Nations Unies

CAT/C/SR.1146

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

21 mai 2013

Original: français

Comité contre la torture

Cinquantième session

Co mpte rendu analytique de la première partie (publique)* de la 1146 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 15 mai 2013, à 10 heures

Président:M. Grossman

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention (suite)

Deuxième rapport périodique du Kenya

La séance est ouverte à 10  heures.

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19de la Convention (suite)

Deuxième rapport périodique du Kenya (CAT/C/KEN/2; CAT/C/KEN/Q/2)

1. Sur l ’ invitation du Président , la délégation k é nyane prend place à la table du  Comité.

2.M.  Muigai (Kenya) dit que la nouvelle Constitution adoptée en 2010 comporte une charte des droits, qui s’applique à tous les individus et à tous les organes de l’État. L’article 2 6) dispose que tous les instruments internationaux ratifiés par le Kenya font partie intégrante du droit interne, ce qui signifie que les dispositions de la Convention contre la torture sont directement applicables par les juridictions nationales et qui facilite les recours pour les victimes. La Constitution protège le droit de ne pas être soumis à la torture, le droit de ne pas être tenu en esclavage, le droit à un procès équitable et le droit à l’habeas corpus, qui ne souffrent aucune dérogation.

3.Le Gouvernement a entrepris d’importantes réformes du système pénal et de la police. La création récente du Service de police nationale, de la Commission du service de police nationale et de l’Organe indépendant de surveillance de la police a pour but de renforcer l’efficacité et la transparence des activités de police. La loi sur le Service de police nationale érige en infractions la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants infligés par des policiers. Plus de 25 000 policiers ont reçu un enseignement concernant les droits de l’homme et l’interdiction de la torture et des mauvais traitements dans le cadre de leur formation.

4.Le Gouvernement a pris diverses mesures législatives et pratiques visant à améliorer les conditions de détention et à réduire la surpopulation carcérale. La Commission nationale des droits de l’homme est habilitée, entre autres attributions, à inspecter les lieux de privation de liberté et à formuler des recommandations concernant les conditions de détention. Conscient de l’importance du système judiciaire pour la protection des droits de l’homme, le Gouvernement a également pris plusieurs mesures législatives et administratives visant à renforcer le système judiciaire et à le rendre plus transparent et indépendant. Le Bureau du directeur du parquet a été créé en tant qu’organe constitutionnel indépendant pour veiller au respect de la politique relative à la conduite des poursuites. Les procureurs de la police sont tenus de lui rendre des comptes, notamment en ce qui concerne les délais de présentation devant un juge.

5.Le Kenya maintient une politique de non-refoulement des demandeurs d’asile et accueille actuellement plus de 600 000 réfugiés sur son territoire. Compte tenu de l’amélioration de la situation en Somalie, une stratégie de retour volontaire des réfugiés somaliens a été mise en œuvre. Le Gouvernement a également élaboré un projet de politique nationale pour les réfugiés qui vise à mieux protéger les droits des réfugiés vivant au Kenya. La loi relative à la lutte contre le terrorisme adoptée en 2012 est pleinement conforme aux garanties constitutionnelles.Elle prévoit notamment que les procédures visant des personnes soupçonnées d’actes terroristes font l’objet d’un contrôle juridictionnel strict.

6.M.  Domah (Rapporteur pour le Kenya) note qu’un nombre impressionnant de mesures législatives ont été prises ou sont en cours d’adoption dans différents domaines ayant trait aux droits de l’homme. La réforme du système judiciaire, l’adoption de la nouvelle Constitution et le projet de loi de 2011 sur la prévention de la torture sont également des avancées importantes. Malheureusement, ces progrès exemplaires sur le plan normatif n’ont pas eu les effets escomptés sur le terrain. Il serait intéressant de savoir pourquoi le projet de loi sur la prévention de la torture et le projet de loi relatif à la protection de la famille, qui datent respectivement de 2011 et 2007, n’ont toujours pas été adoptés. La question se pose également de savoir quand sera adopté le projet de loi de 2012 relatif aux personnes privées de liberté. En ce qui concerne le projet de loi portant création du service national du coroner, la délégation pourrait apporter des précisions surl’objet des concertations menées avec les parties prenantes.

7.M. Domah invite la délégation à commenter les allégations selon lesquelles des dizaines de Somaliens auraient été arrêtés sans inculpation et détroussés par la police en novembre et décembre 2012 et 10 personnes auraient été brûlées vives sous les yeux de la police dans le village de Kipau, en décembre 2012. En ce qui concerne les violents incidents qui ont fait des dizaines de morts et déplacé des milliers de personnes dans le delta du Tana avant et pendant les élections de mars 2013, il aimerait savoir quelles institutions étaient chargées d’assurer la sécurité et le bon déroulement du scrutin. Il serait utile de savoir si l’efficacité des formations dispensées aux policiers et autres fonctionnaires dans le domaine de la protection des témoins et des victimes et sur l’interdiction de la torture a été évaluée.

8.M. Domah demande si le Gouvernement a évalué les effets de la réforme du système judiciaire sur le respect du droit à un procès équitable et des droits fondamentaux des personnes privées de liberté. Il aimerait savoir dans quel cas un accusé peut obtenir sa libération sous caution et si cette pratique n’est pas exploitée pour extorquer des aveux. L’affirmation faite au paragraphe 43 selon laquelle toute allégation de torture ou de mauvais traitement fait l’objet d’une enquête approfondie et de poursuites est contredite par les chiffres fournis au paragraphe 51, qui montrent que seules 35 affaires de torture ont été signalées entre 2006 et 2011 et 28 d’entre elles sont en attente de jugement. Des éclaircissements seraient les bienvenus. La délégation voudra bien indiquer si l’Organe indépendant de surveillance de la police dispose de moyens humains et financiers suffisants pour exercer ses nombreuses fonctions et préciser s’il est exact que le Gouvernement a l’intention d’amender la loi portant création de l’Organe afin de limiter ses pouvoirs.

9.M. Domah aimerait savoir si la Commission nationale des droits de l’homme du Kenya a formulé des recommandations au sujet des lieux de privation de liberté qu’elle a visités et si une suite y a été donnée. En ce qui concerne les mutilations génitales féminines, il s’étonne que les services chargés de l’enfance soient autorisés à entrer dans n’importe quel local sans mandat pour s’assurer que ce crime n’est pas commis ou sur le point d’être commis et demande si une telle démarche doit s’appuyer sur des soupçons raisonnables. Il voudrait par ailleurs savoir à quel stade en est le projet de loi relative à la santé familiale et la procréation, et si l’État partie envisage de mettre en place un mécanisme destiné à garantir le respect des droits des patients.

10.À propos de l’opération Mathare, au cours de laquelle une femme a été tuée par une balle perdue, M. Domah ne comprend pas pourquoi la famille de la défunte a été incitée à engager une procédure civile pour obtenir réparation: dans de telles circonstances, il conviendrait que l’État reconnaisse les faits, présente ses excuses et indemnise la famille. Tout commentaire sur ce point sera le bienvenu. La délégation pourrait en outre préciser en quoi consistent les problèmes de conservation et de consultation des données entre les tribunaux, le parquet et la police, auxquels il est fait référence au paragraphe 106 du rapport. Elle pourrait aussi indiquer ce qui explique la longueur des procédures d’indemnisation dans les affaires citées au paragraphe 117 du rapport à l’examen.

11.M. Wang Xuexian (Corapporteur pour le Kenya) demande dans quel délai l’État partie envisage de prendre des mesures pour combattre la violence entre détenus résultant en grande partie de la surpopulation carcérale, et s’il est déjà arrivé qu’un agent de l’État ayant commis un acte de torture soit gracié. Il demande également s’il est vrai, comme l’indiquent plusieurs sources, que la durée de la garde à vue est parfois supérieure à vingt‑quatre heures, et que la détention provisoire se prolonge parfois plusieurs années (quatre ans dans certains cas). À ce propos, l’État partie entend-il hâter les procédures judiciaires pour que les 18 000 personnes actuellement en détention provisoire puissent être jugées?

12.Il serait utile que le Comité puisse prendre connaissance des conclusions du groupe de travail interinstitutions chargé d’examiner toutes les affaires de violences locales postélectorales dès qu’elles seront disponibles. La délégation est invitée à indiquer à quelle date le groupe de travail est censé rendre son rapport. D’après des informations dignes de foi dont dispose le Comité, il semblerait que, contrairement à ce qu’affirme l’État partie, les plaintes reçues au sujet de l’opération «Chunga Mpaka» menée dans le district de Mandera n’aient pas toutes fait l’objet d’une enquête, ce qui appelle des explications. La question se pose également de l’impartialité de l’équipe de policiers de rang supérieur mise en place pour enquêter sur les atteintes aux droits de l’homme que des membres des forces de l’ordre et des militaires auraient commises lors de l’opération Okoa Maisha. Sachant que cette affaire est en train d’être réexaminée par la Commission Vérité, Justice et Réconciliation, M. Wang Xuexian demande quand les conclusions de cette instance seront rendues publiques.

13.La délégation est invitée à s’exprimer sur la question des viols collectifs dont seraient victimes les Somaliens de souche, et à indiquer par ailleurs si des enquêtes ont été ouvertes concernant le décès, le 19 janvier 2011 à Nairobi, de trois voleurs de voiture, tombés sous les balles de policiers alors qu’ils s’étaient rendus, ainsi que celui de trois cambrioleurs, également abattus par des policiers, le 3 novembre 2011. Ces affaires figurent-elles au nombre des 34 affaires mentionnées au paragraphe 105 du rapport, qui ont abouti à l’ouverture d’enquêtes pour présomption d’exécution extrajudiciaire? La délégation pourrait en outre indiquer si une procédure a été engagée après qu’un homme ayant dérobé un téléphone portable eut été abattu de trois balles dans la tête par des policiers en avril 2013. L’État partie envisage-t-il de créer un mécanisme impartial et indépendant chargé d’enquêter sur toutes les affaires de ce type?

14.Le Corapporteur aimerait savoir s’il est exact que les personnes dont les droits ont été violés par des agents de l’État ne disposent que d’un an pour entamer une action civile en réparation et, dans l’affirmative, s’il est question de prolonger ce délai. Il demande en outre s’il est déjà arrivé que des aveux extorqués par la torture soient utilisés comme éléments de preuve lors d’un procès et si les tribunaux ont déjà été saisis de plaintes émanant de victimes de torture ou de mauvais traitements, qui ont signalé avoir été la cible d’actes d’intimidation ou de représailles après avoir saisi la justice une première fois. Dans l’affirmative, ces plaintes ont-elles immédiatement donné lieu à une enquête?

15.Après avoir salué la politique de l’État partie en matière d’octroi du statut de réfugié, M. Wang Xuexian demande quelles ont été les conclusions de l’enquête relative au décès, le 13 juin 2011, de deux réfugiés du camp de Dagahaley tombés sous les tirs de policiers, si les allégations de violences sexuelles et de violences sexistes dans les camps de réfugiés ont fait l’objet d’enquêtes approfondies, et quelles mesures ont été prises pour combattre ces phénomènes. La délégation pourrait en outre indiquer si la situation des quelque 20 000 Nubiens apatrides originaires du Soudan a avancé, et dans quel délai on peut espérer que le projet de loi de 2012 relatif à la ratification des traités sera adopté.

16.M.  Bruni demande si la Convention a été appliquée par les tribunaux depuis 2010. Il aimerait connaître le montant des ressources qui ont été allouées à la Commission nationale des droits de l’homme au cours des trois dernières années, et savoir si ces fonds lui ont permis de fonctionner efficacement, notamment de se rendre fréquemment et régulièrement dans les lieux de détention.

17.Faisant référence au tableau figurant au paragraphe 76 du rapport, M. Bruni demande ce qu’il est advenu des 7 300 (sur près de 14 000) demandes de statut de réfugié qui n’ont été ni rejetées ni acceptées. Se référant ensuite au paragraphe 112 du rapport à l’examen, il demande pourquoi, étant donné que la Convention fait partie de l’ordre juridique interne et que la Constitution consacre le droit de ne pas être soumis à la torture, les agents de la force publique qui commettent des actes de torture ne sont pas accusés de torture mais d’infractions telles que le meurtre, les voies de fait ou le viol. Il se demande ce qui se passera une fois que le projet de loi relatif à la prévention de la torture − qui prévoit de sanctionner les actes constitutifs de torture de vingt-cinq ans d’emprisonnement, voire d’une peine de réclusion à perpétuité en cas de décès de la victime − aura été adopté. Enfin, M. Bruni demande à quel stade en est l’adoption du projet de loi sur la ratification des instruments internationaux, si l’État partie entend ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, et s’il entend faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention.

18.M me Sveaass demande si les précédentes observations finales du Comité, datant de 2008, ont été diffusées dans l’État partie et si les enquêtes ouvertes à la suite des violences postélectorales ont donné lieu à l’ouverture de procédures judiciaires et, le cas échéant, si elles ont abouti à des condamnations. Après avoir décrit les conditions précaires auxquelles sont soumises les parturientes qui ne sont pas en mesure de payer les frais médicaux dans les hôpitaux, Mme Sveaass demande si l’État partie entend corriger la situation. Elle voudrait également savoir s’il envisage de légaliser l’avortement en cas de viol ou d’inceste.

19.La délégation est invitée à indiquer si la loi sur la prévention de la torture prévoit la création de services de réinsertion des victimes de la torture et la prise en charge des soins de santé dont elles ont besoin. S’agissant du formulaire P3 permettant de dénoncer un acte de torture, dont une partie doit être remplie par un médecin légiste pour étayer les allégations de torture, Mme Sveaass demande si le fait que ce formulaire transite par le poste de police ne risque pas d’avoir pour effet d’enrayer le processus. Enfin, elle souhaiterait savoir ce qui est fait pour prévenir la violence faite aux enfants à l’école et au sein de la famille, ainsi que les sévices qui leur sont infligés par les membres des forces de l’ordre.

20.M.  Gaye, notant qu’il pourrait y avoir un chevauchement entre les dispositions du projet de loi de 2011 sur la prévention de la torture et celles de la loi de 2011 sur le service national de police, demande lequel de ces deux instruments primera l’autre dans l’hypothèse où le projet de loi aboutirait. Croyant savoir que l’organe indépendant de surveillance de la police est peu efficace faute de moyens, et que les membres des forces de l’ordre sont à l’origine de dérives comme des exécutions extrajudiciaires, des actes de torture ou des extorsions de fonds, il demande quelle autorité judiciaire est chargée au Kenya de contrôler les agissements des policiers. Il aimerait savoir si la soixantaine de policiers accusés de corruption entre 2008 et 2011 ont été poursuivis et condamnés, si les enquêtes que la Commission nationale des droits de l’homme est habilitée à mener peuvent aboutir à l’ouverture d’une procédure contre les agents de la force publique qui seraient mis en cause, et si les recommandations de cette commission sont contraignantes.

21.M.  G a ye souhaiterait également savoir si les personnes dont la demande de statut de réfugié est rejetée sont expulsées et, si tel est le cas, quelles mesures sont prises pour garantir le respect des dispositions de la Convention interdisant une expulsion vers un pays où l’intéressé risque d’être soumis à la torture. S’agissant des droits fondamentaux des personnes en garde à vue, il demande à partir de quand une personne arrêtée a le droit d’avoir accès à un avocat et à un médecin et d’informer ses proches de sa situation.

22.M me Belmir demande si une coordination pourrait être mise en place entre les activités de la commission chargée de la réforme du droit et celles du groupe de travail s’occupant de la réforme de la police. Elle demande s’il existe au Kenya un corps judiciaire ayant un pouvoir de contrôle sur la police. Elle prend note avec intérêt de l’existence d’une unité consacrée aux droits de l’homme à la Cour suprême et demande à la délégation kényane pourquoi le projet de loi de 2012 relatif aux personnes privées de liberté est fondé sur les garanties émanant du droit international humanitaire, en plus de la Constitution, étant donné que le Kenya n’est pas en guerre.

23.M.  Tugushi dit que les agissements de la police kényane, sa corruption endémique et la nature arbitraire des mesures qu’elle prend sont très préoccupants. Selon des informations portées à la connaissance du Comité, 63 % des personnes interrogées dans le cadre d’un sondage auraient considéré qu’elles couraient le risque de subir des actes de torture aux mains d’agents de police, ce qui appelle des commentaires. La Constitution énonce les droits des personnes arrêtées, notamment le droit d’être informées du motif de leur arrestation et le droit d’être présentées à un juge dans un délai de vingt-quatre heures. Toutefois, les informations communiquées au Comité semblent indiquer que, dans les faits, ces mesures de protection ne sont pas respectées. Le système judiciaire n’inspirant pas confiance au public, seulement 20 % des victimes d’atteintes répétées aux droits de l’homme porteraient plainte. Il semblerait que les atteintes aux droits de l’homme semblent généralisées dans les quartiers pauvres et les bidonvilles, où la police a les coudées franches. Dans ce contexte, la question se pose de savoir s’il existe un système indépendant de contrôle des activités de la police.

24.En ce qui concerne la situation dans les prisons, M. Tugushi juge très préoccupante la présence dans un tel environnement d’enfants âgés de moins de 5 ans détenus avec leurs mères, compte tenu du risque très élevé que ces enfants soient mal nourris, maltraités, victimes de violences sexuelles et contaminés par le VIH. Il souhaiterait savoir quelles mesures ont été prises pour faire en sorte que les personnes se trouvant dans des lieux de privation de liberté, notamment les personnes atteintes de maladies mentales et les enfants, ne risquent plus de subir des mauvais traitements ou des tortures. Il demande si le Kenya envisage de prendre des mesures pour renforcer le système de contrôle du respect des droits de l’homme et l’application des lois et ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture.

25.M me Gaer exprime sa préoccupation au sujet du lynchage de veuves et de femmes âgées, de l’absence de dispositions interdisant de brûler les sorcières dans la loi de 1925 sur la sorcellerie, des violations commises à l’égard des défenseurs des droits de l’homme et des atteintes aux droits en matière de procréation. Elle demande à la délégation de décrire les mesures prises pour enquêter sur ces actes et engager des poursuites contre les responsables et les punir. Elle demande également si le Kenya a ouvert une enquête sur l’allégation selon laquelle la police aurait passé à tabac et menacé de mort le directeur de Kenyans for justice and development parce que cette ONG avait engagé un procès contre l’État kényan.

26.Les informations communiquées par les ONG indiquant que les hôpitaux publics continueraient de détenir les femmes ayant accouché qui ne peuvent pas acquitter leurs frais médicaux, contrairement à ce qui est indiqué au paragraphe 71 du rapport, Mme Gaer demande des précisions sur cette pratique. Elle demande si des plaintes à ce sujet ont été présentées à la Commission de la justice administrative, qui tient lieu de Bureau de médiation et traite les plaintes dirigées contre les institutions publiques, et si cette pratique est aussi interdite dans les hôpitaux privés. En outre, Mme Gaer souhaite savoir ce qui a été fait pour appliquer les recommandations formulées par la Commission nationale des droits de l’homme à l’issue de son enquête sur la situation dans le domaine de la santé procréative.

27.M.  Mariño Men é ndez note que le Kenya est partie à la Convention sur les réfugiés en Afrique, qui retient une définition plus large des réfugiés que celle donnée dans la Convention relative au statut des réfugiés, et demande si le Kenya applique cette définition lorsqu’il examine les demandes présentées notamment par des Somaliens et s’il la reprendra dans son projet de loi sur les réfugiés. Il souhaite savoir si les juridictions kényanes continuent de juger des étrangers, souvent d’origine somalienne, pour actes de piraterie. En ce qui concerne les atteintes aux droits de l’homme commises pendant la période coloniale que le Royaume-Uni a reconnues, M. Mariño Menéndez demande si le Kenya envisage de s’associer à d’éventuelles mesures de réparation.

28.Le Président, soulignant l’importance de la lutte contre l’impunité, qui a aussi un effet préventif, demande des précisions sur ce qui est fait dans la pratique pour garantir que les auteurs de violations soient poursuivis et sanctionnés. Il souhaiterait en particulier savoir où en est la procédure dans les affaires liées aux violences postélectorales et quelle suite a été donnée aux allégations de violations des droits de l’homme commises dans le cadre de l’opération conjointe menée dans la zone de Mandera.

29.M.  Domah (Rapporteur pour le Kenya) demande quel est l’équivalent en dollars des États-Unis du montant des indemnités accordées par les tribunaux aux victimes d’actes de torture. L’octroi de réparations aux victimes d’infractions fait l’objet d’un projet de loi mais certaines plaintes peuvent être traitées par des voies administratives et par les services du Procureur général, à moins que le Kenya n’envisage de créer des tribunaux ou une commission pour examiner ces plaintes qui se comptent par milliers. Il serait intéressant de savoir ce qui est fait dans ce sens.

30.Dans la mesure où le Kenya reconnaît que l’interdiction de la torture est un principe de droit international non susceptible de dérogation et a incorporé les dispositions de la Convention dans son droit interne, il est grand temps qu’il prenne des mesures correctives dans la pratique, comme le demandent la société kényane et la communauté internationale. Même si depuis une date récente il n’existe plus de salles de torture, la culture de la torture n’a pas été supprimée. Les lieux consacrés à la torture ont été fermés mais la pratique n’a pas disparu et se poursuit dans des lieux non identifiés. Le Kenya a eu le courage de lancer les réformes, d’adopter les lois et de créer les institutions nécessaires mais les atteintes aux droits de l’homme ne sont pas liées au système ou aux institutions. Elles sont le fait de certaines personnes. Comment le Kenya entend-il empêcher leurs agissements?

31.Prenant note du nombre élevé de prévenus en détention, M. Domah demande quelles mesures sont prises pour remédier à ce problème. Notant également que les policiers semblent tourner la loi (modifiée) de 2010 relative à la protection des témoins à leur avantage et l’utiliser pour menacer les témoins, il demande si le Service de protection des témoins a été doté des effectifs et des ressources nécessaires à un fonctionnement efficace. M. Domah relève en outre que la peine de mort n’a pas été formellement abolie et que plus de 1 600 condamnés à mort vivent quotidiennement dans la peur de la reprise des exécutions, ce qui représente une forme de torture mentale. Il demande s’il est vrai que les condamnés à mort portent un uniforme portant la mention «condamné» et si les potences sont remises en état de fonctionner tous les jours.

32.M me Sveaass dit qu’elle a lu que 40 personnes s’étaient récemment enfuies d’un hôpital psychiatrique. Elle demande si les circonstances de cet événement ont été élucidées et si une enquête a été menée.

La première partie (publique) de la séance prend fin à 11 h 55.