques. Dans le domaine réglementaire, l’Instruction no I‑167 du Ministère de l’intérieur relative à la procédure à suivre par la police lors de la détention d’une personne dans les locaux du Ministère de l’intérieur interdit expressément tout acte de torture et fait obligation à tout fonctionnaire de police d’intervenir pour prévenir ou empêcher tout acte de cette nature.

8.En réponse à la question no 2, M. Tehov dit que le droit de toute personne de bénéficier de l’assistance d’un avocat à compter du moment de sa mise en détention ou de son inculpation est garanti par la Constitution (art. 30 et 70). Par ailleurs, plusieurs dispositions de l’Instruction no I‑167 susmentionnée garantissent aux personnes détenues par la police le droit d’être informées de leurs droits sans délai, le droit de consulter un médecin, qui peut être, le cas échéant et à leurs frais, un médecin de leur choix, le droit de consulter un avocat, le droit de contester la légalité de leur détention, le droit d’informer un proche ou un tiers de leur détention et le droit, pour les ressortissants étrangers, d’informer leur représentation consulaire.

9.En réponse à la question no 3, M. Tehov signale que le droit de consulter un avocat en toute confidentialité est garanti par l’article 30 de la Constitution. En vertu des dispositions de l’Instruction no I‑167 susmentionnée, les détenus ont le droit de consulter leur avocat dans des locaux bénéficiant d’une isolation phonique, afin de garantir la confidentialité des informations qui sont échangées à cette occasion. Cette même Instruction dispose que, au cours d’un examen médical, la présence d’un gardien, du même sexe que le détenu, n’est autorisée qu’à la demande expresse du médecin concerné et que les visites des détenus par leurs proches se font en présence d’un gardien.

10.En réponse à la question nº 4, M. Tehov dit que, contrairement aux allégations émanant des ONG anonymes mentionnées dans ladite question, la représentation par un avocat est obligatoire pour tous les détenus dans la phase de la procédure qui précède le jugement. Toutefois, le détenu qui souhaite bénéficier d’une représentation légale gratuite doit en faire expressément la demande.

11.En réponse à la question nº 5, M. Tehov dit que le Code de conduite à l’intention des fonctionnaires de police a été adopté et appliqué en vertu d’une ordonnance du Ministre de l’intérieur en octobre 2003. Les dispositions de ce Code de conduite interdisent le recours à la torture et font obligation à tout fonctionnaire de police témoin de violences policières d’intervenir et d’informer ses supérieurs, de prendre soin de la vie et de la santé de toute personne gardée à vue et d’assurer à toute personne gardée à vue la possibilité d’exercer son droit à la défense et la possibilité d’informer un proche ou un tiers de sa détention.

12.En réponse à la question no 6, M. Tehov dit qu’il faut relativiser les allégations des ONG en question, compte tenu des résultats de l’enquête indépendante menée à la demande du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) sur les méthodes de travail des agents de la Direction régionale de la police la plus souvent mise en cause. De cette enquête, à laquelle ont participé deux ONG bulgares, il ressort qu’aucun fait ou preuve incontestable n’est venu étayer les allégations selon lesquelles des mauvais traitements auraient été infligés lors d’interrogatoires menés par des policiers de cette direction. Pour s’attaquer au problème des mauvais traitements imputés à des policiers, les autorités bulgares ont créé, au sein de la police nationale, une commission chargée des droits de l’homme dotée d’un réseau de coordinateurs régionaux. Elle a pour mission de former les policiers aux droits de l’homme et aux normes internationales applicables aux activités des organes chargés d’appliquer la loi. Des experts envoyés par des ONG bulgares participent à la formation des policiers et de nouveaux matériels de formation ont été conçus et diffusés dans tout le pays. En outre, la commission permanente des droits de l’homme et de l’éthique des forces de police procède actuellement à une révision du droit dérivé afin de le rendre conforme aux normes européennes en matière de droits de l’homme.

13.En ce qui concerne les allégations d’une certaine ONG selon lesquelles les prisonniers roms seraient plus souvent maltraités que les autres détenus, il convient de rappeler que la Constitution et l’ensemble de la législation sur le traitement des détenus, qui interdisent toute forme de discrimination, s’appliquent à tous les détenus. De même, l’article 9 de l’Instruction no I‑167 du Ministre de l’intérieur interdit expressément aux policiers tout comportement discriminatoire. Cette interdiction figure aussi au paragraphe 27 du Code de déontologie de la police.

14.En Bulgarie, les Roms ont essentiellement des problèmes d’ordre économique et social. Conscientes tant de l’ampleur des difficultés auxquelles ils sont confrontés que des facteurs à l’origine de ces difficultés, les autorités bulgares ont adopté un train de mesures pour s’attaquer à la question dans sa globalité, mettant notamment en place en 1999 un programme‑cadre pour l’intégration équitable des Roms dans la société bulgare, élaboré en collaboration avec plus de 70 organisations roms, comprenant à la fois des dispositions législatives et des mesures concrètes dans les domaines de la protection contre la discrimination, de l’éducation, de la santé, de l’emploi et de la protection sociale, ainsi que de la culture. En septembre 2003, le Gouvernement bulgare a adopté un plan d’action spécial pour l’application du Programme‑cadre auquel 28,6 millions de leva ont été alloués sur le budget de l’État pour 2003‑2004.

15.Le Ministère de l’intérieur multiplie les initiatives dans le domaine de la protection des minorités. Il a créé, par exemple, un centre visant à familiariser les policiers avec l’histoire, les traditions et les croyances religieuses de divers groupes ethniques, dont les Roms. Il prévoit en outre de généraliser à tout le pays une expérience tentée localement en 2003, en collaboration avec la police de Londres, dans le cadre d’un projet sur la prévention des conflits internes. De même, en collaboration avec le Centre d’aide aux victimes de la torture, la Direction de la police nationale a publié un guide sur les relations entre policiers et minorités ethniques. D’autre part, dans le domaine de la prévention et de la répression des actes illégaux commis par des policiers, des mesures ont été prises afin que tous les cas présumés de violation de la loi par des agents de la force publique fassent l’objet d’une enquête et que les auteurs de telles violations, voire également leurs supérieurs immédiats, soient sanctionnés.

16.En réponse à la question no 7, M. Tehov, après avoir fourni des données statistiques sur les demandes d’asile reçues entre 1999 et le 30 avril 2004, dit que les autorités bulgares compétentes examinent les dossiers conformément à l’article 3 de la Convention contre la torture et à la lumière de l’Observation générale no 1 du Comité. C’est la loi sur l’asile et le statut de réfugié de 2002 qui définit les conditions et la procédure en vertu desquelles un étranger peut se voir accorder une protection spéciale sur le territoire bulgare, ainsi que ses droits et obligations. À partir du moment où un ressortissant étranger fait sa demande d’asile par écrit au Président de la République bulgare, l’article 4 de la loi s’applique: il garantit le non‑refoulement en vertu, notamment, de l’article 3 de la Convention. Aux termes du paragraphe 1 de l’article 48 de la loi, il appartient au Directeur de l’Office national pour les réfugiés d’accorder ou de refuser l’asile ou d’annuler ou de suspendre la décision en vertu de laquelle le statut de réfugié a été octroyé. Toutefois, tant que sa décision n’a pas pris effet, aucune mesure administrative coercitive ne peut être appliquée. Lorsque le Directeur de l’Office rejette la demande d’asile, il est tenu de dire s’il considère comme sûr le pays vers lequel le ressortissant étranger doit être renvoyé, à la lumière des dispositions complémentaires de la loi sur l’asile et le statut de réfugié où sont définies les notions de «pays d’origine sûr» et de «pays tiers sûr».

17.En ce qui concerne la question no 8, M. Tehov indique qu’en 2003 le personnel médical des centres de détention provisoire a reçu une formation sur le cadre réglementaire dans lequel il exerce ses fonctions, la déontologie et la communication avec les patients, ainsi que sur les progrès réalisés en matière de diagnostic, de consultation et de thérapie. Les médecins ont eux étudié minutieusement les normes internationales relatives aux services médicaux dans les lieux de détention, au traitement des personnes privées de liberté, ainsi qu’à la prévention et à l’interdiction de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et ont appris à appliquer ces normes. Les règles régissant l’examen médical des détenus sont énoncées à l’article 20 de l’Instruction ministérielle no I‑167. Les détails de toute lésion détectée chez une personne doivent être consignés dans un registre, avec les déclarations du détenu quant à d’éventuels mauvais traitements. Si ces déclarations sont confirmées par les observations du médecin, un rapport est automatiquement établi et transmis au procureur compétent. Les centres de détention provisoire ont été aménagés de façon à protéger le secret médical et la dignité du patient. Les examens médicaux ont ainsi lieu en présence du seul personnel médical, sauf demande expresse du médecin. Les informations résultant de cet examen sont consignées par écrit par le médecin; le détenu et son avocat y ont accès.

18.En réponse à la question no 9, M. Tehov dit que l’ensemble du personnel chargé de l’application de la loi dans le domaine de la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a été formé aux droits de l’homme, tant sur un plan théorique que pratique. L’efficacité des programmes de formation destinés aux agents en contact direct avec des personnes privées de leur liberté a été évaluée dans le cadre des procédures d’agrément de l’ensemble du personnel pénitentiaire. Cette évaluation a porté sur les techniques de communication, la maîtrise de soi et la capacité à contenir son agressivité. Tout agent agréé reçoit des recommandations sur la façon d’optimiser ses contacts avec les détenus dont le suivi est assuré par ses supérieurs immédiats. Les inspections menées ont montré qu’après une série de cours de formation le personnel s’acquittait beaucoup plus efficacement de sa charge quotidienne de travail et qu’il réagissait, dans le respect de la loi, à tous les problèmes rencontrés.

19.En réponse à la question no 10, M. Tehov, après avoir fourni toute une série de statistiques sur la répartition par sexe et par catégorie (inculpés, prévenus et condamnés) des personnes privées de liberté, et par groupe d’âge des personnes condamnées, ainsi que sur la durée des peines infligées et sur le pourcentage d’hommes et de femmes condamnés pour différents types de délit, précise qu’en raison de la fluctuation des données relatives aux personnes détenues avant jugement il n’existe pas de statistiques en la matière. La Bulgarie ne dispose pas non plus de statistiques par origine ethnique, ni par région géographique, étant donné la petite taille du pays. Une enquête sur la population carcérale, menée en août 2003, a cependant révélé qu’il y avait 10 500 accusés et prisonniers dont 35,39 % disaient être Roms et 16,90 % Turcs. Cette proportion pouvait être encore plus marquée (allant jusqu’à 50 %) dans les prisons situées dans des régions où certaines minorités ethniques sont plus nombreuses.

20.En réponse à la question no 11, M. Tehov dit que les lieux de détention sont sous la responsabilité du Ministère de la justice. En effet les prisons, les maisons de correction et les centres de détention provisoire dépendent de la Direction de l’exécution des peines qui relève de ce ministère et dont le personnel est constitué de fonctionnaires civils, à l’exception des gardes. La démilitarisation du personnel, qui a été opérée conformément à la loi sur l’exécution des peines de juin 1998 telle que modifiée, a contribué à normaliser le traitement des personnes privées de leur liberté et à prendre davantage en compte leurs besoins spécifiques et leurs problèmes.

21.En réponse à la question no 12, M. Tehov dit que toute personne privée de sa liberté peut faire appel, auprès du tribunal de district du lieu où elle est incarcérée, des mesures disciplinaires prises à son encontre, en vertu des articles 76, 85A, 87A et 89 de la loi relative à l’application des peines. Toutefois, les appels ne sont pas suspensifs.

22.S’agissant des plaintes pour actes de torture déposées contre des agents du Ministère de l’intérieur et des procédures qui en ont découlé (question no 13), M. Tehov donne lecture de données statistiques portant sur la période 1999‑2003, faisant apparaître pour chaque année le nombre de plaintes déclarées recevables, d’agents ayant fait l’objet de sanctions disciplinaires, de licenciements pour faute, de cas renvoyés devant le parquet militaire et de procédures avant jugement entamées. Selon des données émanant de la Direction des ressources humaines du Ministère de l’intérieur, les actes de violence ne constituent que 0,5 % de tous les manquements aux règlements en vigueur.

23.En réponse à la question no 14, M. Tehov dit qu’on ne dispose pas encore de statistiques sur les plaintes déposées par des recrues militaires pour torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, y compris le bizutage, sur l’ensemble de la période examinée. Les informations recueillies pour la première partie de cette période, c’est‑à‑dire jusqu’à 2002, font état de 14 plaintes, qui ont toutes fait l’objet d’une enquête. Les affirmations faites ont été confirmées dans six cas et déclarées sans fondement dans les huit autres. Par ailleurs, le service compétent, celui de la sûreté, de la police militaire et du contre‑espionnage, a mené 239 enquêtes sur la base d’informations reçues d’officiers en poste, des services du procureur et de ses propres agents. Dans 146 cas les plaintes ont été déclarées fondées et les éléments du dossier ont été transmis au parquet militaire à des fins de poursuites. On n’a enregistré aucun décès de soldat suite aux actes incriminés. Pour prévenir de tels actes, les nouvelles recrues sont régulièrement informées sur la question. Depuis 1999, il existe, pour dénoncer des actes de ce type, une permanence téléphonique, dont le numéro a été diffusé auprès de toutes les unités militaires. En ce qui concerne les 166 cas dont il est fait mention dans la question no 15, M. Tehov indique qu’il n’existe pas de données détaillées. Par ailleurs, en 2003, le parquet militaire a examiné 596 plaintes relatives à des actes de torture ou à des traitements inhumains ou dégradants imputés à des policiers en fonction. Trois cent quatre‑vingt‑dix‑huit d’entre elles ont été déclarées sans fondement et n’ont donné lieu à aucune poursuite; 82 (soit 14 %) font en revanche l’objet de poursuites. D’autre part, au cours de la période couverte par le rapport, 24 inculpations ont été prononcées et 56 personnes ont été condamnées, dont certaines pour des affaires datant de la période précédente; il s’agissait notamment de blessures légères infligées par des policiers dans l’exercice de leurs fonctions. En outre 91 procédures pénales sont en cours.

24.En réponse à la question no 16, M. Tehov dit qu’il n’existe pas de statistiques sur les indemnisations obtenues par les victimes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans des procédures civiles ou pénales, les cas étant trop nombreux. En revanche, on sait qu’au cours de la période à l’examen 29 jugements au pénal en première instance ordonnant l’octroi d’une indemnisation ont été confirmés par la Cour suprême d’appel, puis par la Cour suprême de cassation.

25.Répondant à la question no 17, M. Tehov indique que l’Assemblée nationale bulgare examine actuellement en deuxième lecture un projet de loi sur l’intégration des personnes handicapées. Un bureau de l’assistance sociale a été mis en place, sous l’autorité du Ministère du travail et de la politique sociale; il est chargé d’exécuter la politique de l’État en la matière et de s’assurer du respect des normes régissant la fourniture des services sociaux. Un organe d’inspection relevant de ce bureau veille au bon fonctionnement des établissements sociaux comme, par exemple, les foyers pour handicapés mentaux. L’Office national pour la protection de l’enfance contrôle, lui, les foyers pour enfants. S’agissant de la protection des enfants handicapés, le plan 2003‑2005 visant à réduire le nombre d’enfants placés dans des établissements de soins spéciaux se poursuit. Il vise notamment à aider les familles ayant des enfants handicapés à apporter à ces derniers les soins voulus, à prévenir les abandons, à former et à encourager les familles d’accueil, à concevoir de nouveaux services pour les enfants handicapés et à renforcer les capacités des équipes travaillant dans les institutions. Par ailleurs, la législation a été modifiée de façon à n’opter pour le placement des handicapés mentaux en institution qu’en dernier recours.

26.En réponse à la question no 18, M. Tehov indique qu’en vertu du paragraphe 2 de l’article 378 du Code de procédure pénale, le placement d’un mineur en détention provisoire n’intervient qu’en dernier recours et dans des circonstances exceptionnelles. Généralement, le mineur est laissé à la garde de ses parents ou est placé dans un centre éducatif. Les mineurs placés en détention provisoire sont séparés des adultes et leurs parents ou tuteurs ou, le cas échéant, le directeur de l’établissement éducatif dont ils dépendent sont immédiatement informés. Le placement en détention provisoire est ordonné par un juge du tribunal de district (art. 152, al. a, du Code de procédure pénale), en audience publique, en présence du mineur, de son avocat et du procureur. La décision peut faire l’objet d’un appel dans les trois jours auprès d’une juridiction supérieure. La cour d’appel compétente, constituée de trois juges, rend une décision finale, non susceptible de recours, en audience publique, en présence du mineur, de son avocat et du procureur. Un mineur qui a commis une infraction ou qui a fait une fugue peut être détenu par la police; il a alors le droit d’être assisté d’un avocat dès le début de sa détention, qui ne doit pas excéder 24 heures. C’est un tribunal de district qui décide du placement du mineur dans un établissement scolaire correctionnel sur proposition de la commission locale de lutte contre les comportements antisociaux. La décision de placer un enfant ou un adolescent dans une institution sociale spécialisée est prise par un tribunal − à la demande des services sociaux concernés, du procureur ou d’un parent sur présentation d’un certificat médical délivré par une commission spécialisée − lorsqu’il n’est plus possible de laisser le mineur dans sa famille. Les parents qui ne prennent pas contact avec l’enfant pendant six mois perdent leurs droits parentaux. Un conseil de tutelle composé de professionnels est alors mis en place.

27.M. Tehov, répondant à la question no 19, rappelle que la Bulgarie a déjà manifesté son appui total au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture (y compris à son financement sur le budget ordinaire de l’ONU), en coparrainant la résolution 57/199 de l’Assemblée générale des Nations Unies. Par ailleurs, elle a accepté le principe d’un examen, par des experts internationaux indépendants, du traitement des personnes privées de liberté. Sa législation nationale comprend des dispositions garantissant à ces experts l’accès à tous les centres de détention et à tous les détenus, conformément aux dispositions des instruments internationaux dont la Bulgarie est partie. Il n’y a donc aucun obstacle juridique ou politique à la ratification par la Bulgarie du Protocole facultatif, qui est étudiée par les autorités compétentes.

28.S’agissant de la question no 20, M. Tehov indique que l’Assemblée nationale a adopté la loi sur le médiateur en mai 2003, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2004, mais que l’élection à bulletin secret du premier titulaire de ce poste par les députés n’a pas encore eu lieu. Toutefois, les crédits nécessaires pour la création et le fonctionnement des services du médiateur ont été inscrits au budget de l’État de 2004.

29.Répondant à la question no 21, M. Tehov indique qu’en vertu d’une instruction du Ministère de l’intérieur les organisations non gouvernementales ont accès aux lieux de détention afin d’y surveiller le respect des droits de l’homme et, à cet effet, un accord a été signé entre le Ministère de la police, la Direction de la police nationale et des organisations non gouvernementales.

30.M. TZANTCHEV (Bulgarie) appelle l’attention du Comité sur la situation de six ressortissants bulgares, dont cinq infirmières et un médecin, qui ont été récemment condamnés à mort par un tribunal libyen. Les faits remontent à 1998, lorsque ces personnes ont été accusées d’avoir sciemment inoculé le VIH à près de 400 enfants libyens. Après leur arrestation, elles ont été détenues plusieurs mois au secret et torturées. Les critiques élevées par l’Union européenne concernant la régularité de la procédure, notamment le fait que les aveux aient été obtenus par la torture, et les rapports de deux experts mondiaux du VIH/sida, qui innocentent clairement les accusés, n’ont eu aucune influence sur la décision des juges. La Bulgarie espère pouvoir compter sur la communauté internationale pour faire pression sur le Gouvernement libyen afin que les condamnés soient remis aux autorités bulgares.

31.M. YAKOVLEV (Corapporteur pour la Bulgarie) note avec satisfaction que le rapport à l’examen (CAT/C/34/Add.16) a été établi conformément aux directives générales concernant la forme et le contenu des rapports périodiques et contient des informations sur la suite donnée aux recommandations formulées par le Comité lors de l’examen du deuxième rapport périodique. Il se félicite également des réponses détaillées de la délégation aux questions posées dans la Liste des points à traiter, qui attestent les efforts déployés par l’État partie en vue d’appliquer la Convention.

32.En outre, M. Yakovlev note avec satisfaction que la Constitution bulgare prévoit l’interdiction de la torture et que la Bulgarie est partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui prohibe expressément la torture, ainsi qu’au Statut de Rome. Il se félicite également de l’Instruction no I‑167, qui donne suite à une recommandation du Comité en prévoyant notamment d’assurer au prévenu l’accès à un avocat dès le début de la garde à vue. À ce propos, étant donné le nombre considérable de directives très importantes que contient ce texte au regard de la Convention, il serait bon de prendre les mesures nécessaires pour l’intégrer dans le Code de procédure pénale.

33.En ce qui concerne la loi portant création de l’institution du médiateur, M. Yakovlev souhaiterait savoir quelles sont les activités, les compétences et l’étendue des pouvoirs de cet organe. En particulier, le médiateur peut‑il inspecter les lieux de détention? Concernant l’article premier de la Convention, M. Yakovlev souligne que la spécificité de cet article tient au fait qu’il vise à réprimer les infractions commises par une certaine catégorie d’auteurs d’actes de torture, les agents de l’État. Comme le droit bulgare ne contient pas encore de disposition tenant compte de cette spécificité, il serait souhaitable que cet article soit incorporé dans le Code pénal.

34.En ce qui concerne la procédure relative à l’admission des étrangers en Bulgarie et à leur expulsion, M. Yakovlev voudrait savoir si les décisions en la matière sont prises exclusivement par les organes du pouvoir exécutif ou si les tribunaux ont leur mot à dire, surtout s’agissant des personnes qui risquent d’être torturées dans le pays où elles seront renvoyées. Ayant à l’esprit que la lutte contre le terrorisme peut servir de prétexte pour refouler une personne au motif qu’elle représente un danger pour la sécurité, il souhaiterait savoir quelles mesures sont prévues afin de garantir le respect de l’article 3. Constatant qu’entre 2001 et 2004, 1 600 personnes se sont vu refuser le droit d’entrer en Bulgarie, il demande selon quels critères est prise cette décision et si les demandeurs d’asile politique ont vraiment la possibilité de trouver aujourd’hui refuge en Bulgarie.

35.Notant les informations fournies au paragraphe 58 du rapport concernant les cas de violation de la Convention par des agents du Ministère de l’intérieur, M. Yakovlev souhaiterait savoir si des procès ont eu lieu et, dans l’affirmative, quels ont été les faits reprochés, quelle a été la qualification retenue et si des condamnations ont été prononcées.

36.S’agissant de l’article 4 de la Convention, il demande si des dispositions législatives établissent en droit interne la compétence universelle des juridictions bulgares et si un auteur présumé de crimes contre l’humanité pourrait être jugé par les juridictions bulgares, quelle que soit sa nationalité.

37.Enfin, tout en se félicitant que des programmes de formation aux droits de l’homme des responsables de l’application des lois aient été lancés, M. Yakovlev souligne que les lois sont plus faciles à modifier que les comportements. À cet égard, il souhaiterait savoir quels ont été les effets observables de ces programmes sur le comportement des membres des forces de l’ordre.

38.Mme GAER (Rapporteuse pour la Bulgarie) dit qu’elle se félicite des réponses aux questions posées dans la Liste des points à traiter, qui sont d’autant plus utiles que le rapport a été soumis avec du retard. Elle note avec satisfaction que l’État partie a fait des progrès considérables depuis le premier dialogue qu’il a eu avec le Comité.

39.Concernant l’incorporation de dispositions incriminant la torture dans le Code pénal, Mme Gaer note que les articles pertinents du Code pénal ne couvrent pas tous les cas de figure et fait observer que le but de la torture ne se limite pas à l’extorsion d’aveux. Elle demande donc s’il est prévu d’établir un texte de loi permettant de sanctionner tous les actes interdits par la Convention.

40.En ce qui concerne l’affaire des six ressortissants bulgares qui ont récemment été condamnés à mort dans la Jamahiriya arabe libyenne, la Bulgarie aurait pu faire jouer l’article 21 de la Convention si ce pays avait fait, comme elle, une déclaration au titre de cet article. Or, tel n’est malheureusement pas le cas. Il faudrait donc déterminer si d’autres instruments auxquels la Jamahiriya arabe libyenne est partie pourraient être invoqués.

41.Prenant acte avec satisfaction des informations fournies en réponse à la question no 8 sur la formation du personnel médical à la détection des séquelles de torture chez les détenus, Mme Gaer demande si le personnel est tenu de suivre cette formation et sait qu’il a l’obligation de consigner par écrit les lésions détectées.

42.En ce qui concerne l’article 11, elle voudrait savoir quelle est l’autorité habilitée à connaître des plaintes pour mauvais traitements commis dans les établissements pénitentiaires et souhaiterait que la délégation décrive la procédure d’examen des allégations en la matière. D’après des organisations non gouvernementales, les plaintes de détenus ne donnent pas systématiquement lieu à une enquête et l’auteur présumé des violations reste donc souvent impuni. Sachant que le Comité européen pour la prévention de la torture s’est rendu quatre fois en Bulgarie, Mme Gaer demande dans quel cadre ces visites ont eu lieu et si les rapports qui en sont issus ont été publiés. À ce propos, elle se félicite de ce que la Bulgarie se soit engagée à ratifier le Protocole facultatif à la Convention.

43.Des organisations non gouvernementales ayant indiqué que, depuis un an, elles se voyaient refuser l’accès aux prisons, Mme Gaer souhaite savoir pourquoi la politique des pouvoirs publics a changé dans ce domaine et comment les visites de prisons sont réparties entre les organisations non gouvernementales et les organes publics.

44.Concernant la garde à vue, Mme Gaer prie la délégation de commenter le rapport pour 1997 du Rapporteur spécial sur la question de la torture (E/CN.4/1997/7), dans lequel le Rapporteur spécial se disait préoccupé par la fréquence dans l’État partie des allégations faisant état d’actes de torture ou de mauvais traitements qui entraîneraient parfois la mort des personnes placées en garde à vue.

45.Notant les informations fournies par la délégation au sujet des mesures prises en vue de limiter l’usage des armes à feu chez les agents du Ministère de l’intérieur, Mme Gaer voudrait savoir si des restrictions identiques ont été imposées aux fonctionnaires du Ministère de la justice, étant donné que les prisons relèvent de ce ministère.

46.Jugeant surprenant que l’on puisse lire dans le rapport que des mesures sont prises dans l’État partie pour réduire les conditions propices à des brutalités de la part des fonctionnaires de police lors de manifestations sportives (par. 22 f)), Mme Gaer demande des précisions sur ces conditions et si des mesures sont également prévues pour sanctionner les débordements de spectateurs.

47.Concernant les demandes d’asile, Mme Gaer souhaiterait obtenir des précisions sur les procédures d’examen et, constatant qu’en 2002 seules 75 personnes sur près de 3 000 ont obtenu le statut de réfugié, elle voudrait savoir combien de personnes ont été expulsées. L’antenne bulgare du Comité d’Helsinki a en particulier évoqué le renvoi de deux Iraniens convertis au christianisme qui, à leur arrivée en Bulgarie, n’ont pas été adressés à un organisme officiel, mais auraient été directement conduits à l’ambassade d’Iran, puis renvoyés dans leur pays, alors que leur conversion pouvait faire craindre qu’ils ne subissent des mauvais traitements, voire des tortures, à leur retour. Il serait donc utile de connaître la procédure qui a été appliquée dans ce cas, mais aussi dans d’autres cas semblables.

48.Le CPT et diverses ONG ont fourni beaucoup d’informations inquiétantes sur le surpeuplement des prisons, l’absence de garantie d’une procédure équitable, les conditions de l’emprisonnement à vie, etc. Il serait utile d’apprendre ce qui est fait pour remédier à ces situations. Des ONG sont certes admises à se rendre dans les prisons, mais les pouvoirs publics s’occupent‑ils aussi de ces questions et avec quels résultats? Le Comité d’Helsinki a fait état de conditions effrayantes régnant dans certains lieux de détention, et a notamment signalé que 10 d’entre eux étaient en sous‑sol; le Comité souhaiterait savoir ce qui est fait pour appliquer les dispositions de la Convention à cet égard, notamment pour les détenus en attente de jugement.

49.Les centres d’accueil pour handicapés mentaux sont installés dans des localités éloignées. Des rapports d’ONG indiquent que les procédures de placement sont arbitraires, que le principe de l’habeas corpus n’est pas respecté et que le nombre de décès y est élevé. Il serait important de savoir comment ces établissements sont surveillés et comment les droits de ces personnes y sont assurés notamment en ce qui concerne leur possibilité d’en sortir. Il semble que les membres de groupes ethniques minoritaires soient plus volontiers placés dans des établissements tels que foyers pour enfants considérés comme des cas sociaux, pour adultes handicapés, etc.; Mme Gaer souhaiterait savoir quelle proportion de personnes ainsi institutionnalisées sont des Roms. Elle aimerait aussi apprendre si la législation relative au placement obligatoire en établissement psychiatrique a été modifiée ou est en voie de modification, conformément à un arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme.

50.La documentation fournie par l’antenne du Comité d’Helsinki comporte aussi des informations extrêmement préoccupantes et fort détaillées sur la torture et les mauvais traitements infligés en Bulgarie. Un point particulièrement inquiétant est le fait qu’apparemment certaines personnes détenues ne figurent même pas sur les registres d’écrou des commissariats de police: citant un certain nombre de cas précis évoqués par le Comité d’Helsinki, Mme Gaer demande qui contrôle la tenue de ces registres et si des fonctionnaires ayant omis de consigner le nom d’une personne placée en détention ont déjà été sanctionnés. Par ailleurs, une affaire qui concernait une jeune fille de 14 ans victime d’un viol par des policiers a été portée devant la Cour européenne des droits de l’homme, qui s’est émue de ce qu’aucune enquête n’avait été ouverte pour la seule raison que la jeune fille ne portait aucune trace de violences sexuelles. Il serait important de savoir si des mesures ont été prises à la suite de cette affaire pour modifier les conditions dans lesquelles les enquêtes sont ouvertes; de même, le Comité souhaiterait apprendre s’il existe un dispositif de surveillance des violences entre prisonniers et des violences sexuelles dans les prisons ainsi que dans tous les établissements accueillant des enfants ou des adultes pour des motifs d’ordre social ou médical. Les insuffisances constatées à cet égard ont‑elles été corrigées ou vont‑elles l’être? Selon le Comité d’Helsinki, les auteurs de violences de ce genre sont rarement sanctionnés et Mme Gaer souhaiterait savoir quelle suite a été donnée aux arrêts rendus par la Cour européenne de justice dans les deux affaires dont elle a été saisie à cet égard.

51.Amnesty International a publié un rapport sur les handicapés institutionnalisés de Dragash Voyvoda: les autorités ont‑elles ouvert une enquête et pris les mesures qui s’imposent? Par ailleurs, il est indiqué au paragraphe 31 du rapport à l’examen (CAT/C/34/Add.16) que des garanties supplémentaires ont été mises en place en ce qui concerne les conditions réservées aux détenus en attente de jugement. Or, d’après certaines informations, ces conditions seraient extrêmement dures, et Mme Gaer aimerait savoir ce qu’il en est concrètement. La délégation a fourni certains renseignements à propos du fait que les prisonniers roms se plaindraient de mauvais traitements trois fois plus souvent que les autres détenus, selon une enquête effectuée par une ONG, mais les autorités bulgares s’appuient‑elles, pour démentir les chiffres avancés par l’ONG, sur une enquête précise qu’elles auraient elles‑mêmes menée? Par ailleurs, la délégation a indiqué que des efforts sont faits pour recruter des policiers roms, ce qui est une mesure très positive: il serait dès lors très utile de connaître les résultats de cette politique, c’est‑à‑dire le nombre de policiers ainsi recrutés, dans quelle partie du pays ils se trouvent, la proportion d’hommes et de femmes, etc.

52.Il semble que le Parlement n’est pas encore parvenu à élire un médiateur; Mme Gaer se demande quels seront ses pouvoirs et s’il jouira de toute l’indépendance souhaitable dans la mesure où il sera élu. Enfin, elle demande à quel âge les enfants peuvent être accueillis dans les prisons et autres établissements pour mineurs, et elle souhaiterait connaître précisément les dispositions qui interdisent d’utiliser des preuves obtenues par la coercition au cours du procès.

53.M. MAVROMMATIS remercie la délégation pour les précisions apportées sur certains points restés peu clairs dans un rapport peu structuré mais qui atteste les progrès considérables accomplis durant la période de transition. L’inclusion de la définition de la torture dans le droit interne bulgare est une mesure très importante et urgente; pour ce faire, il n’est pas nécessaire d’attendre la réforme du Code pénal car une loi pourrait dès maintenant être adoptée à cet effet, qui serait abrogée dès l’entrée en vigueur dudit Code. De même, la protection des détenus, autre question urgente, devrait faire l’objet d’une loi fondamentale et non pas de simples instructions ministérielles. Enfin, la désignation d’un médiateur est une excellente initiative, mais qui n’exclut pas d’envisager la création d’une commission nationale des droits de l’homme dont les attributions seraient différentes.

54.La délégation a évoqué la notion d’emprisonnement à vie ne pouvant jamais être commuée; cela signifie‑t‑il que les intéressés ne peuvent en aucun cas bénéficier d’une libération conditionnelle, d’une remise de peine, etc., quelles que soient les circonstances et même si, par exemple, l’établissement d’un profil d’ADN montre qu’il y a eu erreur judiciaire ou si le condamné n’est plus dangereux pour la société? Il s’agirait là d’un traitement cruel. Certes, la suppression du traitement barbare qu’est la peine de mort aux yeux de M. Mavrommatis a entraîné dans de nombreux pays l’application de peines d’emprisonnement à perpétuité du fait de la pression de l’opinion publique, mais ces peines devraient toujours être sujettes à réexamen. Par ailleurs, la dernière phrase du paragraphe 80 du rapport à l’examen (CAT/C/34/Add.16) appelle des éclaircissements: dans quelles circonstances des tortures peuvent‑elles se rapporter à l’application de sanctions légitimes, dans la mesure où, en pareil cas, l’article 16 de la Convention est de toute façon applicable? Enfin, au sujet des enquêtes indépendantes à mener en cas d’allégations de torture, il y a lieu de souligner que de telles enquêtes devraient être menées à bien pour tous les cas présumés de mauvais traitements présentant un caractère de gravité.

55.M. RASMUSSEN se félicite du dialogue approfondi qui s’est instauré avec la délégation. Il constate, en le déplorant, que le Comité ne peut venir en aide à la Bulgarie au sujet de ses ressortissants condamnés à mort en Libye.

56.Dans son rapport d’octobre 2002, Amnesty International a fait état de ses préoccupations concernant la prise en charge des enfants par les services sociaux; ceux‑ci seraient apparemment placés en institution sur la base de diagnostics n’ayant aucun fondement scientifique et leur cas serait rarement réexaminé avant qu’ils atteignent l’âge de 16 ans. Les soins médicaux qui leur sont prodigués seraient insuffisants, les contacts avec les parents également. Enfin, il ressort des réponses fournies par la délégation qu’une fois leurs enfants placés les parents qui ne prennent pas contact avec eux sont déchus de l’autorité parentale pendant six mois: cela paraît bien expéditif et M. Rasmussen souhaiterait être rassuré à ce sujet.

57.D’après les statistiques qui ont été communiquées, la proportion de détenus en attente de jugement est très inférieure à 20 %, ce qui est tout à fait satisfaisant. Par ailleurs, il ressort des renseignements fournis que 79 mineurs purgent actuellement une peine de prison; M. Rasmussen présume qu’ils ne sont pas détenus avec des adultes et il souhaiterait savoir plus précisément quelle est la nature des sanctions dont sont passibles les mineurs.

58.Le sort des personnes condamnées à l’emprisonnement à vie a déjà été évoqué par d’autres membres du Comité. Un autre aspect de ce problème, soulevé par le CPT à l’issue de sa visite en 1999, est le fait que ces condamnés sont maintenus à l’écart des autres prisonniers. Il serait souhaitable de savoir quelle suite a été donnée à la recommandation du CPT tendant à ce que la situation de ces condamnés à perpétuité soit examinée au cas par cas, car si certains doivent certainement être maintenus à part, ce n’est pas le cas de tous. Le Comité d’Helsinki a lui aussi relevé, dans son rapport pour 2003, que les conditions faites aux condamnés à une peine de prison à vie sont très dures; la possibilité de travailler leur serait rarement offerte, leur cellule ne serait pas conforme aux normes minimales et ils n’auraient presque pas de contacts avec le monde extérieur. M. Rasmussen souhaiterait recevoir un complément d’information à ce sujet.

59.Ayant qualifié de sans fondement des allégations émanant d’ONG, la délégation a fait état d’un rapport établi à la suite d’une récente visite du CPT en Bulgarie. Il s’agit sans doute de la visite effectuée par le CPT en avril 2002, et il serait souhaitable que la Bulgarie publie le rapport, qui a fait suite à cette visite, d’autant plus qu’un rapport non publié doit être considéré comme confidentiel et ne doit pas être cité. Durant cette visite, la délégation du CPT s’est entretenue avec un grand nombre de personnes affirmant avoir été maltraitées par la police, et elle a recommandé à l’issue de sa visite qu’une enquête indépendante soit menée à ce sujet. Les autorités bulgares ont procédé à une enquête et ont conclu que les informations fournies par les ONG étaient en grande partie dénuées de fondement: M. Rasmussen ne comprend pas cette conclusion ni en quoi les ONG sont impliquées dans le travail du CPT; il souhaiterait des éclaircissements.

60.M. YU Mengjia s’interroge sur les rapports entre les autorités bulgares et les ONG. Il semble d’un côté que ces dernières ont accès aux établissements où des personnes sont détenues et qu’elles ont signé des accords à ce sujet avec les autorités, mais par ailleurs une polémique s’est instaurée entre les unes et les autres, de telle sorte que l’on est en présence de deux discours assez contradictoires. Par ailleurs, M. Yu Mengjia s’interroge sur l’usage des armes à feu, excessif aux dires des ONG, ainsi que sur la possibilité offerte aux victimes de mauvais traitements de faire appel à un avocat. Aux dires des autorités, les victimes demandent rarement à se faire assister. Il est à craindre que les prisonniers ne connaissent pas leurs droits et que beaucoup soient par ailleurs indigents. Les autorités ont‑elles une politique d’information et d’incitation à cet égard?

61.Le PRÉSIDENT souhaiterait savoir en quoi consiste le régime de détention au secret et quelle est la durée maximale de la détention avant jugement. À propos de l’article 3, il demande si les personnes en quête d’asile peuvent bénéficier de l’aide de juristes à leur arrivée aux frontières et en particulier dans les aéroports, et s’il existe une liste de pays sûrs où des étrangers peuvent être renvoyés. Enfin, s’agissant de l’application de l’article 3, dans quelles circonstances le retrait du statut de réfugié revêt‑il un caractère automatique?

62M. TZANTCHEV (Bulgarie) dit que sa délégation s’efforcera de répondre aux questions posées à une prochaine séance.

63. La délégation bulgare se retire.

La séance est levée à 13 h 5.

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