NATIONS UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.

GÉNÉRALE

CAT/C/SR.460

3 septembre 2001

Original: FRANÇAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Vingt‑sixième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 460e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,

le mercredi 2 mai 2001, à 10 heures

Président: M. BURNS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION

DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Troisième rapport périodique de la Grèce

QUESTIONS D’ORGANISATION ET QUESTION DIVERSES

_______________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l’une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document , à la Section d’édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

La séance est ouverte à 10 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Examen du troisième rapport périodique de la Grèce (CAT/C/39/Add.3)

1.Sur l’invitation du Président, M. Spinellis et Mme Papamitropoulos (Grèce) prennent place à la table du Comité.

2.M. SPINELLIS (Grèce), présentant le troisième rapport périodique de son pays (CAT/C/39/Add.3), rappelle tout d’abord que la Constitution grecque non seulement interdit la torture, comme l’ont fait toutes les constitutions antérieures depuis 1823, mais fait en outre obligation au législateur de qualifier les actes de torture d’infractions pénales. Une loi de 1994 a d’ailleurs ajouté quatre articles au Code pénal tendant à criminaliser la torture et tous les actes attentatoires à la dignité humaine, faisant de ceux‑ci des infractions passibles, en fonction de la gravité des faits, de 5 à 20 ans de privation de liberté, et même d’emprisonnement à perpétuité en cas de décès de la victime. La Grèce a ratifié la Convention contre la torture et la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, et collabore régulièrement avec le Comité européen pour la prévention de la torture.

3.En vertu d’une loi adoptée en 1995, un procureur près la Cour d’appel assisté d’un substitut est détaché chaque année auprès des quatre principaux établissements pénitentiaires du pays, l’objectif étant d’assurer en permanence le respect de la légalité. Il y a lieu de noter que les procureurs sont des magistrats bénéficiant des mêmes protections que les juges et que lorsqu’ils sont détachés auprès d’un établissement pénitentiaire, ils jouissent d’une indépendance totale et ont toute liberté pour faire respecter les droits de l’homme et s’assurer que la torture n’est pas pratiquée. Les autres prisons du pays sont supervisées par un représentant du ministère public qui s’y rend une fois par semaine.

4.La même loi de 1995 a porté création du Conseil technique central des prisons, organe composé notamment de juristes et d’experts éminents, du chef de la Direction générale de la politique en matière correctionnelle, de l’inspecteur chargé du contrôle sanitaire et du responsable du service social judiciaire. Le Conseil fait des propositions au Ministère de la justice concernant la politique en matière correctionnelle et le fonctionnement des établissements pénitentiaires, visite les prisons et supervise la formation des personnels pénitentiaires. En vertu de la même loi, chaque prison est dotée d’un conseil pénitentiaire composé du directeur de la prison, du psychologue ou du travailleur social principal et d’un spécialiste (avocat, éducateur, etc.); ce conseil s’occupe de la formation des prisonniers et de leurs relations avec le monde extérieur. Enfin, de par cette loi, les effectifs des établissements pénitentiaires, et notamment des psychologues et des travailleurs sociaux, ont été augmentés.

5.Au cours de leur formation, les gardiens de prison se familiarisent avec le règlement pénitentiaire mais aussi avec les instruments des Nations Unies et du Conseil de l’Europe relatifs aux droits de l’homme. Récemment, le règlement pénitentiaire de 1989 a été profondément remanié et amélioré, par exemple en ce qui concerne les permissions de sortie ou la gestion des mutineries, qui doit désormais être confiée à un procureur.

6.Conformément aux dispositions de l’article 12 de la Convention, toute plainte déposée à l’encontre du personnel pénitentiaire pour voies de fait ou actes de torture fait non seulement l’objet d’une enquête de la part de l’autorité judiciaire, mais donne aussi lieu à une procédure disciplinaire. Entre 1994 et 1997, cinq plaintes de ce genre seulement ont été déposées et, après enquête, il a été établi que les accusations portées étaient sans fondement.

7.Abordant une série de questions non évoquées dans le rapport (CAT/C/39/Add.3), M. Spinellis indique que trois organes totalement indépendants du pouvoir exécutif ont été mis sur pied en 1997 et 1998, à savoir le Comité national des droits de l’homme, habilité à recevoir des plaintes concernant des violations des droits de l’homme, un organe spécial chargé d’enquêter sur les atteintes au droit à la vie privée, sur la gestion des données individuelles, etc., et enfin, un médiateur, qui a déjà traité plus de 1 000 plaintes. Par ailleurs, une loi de 1999 a mis en place un système d’assistance judiciaire gratuite pour les personnes démunies. Enfin, un décret présidentiel garantit désormais le respect des droits des demandeurs d’asile et protège notamment les femmes et les enfants; ce décret consacre en particulier le principe du non‑refoulement des requérants pendant que leur demande est à l’étude. Une loi toute récente et non encore publiée prévoit la mise en place une d’une nouvelle réglementation à ce sujet.

8.Les conditions de détention dans les commissariats de police sont un grave sujet de préoccupation pour les autorités grecques. Chaque commissariat dispose de locaux permettant de garder des personnes arrêtées sur décision d’un juge ou prises en flagrant délit, des personnes en état d’ivresse ou des malades mentaux, mais aussi des étrangers en situation irrégulière en attente d’expulsion. Il y a quelques années, ces derniers ne posaient pas de problèmes particuliers car ils étaient peu nombreux. Récemment en revanche, le nombre d’immigrants clandestins a augmenté d’une manière spectaculaire; selon les données les plus récentes, sur les 11 millions d’habitants que compte la Grèce, il y aurait quelque 800 000 immigrants, dont beaucoup sont en situation irrégulière et quelques‑uns sont des malfaiteurs appartenant souvent à des bandes organisées. Les étrangers détenus dans les commissariats avant d’être expulsés sont d’autant plus nombreux qu’ils y restent trop longtemps, soit qu’ils n’aient aucun document d’identité, soit qu’ils aient de faux papiers, soit encore qu’ils refusent de faire des démarches auprès de leur consulat, qu’ils présentent une demande d’asile non fondée mais donnant lieu à une longue procédure, soit enfin qu’ils résistent au moment d’être expulsés.

9.Les décisions d’expulsion sont prises par l’administration, et notamment les autorités de police dans le cas des immigrants clandestins ou par l’autorité judiciaire dans le cas des malfaiteurs; ces derniers ne sont normalement expulsés en application d’un jugement qu’après avoir purgé leur peine, mais il peut arriver qu’ils le soient immédiatement. Avant d’être expulsées, toutes ces personnes sont placées dans des cellules de commissariat de police, prévues à l’origine pour cinq à dix personnes et où s’entassent maintenant 40 à 50 détenus, dans des conditions lamentables qui ont été dénoncées par le Comité européen pour la prévention de la torture.

10.Confrontées à cette situation nouvelle, les autorités ont pris un certain nombre de mesures. Tout d’abord, une nouvelle disposition législative permet désormais de délivrer un permis temporaire de résidence à ces personnes jusqu’à ce que leur cas ait été tranché, et ce dans des conditions analogues à celles consenties aux personnes en attente de jugement: obligation de se présenter au commissariat à intervalles réguliers, de faire connaître leur lieu de résidence, etc. La même loi définit avec précision les conditions régissant les expulsions administratives. Tout étranger condamné à plus d’un an de prison peut, par exemple, être expulsé sans purger auparavant sa peine; une mesure d’expulsion peut être automatiquement suspendue pour des raisons humanitaires par décision non de la police, mais d’une autorité administrative supérieure; une personne peut être placée en rétention s’il y a lieu de craindre qu’elle disparaisse. Autre mesure d’urgence, le Ministère de l’intérieur a donné pour consigne à tous les commissariats de remettre en état leurs locaux et de les entretenir, et a lancé un vaste programme de construction ou de rénovation des lieux de rétention. Enfin, toujours à titre provisoire, une loi de 1999 prévoit que les étrangers frappés d’une mesure d’expulsion prise par une autorité judiciaire ne seront plus détenus dans les commissariats, mais dans des établissements pénitentiaires, ce qui déplace bien sûr le problème vers ces derniers.

11.Un programme est d’ailleurs en cours pour augmenter la capacité du système pénitentiaire grec car, à l’heure actuelle, des établissements normalement prévus pour accueillir 4 300 prisonniers au total en hébergent le double. Quand ce programme sera achevé, plus de 8 000 places auront été créées.

12.En ce qui concerne les droits des détenus, des circulaires rappellent régulièrement aux policiers qu’ils ont l’obligation d’appliquer rigoureusement la législation pertinente et que de lourdes sanctions pénales et disciplinaires sont prévues pour ceux qui ne respectent pas ces règles. La première d’entre elles est de respecter le droit qu’a tout détenu ‑ y compris s’il est en attente d’expulsion ‑ d’avertir sa famille et son consulat de sa situation. Des affichettes informant les détenus de leurs droits, publiées en 14 langues, doivent être apposées visiblement dans les locaux où ils sont retenus. Ceux qui sont démunis ont droit à l’assistance judiciaire. Enfin, les représentants du Haut‑Commissariat pour les réfugiés et des organisations non gouvernementales doivent avoir accès à tous les lieux de détention.

13.Lors de la formation initiale comme de la formation en cours d’emploi, un enseignement est dispensé aux policiers à tous les niveaux de la hiérarchie sur les droits de l’homme, les conventions internationales, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, etc. En outre, un petit manuel distribué à tous les fonctionnaires de police contient des instructions au sujet de la conduite à tenir afin de respecter la dignité et la personnalité des détenus.

14.Pour ce qui est des sanctions infligées en cas de violations, M. Spinellis indique qu’entre 1996 et 2000, 163 plaintes pour mauvais traitements ont été déposées contre des policiers et ont donné lieu à une procédure disciplinaire avec les résultats suivants: 24 policiers ont fait l’objet de sanctions disciplinaires, 121 affaires ont été classées sans suite et 18 cas sont encore en instance. Sur l’ensemble de ces cas, 52 avaient trait à des infractions pénales, parmi ces 52 cas 18 ont fait l’objet d’une instruction et d’un procès qui a abouti à un non‑lieu ou à un acquittement pour absence de preuves et 34 sont encore pendants.

15.Le PRÉSIDENT (Rapporteur pour la Grèce) remercie le représentant de la Grèce pour la précision de son exposé. Il relève tout d’abord que cet État compte parmi ceux, relativement peu nombreux, qui n’ont pas émis de réserves à l’article 20 et ont fait la déclaration prévue à l’article 22 de la Convention ‑ manifestant ainsi leur attachement aux principes consacrés par la Convention. Il signale qu’eu égard à l’introduction récente de l’assistance judiciaire, notamment dans le cadre de la procédure de demande d’asile, il se pourrait bien que dans un avenir proche, les communications mettant en cause la Grèce adressées au Comité au titre de l’article 22 se multiplient. En effet, l’expérience montre que 90 % des communications de ce type émanent de demandeurs d’asile.

16.Ainsi qu’il a été dit lors de l’examen d’un rapport précédent, le système judiciaire grec est tout à fait remarquable et conforme aux exigences de la Convention. Mais le présent rapport étant fort succinct, il appelle quelques précisions, dont certaines ont d’ailleurs déjà apportées oralement; ainsi, des statistiques très récentes viennent d’être fournies au sujet de la suite donnée aux plaintes formulées à l’encontre de policiers. M. Burns souhaiterait que lui soient fournis quelques exemples de sanctions disciplinaires prises à l’encontre de fonctionnaires, ainsi que des précisions sur la gravité des faits pour lesquels elles ont été imposées.

17.Dans le passé, le Comité s’est inquiété de l’usage excessif de la force dans les commissariats grecs; des ONG affirment que des abus continuent d’y être commis, tout particulièrement à l’encontre des Roms et des étrangers, il serait donc utile de savoir quelle stratégie les autorités ont adoptée pour s’attaquer à ce problème qui, au demeurant, n’est pas propre à la Grèce. Se fondant sur des cas précis, des extraits du rapport du médiateur et des données statistiques, une ONG locale d’Helsinki Monitor, affirme qu’il règne en Grèce une culture de l’impunité: il serait utile d’entendre à ce sujet les commentaires de la délégation.

18.Le Comité a à sa disposition un rapport publié par le Comité européen pour la prévention de la torture en 1994 au sujet d’une mission qui a eu lieu en 1993. Il s’agit donc d’un document déjà ancien et il semble que plusieurs autres rapports ont été établis depuis lors par ledit Comité, en 1996, 1997 et 1999: M. Burns voudrait savoir pourquoi ils n’ont pas été publiés et, si possible, quelles en étaient les conclusions et quelle suite y a été donnée.

19.M. BURNS demande à la délégation si elle peut répondre à l’allégation de l’Observatoire grec des accords d’Helsinki selon laquelle la police procède à des rafles pour arrêter les immigrants en situation irrégulière. Si de telles opérations ont effectivement lieu, quelle est l’opinion du Gouvernement sur la question de leur compatibilité avec la Convention européenne des droits de l’homme?

20.De plus, selon l’Observatoire les procureurs et les juges favorisent une culture de l’impunité, ce dont témoigne l’indulgence avec laquelle sont jugés les agents des forces de l’ordre accusés d’avoir infligé des mauvais traitements à des immigrants en situation irrégulière. L’indépendance de ces magistrats n’est pas en cause, mais leur attitude montrerait qu’ils n’attachent pas l’importance voulue au respect des droits des immigrants clandestins. Que pense l’État partie de cette allégation?

21.Enfin, le Président demande à la délégation de commenter la décision de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Dougoz c. Grèce. Dans ses conclusions, le requérant, un immigrant en situation irrégulière qui avait été détenu pendant une longue période fait valoir que, n’ayant pas été placé en détention sur décision administrative ou judiciaire, il n’a pu se prévaloir d’aucune voie de recours interne pour contester cette mesure. Faut-il donc comprendre qu’une personne privée de liberté par une autorité autre que judiciaire ou administrative n’a pas le droit d’habeas corpus dans l’État partie?

22.M. RASMUSSEN (Corapporteur pour la Grèce) rappelle que la Grèce a joué un rôle de premier plan dans la recherche sur les aspects médicaux de la question de la torture. En effet, le premier congrès international sur cette question s’est tenu en 1979 à Athènes et les premiers séminaires dans ce domaine ont été organisés en Grèce. Par ailleurs, peu après la précédente session du Comité, M. Rassmussen a eu l’occasion de présenter les activités du Comité dans le cadre d’un séminaire sur la torture organisé par l’Université d’Athènes.

23.Le Corapporteur note avec satisfaction que les informations succinctes figurant dans le rapport ont été largement complétées par les réponses orales. Il regrette toutefois l’absence de renseignements sur la suite donnée à l’une des recommandations que le Comité avait faites, lors de l’examen du deuxième rapport périodique de la Grèce au sujet de la sensibilisation du personnel médical à l’interdiction de la torture (A/49/44, par. 157). Il souhaite savoir quelles mesures ont été prises ou sont prévues par le Gouvernement dans ce domaine. Étant donné que l’une des tâches assumées par les centres de réadaptation des victimes de la torture consiste à former le personnel de police, il serait naturel qu’ils se chargent également de la formation des médecins attachés aux établissements pénitentiaires.

24.Le Corapporteur relève avec satisfaction que, d’après le rapport, des cours consacrés aux droits de l’homme sont organisés à l’intention des nouveaux gardiens de prison, il aimerait savoir si l’interdiction de la torture fait partie des sujets enseignés.

25.En ce qui concerne les interrogatoires, M. Rasmussen souhaite savoir s’ils sont enregistrés sur cassette audio ou vidéo, et si l’heure à laquelle ils commencent et finissent et le nom des fonctionnaires qui y participent et des personnes présentes sont consignés. En outre, les règles, instructions, méthodes et pratiques en matière d’interrogatoire font-elles l’objet d’une surveillance systématiques conformément à l’article 11 de la Convention?

26.Pour ce qui est des dispositions des articles 12 et 13 de la Convention, la délégation a indiqué dans sa présentation orale que 1 000 plaintes avaient été reçues par le médiateur. Combien d’entre elles portaient sur des violations de la Convention?

27.En ce qui concerne l’indemnisation et la réadaptation (art. 14 de la Convention), le Corapporteur voudrait savoir quel est le montant et l’origine des indemnités versées aux victimes de la torture, si la procédure de réclamation est engagée automatiquement ou sur l’initiative de la victime et si le droit à réparation est prévu aussi bien dans le Code civil que le Code pénal. Par ailleurs, le comportement des fonctionnaires publics qui sont déclarés coupables d’actes de torture engagent‑ils la responsabilité de l’État et existe-t-il une voie autre judiciaire pour indemniser les victimes de la torture?

28.Dans l’optique des dispositions de l’article 15, le Corapporteur demande quelles sont les garanties légales permettant d’éviter qu’une déclaration obtenue par la torture ne soit retenue comme élément de preuve dans une procédure.

29.Pour ce qui est de l’interdiction des mauvais traitements par les agents de la force publique qui est prévue à l’article 16 de la Convention, le Corapporteur signale qu’il a appris l’existence d’une brochure en 14 langues visant à informer les prévenus et détenus de leurs droits, or cette brochure n’est semble t‑il pas utilisée. Il demande à la délégation de donner des éclaircissements sur ce point. En outre, d’après Human Rights Watch et Amnesty International, les conditions de détention dans l’État partie peuvent être assimilées à un traitement cruel, inhumain et dégradant, principalement en raison du surpeuplement carcéral. Il est toutefois tout à fait positif que le Comité n’ait reçu aucune allégation de torture imputable au personnel pénitentiaire et que la surveillance des prisons soit bien assurée ainsi qu’il a été indiqué dans le rapport et pendant la présentation orale.

30.Le Corapporteur souhaite, par ailleurs, obtenir des chiffres exacts sur la capacité des établissements pénitentiaires ainsi que sur le nombre de détenus mineurs et adultes et celui des immigrants en situation irrégulière retenus dans (les postes de police et d’autres centre de rétention). Il souhaite également savoir quelles mesures le Gouvernement a l’intention de prendre pour résoudre le problème du surpeuplement carcéral, sachant que la solution ne réside pas uniquement dans la construction de nouveaux centres de détention. À ce problème s’ajoute celui du manque de personnel qui, d’après un article paru récemment dans la presse grecque, serait particulièrement aigu dans les services de probation pour mineurs en raison des départs à la retraite. Existe-t-il un manque de personnel analogue dans les établissements pénitentiaires et, si tel est le cas, que compte faire le Gouvernement pour y remédier?

31.Le Corapporteur se félicite du projet tendant à faire en sorte que seule la police intervienne en cas de mutinerie dans les prisons. Il serait toutefois préférable de prévenir les mutineries ainsi que la violence entre détenus. Quelles mesures sont prises à cette fin?

32.En ce qui concerne les immigrants en situation irrégulière privés de liberté, le Corapporteur voudrait savoir quel est leur pourcentage et quels sont les motifs de leur détention. D’après des organisations non gouvernementales, un certain nombre d’entre eux sont retenus dans des postes de police. Les autorités grecques sont certes débordées par l’afflux massif d’immigrants clandestins, mais les locaux de la police ne sauraient être utilisés pour retenir des personnes pendant des périodes prolongées. Le Corapporteur recommande donc au Gouvernement de faire construire des centres de rétention destinés spécialement aux immigrants en situation irrégulière, où ces personnes pourront notamment avoir accès aux médias (radio, télévision, presse écrite) et à des soins médicaux. M. Rasmussen souhaite connaître la réaction de l’État partie à cette proposition.

33.Il ressort d’une affaire évoquée par une organisation non gouvernementale que, le traitement des personnes qui refusent d’être expulsées du pays est préoccupant. Existe-t-il des instructions à l’intention de la police concernant la manière dont elle devrait se comporter dans ce type de situation?

34.Se référant au rapport de 1993 du Comité européen pour la prévention de la torture, M. Rasmussen demande s’il a été donné suite aux recommandations qui y figurent concernant l’amélioration des conditions carcérales dans les centres de détention de Piraeus et de Kyrydallas et l’instauration d’un contrôle médical pour les détenus à leur arrivée en prison.

35.Le PRÉSIDENT rappelle que la Grèce est un des principaux contributeurs au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture, ce à quoi le Comité accorde une grande importance.

36.Mme GAER s’étonne, étant donné la masse d’informations dont dispose la délégation, que le troisième rapport périodique de la Grèce soit aussi succinct. Il donne certes un aperçu complet et à jour du cadre législatif mais ne contient pas de données statistiques. Or, il est difficile de savoir, en l’absence de chiffres sur le nombre de détenus et d’autres personnes privées de liberté, si les ONG ont raison de dénoncer le surpeuplement carcéral en Grèce. Le Comité aimerait recevoir des statistiques sur la population pénitentiaire selon le sexe, l’appartenance à une minorité ou l’origine nationale. Que faut-il penser des allégations portées par l’Observatoire grec des Accords d’Helsinki selon lesquelles les autorités procéderaient à l’établissement d’un «profil racial» de la population? D’autre part, un manuel publié par la police grecque désignerait comme criminels par définition les prostitués, les homosexuels, les toxicomanes, les migrants et les Roms. Cette information est‑elle exacte?, Mme Gaer souhaiterait par ailleurs obtenir confirmation du fait que les réfugiés sont, dans leur grande majorité, de nationalité afghane, iraquienne, iranienne ou turque. Dans quelle sorte d’installations sont‑ils hébergés et font-ils l’objet de mesures de protection particulières ? La délégation pourrait‑elle aussi fournir des informations supplémentaires sur le traitement réservé dans les prisons pour femmes aux détenues ayant des enfants en bas âge avec elles et aux femmes enceintes? Les autorités pénitentiaires procèdent‑elles à un suivi de la violence sexuelle en milieu carcéral, tant dans les établissements pour hommes que dans les établissements pour femmes? Existe‑t-il une procédure permettant aux victimes de porter plainte? Mme Gaer aimerait également savoir comment les autorités grecques ont réagi aux accusations de traite des femmes – en particulier d’immigrantes illégales originaires de l’ex‑URSS attirées dans des réseaux de prostitution – ou de complicité dans la traite des femmes portées contre la police. Elle demande enfin comment sont réglées les affaires de droit civil – divorces et mariages par exemple – des membres de la communauté turque lorsqu’il y a contradiction entre le droit turc et le droit grec.

37.M. YAKOVLEV souhaiterait obtenir le texte de l’article 1.3.7 du Code pénal relatif aux obligations incombant à la Grèce en vertu de la Convention afin d’en vérifier la conformité avec l’article premier de la Convention.

38.M. HENRIQUES GASPAR aimerait savoir quels sont les liens entre le ministère public et le Ministère de la justice et quelles sont les conditions de nomination des membres du ministère public, et en particulier du Procureur général.

39.Le PRÉSIDENT invite la délégation grecque à se présenter à une séance ultérieure pour répondre aux questions du Comité.

40. La délégation grecque se retire.

La séance est suspendue à 11 h 40; elle est reprise à 12 heures.

QUESTIONS D’ORGANISATION ET QUESTIONS DIVERSES (point 2 de l’ordre du jour) (suite) (E/CN.4/2001/67)

41.Le PRÉSIDENT invite M. Mavrommatis à informer le Comité des résultats de la dernière réunion du Groupe de travail chargé d’élaborer un projet de protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture.

42.M. MAVROMMATIS rappelle tout d’abord que le Groupe de travail, qui s’est réuni à plusieurs reprises au cours des années passées, a peu progressé dans ses travaux en raison d’un désaccord profond entre les pays sur la question de savoir s’il convient que le nouveau mécanisme international proposé effectue des visites dans les centres de détention nationaux. Alors que les négociations sur le projet de protocole facultatif s’effectuaient jusque‑là sur la base d’un texte émanant du Costa Rica, un nouveau projet a été présenté par la délégation mexicaine au début de la session avec l’appui du Groupe des États d’Amérique latine et des Caraïbes. Ce texte souligne le fait que la responsabilité de la protection des droits de l’homme incombe au premier chef aux États et que les mécanismes internationaux doivent seulement compléter les mesures prises au niveau national. M. Mavrommatis rappelle à cet égard que, dès la fin des années 70, la création de mécanismes nationaux aux fins d’inspecter les centres de détention avait été proposée et que divers pays s’en sont d’ailleurs déjà dotés. Il n’est donc pas opposé à la mise en place de tels mécanismes dans la mesure où ils seront supervisés par une instance internationale. La Présidente du Groupe de travail s’est engagée à tenir des consultations en vue de parvenir à un compromis entre les projets présentés. M. Mavrommatis a fait part, par ailleurs, à la Présidente de son étonnement quant au fait qu’aucun lien n’est envisagé entre le Comité et le Sous‑Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants – dont la création est proposée à l’article 2 du projet présenté par le Mexique – tant il serait désastreux qu’il n’y ait pas de coordination entre les deux organes. Quoi qu’il en soit, le Comité devra suivre étroitement l’évolution des travaux consacrés à l’élaboration du projet de protocole, avec l’aide du secrétariat.

43.Le PRÉSIDENT dit qu’il importe de replacer la question du projet de protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture dans sa perspective historique. À l’origine, le Comité contre la torture avait approuvé à l’unanimité l’idée de créer un mécanisme international de surveillance et accepté la création d’un Sous‑Comité chargé de coopérer avec les États parties en vue de l’application du protocole. Les propositions figurant dans le document dont le Comité est saisi (E/CN.4/2001/67) sont quelque peu différentes puisqu’elles insistent davantage sur les mécanismes de surveillance au niveau national. Le Président se demande si l’idée intellectuellement séduisante d’un mécanisme international est réellement viable dans la pratique et invite les membres du Comité à étudier le document présenté et à réfléchir sur la question.

44.M. RASMUSSEN rappelle que le Comité avait préconisé à l’origine la création d’un mécanisme national. Un mécanisme international viendrait alors renforcer le dispositif national et pourrait intervenir par des visites ponctuelles comme celles du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants. L’idée d’un projet de protocole facultatif remonte à 10 ans déjà et il est donc grand temps d’envisager de voter sur le projet. En tout état de cause, il sera impossible de satisfaire tous les pays et il y a de surcroît le risque d’affaiblir à la longue le contenu du futur instrument.

45.M. MAVROMMATIS fait observer que les consultations en cours viseraient justement à fixer une date butoir pour le vote du projet.

46.Mme GAER note que le projet figurant dans le document E/CN.4/2001/67 est différent du projet initial. Il est très difficile de se servir de ce document qui rend compte des positions des délégations sans même les identifier. Il serait utile d’avoir les déclarations sur la question faites par exemple par M. Mavrommatis et Sir Nigel Rodley et de consacrer une séance privée à l’examen du sujet, notamment sous l’angle de l’efficacité des efforts pour la prévention et l’interdiction de la torture.

47.Le PRÉSIDENT informe les membres du Comité que le secrétariat pourra fournir un résumé des déclarations demandées.

48.M. MAVROMMATIS dit que le Comité ne devrait pas surestimer sa capacité d’influencer sur le débat car en dernière analyse, la question du projet de protocole est éminemment politique.

49.Le PRÉSIDENT suggère d’attendre le résultat des consultations menées par la Présidente du Groupe de travail Mme Élisabeth Odio Benito pour revenir sur la question.

50. Il en est ainsi décidé.

Documents présentés par des Organisations non gouvernementales

51.Le PRÉSIDENT rappelle aux membres du Comité qu’il a été décidé lors de la session de novembre 1998 que tous les documents émanant d’ONG reçus par le Comité au plus tard cinq semaines avant le début d’une session seraient communiqués à l’État partie concerné alors que ceux qui lui parviendraient par la suite pourraient être consultés par l’État partie au secrétariat.

52.M. BRUNI (Haut‑Commissariat aux droits de l’homme) dit que cette règle n’a pu être pleinement appliquée: en effet, il est très rare que le secrétariat dispose de documents d’ONG à temps sauf dans le cas d’Amnesty International; or cette organisation se charge d’envoyer directement les informations pertinentes à l’État intéressé. Dans la pratique, le secrétariat fournit à l’État partie concerné une liste des documents dont il dispose, et les missions prennent contact avec le secrétariat, en général une semaine avant le début de la session.

53.M. GONZÁLEZ POBLETE se demande, par respect du principe d’équité, si les membres du Comité ont le droit d’invoquer au cours de l’examen du rapport d’un État partie des documents émanant d’ONG dont ce dernier n’aurait pas pris connaissance au préalable.

54.Le PRÉSIDENT dit que la question qui se pose par exemple est celle de savoir si un membre du Comité a le droit d’invoquer, au moment de l’échange d’informations avec un État partie, un cas de torture qui vient d’être soulevé par la presse. Pour lui, le Comité n’est pas un organe judiciaire. Il n’est donc pas tenu d’appliquer la règle évoquée par M. González Poblete avec la même rigueur que dans une salle de tribunal. Il importe avant tout que les membres du Comité et les États parties concernés disposent des documents pertinents pour leur travail. Le Président félicite le secrétariat de son pragmatisme en la matière.

55.M. CAMARA précise que l’État partie peut toujours, s’il n’est pas en mesure de répondre sur‑le‑champ aux questions posées par les membres du Comité sur un cas précis, le faire ultérieurement par écrit.

56.Mme GAER dit que cette question s’inscrit dans un débat plus large sur les sources d’information utilisées par les organes conventionnels et que diverses pratiques coexistent au sein desdits organes. D’une manière générale, la transmission aux États parties de documents émanant d’ONG tend à être encouragée, ce qui témoigne de l’ouverture d’esprit et du souci d’équité de toutes les parties en présence. Il n’est pas utile, selon elle, que le Comité contre la torture adopte une position officielle sur la question.

57.Le PRÉSIDENT dit que la question étant importante, elle ne manquera pas d’être de nouveau abordée au cours de la session.

La séance est levée à 12 h 55.

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