NATIONS

UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/SR.67217 novembre 2005

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Trente‑cinquième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE (PARTIEL)* DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)DE LA 672e SÉANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,le jeudi 10 novembre 2005, à 15 heures

Président: M. Fernando Marino Menendez

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATIONDE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Deuxième rapport périodique du Népal (suite)

La séance est ouverte à 15 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 5 de l’ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique du Népal (suite) (CAT/C/33/Add.6)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation népalaise reprend place à la table du Comité.

2.M. ACHARYA (Népal) dit que sa délégation souhaite fournir des informations complémentaires pour répondre aux questions du Comité. Elle transmettra ultérieurement des réponses détaillées à certaines de ces questions, après avoir consulté les autorités compétentes.

3.Le Gouvernement népalais condamne sans équivoque la pratique de la torture et réaffirme l’engagement du Népal à promouvoir et à protéger les droits de l’homme, y compris en période de conflit armé. Il a pris les mesures nécessaires pour enquêter sur toute allégation de torture portée à sa connaissance et a engagé des poursuites contre les auteurs d’actes de torture qui ont fait l’objet de sanctions pénales. Les membres des forces de police bénéficient de programmes de sensibilisation à l’interdiction de la torture qui soulignent la nécessité de respecter les dispositions de la Convention dans l’exercice de leurs fonctions. La récente visite au Népal du Rapporteur spécial sur la question de la torture et l’établissement du deuxième rapport périodique du Népal témoignent des efforts déployés par le Gouvernement népalais pour s’acquitter de ses obligations au titre de la Convention. Les autorités népalaises sont fermement attachées au principe de non‑recours à la torture en vue d’obtenir des aveux, des informations, ou à toute autre fin. Aucun texte n’autorise l’emploi de la torture au Népal et le Gouvernement rejette les allégations selon lesquelles cette pratique serait systématique. Les affirmations de certains ne devraient pas conduire le Comité à croire qu’il existe au Népal des violations généralisées des droits de l’homme, alors qu’il ne s’agit en réalité que de faits isolés. À cet égard, il convient de souligner aussi que le projet de code pénal qui est en cours d’élaboration vise à incriminer la torture de manière spécifique.

4.Au sujet des allégations faisant état d’un nombre important de disparitions forcées ou involontaires, M. Acharya déclare qu’une telle pratique ne relève nullement d’une volonté politique délibérée de la part du Gouvernement. Des enquêtes approfondies sont menées sur chaque cas de disparition signalé par le Groupe de travail des Nations Unies sur les disparitions forcées ou involontaires. À ce jour, les autorités ont examiné 182 des 267 cas qui leur ont été soumis. Selon une note du Groupe de travail en date du 30 juin 2005, 15 affaires ont d’ores et déjà été élucidées et 69 autres devraient l’être au cours des six mois à venir. En outre, 45 autres cas de disparition ont été élucidés en 2004 et le Gouvernement continuera d’apporter des éléments de réponse sur les cas signalés par le Groupe de travail. M. Acharya souhaite attirer l’attention du Comité sur la baisse significative du nombre d’allégations de disparition en 2005 et nie que le Népal soit le pays où les cas de disparition forcée ou involontaire sont les plus nombreux. La confusion vient peut‑être de ce que le Groupe de travail n’a pas encore rayé de sa liste de personnes disparues le nom de celles dont la disparition a été élucidée. En outre, plusieurs facteurs, tels que la pratique consistant à utiliser plusieurs identités, l’ouverture des frontières et le fait que certains habitants des campagnes s’installent dans les villes sans informer quiconque de leur nouveau lieu de résidence, contribuent à noircir la situation. Le Comité ne devrait pas se forger une opinion sur le seul fondement d’allégations émanant d’individus et d’organisations non gouvernementales.

5.Le Gouvernement népalais n’autorise en aucun cas la police à arrêter de nouveau des personnes libérées en application d’une décision de justice. Il a adopté des mesures en ce sens ainsi que des directives applicables aux policiers.

6.Par ailleurs, la détention au secret est strictement interdite et la Commission des droits de l’homme népalaise, le Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et le Comité international de la Croix‑Rouge sont autorisés à visiter les établissements pénitentiaires.

7.M. Acharya dit ne pas partager l’avis d’un membre du Comité selon lequel la création d’une Commission royale de lutte contre la corruption porterait atteinte au principe de l’indépendance du pouvoir judiciaire. Il rappelle que la Constitution népalaise garantit pleinement l’indépendance de la justice dont les décisions s’imposent à l’ensemble des autorités de l’État, et signale que les décisions de la Commission de lutte contre la corruption sont susceptibles d’appel devant la Cour suprême, qui en examine actuellement quelques‑unes.

8.En ce qui concerne les mesures tendant à ériger la torture en infraction pénale, M. Acharya tient à assurer les membres du Comité que les vues qu’ils ont exprimées à ce sujet seront dûment prises en compte dans le cadre de la réforme de la législation pénale.

9.La loi antiterroriste dispose que la durée maximale de la détention provisoire ne peut excéder six mois. Toutefois, dans des cas exceptionnels et sur autorisation du Ministre de l’intérieur, cette période peut être prorogée de six mois supplémentaires. La loi antiterroriste ne s’applique qu’en cas de menace immédiate à l’ordre public, à la sécurité et à la souveraineté du Népal.

10.En ce qui concerne les programmes mis en œuvre par le Népal pour l’éducation dans le domaine des droits de l’homme du personnel des institutions de la justice pénale et de la police, M. Acharya précise que le contenu de la formation, qui a été établi au terme de larges consultations avec des experts, est revu de manière permanente afin d’en renforcer l’utilité et l’efficacité.

11.S’agissant de la Commission nationale des droits de l’homme, M. Acharya précise que cette institution est habilitée à effectuer des visites dans les lieux de détention et à enquêter sur les allégations de violation des droits de l’homme. Il rappelle, à cet égard, que la Commission a été instituée conformément aux Principes de Paris concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme.

12.En ce qui concerne le problème des castes et en particulier la situation des dalits, qui sont de plus en plus défavorisés par rapport au reste de la population, ce qui suscite parfois des troubles, le Gouvernement reconnaît qu’il est nécessaire d’aider ces personnes pour leur permettre de mieux s’intégrer dans la société. Cela dit, il existe des dispositions législatives qui incriminent toute discrimination fondée sur l’appartenance à une caste et des progrès importants et visibles ont été faits en faveur des dalits et des populations marginalisées. Ces mesures s’inscrivent dans un effort de longue haleine, et le Gouvernement a mis en place des commissions nationales dans lesquelles les dalits prennent part au processus de prise de décisions. Les efforts faits pour sensibiliser l’opinion sont le signe que les autorités entendent poursuivre leur action dans ce domaine. Des mesures de discrimination positive ont été prises en application de recommandations faites par plusieurs organes conventionnels de l’Organisation des Nations Unies et par les rapporteurs spéciaux qui se sont rendus au Népal, et la population est vivement encouragée à se prévaloir des dispositions législatives en vigueur en faveur des personnes marginalisées.

13.Dans les affaires pénales, la charge de la preuve incombe en général aux procureurs, à l’exception des affaires de trafic de drogue, de traite des personnes, d’espionnage, de terrorisme et de corruption. La question de la protection des témoins et des victimes est en cours d’examen et le Gouvernement, qui a conscience de la nécessité d’améliorer la situation, tiendra compte des recommandations que le Comité fera à cet égard.

14.Le Gouvernement, sur décision des tribunaux, dédommage les victimes d’actes de torture. En 2005, plusieurs personnes ont ainsi reçu des indemnisations allant de 3 000 à 50 000 roupies et d’autres ont été indemnisées conformément aux recommandations de la Commission nationale des droits de l’homme, qui est également compétente en la matière. En vertu de la loi de 1974 sur les éléments de preuve, les tribunaux ne peuvent se fonder sur une déclaration obtenue sous la pression, la menace, la torture ou sans le consentement de la personne. De nombreuses affaires ont été classées lorsque les tribunaux ont estimé après avoir interrogé les témoins et l’accusé que les aveux avaient été obtenus de manière illégale. La séparation des prévenus des condamnés n’est pas assurée, faute de ressources. Les données fournies au Comité portent donc sur les deux catégories de détenus. Le Gouvernement a pour objectif de construire un centre de détention dans chaque région mais pour l’heure un seul a été créé à Katmandou, en 2004. Les 80 détenus dont il a été question à la séance précédente sont tous dans ce centre de détention, en l’absence d’autres infrastructures et en raison de l’insécurité qui règne dans plusieurs régions du pays. C’est pour ces mêmes raisons que certains détenus, notamment ceux qui sont jugés «dangereux», sont parfois placés dans des casernes de l’armée. Ces derniers peuvent y recevoir des visites, notamment de leur famille ou d’organisations de défense des droits de l’homme. S’agissant des statistiques demandées par le Comité, le Népal dispose seulement de données ventilées par sexe mais tentera de fournir aussi des données par caste. En ce qui concerne le grand nombre de personnes en détention provisoire, le Gouvernement s’efforce, dans le cadre d’un plan quinquennal élaboré à l’initiative de la Cour suprême, d’améliorer le processus judiciaire et de renforcer les capacités des tribunaux afin d’accélérer le traitement des affaires et, partant, de réduire les retards dans l’administration de la justice. Cela étant, la situation s’est nettement améliorée par rapport au passé et le nombre d’affaires dont sont saisis les tribunaux et la Cour suprême a considérablement diminué.

15.En ce qui concerne la situation des réfugiés dans le pays, le Népal est un pays pauvre qui reçoit beaucoup de demandeurs d’asile, notamment tibétains et bhoutanais; il ne peut toutefois les accueillir tous faute de ressources. Ces réfugiés peuvent librement sortir du pays, plus de 31 000 réfugiés tibétains ayant été autorisés à se rendre dans un pays tiers. Le Gouvernement travaille en étroite collaboration avec le HCR qui lui apporte une aide précieuse pour gérer la situation des réfugiés, en particulier des Bhoutanais qui sont très nombreux.

16.Les services de sécurité obéissent tous aux ordres des tribunaux et à ce jour ont toujours répondu en temps voulu à leurs requêtes. À cet égard, le Gouvernement a conscience que l’indépendance et l’efficacité du système judiciaire sont fondamentales pour renforcer et promouvoir les droits de l’homme dans le pays. Il y a lieu de signaler, d’autre part, qu’aucun enfant n’est détenu dans le pays en application de la loi relative à la prévention et à la répression des activités terroristes et subversives ni de la loi sur la sécurité publique.

17.En ce qui concerne l’incrimination des disparitions forcées, le projet de code pénal prévoit que quiconque détient une personne dans des conditions autres que celles prévues par la loi est passible d’une peine d’emprisonnement. Il dispose en outre que nul ne doit être détenu au secret et que quiconque détient une personne de telle sorte qu’il est impossible d’obtenir des informations sur ses conditions de détention encourt une peine d’emprisonnement. Les peines prévues sont proportionnelles à la gravité de l’infraction, le recours à la torture ou à des moyens cruels, inhumains ou dégradants ou le fait d’enlever une personne en vue de la placer en détention constituant des circonstances aggravantes.

18.Le Népal, qui est partie à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, présente ses rapports périodiques en temps voulu à l’organe chargé d’en surveiller l’application et met en œuvre les recommandations que celui‑ci formule dans ses observations finales. Le plan quinquennal en cours prend en compte les problèmes des femmes et le Gouvernement exécute des plans d’action nationaux en faveur des femmes de manière coordonnée et planifiée. Le comité que le Gouvernement a chargé de revoir les lois discriminatoires à l’égard des femmes a déjà présenté son rapport, et des projets de loi sur la violence dans la famille, le harcèlement sexuel et la traite des êtres humains sont en cours d’examen.

19.Les efforts de sensibilisation au problème de la traite menés ces dix dernières années portent leurs fruits et la situation s’est nettement améliorée. Cependant, compte tenu de la gravité du problème, tous les secteurs doivent exercer une grande vigilance afin de surveiller ce phénomène en permanence. Les pouvoirs publics, notamment les douanes et la police, font un excellent travail dans le cadre des équipes spéciales qui ont été mises en place. Un mécanisme régional a également été établi sous les auspices de l’Association sud-asiatique de coopération régionale. En outre, plusieurs ONG, notamment Maaiti Nepal et ABC Nepal, luttent activement contre la traite, et leurs efforts en matière de prévention ont été salués par la communauté internationale.

20.Dans le cadre de la prévention de la torture, de nombreuses organisations intergouvernementales et non gouvernementales (Centre pour les victimes de la torture, INSEC, Center for Legal Research and Resource Development, ARC Nepal, Child Workers in Nepal Concerned Centre, Amnesty International Nepal, Comité international de la Croix‑Rouge et Penal Reform International) prennent part à la formation des responsables de l’application des lois. Plusieurs secteurs collaborent donc afin de mobiliser les synergies dans le domaine de la lutte contre les violations des droits de l’homme, notamment la torture. Le Gouvernement s’attache en outre à protéger la liberté des défenseurs des droits de l’homme et leur permet de se rendre sur les lieux où des violations des droits de l’homme sont signalées, car la participation des ONG et de la société civile est essentielle pour la promotion et la protection des droits de l’homme. De nombreuses ONG sont en outre associées à l’élaboration du rapport présenté au Comité et contribuent à des rapports alternatifs car le Gouvernement a conscience de l’importance du rôle que joue la société civile dans ce domaine.

21.Les tribunaux militaires ne connaissent pas des affaires de viol car, lorsqu’une des parties est un civil, le Gouvernement juge préférable que des tribunaux ordinaires se chargent de l’affaire.

22.Le Comité parlementaire des affaires étrangères et des droits de l’homme est en principe chargé d’examiner la situation générale des droits de l’homme dans le pays ainsi que les recommandations et les rapports émanant de diverses institutions. À l’heure actuelle, il n’y a pas de parlement à cause de la situation particulière que connaît le pays mais dès que cette institution sera rétablie, les mécanismes de surveillance et de contrôle qui étaient en place seront de nouveau pleinement opérationnels.

23.La délégation transmettra les autres questions du Comité aux autorités compétentes et lui fera parvenir leurs réponses dans les meilleurs délais.

24.M. RASMUSSEN (Rapporteur pour le Népal) souhaiterait se faire une idée de la capacité des différents lieux de détention: nombre de postes de police, de cellules qu’ils comportent et de personnes qui y sont détenues. Certes, ce dernier chiffre est nécessairement très fluctuant, mais il serait utile d’apprendre combien de personnes sont gardées à vue puis transférées dans des casernes et, enfin, dans des prisons. D’autre part, la terminologie utilisée par la délégation appelle des précisions: quelle différence y a‑t‑il entre les centres de détention et les prisons? S’agit‑il du type de population accueillie − prévenus ou condamnés − ou bien, les uns sont‑ils sous l’autorité de la police et les autres sous celle du Ministère de la justice, par exemple? Enfin, il serait utile de savoir qui supervise le fonctionnement de ces établissements.

25.M. PAUDYAL (Népal) précise que les prisonniers sont les personnes qui ont été condamnées par les tribunaux, cependant que les détenus sont en instance de jugement et ont été placés dans les prisons sur décision d’un juge parce qu’ils n’était pas possible de les garder dans les commissariats. Il y a lieu de rappeler que le pays est divisé en 75 districts, chacun étant doté d’un commissariat et d’un tribunal de district qui juge en première instance. Les prisons ne relèvent pas du Ministère de la justice mais du Ministère de l’intérieur et elles sont administrées par des civils, de même que les centres de détention, auxquels les autorités de surveillance ont librement accès.

26.Pour M. RASMUSSEN (Rapporteur pour le Népal), le fait que les prévenus soient placés dans des prisons plutôt que retenus dans des postes de police est plutôt une bonne chose, car les cellules de commissariat ne sont guère adaptées à une détention prolongée − même si, bien entendu, il serait préférable que les prévenus soient séparés des condamnés, ce que d’ailleurs l’État partie envisage de faire. Le problème qui peut se poser est celui de l’éloignement géographique des prisons: si les familles se trouvent à trois jours de marche du lieu de détention, cela est évidemment regrettable.

27.M. EL MASRY (Corapporteur pour le Népal) convient que, généralement, seules les mauvaises nouvelles sont mises en exergue et qu’il est bon que la délégation puisse présenter un tableau plus équilibré de la situation. Le protection des droits de l’homme est bien souvent rendue plus difficile en raison du poids des coutumes, de l’histoire et de la tradition. Faire évoluer la situation demande du temps, l’important étant d’en avoir la volonté et de persévérer.

28.L’indépendance du pouvoir judiciaire est certes garantie par la Constitution et la législation népalaises; mais l’attitude de la Commission royale de lutte contre la corruption n’en demeure pas moins préoccupante car, selon diverses sources, cette commission aurait bel et bien adressé à la Cour suprême, en septembre 2005, une note lui enjoignant de ne pas s’ingérer dans ses décisions. Si tel est bien le cas, on est incontestablement en présence d’une atteinte à l’autorité de l’instance la plus élevée de l’appareil judiciaire et il s’agit là d’un point crucial qu’il conviendrait d’éclaircir. Un autre grave sujet de préoccupation, qui a trait à l’application de l’article 15 de la Convention, concerne le villageois victime de tortures qui, ayant porté plainte, a été à nouveau arrêté et torturé. Le Comité souhaiterait entendre la délégation sur cette question. Il a par ailleurs été indiqué que des casernes sont utilisées comme centres de détention par simple nécessité matérielle, en raison de la situation qui règne au Népal. La délégation a affirmé que les visites aux détenus y sont autorisées, cependant que, d’après le Comité international de la Croix‑Rouge, il ne serait plus possible d’avoir accès aux détenus en raison d’un désaccord survenu au sujet du caractère confidentiel ou non des visites. M. El Masry voudrait savoir si les familles sont autorisées à voir les personnes détenues dans les casernes et, plus généralement, si la réglementation en vigueur dans les prisons est également applicable aux prisonniers placés dans les casernes − tenue de registres d’écrou, possibilité pour les prisonniers de prendre de l’exercice, etc.

29.Enfin, il a été affirmé qu’il n’était nullement dans les intentions des autorités gouvernementales d’arrêter à nouveau des personnes libérées par les tribunaux; or il semble qu’en pratique cela s’est produit, tout au moins en ce qui concerne les 11 personnes dont le cas a été signalé et à propos desquelles le Comité souhaiterait avoir davantage d’informations.

30.M. ACHARYA (Népal) dit que la Commission royale de lutte contre la corruption ne saurait limiter l’indépendance du pouvoir judiciaire comme certaines organisations non gouvernementales le prétendent, car ses décisions sont susceptibles d’être annulées en appel par la Cour suprême, organe doté en vertu de la Constitution de pouvoirs très étendus et habilité à trancher en dernier ressort. Ainsi, les organisations non gouvernementales citées par le Rapporteur peuvent saisir la Cour suprême si elles estiment que les décisions ou activités de la Commission de lutte contre la corruption sont anticonstitutionnelles.

31.Tout en soulignant que le droit de porter plainte est garanti par la Constitution et d’autres textes de la législation interne, M. Acharya dit n’avoir pas entendu parler du cas du villageois dont le droit susmentionné aurait été violé. Ces informations seront dûment vérifiées sur place et les éclaircissements qui auront pu être obtenus sur cette affaire seront communiqués au Comité en temps utile.

32.Enfin, en ce qui concerne les conditions de détention dans les casernes de l’armée, M. Acharya précise que le placement de détenus dans ce type de locaux ne procède pas d’un choix mais d’une nécessité et que cette solution n’est que temporaire. Les normes en vigueur dans les prisons sont valables également dans ces lieux de détention.

33.M. GROSSMAN note que, d’après les réponses de la délégation, la charge de la preuve incombe au procureur, sauf dans des cas exceptionnels tels que les affaires de trafic de drogue, d’espionnage, de terrorisme et de corruption. Tout en reconnaissant la gravité de ce type d’infractions et la nécessité de les réprimer sévèrement, il rappelle que, conformément au principe de la présomption d’innocence, le fardeau de la preuve ne doit jamais reposer sur l’accusé quel que soit le chef d’accusation.

34.Mme GAER note que la délégation népalaise a nié dans ses réponses que la torture était systématiquement pratiquée au Népal, affirmant que les déclarations faites dans ce sens par quelques individus en privé ne sauraient être généralisées. Or, après sa visite au Népal, le Rapporteur spécial sur la question de la torture a indiqué avoir entendu fréquemment plusieurs hauts responsables de la police et de l’armée reconnaître avec une franchise déconcertante que le recours à la torture était admissible dans certains cas, ce qui permet de conclure que la torture est systématique dans l’État partie et que ces déclarations ne renvoient donc pas à des cas isolés non représentatifs de la situation générale. Par conséquent, il serait hautement souhaitable que le Roi et le Premier Ministre ainsi que les chefs de la police et de l’armée prennent publiquement position pour condamner sans équivoque la pratique de la torture.

35.En ce qui concerne les données recueillies sur les prisonniers, Mme Gaer souhaiterait savoir si l’État partie pourrait collecter des données en les désagrégeant non seulement selon le sexe, mais aussi en fonction de l’âge et de l’appartenance à une caste. Enfin, s’agissant des réfugiés tibétains, elle demande si des garanties sont prévues dans la législation interne afin d’empêcher qu’une personne soit renvoyée vers un pays où elle risque d’être soumise à la torture, conformément à l’article 3 de la Convention.

36.M. ACHARYA (Népal) dit qu’en matière d’asile, même si le Népal n’est pas partie à la Convention relative au statut des réfugiés, le Gouvernement respecte les normes internationales et, en particulier, le principe de non‑refoulement. Se disant sceptique sur l’utilité de ventiler les données relatives aux détenus selon d’autres catégories que le sexe, M. Acharya dit que la question devra être examinée par les personnes compétentes. Par ailleurs, il rappelle que, comme il l’a déjà souligné, les pouvoirs publics considèrent la torture comme une pratique inadmissible et les agents de l’État à tous les échelons sont tenus de respecter l’interdiction d’y recourir. Enfin, concernant la présomption d’innocence et la charge de la preuve, M. Acharya reconnaît que, idéalement, les normes fondamentales devraient être respectées au cours d’une procédure quelle que soit la gravité du chef d’inculpation pesant sur l’accusé. Toutefois, la législation népalaise représente un moyen terme entre les idéaux théoriques et les exigences pratiques.

37.Le PRÉSIDENT souhaiterait savoir s’il existe des tribunaux spéciaux pour la police et, dans l’affirmative, si ces organes sont habilités à juger des personnes soupçonnées d’avoir commis des actes de torture et s’il s’agit de juridictions parallèles aux tribunaux ordinaires. Par ailleurs, il formule le vœu que le Népal se dote prochainement d’un parlement, de façon à ce que la Commission des droits de l’homme puisse reprendre ses travaux, étant donné qu’elle aura un rôle clef à jouer dans l’élaboration du projet de définition de la torture.

38.M. ACHARYA (Népal) dit que le parlement n’a pas pu être reconstitué à ce jour faute d’élections générales mais que cet événement est attendu avec impatience dans son pays et comme des préparatifs sont en cours en vue de la tenue d’élections municipales, on peut espérer que des élections générales seront organisées dans la foulée et qu’un nouveau parlement sera formé prochainement. La Commission des droits de l’homme pourra alors reprendre ses activités.

39.M. PAUDYAL (Népal) indique que des tribunaux spéciaux pour la police existent au Népal, mais que leurs compétences sont limitées. Ils ne jugent en effet que les membres des forces de l’ordre qui ont commis des infractions emportant des sanctions disciplinaires, telles que la désobéissance aux ordres d’un supérieur ou les manquements au règlement.

40.M. ACHARYA (Népal) se félicite du dialogue fructueux noué avec le Comité et annonce qu’il transmettra les conclusions et recommandations de ce dernier à son gouvernement dès qu’elles auront été rendues publiques.

41. La délégation népalaise se retire.

Le débat qui fait l’objet du compte rendu prend fin à 16 h 45.

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