NATIONS UNIES

CAT

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.

GÉNÉRALE

CAT/C/SR.757

2 janvier 2008

FRANÇAIS

Original: ANGLAIS

COMITE CONTRE LA TORTURE

Trente-huitième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 757e SEANCE

Tenue au Palais Wilson, Genève,

le mercredi 2 mai 2007, à 10 heures

Président: M. MAVROMMATIS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ETATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

Cinquième rapport périodique du Danemark

Suivi de l’article 19

La séance est ouverte à 10 heures

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ETATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 5 de l’ordre du jour)

Cinquième rapport périodique du Danemark (CAT/C/81/Add.2; CAT/C/DNK/Q/5, 5/Rev.1 et 5/Rev.1/Add.1)

A l’invitation du Président, les membres de la délégation du Danemark prennent place à la table du Comité.

Le PRESIDENT se félicite du format et de la teneur du cinquième rapport périodique et des réponses écrite complètes à la liste de questions. Il accueille avec satisfaction la contribution du Danemark aux droits de l’homme de manière générale et à la lutte contre la torture en particulier.

M. VINTHEN (Danemark), présentant le cinquième rapport périodique de son pays, dit que le suivi international, effectif et indépendant, de la conformité aux normes internationales en matière de droits de l’homme est l’un des principaux axes de la politique danoise dans ce domaine. La résolution générale sur la torture que son Gouvernement soumet chaque année à l’Assemblée générale témoigne de l’importance qu’il attache à la lutte contre ce crime. Le Danemark est également disposé à suivre la question de la torture au Conseil des droits de l’homme une fois que cet organe aura décidé comment traiter des questions thématiques avec le maximum d’efficacité. Le Danemark a été le premier à mettre en œuvre les Orientations de l’UE en ce qui concerne la torture, et les droits de l’homme, notamment la suppression de la torture, sont une question transversale et un domaine d’activité à part entière de son programme d’aide au développement.

Il appelle l’attention sur un certain nombre de faits nouveaux intervenus depuis la présentation du cinquième rapport périodique en 2005. Le Gouvernement a pris un ensemble de mesures pour résoudre le problème de surpopulation carcérale, notamment la création de 550 nouvelles places permanentes en établissement pénitentiaire entre 2003 et 2006, le port du bracelet électronique et la relaxe des détenus sur parole pour bonne conduite. En conséquence, le taux d’occupation moyen a diminué, passant de 96-98 % à 92 %, chiffre stable depuis juillet 2006. La mise en place du bracelet électronique s’est avérée positive: le nombre moyen de délinquants porteurs d’un tel bracelet s’est accru et actuellement il se situe entre 80 et 120 chaque jour; 6 à 8 % d’entre eux ont dû être incarcérés, n’ayant pas respecté les conditions du programme.

Les efforts déployés pour faciliter la réadaptation et améliorer les conditions de vie des victimes d’actes de torture ont redoublé. Pour compléter les services existants de soins de santé et de réadaptation, un programme complet sur cinq ans a été mis en place en 2007, dont le coût s’élève à quelque 16 millions de couronnes; on espère qu’il aidera les victimes traumatisées et leur famille à se réinsérer dans la société danoise. De plus, ces trois dernières années, un projet visant à développer des méthodes éducatives adaptées aux personnes traumatisées a été mis en œuvre pour qu’elles apprennent le danois; ce projet est considéré comme une composante majeure du processus de réadaptation.

En décembre 2006 a été adoptée une directive du commandement de forces de défense relative à l’interdiction de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans les forces armées; il s’agit de la compilation des règlements des forces armées danoises dans ce domaine. La directive demande au personnel militaire qui serait témoin d’actes de torture de s’employer activement à mettre un terme à ces actes et de déclarer tous les actes commis ou omis qui constituent à leurs yeux des actes de torture. Pour les forces armées, il est impératif que le personnel militaire soit pleinement conscient de l’interdiction de la torture, notamment lorsqu’il participe à des missions internationales.

M. THORDAL-MORTENSEN, répondant à la question 4 de la liste, dit que son Gouvernement maintient qu’il respecte pleinement les critères de la Convention et qu’aucune obligation ne lui est faite d’incorporer une définition de la torture à sa législation pénale. Toutefois, en 2006, le Ministre de la justice a demandé au Comité permanent de l’administration de la justice pénale d’examiner la possibilité d’incorporer au Code pénal une disposition spéciale sur la torture et sur la prescription des crimes de torture. Le Gouvernement attend le résultat des travaux du Comité permanent et préparera un projet de loi sur l’introduction d’une disposition sur la torture si cela est recommandé.

Passant à la question 9, il dit que la formation de la police insiste beaucoup sur les droits de l’homme. L’Ecole de police coopère étroitement avec le Centre danois pour les droits des l’homme et le Centre de recherche et de réadaptation pour les victimes de la torture qui sont les deux principales institutions à proposer des formations dans ces domaines.

S’agissant du régime cellulaire (questions 10 et 11), il dit que le Gouvernement s’est engagé à diminuer son usage et à assurer l’effectivité de la législation à cet égard. En particulier, les règlements concernant le régime cellulaire à l’encontre de détenus mineurs sont récemment devenus plus stricts, réduisant la durée maximale de l’isolement de 8 à 4 semaines.

Répondant à la question 21, il dit qu’à la lumière des critiques des conseils d’examen des plaintes contre la police formulées ces dernières années, le Ministère de la justice a établi en octobre 2006 un Comité à composition largement ouverte chargé d’examiner le système de traitement des plaintes contre la police et de conduite des procédures pénales engagées à l’encontre d’agents de police. Le Comité devrait présenter son rapport en 2008. Le nombre de plaintes contre la police s’est stabilisé à environ 900 par an au Danemark, mais le nombre continue de varier considérablement au Groenland. Aucune statistique n’est disponible sur la durée de traitement des plaintes déposées contre la police, mais les procureurs régionaux ont récemment obtenu des ressources financières complémentaires pour réduire le temps de traitement de ce genre de dossiers. L’affaire de Jens Arne Ørskov, décédé en garde à vue en 2002, est actuellement en instance devant la Haute Cour.

En réponse à la question 18 relative au suivi du rapport de 2004 de la Commission sur le système judiciaire groenlandais, il dit qu’en application de la recommandation, un Code pénal spécial et une Loi sur l’administration de la justice pour le Groenland sont actuellement en cours d’élaboration; le Gouvernement a également décidé de construire un nouveau centre de détention fermé au Groenland.

M. SCHIOELER (Danemark), répondant à la question 10 sur les cas dans lesquels un détenu a bénéficié de possibilités de fréquenter d’autres détenus se trouvant dans la même situation au cours de son placement en régime cellulaire, propose de consulter les statistiques pertinentes présentées aux pages 11 à 14 des réponses écrites (CAT/C/DNK/Q/5/Rev.1/Add.1).

S’agissant de la question 12, il dit que le mobilier des cellules d’observation se résume à un lit, une table et une chaise d’un seul tenant, l’ensemble étant fixé au sol ou au mur afin de réduire au minimum le risque de blessures pour les détenus ou le personnel pénitentiaire, et la porte de la cellule est équipée d’une fenêtre d’observation en verre armé. Il appelle l’attention sur les statistiques pertinentes des pages 17 à 19 des réponses écrites.

Répondant à la question 13 sur la violente émeute survenue à la prison de Nyborg en février 2004, il expose les restrictions immédiatement imposées et le plan des autorités pénitentiaires pour ramener progressivement la situation à la normale, ainsi qu’il est fait mention dans les réponses écrites. Au milieu du mois de mai 2004, la vie du centre pénitentiaire était redevenue normale et, globalement, les autorités considèrent maintenant que les initiatives prises après l’émeute avaient considérablement contribué à réduire le risque que les troubles ne se reproduisent.

Passant à la question 17, il souligne que les résultats de l’étude de 2006 sur la satisfaction retirée du travail menée parmi le personnel pénitentiaire montrent que presque 9 salariés sur dix sont satisfaits de leurs conditions de travail, mais qu’il reste quelques problèmes à résoudre; ainsi moins de la moitié des personnes interrogées estiment leur supérieur immédiat tout à fait capable de résoudre les conflits et plus de la moitié d’entre elles ont vécu de longues périodes de stress négatif.

En réponse à la question 14, il dit que la Loi de 2004 portant modification de la Loi sur les euphorisants et de la Loi sur l’application des peines prévoit le prélèvement aléatoire d’échantillons d’urine de détenus en vue du dépistage de l’abus éventuel de drogue. Des précisions sur les directives relatives à l’application de ces lois figurent dans les réponses écrites. Une évaluation de la première expérience de ces prélèvements montre qu’il semble qu’elle ait abouti à une diminution de l’abus des drogues en prison.

S’agissant de la question 25, il dit que bien que des statistiques sur la nature des violences et des intimidations entre détenus soient consignées depuis avril 2004, elles ne comportent pas de précisions sur le sexe, l’âge ou la nationalité des détenus agressés. Il appelle l’attention sur les chiffres pertinents figurant à la page 40 des réponses écrites. Pour résoudre ce problème, les services pénitentiaires s’efforcent de protéger les détenus vulnérables en les plaçant dans des quartiers spéciaux. Les trois centres pénitentiaires fermés qui accueillent des femmes ont tous des quartiers séparés pour les femmes, tandis que dans les deux centres "ouverts", les femmes peuvent choisir d’être séparées ou non des hommes. Bien que les jeunes délinquants purgent généralement leur peine dans des institutions sociales sécurisées extérieures au système pénitentiaire, dans les rares cas contraires, ils sont placés dans une prison d’Etat disposant d’un quartier réservé aux jeunes. Les détenus ayant une origine ethnique autre que danoise ne sont pas considérés comme particulièrement vulnérables, mais les services pénitentiaires sont bien conscients qu’ils peuvent avoir des besoins particuliers et ont lancé des initiatives à cet égard.

Répondant à la question 27, il fait référence aux statistiques pertinentes concernant l’isolement volontaire à la page 44 des réponses écrites, qui montrent qu’il y a eu une baisse sensible ces dernières années à la suite d’un certain nombre d’initiatives, notamment la mise en place de plusieurs quartiers semi-ouverts pour les prisonniers vulnérables.

Mme AAMANN (Danemark), revenant sur la question 1, dit qu’un étranger qui ne peut obtenir ni un titre de séjour ni retourner dans son pays d’origine en raison d’un risque de persécutions peut bénéficier d’une "tolérance de séjour" au Danemark. Bien qu’il n’y ait pas de durée maximum de ce type de séjour, les services danois de l’immigration vérifient tous les six mois la persistance de ce risque.

Répondant à la question 2, elle dit que depuis que le statut de réfugié a été aboli de facto en 2002, les titres de séjour ne peuvent être délivrés qu’aux demandeurs d’asile qui bénéficient d’une protection en vertu des conventions internationales. Aux termes de la section 7. 2) de la Loi sur les étrangers, un titre de séjour est délivré à un étranger si le retour dans son pays d’origine lui fait encourir la peine de mort, des actes de torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Le fait qu’un demandeur ait fui la guerre n’est plus suffisant pour se voir accorder l’asile.

En réponse à la question 3, elle dit que sauf décision contraire des autorités compétentes, la possibilité de réexaminer une demande d’asile ou de titre de séjour pour raisons humanitaires ne signifie pas que la décision de renvoyer le demandeur d’asile dans son pays ne sera pas appliquée, même si la date-limite de son départ est dépassée. En 2006, 87 dossiers humanitaires ont été réexaminés. Dans 62 de ces cas, la décision originale a été annulée au bénéfice du demandeur. De 2004 à 2006, le Conseil de recours des réfugiés a examiné 234 demandes d’asile et pour 84 d’entre elles la première décision a été annulée au bénéfice du demandeur.

S’agissant de la question 19, elle dit que les cas de demandeurs d’asile en situation de rétention durant le traitement de leur demande sont rares et impliquent généralement des étrangers qui doivent être expulsés sur décision d’un tribunal ou décision administrative. Ces dossiers sont traités en priorité. La majorité des demandeurs d’asile en situation de rétention le sont après que leur dossier a été rejeté et qu’ils doivent être renvoyés dans leur pays d’origine.

Passant à la question 28, elle dit que les demandeurs d’asile sont généralement hébergés dans des centres d’asile pendant l’examen de leur dossier. Ces centres ne sont pas destinés à des séjours prolongés; la durée maximum que doit prendre l’examen de tels dossiers est de huit mois. Les centres d’asile reçoivent la visite d’infirmières, de médecins, de psychologues, de psychiatres et de kinésithérapeutes. Les soins médicaux sont prodigués à tous les demandeurs d’asile. Les adultes reçoivent une éducation et peuvent participer à différentes activités et effectuer des travaux humanitaires ou autres à titre bénévole. La fermeture de plusieurs centres d’asile au Danemark a eu un effet positif sur le nombre et la qualité des services offerts. Le Gouvernement a affecté 37,6 millions de couronnes danoises en 2006 et 47,5 millions en 2007 à l’amélioration des conditions de vie dans les centres d’asile. En outre ce sont 45,5 millions de couronnes qui ont été affectés à cet égard pour 2008.

En 2006, un certain nombre de mesures ont été prises pour améliorer la vie des enfants et des jeunes vivant dans des centres d’asile, notamment leur offrir la possibilité de s’éduquer dans leur langue maternelle et de participer à des activités éducatives et récréatives (question 29). Tous les enfants bénéficient des soins médicaux, indépendamment du statut de leurs parents au regard de leur demande d’asile. Des garderies sont ouvertes aux enfants de 3 à 6 ans. Les enfants en âge scolaire reçoivent le même enseignement que les élèves danois.

S’agissant de la question des disparitions des centres d’asile des enfants non accompagnés demandant l’asile (question 30), elle dit que des directives spéciales ont été adoptées pour veiller à ce que ces affaires soient traitées avec efficacité. Des cas ont été déclarés à la police locale et aux services danois de l’immigration par la Croix-Rouge danoise et ont fait l’objet d’enquêtes identiques à celles qui sont menées dans les cas de disparitions d’enfants danois. S’il existe des motifs de craindre qu’un enfant disparaisse, il peut faire l’objet d’une surveillance accrue.

M. VINTHEN (Danemark), passant à la question 15 de la liste de questions, dit que son Gouvernement s’emploie à réduire l’usage de l’immobilisation de longue durée de patients dans les établissements psychiatriques. Une évaluation médicale de l’immobilisation est réalisée au moins quatre fois par jour à intervalles réguliers. La décision d’appliquer des mesures d’immobilisation pendant plus de 48 heures est soumise à l’examen spécial d’un médecin qui ne travaille pas dans l’établissement psychiatrique où la mesure est appliquée, qui ne soigne pas le patient et qui n’est pas un subalterne du médecin du patient. Des plaintes relatives à l’immobilisation ont été déposées auprès du bureau local d’enregistrement des plaintes des patients psychiatriques, dont les décisions peuvent faire l’objet d’un recours devant les tribunaux.

La réforme de la Loi sur les traitements psychiatriques a renforcé le statut juridique des patients, notamment par la nomination de conseillers médicaux et la garantie d’une supervision médicale accrue des patients soumis à une immobilisation de longue durée, ainsi qu’un examen médical externe de toute mesure imposée de force (question 16). La Loi comporte désormais de nouvelles dispositions, notamment sur l’hygiène personnelle obligatoire et l’inspection des chambres des patients, de leur courrier et de leurs objets personnels. Le patient doit être informé oralement et par écrit de la mesure envisagée. Les décisions d’imposer des mesures de force équivalant à une détention peuvent faire l’objet d’un recours devant les tribunaux.

Le Médiateur du Parlement danois continuera à inspecter systématiquement les lieux de détention (question 32). A la lumière de l’expérience acquise lors de l’application du Protocole facultatif à la Convention, son Gouvernement réfléchira à la mise en place éventuelle d’autres mécanismes préventifs.

M. GROSSMAN, Rapporteur du Comité pour l’examen du rapport du Danemark, souligne l’importance que le Comité attache à l’incorporation de la Convention et de la définition du crime de torture dans la législation nationale. Il rappelle la recommandation de la Commission d’incorporation, selon laquelle la Convention doit être incorporée dans le droit interne danois, et réitère les motifs de cette recommandation. L’incorporation de la Convention contribuera à prévenir les actes de torture, sensibiliser à la Convention et assurer l’application de ses dispositions par les tribunaux.

Au cours des consultations avec des ONG, des préoccupations ont été exprimées sur la torture psychologique qui, en raison de sa nature, ne laisse aucune trace physique. Il demande à la délégation d’expliquer si la législation danoise inclut ce traitement dans la définition de la torture.

S’agissant de la juridiction visée à l’article 3 de la Convention, il rappelle la détention de 31 personnes par l’armée danoise en Afghanistan en 2002. Il souhaite des informations sur le critère établissant la juridiction qui détermine l’applicabilité extraterritoriale de la Convention aux termes du droit danois.

S’exprimant sur l’obligation faite aux candidats de prouver leur attachement au lieu où ils cherchent à obtenir la citoyenneté danoise ou un titre de séjour, il souligne la nécessité de rendre la justice avec une certaine souplesse et d’aménager des exceptions dans des cas dignes d’intérêt. C’est notamment souhaitable à l’égard des victimes d’actes de torture souffrant de troubles de stress post-traumatiques chroniques qui les empêchent de satisfaire aux conditions d’insertion dans leur société d’adoption. Il s’interroge sur les moyens disponibles pour aménager des exceptions dans de telles circonstances particulières.

Il a l’impression que certains pays, y compris le Danemark, ont modifié leur législation sur l’immigration et les réfugiés pour que les personnes qui ont fui leur pays en raison d’un conflit armé national ou international n’obtiennent pas de facto le statut de réfugié, ainsi qu’il était possible auparavant. Dès lors, il voudrait savoir si le Danemark attache une valeur politique, juridique ou éthique au fait d’avoir signé les recommandations du Conseil de l’Europe à cet égard, et quelles sont les incidences de cette approche pour le Danemark au regard de l’article 3 de la Convention contre la torture. Dans le même esprit, il pose la question de l’utilisation de l’espace aérien et des aéroports danois aux fins de transfèrements extrajudiciaires et demande quelle valeur le Gouvernement accorde au rapport et aux recommandations sur les transfèrements extrajudiciaires adoptés par le Parlement européen en février 2007.

S’agissant de l’article 4 de la Convention, il dit qu’en vertu du droit international, les crimes contre l’humanité échappent à la prescription. Selon lui, le paragraphe 2 de l’article 4 et le paragraphe 2 de l’article 16 de la Convention offrent des arguments convaincants pour considérer les actes de torture d’une gravité telle que l’application d’une prescription constitue une violation des obligations contractées par les Etats parties aux termes de la Convention. C’est pourquoi il demande à la délégation d’expliquer pourquoi le Gouvernement danois applique des prescriptions dans les cas d’actes de torture.

Citant la section 36 du Code pénal militaire danois, il demande à la délégation de confirmer son interprétation du fait que la négligence ne peut servir de base à l’engagement de poursuites pénales dans les cas d’acte de torture. Il demande quel est le motif de cette exclusion car il s’agit par ailleurs d’une composante subjective bien établie de responsabilité pénale.

S’agissant de l’article 6, il appelle l’attention sur la décision d’acquitter les accusés qui auraient fait usage de mesures excessives au cours de l’interrogatoire de détenus iraquiens et fait observer que le chef d’accusation porté était celui de manquement mineur aux devoirs d’une charge. Il s’interroge à ce sujet, déclarant que la pratique de porter des chefs d’accusation mineurs compromettait sérieusement l’obligation de rendre des comptes et le refus de l’impunité.

Il demande également s’il existe des mécanismes qui permettent aux étrangers ayant purgé leur peine de rétablir leur réputation s’ils ont véritablement changé et ne constituent plus une menace pour la société. Selon le paragraphe 6 des réponses écrites (CAT/C/DNK/Q/5/Rev.1/Add.1), ils semblent être condamnés à jamais à être considérés par les autorités et la société danoise comme de dangereux criminels.

S’agissant de la question 3 de la liste des questions, il demande s’il existe certains motifs exceptionnels, ainsi qu’il apparaît au paragraphe 18 des réponses écrites, qui ont permis à des personnes de solliciter le réexamen d’une décision en application de la section 33 de la Loi danoise sur les étrangers. De même, il souhaite connaître les motifs qui sous-tendent l’amendement des dispositions de la section 33 de la Loi sur les étrangers régissant les demandes de titre de séjour pour raisons humanitaires, selon lequel, en vertu de la section 9 b), la décision sur la recevabilité de la demande sera désormais prise avant que la demande d’asile ne soit définitivement jugée en application de la section 7.

Passant à l’introduction de la définition de la torture dans la législation pénale danoise et au projet d’incorporer une disposition spéciale sur l’interdiction de la torture au nouveau Code pénal militaire, il demande quand le Comité permanent qui examine cette question, ainsi qu’il apparaît aux paragraphes 28 et 30 des réponses écrites, présentera ses recommandations au Gouvernement.

M. WANG Xuexian dit qu’il aimerait connaître le sort réservé aux Afghans remis par les forces danoises aux militaires des Etats-Unis. Faisant observer qu’il y a eu des appels en faveur d’une enquête indépendante sur cette affaire, en plus de l’examen dont a parlé le Ministère danois de la défense, il dit que cet examen semble avoir été effectué de manière assez hâtive et sans que les personnes remises aux Etats-Unis n’aient été interrogées.

Il demande des renseignements sur la durée du régime cellulaire au cours de la détention préventive et dit que le Comité se félicite de l’adoption d’un projet de loi visant notamment à réduire le nombre de cellules d’isolement et la durée de cet isolement, ainsi qu’à améliorer les conditions dans lesquelles le régime cellulaire est imposé dans le cas de mineurs. Toutefois, il se préoccupe du fait qu’il semble ne pas y avoir de limites bien définies à l’isolement de personnes soupçonnées d’actes de terrorisme et demande à la délégation de clarifier la situation de ces suspects.

Il revient à l’affaire de Jens Arne Ørsksov et au fait que certains participants aux débats autour de cette affaire ont préconisé la mise en place de nouveaux mécanismes permettant des enquêtes rapides, impartiales et indépendantes. Le paragraphe 178 des réponses écrites a fait état de l’institution d’un Comité largement représentatif chargé d’examiner et d’évaluer le système actuel de traitement des plaintes contre la police. Il note que le Comité devrait soumettre un rapport d’ici l’été 2008 mais aimerait en savoir plus sur les travaux du Comité à ce jour.

Il voudrait également davantage de renseignements sur les suites des émeutes de Copenhague en mars 2007, notamment sur le nombre de personnes arrêtées et la durée de leur détention, et savoir si des plaintes en relation avec les événements intervenus au cours de la période de troubles ont été déposées contre la police.

M. MARIÑO MENÉNDEZ demande davantage d’informations sur la situation juridique des étrangers bénéficiant d’une "tolérance de séjour", ainsi ont-ils droit à une aide sociale, leurs enfants ont-ils le droit de fréquenter l’école et leur statut est-il modifié d’une manière quelconque lorsqu’ils ont séjourné deux ans dans le pays ? Comme le Danemark n’a pas complètement adhéré à l’Accord de Schengen, il demande quelles sont les dispositions appliquées et dans quelle mesure l’Etat partie reconnaît les visas et titres de séjour d’autres pays européens.

La Convention étant directement applicable par les tribunaux nationaux, il ne comprend pas que l’Etat partie n’incorpore pas la définition de la torture de la Convention à la législation interne, une définition qui, à l’instar des définitions des réfugiés et du génocide, est acceptée pratiquement dans le monde entier.

Passant à la réponse de l’Etat partie à la question 3 de la liste, il demande s’il est vrai que seul un dossier de demandeur d’asile peut donner lieu à la délivrance d’un titre de séjour pour raisons humanitaires ou s’il existe une autre possibilité d’obtenir un titre de séjour en dehors de la procédure de demande d’asile.

Il demande qu’on lui précise si l’Etat partie considère ou non les demandes du Comité d’appliquer des mesures provisoires, telles que la suspension de la procédure ou de l’action pendant l’examen de la plainte, comme contraignantes, bien qu’il note que l’Etat partie a déjà fait preuve de bonne foi en tenant compte de ses recommandations. Enfin, s’agissant de la question 19, il demande si des détenus qui ne sont pas demandeurs d’asile peuvent bénéficier de l’aide juridictionnelle.

Mme BELMIR exprime son inquiétude quant au fait que la Loi sur l’administration de la justice ne comporte aucune disposition relative à l’application du régime cellulaire au Groenland alors que l’isolement y existe bel et bien. Elle demande s’il existe une échelle progressive ou une liste des mesures acceptables concernant le traitement, la peine et la détention, si les détenues sont prises en charge par des gardiennes et des femmes agents de police et s’il existe des heures légales pour effectuer les perquisitions.

Elle s’inquiète du fait qu’il n’existe aucune disposition au Groenland sur la divulgation ou à la transmission aux tribunaux de documents pertinents et se demande comment les tribunaux peuvent prendre des décisions en toute connaissance de cause sans avoir accès à l’ensemble des faits. Elle se préoccupe également de la persistance de l’application du régime cellulaire, y compris pour les mineurs, et demande si ces derniers ont droit à un traitement spécial dans la pratique. Elle demande des explications sur la situation des délinquants malades mentaux qui, selon les réponses écrites de la délégation, sont soumis aux sanctions imposées par la police, les tribunaux n’intervenant que pour apporter des modifications ou mettre un terme à ces sanctions.

Mme SVEAASS se félicite des efforts engagés par l’Etat partie pour réduire l’application du régime cellulaire aux mineurs mais le prie instamment d’abolir cette pratique, ainsi que le recommande le Comité des droits de l’enfant, notamment compte tenu des effets négatifs que le régime cellulaire peut avoir sur ce groupe vulnérable. Elle accueille également avec satisfaction la hausse du budget alloué à l’amélioration des conditions dans les centres de demandeurs d’asile, mais, faisant observer que beaucoup d’entre eux sont au Danemark depuis plus de trois ans et certains depuis neuf ans, elle demande si l’Etat partie compte accorder une amnistie aux demandeurs d’asile qui sont dans le pays depuis plus de trois ans, notamment ceux qui ont des enfants. Enfin, compte tenu des conséquences psychologiques et mentales subies par les victimes d’actes de torture, qui peuvent affecter leur capacité à satisfaire aux critères linguistiques pour l’acquisition de la nationalité danoise, elle demande si ces personnes peuvent bénéficier d’un régime spécial.

Le PRESIDENT dit qu’il estime les signes de progrès dans l’Etat partie encourageants et l’exhorte à avancer vers une interdiction claire et totale de la torture et à poursuivre ses efforts en vue de restreindre l’application du régime cellulaire. Enfin, bien qu’il se félicite que l’Etat partie reconnaisse la compétence d’institutions telles que la Cour européenne des droits de l’homme, il insiste sur l’importance de la Convention qui est un instrument universel, et sur la jurisprudence du Comité pour promouvoir une interdiction totale de la torture.

La séance est suspendue à 12 heures 15 et reprise à 12 heures 40.

Suivi de l’article 19

M. MARIÑO MENÉNDEZ, Rapporteur en charge du suivi pour les Etats-Unis d’Amérique, dit que la date-limite de réception de la réponse de l’Etat partie n’est pas encore dépassée et qu’il pense la recevoir prochainement. En juin 2006, la Cour suprême a estimé que le Président avait outrepassé ses pouvoirs en créant des commissions militaires spéciales habilitées à juger, par exemple, des détenus de Guantánamo Bay, et a déclaré ces commissions inconstitutionnelles. Après cette décision, une nouvelle loi régissant ces commissions militaires a été promulguée en octobre 2006. Les commissions fonctionnent actuellement et ont pris leurs premières décisions en mars 2007. En avril 2007, la Cour suprême a rejeté un recours remettant en cause la constitutionnalité des commissions militaires rétablies, formé par deux groupes de détenus de Guantánamo, déclarant qu’elle préférait dans un premier temps observer le fonctionnement pratique des commissions et attendre des décisions connexes de tribunaux inférieurs.

En septembre 2006, le Pentagone a publié deux nouvelles directives relatives à l’interrogatoire des détenus, visant à interdire les techniques pouvant être jugées dégradantes, notamment certaines pratiques citées par le Comité. Il attend également que l’Etat partie réponde aux préoccupations exprimées par le Comité concernant les listes de détenus, le transfèrement extrajudiciaire, le respect du principe de non-refoulement, l’application régulière de la Loi aux détenus de Guantánamo et la fermeture du centre, les pratiques d’interrogatoire, les conditions de détention pour les femmes et les enfants et d’autres préoccupations sur certaines interventions de la police de Chicago. Il est convaincu que l’Etat partie a pris bonne note des préoccupations du Comité et qu’il présentera bientôt sa réponse.

La séance est levée à 12 heures 50.

-----