NATIONS

UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/SR.5506 mai 2003

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Trentième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*DE LA 550e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mercredi 30 avril 2003, à 10 heures

Président: M. BURNS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Deuxième rapport périodique de l’Azerbaïdjan

La séance est ouverte à 10 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique de l’Azerbaïdjan (CAT/C/59/Add.1); HRI/CORE/1/Add.41/Rev.2)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation azerbaïdjanaise, composée de MM. Khalafov , Najafov , Gasimov , Zalov , Rzayev , Gafarov , Musayev et Sharifov prend place à la table du Comité.

2.Le PRÉSIDENT souhaite la bienvenue à la délégation azerbaïdjanaise et l’invite à présenter le deuxième rapport périodique de l’Azerbaïdjan (CAT/C/59/Add.1).

3.M. KHALAFOV, après avoir présenté la délégation, qui a été constituée en vertu d’une ordonnance du Président de la République et dont les membres sont issus notamment du Ministère de la justice, du Ministère de l’intérieur, du Ministère des affaires étrangères et du service juridique du Département de la coopération internationale, dit que le deuxième rapport périodique de l’Azerbaïdjan a été établi par un groupe de travail composé de représentants de différents ministères et services en collaboration avec des organisations non gouvernementales.

4.Depuis l’examen du rapport initial de l’Azerbaïdjan, toute une série de mesures concrètes ont été prises pour donner effet aux recommandations du Comité. Le 10 mars 2000, le Président de la République a adopté une ordonnance spéciale au sujet des mesures visant à donner suite aux recommandations du Comité et d’Amnesty International, en application de laquelle une commission composée, entre autres, de membres du Cabinet présidentiel, de responsables de l’application des lois et de membres de la Cour suprême a été créée et chargée de vérifier les faits signalés dans un rapport concernant l’Azerbaïdjan, d’adopter les mesures nécessaires pour prévenir les violations des droits de l’homme, ainsi que de préparer les réponses aux deux organisations susmentionnées.

5.Le Gouvernement azerbaïdjanais est tout à fait disposé à coopérer avec les mécanismes internationaux de protection des droits de l’homme, comme en témoigne la visite que le Rapporteur spécial sur la question de la torture a effectuée, à son invitation, en Azerbaïdjan en mai 2000. Le Rapporteur spécial a rédigé par la suite un rapport qui a été examiné par la Commission des droits de l’homme et les autorités azerbaïdjanaises ont ouvert, au sujet des allégations concernant le recours à la torture contenues dans ce rapport, des enquêtes minutieuses dont le résultat a été communiqué au Rapporteur spécial.

6.Rappelant que le Comité a recommandé au Gouvernement azerbaïdjanais à l’issue de l’examen du rapport initial de l’Azerbaïdjan (CAT/C/37/Add.3) de concrétiser son intention d’instituer dans la législation pénale les dispositions voulues, alors en cours d’élaboration, pour faire de la torture, telle qu’elle est définie à l’article premier de la Convention, une infraction pénale et pour établir des sanctions pénales permettant de réprimer les actes de torture, M. Khalafov indique que le nouveau Code de procédure pénale et le nouveau Code pénal de la République d’Azerbaïdjan sont entrés en vigueur le 1er septembre 2000. L’article 15 du Code de procédure pénale interdit expressément le recours à la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans la conduite de procédures pénales et énumère les actes des agents de l’État qui constituent des traitements inadmissibles. Quant aux articles 13 et 133 du Code pénal, ils établissent la responsabilité pénale pour les actes de torture et les traitements cruels. Le Code civil, le Code de procédure civile, le Code des infractions administratives et le Code d’application des peines, qui ont été rédigés avec l’aide d’éminents experts étrangers, sont également entrés en vigueur à cette date. Ainsi, l’Azerbaïdjan dispose d’une base solide assurant l’accès de tous les citoyens à la justice, ainsi que la protection des droits garantis par la Constitution et le renforcement de l’indépendance des juges.

7.Par ailleurs, les dispositions de l’article 3 de la Convention ont servi de fondement à la loi sur l’extradition des auteurs d’infractions pénales, adoptée le 15 mai 2001, qui dispose clairement que la partie requise peut refuser de livrer l’auteur d’une infraction pénale s’il y a des motifs suffisants de croire qu’il sera soumis à la torture ou à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

8.En outre, pendant la période couverte par le rapport, les mesures nécessaires ont été prises pour prévenir les actes de torture et garantir que les auteurs des infractions visées par la Convention fassent l’objet de poursuites pénales, de sorte qu’en 2001 et en 2002, le Bureau du Procureur a reçu 17 plaintes au total, dont cinq ont donné lieu à l’ouverture d’une procédure pénale. Pendant cette période, 123 fonctionnaires relevant du Ministère de l’intérieur ont été mis en cause pour avoir usé de la force; parmi eux, 14 membres de la police ont dû quitter les services où ils travaillaient et 15 ont été licenciés.

9.Une autre mesure importante prise dans le domaine des droits de l’homme a été l’application avec efficacité, du système des grâces présidentielles et la mise en place d’une commission d’examen des recours en grâce relevant du chef de l’État. Cette commission a examiné la recommandation du Comité tendant à ce que l’Azerbaïdjan veille à ce que la torture soit exclue du champ d’application des lois d’amnistie et a adopté une décision à cet effet.

10.Dans le cadre de la réforme visant à mettre les système juridique et judiciaire azerbaïdjanais en conformité avec les normes internationales et européennes, des associations de magistrats ont été créées. Ces associations ont apporté leur concours à l’élaboration, sous l’égide du Ministère de la justice, d’un nouveau code de déontologie à l’intention des juges de la République d’Azerbaïdjan. Grâce aux réformes qui sont appliquées depuis quelques années, le nombre d’infractions continue de baisser, de même que le nombre d’arrestations et de personnes en détention.

11.En ce qui concerne la formation aux droits de l’homme, il convient de signaler que des séminaires sur la Convention contre la torture et d’autres instruments relatifs aux droits de l’homme sont organisés dans les centres de formation du Ministère de la justice, de l’Administration centrale de l’exécution des décisions judiciaires, du Bureau du Procureur ainsi que de l’Académie de police du Ministère de l’intérieur. Pendant la période considérée, des fonctionnaires des organes chargés de l’application des lois et de l’administration pénitentiaire ont participé activement à des conférences et des séminaires internationaux consacrés à la protection des droits des prévenus et des détenus. En outre, en 2001 et 2002, 550 personnes appartenant au personnel des centres de détention ont suivi des cours de formation et de perfectionnement.

12.Par ailleurs, dans le cadre du programme TASIS, le Ministère de la justice collabore depuis fin 2002 avec la Commission européenne à l’exécution d’un projet conjoint de modernisation et de réforme des systèmes juridique et judiciaire de l’Azerbaïdjan, qui prévoit la fourniture d’une formation au personnel de l’appareil judiciaire et aux enseignants du centre de formation du Ministère de la justice. En outre, le Gouvernement continue de coopérer activement avec les organismes internationaux, qui exécutent des programmes de coopération technique dans le domaine des droits de l’homme dont le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et le Conseil de l’Europe.

13.En ce qui concerne les conditions de détention, le Gouvernement a poursuivi ses efforts en vue d’améliorer la situation dans les établissements pénitentiaires. Ainsi, il a continué d’exécuter le projet de réforme du système pénitentiaire mené dans le cadre du programme de coopération judiciaire avec le Conseil de l’Europe. En outre, une décision a été prise afin de créer au sein du Ministère de la justice un service d’inspection spécialement chargé de surveiller le respect des droits des détenus et des personnes placées dans des centres de détention provisoire. De plus, l’accord conclu en 2000 entre le Gouvernement azerbaïdjanais et le Comité international de la Croix-Rouge, par lequel ce dernier est autorisé à accéder librement aux détenus a été prorogé en juin 2002. Des arrangements ont également été conclus afin que les organisations non gouvernementales puissent visiter les centres de détention.

14.Une loi constitutionnelle portant création de l’institution du Médiateur a été adoptée en décembre 2001 et, en juillet 2002, le Parlement a nommé le premier Médiateur de l’Azerbaïdjan, lequel sera notamment habilité à se rendre dans tous les lieux de détention provisoire et toutes les prisons sans notification préalable et pourra s’entretenir seul à seul avec les détenus.

15.Pendant la période écoulée depuis la présentation du rapport initial, l’Azerbaïdjan a fait la déclaration prévue à l’article 22 de la Convention en février 2002 et a adhéré au Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi qu’à la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants et aux Protocoles y relatifs. Le Gouvernement coopère étroitement avec le Comité européen pour la prévention de la torture, dont des membres ont séjourné pour la première fois en Azerbaïdjan du 24 novembre au 6 décembre 2002. L’Azerbaïdjan a par ailleurs fait des efforts pour aligner sa législation sur la Convention européenne des droits de l’homme, notamment en adoptant une loi constitutionnelle sur les droits et libertés fondamentaux qui incorpore des dispositions de ladite Convention. En outre, des modifications ont été apportées à la Constitution à la suite du référendum d’août 2002. Désormais, toute personne peut contester une décision prise par un organe judiciaire, exécutif ou législatif, en formant un recours devant la Cour constitutionnelle.

16.En ce qui concerne les activités de sensibilisation et de diffusion de la Convention, un séminaire d’information a été organisé en octobre 2002 au terme duquel toute une série de mesures concernant la justice ont été définies. La traduction de la Convention en azéri ainsi que les recommandations du Comité contre la torture et d’Amnesty International, des manuels didactiques et d’autres documents pertinents ont été envoyés à tous les organes chargés de l’application des lois. Après l’examen du rapport initial de l’Azerbaïdjan par le Comité, des articles ont paru dans la presse pour informer le public du résultat de cette activité. Le Ministère de la justice a élaboré conjointement avec des organisations internationales des brochures sur la torture qui ont été distribuées aux organes judiciaires et il a organisé un séminaire sur les droits des détenues et des mineurs qui a eu lieu dans une prison pour femmes.

17.Enfin, en février 2003, un décret sur les obligations des services du Bureau du Procureur découlant de l’adhésion de l’Azerbaïdjan à la Convention européenne pour la prévention de la torture a été promulgué. Des mesures concrètes y sont prévues pour permettre au Procureur de surveiller plus efficacement le respect des droits de l’homme pendant l’enquête préliminaire et l’instruction.

18.Le PRÉSIDENT dit que, pour tenir compte des compétences respectives du Rapporteur et du Corapporteur, les questions portant sur les neufs premiers articles de la Convention seront posées par le Corapporteur, contrairement à l’usage habituel du Comité, tandis que les questions relatives aux articles 10 à 16 seront posées par le Rapporteur.

19.M. YAKOVLEV (Corapporteur pour l’Azerbaïdjan) se félicite du haut niveau de la délégation et du fait que plusieurs ministères et départements y sont représentés. Il souligne le caractère peu habituel du rapport, à la lecture duquel il est possible de constater qu’une véritable révolution juridique s’est opérée en très peu de temps en Azerbaïdjan. Tout en accueillant avec satisfaction les réformes entreprises et l’adoption de toute une série de nouveaux textes de loi visant à protéger les droits de la personne, il fait observer que la tâche la plus ardue reste à venir, à savoir la mise en pratique de ces textes. En effet, un certain nombre de facteurs peuvent en entraver l’application, comme le manque de ressources et la difficulté de changer les mentalités et les habitudes au sein de l’administration. Toutefois, des efforts méritent d’être fournis, car le degré de civilisation d’un pays se mesure à l’aune des conditions de détention régnant dans ses établissements pénitentiaires.

20.L’article 113 du Code pénal azerbaïdjanais définit le recours à la torture comme le fait d’infliger une douleur physique ou des souffrances mentales à des personnes détenues ou soumises à d’autres formes de privation de liberté (par. 4 du rapport). Toutefois, cette définition est très incomplète par rapport à celle qui figure à l’article premier de la Convention. Certains pays ont choisi de retenir ce type de formulation et font valoir que si, outre des douleurs physiques ou des souffrances mentales, des préjudices corporels d’une plus ou moins grande gravité, pouvant même entraîner la mort, ont été infligés, ces faits peuvent donner lieu à des poursuites comme des atteintes à la personne visées par d’autres articles du Code pénal. Le Comité estime pour sa part que cela n’est pas satisfaisant et ne peut que compliquer les choses quand il s’agit de déterminer s’il y a eu ou non acte de torture. Un meurtre avec préméditation peut avoir différentes qualifications pénales. Mais, par exemple, un acte de terrorisme est plus qu’un simple meurtre car il vise à paralyser la société en semant l’effroi. C’est pourquoi le crime de terrorisme existe en tant que tel. Cela vaut pour la torture. Lorsque cette forme de violence entraîne la mort d’une personne soumise à une procédure pénale, ce n’est pas simplement un assassinat commis par un fonctionnaire, mais un coup porté à la justice dans son ensemble. Cela veut dire qu’une personne privée de liberté se trouvant entièrement à la merci de l’État devient l’objet d’une politique qui vise à étouffer la vérité en extorquant des aveux par la violence. De la même façon que les actes de terrorisme n’entraînent pas seulement la mort et des lésions corporelles, les actes de torture sont une atteinte extrêmement grave au système judiciaire.

21.La définition donnée par le Code pénal azerbaïdjanais ne couvre pas, notamment, le cas d’une personne qui garde le silence alors qu’elle est au courant d’un acte de torture ni le fait de punir une tierce personne ou de soumettre celle‑ci à la torture pour exercer une pression psychologique. Elle devrait aussi couvrir d’autres aspects, y compris les actes délictueux commis sous couvert d’une procédure judiciaire pour humilier une personne au motif de sa race ou de son appartenance ethnique, ainsi que le fait de punir quelqu’un pour une infraction présumée. S’il convient de rendre hommage à l’État partie pour les énormes efforts déployés en vue de modifier la législation, il faut aussi l’engager à continuer d’examiner cette question de manière à définir la torture sous tous ses aspects et conformément à l’article premier de la Convention.

22.Au stade de l’enquête préliminaire, lorsque la personne arrêtée risque le plus d’être soumise à la torture et à toutes sortes d’abus, l’État partie doit veiller à ce que toutes les normes du droit énoncées dans le rapport soient effectivement appliquées. En particulier, l’accès à un avocat et à des soins médicaux doit être garanti sans délai. De plus, il ne suffit pas de prévoir la présence d’un surveillant pour prévenir les abus, il faut également contrôler au quotidien le comportement des fonctionnaires de police, notamment pour les aider à se défaire des mauvaises habitudes acquises par le passé.

23.Par ailleurs, il serait utile de savoir si la législation a été effectivement modifiée pour permettre aux particuliers de saisir la Cour constitutionnelle. L’État partie voudra bien fournir aussi des exemples concrets de l’application de la loi qui prévoit l’obligation de prendre en considération le risque de torture encouru par la personne dont l’extradition est demandée. À ce sujet, il devrait indiquer s’il est possible de faire appel d’une décision d’extradition prise par le Procureur et quel est le rôle des juges dans ce domaine. Au sujet de l’instruction publiée le 6 novembre 2002 par le Ministère de l’intérieur, la délégation pourrait apporter des précisions sur les mesures prises pour faire en sorte que les décrets d’application et autres textes publiés comme suite à l’adoption d’une loi n’aient pas pour effet de priver cette dernière de son efficacité. Elle pourrait aussi indiquer s’il est déjà arrivé que la Cour suprême, par exemple, décide de rejeter des aveux obtenus par la torture. Une telle mesure représenterait non seulement une victoire de la justice, mais aussi un moyen particulièrement efficace de prévenir la torture en en décourageant l’utilisation pendant l’instruction. Enfin, il serait bon de savoir si les textes pertinents ont été publiés pour que les tribunaux dotés d’un jury auquel le système judiciaire prévoit d’avoir recours (par. 41 du rapport) puissent commencer à siéger. L’État partie pourrait également fournir des renseignements sur leur fonctionnement dans son prochain rapport périodique.

24.MmeGAER (Rapporteuse pour l’Azerbaïdjan) s’associe à M. Yakovlev pour féliciter l’État partie des progrès considérables accomplis dans la réforme de la législation et du système de justice depuis la présentation du rapport initial. Il est extrêmement rare que les recommandations du Comité soient suivies d’autant d’effets, même s’il ne faut pas oublier que la visite du Rapporteur spécial sur la question de la torture et l’admission de l’Azerbaïdjan au Conseil de l’Europe expliquent aussi pour une large part les résultats enregistrés. En outre, le Comité est heureux de constater que la délégation est composée de représentants de haut niveau des administrations concernées par l’application de la Convention.

25.Mme Gaer souhaiterait obtenir des précisions sur le degré de participation, au niveau national, d’experts indépendants (juristes notamment) et d’ONG à l’élaboration des nouvelles lois. Se félicitant des renseignements communiqués au sujet de l’application de l’article 10, elle demande si des activités de formation sont prévues à l’intention du personnel médical et s’il est dispensé un enseignement sur les moyens de détecter les signes de torture et de signaler les cas constatés. Au sujet de l’accord passé avec la Croix‑Rouge et des ONG pour faciliter l’inspection des établissements pénitentiaires, elle aimerait recevoir des précisions sur le nombre et la fréquence des visites et la façon dont les autorisations sont accordées aux ONG.

26.En ce qui concerne l’application de l’article 11 de la Convention, il n’apparaît pas clairement dans le rapport si les renseignements communiqués portent uniquement sur les prisons ou s’appliquent aussi aux lieux de détention provisoire et de garde à vue. Il serait utile que la délégation indique les mesures qui ont été prises pour éviter que la garde à vue soit prolongée lorsque l’avocat demande un délai pour réunir de nouveaux éléments de preuve afin d’aider son client (rapport du Rapporteur spécial sur la question de la torture, E/CN.4/2001/66/Add.1, par. 83). Par ailleurs, l’État partie envisage‑t‑il de procéder à des enregistrements audio et vidéo des interrogatoires des suspects et prévenus pendant la garde à vue et la phase d’instruction?

27.La délégation pourrait également donner des précisions sur les conditions de détention des jeunes délinquants (existe‑t‑il des quartiers pour mineurs?) et des femmes (celles‑ci sont‑elles détenues dans des établissements distincts sous la surveillance d’un personnel féminin?). Elle pourrait aussi fournir des renseignements sur le régime des sanctions applicable aux prisonniers de sexe masculin et sur la façon dont les décisions relatives à ces sanctions sont enregistrées.

28.En ce qui concerne le transfert au Ministère de la justice et au Ministère de la défense de la supervision de l’application des peines qui incombait auparavant au Bureau du Procureur, il serait utile de savoir pourquoi le Ministère de la défense est désormais amené à jouer un rôle dans ce domaine. En outre, la délégation pourrait peut‑être expliquer pourquoi des prisonniers sont encore enfermés dans des cellules dépourvues de toute lumière. Des renseignements sur les mesures prises pour informer les prisonniers condamnés à perpétuité de l’abolition de la peine de mort et pour lutter contre la tuberculose dans les prisons seraient également les bienvenus.

29.En ce qui concerne la responsabilité de l’État de procéder à des enquêtes impartiales sur les cas de torture signalés par des particuliers, il serait bon de savoir si, dans la pratique, les ordonnances adoptées en 2000 et le décret présidentiel sur la question sont appliqués. En outre, la délégation pourrait fournir des renseignements concrets sur les sanctions prononcées à l’encontre des personnes reconnues coupables d’actes de torture ou d’autres infractions visées dans la Convention (notamment les infractions mentionnées au paragraphe 98 du rapport) et sur ce qu’il advient des agents de l’État concernés une fois qu’ils ont purgé leur peine. Des renseignements sur la nature des infractions commises et des statistiques ventilées par type d’infraction seraient également utiles.

30.En ce qui concerne le nombre important de suicides dans les lieux de détention et dans l’armée, la délégation pourrait indiquer si des condamnations ont été prononcées pour incitation au suicide ou, plus précisément, pour des actes de torture ayant conduit au suicide de la victime.

31.Mme Gaer demande s’il est vrai qu’un individu ne peut demander qu’une enquête médicale indépendante soit ouverte. Dans l’affirmative, le Gouvernement azerbaïdjanais prévoit de changer les dispositions selon lesquelles seules les autorités sont habilitées à prendre une telle initiative. Il serait également utile d’avoir des précisions sur les mauvais traitements infligés à des membres des forces armées par leurs supérieurs et sur les mesures prises pour faire cesser ces pratiques et sanctionner ceux qui s’y livrent. Qu’en est‑il notamment du cas des personnes qui seraient mortes alors qu’elles étaient aux arrêts, à savoir Elton Zulfuqarov, Elnur Islam oglu Mammadov et Hason Ali oglu Novrazov. Par ailleurs, Mme Gaer aimerait savoir exactement à partir de quel moment une personne arrêtée a droit aux services d’un avocat car les informations figurant dans le rapport semblent contradictoires. Elle souhaite également obtenir des précisions sur le centre de détention provisoire relevant du Ministère de la sécurité nationale qui n’aurait été ni transféré au Ministère de la justice ni fermé. En outre, Mme Gaer aimerait avoir davantage d’informations sur les modalités d’internement dans les hôpitaux psychiatriques et centres pour personnes âgées, et notamment sur la question du consentement des personnes qui y sont placées. Disposent‑elles d’un moyen de recours, et les lieux d’internement font‑ils l’objet d’un contrôle périodique pour s’assurer de l’absence de mauvais traitements? Mme Gaer souhaiterait également savoir si les ONG ont accès en Azerbaïdjan aux postes de police et aux centres de détention, sachant qu’elles sont autorisées à visiter les établissements pénitentiaires. Cette mesure permettrait, selon elle, d’améliorer considérablement les conditions de détention. Elle se félicite, d’autre part, de la création récente du poste de Médiateur. Par ailleurs, elle aimerait avoir des informations sur la situation des défenseurs des droits de l’homme en Azerbaïdjan, et notamment sur le cas d’Eldar Zeynalov et de Zaliha Tahirova, qui feraient l’objet de harcèlements et de menaces. Est‑ce que des mesures sont prises pour qu’ils puissent agir en toute liberté? Il serait utile aussi d’avoir des statistiques sur les actes de violence commis dans les prisons, ventilées selon le sexe, l’âge, la nature de l’infraction et le lieu où elle s’est produite. Des poursuites sont‑elles engagées contre les auteurs de ces actes? Mme Gaer se dit préoccupée par la persistance du phénomène de la traite des femmes mentionné dans le rapport de Mme Radhika Coomaraswamy, Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, et demande si les femmes concernées sont traitées comme des victimes ou comme des délinquantes. Il serait bon également d’avoir des précisions sur le traitement réservé aux sans papiers, aux réfugiés, y compris ceux qui sont en transit, et d’avoir une idée sur la protection dont ils bénéficient au titre des dispositions de la Convention, notamment contre le risque d’être renvoyés dans un pays où ils peuvent être torturés. Enfin, Mme Gaer demande des informations sur les manifestants placés en détention et torturés à la suite des événements de Nardaran, et voudrait savoir si des fonctionnaires impliqués ont fait l’objet d’une enquête ou ont été arrêtés. Mme Gaer est encouragée par le sérieux avec lequel l’Azerbaïdjan a répondu aux préoccupations du Comité et espère que toutes les mesures nécessaires seront prises pour que les lois élaborées soient pleinement appliquées afin d’assurer une meilleure protection contre la torture.

32.Le PRÉSIDENT invite les membres du Comité à poser des questions à la délégation azerbaïdjanaise.

33.M. MARIÑOMENÉNDEZ aimerait avoir des précisions sur le régime d’expulsion et d’extradition des étrangers. Il souhaiterait, en particulier, savoir de quelles garanties jouissent les personnes susceptibles d’être renvoyées dans leur pays et si c’est vraiment le Ministère de la justice qui exerce en la matière le rôle qui était dévolu auparavant au Ministère de la sécurité nationale et au Ministère de l’intérieur. M. Mariño Menéndez demande également dans quelle mesure les droits des étrangers et apatrides se trouvant en Azerbaïdjan font l’objet de restrictions, et, le cas échéant, si ces restrictions sont conformes à la Constitution. Par ailleurs, il souhaiterait avoir des informations sur le rôle du Médiateur et ses fonctions. A‑t‑il le pouvoir de porter plainte et d’engager une action en justice? D’autre part, il serait utile de savoir sur quelle base s’opère le renoncement au droit à un avocat. En outre, des explications sur le troisième motif (l’incompétence) − invoqué à l’article 113 de la loi du 10 juin 1997 sur les tribunaux et les magistrats − justifient qu’un magistrat soit relevé de ses fonctions. Enfin, M. Mariño Ménendez demande si les peines prononcées par les tribunaux azerbaïdjanais à l’égard d’étrangers auteurs d’actes de torture sont inférieures ou égales à celles prévues par la législation de l’État étranger sur le territoire duquel l’acte de torture a été commis.

34.M. RASMUSSEN considère satisfaisants les progrès réalisés par l’État partie depuis la présentation de son rapport initial. Il souhaite tout d’abord avoir des explications sur les mesures disciplinaires prises à l’encontre des délinquants juvéniles, connaître l’âge à partir duquel ils peuvent être incarcérés et savoir s’il arrive qu’ils soient détenus avec des adultes. Il serait également à cet égard utile d’avoir davantage d’informations sur les conditions de détention des condamnés à la réclusion à perpétuité. S’il est vrai que certains d’entre eux peuvent être dangereux et doivent être détenus dans des conditions spéciales, tel n’est pas le cas de tous les condamnés à la réclusion à perpétuité et il serait opportun de repenser le traitement qui leur est réservé pour éviter qu’ils ne deviennent des psychotiques. Enfin, M. Rasmussen souhaiterait savoir si des mesures sont prises pour réduire l’incidence de la tuberculose dans les prisons.

35.M. MAVROMMATIS demande à la délégation azerbaïdjanaise de donner des exemples de cas où des victimes d’actes de torture ont bénéficié de l’indemnisation prévue par la loi.

36.M. YUMengja aimerait avoir davantage d’informations sur le traitement réservé aux condamnés à la réclusion à perpétuité et sur le phénomène de la violence dans les établissements pénitentiaires. Il demande si les incidents qui se produisent dans les prisons sont spontanés et si certains prisonniers ne sont pas poussés à la violence par les gardiens. Il voudrait aussi savoir si les détenus ont la possibilité de pratiquer des activités physiques et de suivre une formation professionnelle pour pouvoir mieux s’adapter à la vie sociale à leur sortie de prison.

37.Le PRÉSIDENT dit qu’il partage pleinement les vues exprimées par le Corapporteur, M. Yakovlev, sur l’écart entre la loi et la réalité. Ce phénomène est peut-être un héritage du passé soviétique, mais d’après des informations émanant de sources non gouvernementales et confirmées notamment par les rapports des Rapporteurs spéciaux sur la question de la torture, Sir Nigel Rodley et M. Theo van Boven, l’Azerbaïdjan a mis en place un système juridique très sophistiqué mais l’application des textes dans la pratique laisse beaucoup à désirer. Cela est probablement dû au rôle central confié au Procureur. Le Président ne voit pas par exemple clairement quel est le degré d’indépendance des procureurs, des avocats et des juges par rapport aux intérêts du Gouvernement. Il aimerait donc savoir comment l’indépendance de tous ces fonctionnaires de la justice est assurée dans la réalité. Par ailleurs, le Président n’est pas convaincu de l’autonomie de la profession médicale − qui joue un rôle crucial en cas de plainte concernant la torture − et souhaite avoir des informations précises sur les rapports qu’elle entretient avec l’appareil de l’État. La solution au problème est, selon lui, une affaire de volonté politique car les systèmes requis sont déjà en place. Pour donner une idée du climat qui règne en Azerbaïdjan, M. Burns indique que des ONG qui ont assisté à la séance du Comité à Genève ont fait l’objet de commentaires à la Télévision de Bakou dans lesquels elles auraient été qualifiées d’ennemies de l’Azerbaïdjan et leurs numéros de téléphone auraient été rendus publics à l’antenne, ce qui constitue une invitation au harcèlement. Enfin, le Président se dit très préoccupé par le traitement subi par Djebrayil Alizade qui, alors qu’il était en compagnie de son petit‑fils, Hasan Nadir oglu Alizade, a été sauvagement battu par dix policiers qui voulaient l’arrêter. Le recours à de telles méthodes vis-à-vis d’une personne âgée défie l’entendement. Il y a aussi le cas d’un groupe de personnes qui ont été appréhendées alors qu’elles étaient venues déposer une plainte auprès du Procureur général. C’est là une façon commode de dissuader toute plainte de la part des particuliers. Des précisions sur ces affaires seraient les bienvenues.

38.Le Président remercie la délégation azerbaïdjanaise et l’invite à revenir à la séance du jeudi 1er mai à 15 heures pour répondre aux questions du Comité.

39.La délégation azerbaïdjanaise se retire.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 12 heures.

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