NATIONS UNIES

CAT

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/SR.70312 mai 2006

Original: ANGLAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Trente-sixième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUEDE LA 703e SÉANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,le vendredi 5 mai 2006, à 10 heures

Président: M. MAVROMMATIS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (suite)

Deuxième rapport périodique des États-Unis d’Amérique

La séance est ouverte à 10 h 05.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION (point 7 de l’ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique des États-Unis d’Amérique (CAT/C/48/Add.3 et Rev.1; CAT/C/USA/Q/2; HRI/CORE/1/Add.49)

1. À l’invitation du Président, les membres de la délégation des États-Unis d’Amérique s’installent à la table du Comité.

2.M. LOWENKRON (États-Unis), dans sa présentation du deuxième rapport périodique (CAT/C/48/Add.3 et Rev.1), déclare que son gouvernement est résolu à respecter ses obligations nationales et internationales d’éradication de la torture et de prévention des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi qu’à assurer la transparence de ses politiques et de ses actions. Il ne s’agit pas simplement d’obligations juridiques, mais d’obligations morales auxquelles les États-Unis ont toujours souscrit en qualité d’architectes de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

3.Les États-Unis ont été bâtis sur le principe du respect de la dignité humaine. Une série de garde-fous sont scellés dans leur Constitution, dont le huitième amendement interdit notamment les peines cruelles et inaccoutumées. Le pays a une longue tradition de chef de file international contre la torture. Lorsqu’une allégation de torture est émise, y compris à l’encontre d’agents du gouvernement, elle fait l’objet d’un enquête, et si elle est avérée, de poursuites. Le gouvernement est également résolu à enquêter sur les allégations concernant d’autres formes de traitements illicites appliqués à des détenus, et le cas échéant, à mener les poursuites nécessaires.

4.Les abus qui se sont produits à Abu Ghraib ont écœuré les citoyens des États-Unis et du monde entier; ils sont inexcusables et indéfendables. Le gouvernement américain regrette sincèrement ces incidents et il a procédé à plus de 600 enquêtes au pénal, qui ont abouti à ce que plus de 250 personnes aient été considérées comme responsables d’actes abusifs envers des détenus. Les peines qui leur ont été infligées incluent des passages en cour martiale, des peines allant jusqu’à 10 ans de prison, des blâmes et le renvoi des forces armées.

5.Lorsque des erreurs sont commises, des mesures correctives sont donc prises. Les enquêtes et les mécanismes juridiques de répression ne constituent pas la seule réponse aux allégations de torture ou de mauvais traitements. Un débat public animé est en cours aux États-Unis sur les allégations d’abus et la façon de prévenir de futurs problèmes. Le gouvernement a écouté les opinions des médias et de la société civile et apporté des changements. Plus de mille journalistes internationaux et un groupe parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) se sont par exemple rendus à Guantánamo afin d’y observer le traitement des détenus. Le Président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a récemment déclaré que les conditions dans cette installation s’étaient «considérablement améliorées».

6.Le système de pouvoir des États-Unis prévoit également d’autres outils d’amélioration des politiques et des pratiques. Le système constitutionnel de «poids et contrepoids» repose sur la séparation et l’indépendance des trois branches du gouvernement. Les négociations entre ces trois branches ont abouti à des réformes spécifiques, telles que la loi sur le traitement des détenus adoptée par le Congrès en 2005.

7.Les rapports annuels sur la situation des droits de l’homme dans d’autres pays rédigés par le Département d’État forment une partie essentielle du travail des États-Unis destiné à lutter contre la torture dans le monde. Ces rapports ont démontré leur utilité dans les efforts bilatéraux déployés pour persuader certains pays d’améliorer leurs politiques et ils sont également appréciés parmi les ONG.

8.Le gouvernement américain prend également part à des activités multilatérales visant à réduire et à éliminer la torture au niveau mondial. Il a joué un rôle primordial dans l’adoption de résolutions sur la torture au sein de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies. Il a également appuyé le travail du Rapporteur spécial sur la question de la torture et l’a même invité à visiter les installations de détention de Guantánamo, invitation qui a été refusée.

9.La détermination des États-Unis à faire disparaître la torture à travers le monde prend sa source dans les valeurs les plus précieuses du pays. Toutes les branches du Gouvernement progressent dans cette direction par le biais d’efforts intenses et soutenus et y consacrent une attention politique et des ressources financières non négligeables. Le gouvernement se réjouit des contributions de la communauté internationale, y compris les ONG, la société civile, les médias et les particuliers. Même lorsqu’il est la cible de critiques, il comprend que leur motivation réside dans l’objectif commun de l’élimination définitive de la torture.

10.M. BELLINGER (États-Unis) exprime sa satisfaction de rencontrer le Comité et explique les mesures adoptées par le gouvernement américain pour donner corps aux obligations que lui impose la Convention. Le gouvernement accorde le plus grand sérieux à ces obligations internationales, ainsi qu’en attestent ses rapports approfondis (CAT/C/48/ADD.3 et Rev.1), les réponses écrites détaillées communiquées (document disponible en anglais uniquement, sans cote) et la présence à la séance d’une délégation de haut niveau afin d’assurer un dialogue productif.

11.Les lois pénales des États-Unis interdisent la torture et ne permettent aucune exception. Les 50 États et le Gouvernement fédéral interdisent toute conduite qui pourrait constituer une forme de torture en vertu de leur droit civil et de leur droit pénal. Le Congrès a également adopté des lois qui prévoient de sévères sanctions, au niveau fédéral, tant au civil qu’au pénal, contre toute personne qui recourt à la torture en dehors du territoire des États-Unis. La législation est même allée plus loin, en permettant aux citoyens, ressortissants américains ou non, qui ont subi des actes de torture d’introduire une demande de dédommagement à l’égard d’agents de gouvernements étrangers auprès des tribunaux fédéraux des États-Unis.

12.Les États-Unis ont alimenté beaucoup plus que tout autre pays le Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture: près de 70 % des contributions totales apportées entre 2000 et 2005.

13.En 2005, le Congrès a entériné la loi sur le traitement des détenus, qui contient une disposition interdisant le recours aux traitements cruels, inhumains ou dégradants, tels qu’ils sont définis dans la Convention contre la torture. Aux termes de cette loi, aucune personne sous la garde ou sous le contrôle physique du Gouvernement des États-Unis, sans distinction de sa nationalité ou de l’endroit où elle se trouve, ne peut faire l’objet de peines ou traitements cruels, inaccoutumés ou inhumains interdits par certaines dispositions de la Constitution.

14.Le Comité posera naturellement de nombreuses questions sur les mesures prises par le Gouvernement américain en réponse aux attaques terroristes du 11 septembre 2001, auxquelles une réponse aussi complète que possible sera donnée. Il convient toutefois de garder à l’esprit que certaines de ces questions se rapportent à des procédures judiciaires en cours ou à de prétendues activités des services de renseignement et ne pourront donc pas nécessairement recevoir une réponse exhaustive. De plus, le rapport et les réponses écrites contiennent des informations abondantes sur les opérations de détention à Guantánamo, en Afghanistan et en Irak. Les opérations de ce type relèvent du droit des conflits armés, qui est la lex specialis applicable. Il rappelle que les pays qui ont négocié la Convention contre la torture ont mis l’accent sur les droits inscrits dans les législations nationales, et non sur les dispositions régissant les conflits armés. Lors de la conclusion de ces négociations, les États-Unis ont souligné que si la Convention s’appliquait aux conflits armés, elle entraînerait un chevauchement de différents traités, qui nuirait à l’objectif d’éliminer la torture. Aucun pays n’a émis d’objection face à ce raisonnement. Dans un esprit de coopération, la délégation des États-Unis est toutefois disposée à fournir d’autres informations sur les opérations de détention en cas de nécessité.

15.Le Comité doit faire preuve de prudence quant aux innombrables allégations, parfois absurdes, apparues dans la presse et ailleurs concernant différentes activités des forces armées ou des services de renseignement des États-Unis. Le gouvernement s’est efforcé d’apporter une réponse aussi rapide et complète que possible à ces allégations, mais dès lors qu’un grand nombre d’entre elles concernent de prétendues activités des services de renseignement, un commentaire peut uniquement être formulé sur un plan général.

16.Le Comité doit également conserver le sens de la proportion et de la perspective. Il ne rendrait pas service au dialogue et à la cause de la lutte contre la torture à travers le monde en se focalisant exclusivement sur les allégations émises et sur le nombre relativement limité d’abus et d’infractions qui se sont produits dans le contexte du conflit armé contre Al-Qaida. L’intention n’est pas de détourner l’attention de ces incidents, mais de rappeler qu’ils ne relèvent pas d’un système en tant que tel. Le Comité doit consacrer un temps approprié à l’examen des traitements ou des conditions qui s’appliquent à l’intérieur du territoire d’un pays ayant une population de plus de 290 millions d’habitants.

17.À propos de la liste de points à traiter (CAT/C/USA/Q/2), il déclare qu’en raison de contraintes de temps, il sera impossible d’aborder en détail chaque aspect des questions soulevées. Dans de nombreux cas, la délégation renverra donc le Comité aux réponses écrites plus approfondies qu’elle a soumises.

18.Aucun élément des mémorandums d’août 2002 et de décembre 2004 rédigés par le Cabinet du Conseiller juridique du Département de la justice n’a modifié la définition de la torture régissant les obligations des États-Unis au titre de la Convention par rapport aux obligations acceptées lors de la ratification (questions 1 et 2). Le premier mémorandum contient un avis sur la signification du terme «torture» selon la compétence pénale extraterritoriale en matière de torture et aborde des points relatifs à la séparation des pouvoirs conformément à la Constitution. Cet avis avait été demandé afin de fournir une orientation détaillée sur la mise en œuvre de la loi pénale pour les agents du gouvernement. Il a ensuite été retiré et un nouvel avis a été émis dans le mémorandum de décembre 2004, qui se résume à une interprétation de la compétence pénale extraterritoriale en matière de torture. Cet avis prévaut sur le document antérieur et procure au pouvoir exécutif une interprétation faisant autorité dans ce domaine. Le premier avis n’a pas été retiré parce qu’il prétendait modifier la définition de la torture, mais parce qu’il traitait de questions qui ne devaient pas être traitées, notamment les compétences de Commandant en chef du Président et les obstacles potentiels à sa responsabilité, ainsi que le précise le mémorandum de décembre 2004. Aucun de ces avis n’était destiné à modifier la définition de la torture énoncée à l’article premier de la Convention tel qu’approuvé par les États-Unis, mais ils avaient uniquement pour objectif d’aborder la signification de cette définition telle qu’elle est intégrée dans le droit des États-Unis.

19.Le fait que la Convention définisse la «torture» en son article premier, puis fasse référence en son article 16 à «d’autres actes constitutifs de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants» indique que les parties qui ont négocié la Convention reconnaissent une distinction fondamentale entre la gravité de conduites constitutives de torture d’une part et de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants d’autre part (point 3). Eu égard au caractère aggravé de la torture, les États parties ont décidé de mesures complètes pour l’interdire en vertu du droit pénal, poursuivre les responsables de tels actes sur le territoire relevant de leur juridiction et ne pas expulser d’individu dans un pays où il existerait des motifs sérieux de croire qu’il risquerait d’être soumis à des actes de torture. En comparaison, les obligations concernant les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants sont beaucoup plus limitées.

20.Le mémorandum de décembre 2004, qui reconnaît la distinction claire établie dans le texte et la structure de la Convention, explique que la torture constitue une forme de mauvais traitements plus grave ou plus extrême que la description donnée à l’article 16 (question 4). L’utilisation du terme «extrême» clarifie la signification du terme «aiguës» figurant dans la définition de la torture énoncée à l’article premier. Le fait que le terme «torture» soit réservé aux actes impliquant une douleur ou des souffrances plus aiguës est également confirmé par l’historique des négociations sur la Convention et il est conforme aux autres sources de droit international mentionnées dans les réponses écrites.

21.M. Bellinger dément que l’interprétation des deux mémorandums soit plus restrictive que les normes précédentes des Nations Unies, à savoir la Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (question 4). L’interprétation du terme «aiguës» dans le mémorandum de décembre 2004 traduit l’idée que la torture représente une forme aggravée d’abus par rapport aux peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Non seulement cette distinction est exprimée dans le texte de la Convention et elle apparaît à la lumière de l’historique des négociations, du processus de ratification des États-Unis et des autres sources de droit international, mais elle est également conforme à la Déclaration sur la torture de 1975, sans être plus restrictive, laquelle Déclaration distingue la torture d’autres formes moindres d’abus, en partie, sur la base de la gravité des actes sous-jacents.

22.Avant de ratifier la Convention, les États-Unis ont soigneusement examiné leurs lois fédérales et nationales afin de s’assurer de leur conformité à la Convention et ils ont conclu qu’à la seule exception de l’interdiction de certains actes de torture commis en dehors du territoire des États-Unis, toutes les infractions répertoriées dans la Convention étaient couvertes (question 5). Cette lacune a été comblée par l’adoption de la compétence pénale extraterritoriale en matière de torture. Les États-Unis garantissent le respect des obligations de la Convention par l’application de leurs lois existantes. Il n’existe pas d’infraction fédérale spécifique portant le nom de «torture» pour les actes commis sur le territoire des États-Unis dès lors que tout acte de torture correspondant à la définition de la Convention est déjà criminalisé au titre des lois fédérales et nationales. Ces dispositions sont contraignantes pour les agents du gouvernement par le biais d’une panoplie de procédures administratives et de poursuites pénales. Dans de nombreux cas, les poursuites civiles procurent également un recours adéquat.

23.La loi de 1980 sur les droits civils des personnes placées en institution constitue un moyen par lequel les États-Unis respectent leurs obligations découlant de la Convention en ce qui concerne le contrôle des activités des responsables de l’application des lois dans les prisons et les centres de détention. Elle permet au Département de la justice d’éliminer un schéma ou une pratique d’abus dans une quelconque installation et elle forme la source d’autorité la plus directe du Gouvernement fédéral pour garantir les droits constitutionnels des détenus.

24.Au sujet de la question 6, M. Bellinger renvoie les membres aux réponses écrites de sa délégation.

25.Le Gouvernement américain n’autorise, ne tolère et ne cautionne aucune pratique illicite des membres de son personnel ou de ses agents, y compris les contractuels, dans quelques circonstances que ce soit (question 7). Selon la compétence pénale extraterritoriale en matière de torture, toute personne agissant sous couvert de la loi se rend coupable d’un crime si elle pratique, elle tente de pratiquer ou elle s’engage dans une entente délictueuse pour pratiquer la torture en dehors des États-Unis. Conformément à la loi sur le traitement des détenus, les États-Unis ont en outre souscrit de leur propre initiative à une interdiction des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui s’applique de façon contraignante pour protéger toute personne sous la garde ou sous le contrôle de fait du Gouvernement des États-Unis, sans distinction de sa nationalité ou de l’endroit où elle se trouve.

26.M. STIMSON (États-Unis) déclare qu’un malentendu sous-tend la question 8 relative à la nécessité d’identifier et de régler les problèmes qui se posent dans le commandement et la gestion des lieux de détention placés sous la juridiction de son pays. Il s’oppose à l’assertion selon laquelle la torture et les mauvais traitements seraient répandus ou systématiques. Ces allégations portent sur un infime pourcentage du nombre total de détenus, et qui plus est, toutes ne reflètent pas la réalité. Tous les membres d’Al-Qaida sont formés à alléguer des faits de torture lorsqu’ils sont capturés, même s’ils n’ont pas subi d’abus. Le Département de la défense (DoD) mène une enquête sur toutes les allégations d’abus, et lorsque ces allégations sont jugées crédibles, il prend les mesures appropriées pour que les auteurs d’infraction rendent des comptes lorsque cela s’avère nécessaire. Il renvoie le Comité aux réponses écrites pour tout renseignement sur les mesures spécifiques adoptées.

27.Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a accès aux installations de détention relevant du théâtre d’intervention du Département de la défense et rencontre les détenus en privé. Le Département de la défense rend pleinement compte des détenus qui se trouvent sous son contrôle et notifie leur détention au CICR, normalement, dans les 14 jours qui suivent la capture. Le CICR transmet ses communications confidentielles à de hauts responsables du gouvernement, y compris au Département de la défense, et aux commandants militaires en Afghanistan, en Irak et à Guantánamo, lesquels les traitent dans les plus brefs délais. Les autorités prennent au sérieux les points que soulève le CICR et apprécient hautement leurs relations historiques avec cette organisation.

28.M. BELLINGER (États-Unis) déclare qu’il n’existe aucune dérogation, en vertu de la loi des États-Unis, à l’interdiction expresse de la torture (question 9). Les mesures juridiques et administratives mises en œuvre pour réaliser cette interdiction sont décrites en détail dans le rapport initial (CAT/C/28/Add.5) et le deuxième rapport périodique (CAT/C/48/Add.3 et Rev.1).

29.Le Département de la défense a mené 12 enquêtes importantes sur tous les aspects des opérations de détention à la suite des événements d’Abu Ghraib, ainsi que le décrit en détail le document CAT/C/48/Add.3/Rev.1. Le Gouvernement est déterminé à mener les enquêtes requises et à poursuivre comme il se doit les personnes qui se livrent à des actes de torture ou à appliquer d’autres traitements illicites sur des détenus (question 10).

30.Les États-Unis respectent leurs obligations résultant de l’article 2, qui ont été réaffirmées à plusieurs reprises dans les plus hautes sphères du Gouvernement (question 11).

31.Conformément à la loi sur le traitement des détenus, aucune personne sous la garde ou sous le contrôle de fait du Département de la défense ou en détention dans un établissement du Département de la défense ne peut être soumise à un traitement ou à une technique d’interrogatoire non autorisée et mentionnée dans le Manuel opérationnel de l’armée des États-Unis sur la recherche de renseignements (question 12). Ces normes statutaires s’appliquent au personnel militaire, aux agents civils du Département de la défense et aux contractuels chargés de la réalisation d’interrogatoires. Le gouvernement américain n’émet pas de commentaires publics sur de prétendues activités de ses services de renseignement. Comme pour toute autre agence gouvernementale, toute activité de la CIA (Central Intelligence Agency) serait toutefois le cas échéant soumise à la compétence pénale extraterritoriale en matière de torture et à l’interdiction des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants associée à la loi sur le traitement des détenus.

32.Les dispositions relatives à l’immigration, à l’expulsion et à l’extradition autorisent les étrangers à faire valoir leurs droits de ne pas être transférés ou extradés selon l’article 3 de la Convention (question 13). Conformément à leurs obligations à ce titre, les États-Unis ne transfèrent pas de personnes dans des pays où ils estiment qu’il est fort probable qu’elles seraient soumises à des actes de torture. Leurs réglementations et leurs lois en vigueur n’excluent aucune catégorie de personnes de la protection contre le refoulement au titre de l’article 3. Les États-Unis ne peuvent révoquer ou supprimer la protection d’une personne au titre de l’article 3 contre le transfert involontaire dans un pays déterminé aussi longtemps qu’ils ont la conviction que la personne protégée serait probablement soumise à la torture dans ce pays.

33.Ainsi, la politique des États-Unis est claire et s’applique à tous les membres du Gouvernement et à toutes les personnes sous la garde ou le contrôle des États-Unis, quel que soit leur lieu de détention. Malgré cette politique ferme, les États-Unis considèrent toutefois que l’article 3 ne leur impose aucune obligation juridique en ce qui concerne les personnes qui se trouvent en dehors de leur territoire. Cette opinion est d’ailleurs étayée par le texte de la Convention, l’historique de ses négociations et le processus de ratification des États-Unis. Il invite le Comité à consulter les réponses écrites pour une analyse plus détaillée de ces questions.

34.Les États-Unis sont d’avis depuis toujours que l’expression «des motifs sérieux de croire» ne représente qu’une clarification à la portée de la définition de l’article 3, et non une affirmation de nature à exclure ou à modifier son effet juridique (question 14). La question de l’autorité compétente pour déterminer s’il est fort probable qu’une personne sera torturée dépend du contexte: la décision appartient à une autorité distincte dans une procédure d’immigration, de transfert ou d’extradition.

35.D’une manière générale, dans une procédure d’immigration, une personne demandant la protection contre le renvoi des États-Unis au titre de l’article 3 peut interjeter appel contre une décision contraire du juge de l’immigration auprès de la Commission de recours en matière d'immigration (question 15). Si la Commission rejette l’appel de la personne concernée ou lui refuse le droit de formuler un nouveau recours, une demande de réexamen de la décision de la Commission peut être introduite auprès de la cour d’appel fédérale appropriée.

36.Les États-Unis et d’autres pays recourent depuis longtemps à la pratique des transfèrements pour acheminer des suspects terroristes du pays où ils ont été capturés vers leur pays d’origine ou vers d’autres pays où ils peuvent être interrogés, détenus ou traduits en justice (question 16). Cette pratique est un outil essentiel dans la lutte contre le terrorisme international. Les États-Unis n’acheminent ni n’ont acheminé de détenus d’un pays vers un autre en vue de pouvoir procéder à un interrogatoire sous la torture. Ils n’ont acheminé et n’achemineront personne vers un pays s’ils pensent que cette personne est susceptible d’être torturée. Le cas échéant, ils recherchent des assurances crédibles selon lesquelles les personnes transférées ne seront pas torturées.

37.Les lois fédérales et nationales des États-Unis interdisent les actes illicites qui constitueraient une disparition forcée et involontaire, par exemple en interdisant les coups et blessures, le rapt, l’enlèvement et le faux emprisonnement et en réglementant la libération ou la détention des prévenus (question 17).

38.M. Bellinger souligne la rareté de l’utilisation des assurances diplomatiques garantissant qu’une personne ne sera pas torturée si elle est expulsée ou extradée vers un autre État, indiquant que la protection de l’article 3 a été accordée dans plus de 2 500 procédures d’expulsion entre 2000 et 2004 (question 18). Des procédures sont définies pour obtenir de telles assurances, et si les États-Unis pensent qu’il est «plus probable que l’inverse» qu’une personne sera torturée, elle n’est pas expulsée. Il a été décidé de ne pas expulser certaines personnes en raison de doutes quant au respect des obligations de l’article 3. Selon la règle judiciaire pertinente, il incombe au Secrétaire d’État, et non aux tribunaux nationaux, d’examiner le système pénal d’un pays en vue de prendre une décision en matière d’extradition.

39.Il attire l’attention sur le fait que l’article 3 n’interdit pas en soi le renvoi ou le transfèrement d’une personne dans un pays ayant un bilan déficient en matière de droits de l’homme et ne s’applique pas aux renvois susceptibles d’impliquer un «mauvais traitement» n’équivalant pas à un acte de torture. Les États-Unis examinent en fait les renvois au cas par cas, en recherchant à chaque fois si la personne concernée pourrait être victime de torture dans le pays de destination. Il répète l’opinion du gouvernement selon laquelle l’article 3, d’après sa formulation, ne s’applique pas aux personnes se trouvant en dehors du territoire des États-Unis.

40.En ce qui concerne les «transfèrements extraordinaires» (question 19), il admet qu’à l’instar d’autres pays, les États-Unis utilisent depuis longtemps des procédures distinctes des mécanismes normaux d’extradition pour transporter les suspects terroristes jusqu’à leur pays d’origine ou un autre pays dans lequel ils peuvent être interrogés, détenus ou traduits en justice. Il met toutefois en exergue qu’aucune personne, à l’intérieur ou à l’extérieur du territoire des États-Unis, n’est transférée à un endroit où elle serait torturée.

41.Bien que le crime fédéral de «torture» n’existe pas en tant que tel, tout acte de torture répondant à la définition de la Convention telle que ratifiée par les États-Unis est passible de poursuites pénales, notamment les actes de coups et blessures graves, homicide, enlèvement et viol (question 20). Le droit des États-Unis ne comporte donc aucune lacune. Une large gamme de mécanismes est en effet disponible, mécanismes à l’aide desquels les États-Unis exécutent leurs obligations au titre de la Convention. Bon nombre d’actes qui pourraient être qualifiés de «torture» peuvent par exemple faire l’objet de poursuites sur la base de la section 242 du titre 18 du Code des États-Unis en tant que privations criminelles de droits constitutionnels.

42.En ce qui concerne la justice militaire (question 21), il déclare que le fait de commettre des traitements cruels ou des sévices constitue une violation du Code uniforme de justice militaire, qui est applicable dans le monde entier. Les infractions telles que les coups et blessures, le viol, le meurtre et la détention illicite peuvent également être poursuivies sur la base du Code uniforme de justice militaire, de la même manière que les violations de statuts pénaux fédéraux, y compris sur la base de la compétence pénale extraterritoriale en matière de torture.

43.Aucune «immunité pénale» n’est accordée à quiconque pour le crime de torture dans le droit des États-Unis (question 22). Bien qu’aucune poursuite pénale n’ait été engagée à ce jour en vertu de la compétence pénale extraterritoriale en matière de torture, des poursuites ont été engagées en vertu d’autres dispositions statutaires (notamment le Code uniforme de justice militaire) pour des délits commis en dehors des États-Unis. Des informations plus détaillées peuvent être consultées dans les réponses écrites.

44.À propos des questions 23 et 24, M. STIMSON (États-Unis) déclare que le Département de la défense organise des programmes de formation complets sur le traitement et l’interrogatoire des détenus. Une formation sur le «droit de la guerre» est dispensée au moins une fois par an à tous les membres du personnel du Département de la défense, y compris les contractuels, qui participent à la garde, à l’interrogatoire ou au traitement des personnes placées en détention et comprend une instruction sur l’interdiction des actes de torture et l’obligation de traitement humain. Même le programme de formation le plus exhaustif ne peut toutefois empêcher tout phénomène d’abus. Il cite des exemples de mécanismes existants pour l’examen systématique des militaires, des agents civils du Département de la défense et des collaborateurs contractuels impliqués dans des opérations de détention, parmi lesquels des visites de l’Inspection générale, des visites et des inspections du commandement et des comités de supervision du Congrès et des services de renseignement. Ces mécanismes comprennent également des enquêtes sur des cas particuliers et des examens généraux.

45.Le Département de la défense impose à tous les contractuels de respecter pleinement ses réglementations et ses normes sur le traitement humain des détenus (question 25). Une politique de 2005 exige que l’ensemble des agents fédéraux et des contractuels civils impliqués dans les opérations de garde et d’interrogatoire des détenus suivent une formation annuelle sur le «droit de la guerre», notamment sur les obligations des États-Unis au titre du droit national et international. La totalité du personnel déployé en Irak et en Afghanistan reçoit en outre une formation sur les Conventions de Genève préalablement à son départ en mission, puis une formation périodique complémentaire.

46.S’agissant de déterminer si le mémorandum de décembre 2004 a créé une confusion inutile pour les formateurs et le personnel (question 26), la réponse est négative. Une enquête bien documentée a constaté que les abus commis à Abu Ghraib ont été perpétrés par un petit groupe de personnes, qui ont agi au mépris du droit des États-Unis et des politiques du Département de la défense. Cette conclusion a d’ailleurs été confortée dans 12 autres examens importants. Les actes en question ne sont pas le fruit de déficiences d’une quelconque doctrine, formation ou politique. La loi sur le traitement des détenus interdit les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et établit des règles d’interrogatoire uniformes pour les personnes placées sous la garde ou sous le contrôle de fait du Département de la défense ou en détention. Toute autre politique d’interrogatoire d’autres agences gouvernementales des États-Unis tomberait sous le coup de l’interdiction précitée et du statut fédéral d’interdiction de la torture (question 27). Des informations plus détaillées peuvent être consultées dans les réponses écrites.

47.M. MONHEIM (États-Unis) décrit le rôle de la Division des droits civils au sein du Département de la justice dans l’application des lois fédérales sur les droits civils, y compris la loi de 1980 sur les droits civils des personnes placées en institution (question 28). Cette Division poursuit également des actions au titre de plusieurs lois pénales fédérales sur les droits civils, y compris les lois interdisant l’entente délictueuse dans le but de porter atteinte à des droits constitutionnels et la privation de droits sous couvert de la loi - deux mécanismes essentiels pour assurer le respect par les États-Unis des obligations que leur impose la Convention. Elle a en outre la responsabilité de coordonner les mesures d’application des droits civils des autres agences fédérales. Environ la moitié des affaires de droits civils intentées depuis octobre 1999 impliquent des agents chargés de l’application des lois inculpés de comportements ou pratiques répréhensibles dans l’exercice de leurs fonctions et 359 condamnations ont été prononcées, bien que toutes ne relèvent pas du champ d’application de la Convention.

48.Il fournit des statistiques pour démontrer l’application constante et ferme de la loi sur les droits civils des personnes placées en institution par le Département de la justice (question 29). Le Département a par exemple lancé 25 % de nouvelles enquêtes en plus qu’au cours des cinq années précédentes, et en avril 2006, 41 enquêtes étaient en cours sur 44 établissements. Les plaintes dénonçant des abus, y compris des blessures physiques par des agents spécifiques chargés de l’application des lois, continuent de faire l’objet d’enquêtes, et s’il y a lieu, de poursuites. Le Département s’est engagé à mener une enquête sur tous les cas allégués d’usage excessif de la force par des agents chargés de l’application des lois, qui représentent la majorité des 432 condamnations prononcées depuis 1999 pour des atteintes aux lois fédérales sur les droits civils. La Division des droits civils enquête également sur les conditions prévalant dans les prisons nationales et locales conformément à la loi sur les droits civils des personnes placées en institution, ainsi que sur les conditions prévalant dans les établissements de détention nationaux et locaux pour mineurs, conformément à la même loi ou à la disposition sur les «comportements ou pratiques répréhensibles» de la loi de 1994 sur le contrôle des crimes violents et l’application des lois. Lorsqu’une enquête met en lumière des conditions non conformes à la Constitution, la Division prend des mesures pour y remédier. Un mécanisme de surveillance assure en outre le respect des changements convenus avec l’établissement de détention. Des informations plus détaillées peuvent être consultées dans les réponses écrites.

49.M. BELLINGER (États-Unis) renvoie le Comité à la réponse écrite à la question 30 de la liste des points à traiter, en particulier dans les annexes, qui contiennent des données statistiques détaillées sur les décès en détention. Il souligne que le décès de toute personne placée sous la garde du gouvernement est signalé et donne lieu à une enquête si ses circonstances permettent de soupçonner des facteurs criminels. Si les faits le justifient, les personnes responsables sont tenues de rendre des comptes.

50.M. STIMSON (États-Unis) déclare que 120 détenus sont décédés sous le contrôle du Département de la défense en Afghanistan et en Irak et aucun à Guantánamo (questions 31 et 32). Des abus ou d’autres violations de lois ou de politiques ont seulement été suspectés dans 29 de ces cas. Les violations suspectées ont fait l’objet d’une enquête correcte et les mesures appropriées ont été prises. Les réponses écrites contiennent des informations détaillées sur les centaines d’enquêtes diligentées et sur les poursuites et les sanctions connexes. Le processus n’est toutefois pas terminé: quelques jours avant la séance, l’ancien directeur du centre d’interrogatoire d’Abu Ghraib a été accusé d’une prétendue implication dans des abus commis sur des détenus et d’une immixtion dans l’enquête correspondante.

51.S’agissant du manque supposé d’indépendance des enquêtes sur les allégations de torture et de mauvais traitements en Afghanistan et en Irak (question 33), il affirme que dans les 12 examens importants de ses opérations de détention réalisés par le Département de la défense, les groupes d’enquête ont pu accéder aux documents et aux personnes qu’ils souhaitaient et ont reçu toutes les ressources qu’ils ont demandées. Les enquêtes ont été honnêtes, transparentes et impartiales et les agents du Département de la défense n’ont en aucune manière influencé leurs conclusions. Le sérieux nécessaire a été accordé aux recommandations formulées et aucune enquête supplémentaire n’est prévue à l’heure actuelle.

52.Si des allégations de torture ou de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants sont émises pendant l’examen judiciaire applicable aux Tribunaux d’examen du statut de combattant et au Conseils de contrôle administratif conformément à la loi sur le traitement des détenus, ou dans tout autre contexte, elles feront l’objet d’une enquête et de mesures appropriées (question 34). À propos des recours et des indemnisations, il déclare que 33 détenus, parmi lesquels des détenus d’Abu Ghraib, ont introduit des demandes d’indemnisation et que le processus d’examen de ces demandes est en cours (question 36). Environ 195 requêtes en habeas corpus sont en instance au nom de plus de 350 détenus; les procédures ont été suspendues dans l’attente de décisions d’instances supérieures (question 39). Les réponses données peuvent être complétées par des informations plus détaillées énoncées dans les réponses écrites.

53.M. MONHEIM (États-Unis) déclare que les dispositions de la loi sur la justice pour tous renforcent les possibilités pour les victimes d’abus de surveiller et d’appuyer les efforts déployés afin de poursuivre les coupables (question 35). Cette loi accorde différents droits aux victimes, qui peuvent notamment introduire une plainte auprès du Médiateur sur les droits des victimes (Département de la justice) si elles pensent que ces droits ont été bafoués. À sa connaissance, aucune prétendue victime d’actes de torture commis par des agents du gouvernement des États-Unis n’a fait valoir ces droits ou introduit une plainte auprès du Médiateur.

54.Les dispositions de la loi de 1995 portant réforme du droit de recours des prisonniers, destinée à freiner les actions judiciaires abusives de la part de détenus, sont conformes à l’article 13 de la Convention (question 37). Elles n’accroissent pas le risque d’impunité des auteurs dès lors que toute personne enfreignant les droits des détenus encourt une responsabilité à la fois civile et pénale. Elles ne limitent pas non plus les possibilités pour les détenus d’introduire une plainte et d’obtenir que leur cause soit examinée immédiatement et impartialement conformément à l’article 13. Un détenu peut intenter une action civile au niveau fédéral sur la base d’allégations de torture et peut également exercer une large gamme d’autres recours administratifs aux niveaux fédéral et national.

55.Les États-Unis n’ont pas connaissance d’allégations d’actes de torture commis par des agents du gouvernement notifiées au Centre de réadaptation des victimes de la torture (question 38). Des informations plus détaillées sur toutes ces questions peuvent être consultées dans les réponses écrites.

56.M. BELLINGER (États-Unis) déclare que les États-Unis n’ont pas pris la «décision de ne pas appliquer» les Conventions de Genève lorsqu’elles doivent par essence s’appliquer (question 40), bien que le respect des Conventions de Genève soit étranger aux obligations de son pays au titre de la Convention contre la torture. Après avoir défendu fermement le concept des «combattants illégaux», il affirme que la Convention de Genève s’applique bel et bien à la guerre en Irak, par exemple. Dans le cas des détenus talibans, le Président a toutefois statué que, bien que la troisième Convention de Genève soit applicable, les Talibans ne satisfont pas aux exigences de l’article 4 de cette Convention et ils n’ont donc pas droit au statut de prisonnier de guerre. De même, il a établi que la Convention de Genève ne s’applique pas aux détenus d’Al-Qaida parce qu’Al-Qaida n’est pas partie à la Convention. Le Président Bush a néanmoins ordonné aux forces armées de continuer de traiter les détenus d’une manière humaine et conforme aux principes de Genève.

57.Pour des informations sur les affaires dans lesquelles les tribunaux ont jugé des déclarations irrecevables au motif qu’elles ont été obtenues sous la contrainte, il invite le Comité à consulter les rapports soumis et les réponses écrites (question 41).

58.À propos de l’article 15 de la Convention contre la torture, il signale que les commissions militaires ont reçu en mars 2006 l’instruction officielle de ne pas admettre les déclarations dont il est établi qu’elles ont été obtenues par la torture (question 42).

59.Il explique que la réserve des États-Unis à l’article 16 est destinée à clarifier la signification floue de l’expression «peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants» et à garantir que les normes constitutionnelles existantes des États-Unis satisfont aux obligations du pays au titre de l’article 16 (question 43). L’ambiguïté de cette expression a pour conséquence qu’il est difficile d’imaginer précisément des peines ou traitements potentiels qui seraient interdits par l’article 16 mais acceptables au titre de l’article 16 tel qu’assorti d’une réserve par les États-Unis.

60.Il confirme l’obligation légale de son pays au titre de l’article 16 de prévenir les actes décrits «dans tout territoire placé sous sa juridiction» (question 44). Cette obligation ne s’applique pas aux activités menées en dehors de tels territoires et le gouvernement américain rejette le concept selon lequel le «contrôle de fait» équivaut à la juridiction exercée sur un territoire. Les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants sont toutefois interdits au titre de la loi sur le traitement des détenus et du Code uniforme de justice militaire. Il renvoie le Comité aux réponses écrites pour des informations détaillées sur la juridiction maritime et territoriale spéciale.

61.M. MONHEIM (États-Unis) déclare que l’Association du barreau américain a salué les normes nationales de détention, qui constituent selon elle «une bonne première étape dans l’assurance d’un traitement uniforme et d’un accès à un conseil juridique pour les migrants et les demandeurs d’asile» (question 45). Un exemple concret de ces normes réside dans l’établissement de détention inauguré récemment dans le Sud du Texas, qui permet la séparation des détenus par sexe et par degré de risque.

62.En ce qui concerne les Tasers (pistolets à impulsion électrique) (question 46), le Département de la justice élabore des politiques relatives à leur utilisation en conjonction avec les services de police locaux. Les tribunaux ont statué que ces appareils sont conformes à «l’interdiction des peines cruelles et inaccoutumées» inscrite dans le huitième amendement. Ils peuvent dispenser de l’impératif d’utiliser d’autres formes de force plus puissantes, et même létales. Le Département reste résolu à faire entreprendre une enquête et des poursuites sur les affaires d’usage excessif délibéré de la force impliquant des Tasers. Avec le Département de la défense, il procède également à des recherches pour mettre au point des dispositifs électro-musculaires moins létaux, qui procurent une sécurité et une efficacité améliorées, aux fins de l’application des lois et d’activités militaires.

63.La législation fédérale interdit que les délinquants juvéniles soient placés dans des établissements correctionnels ou de détention dans lesquels ils pourraient avoir des contacts réguliers avec les délinquants adultes (question 47). La détention provisoire d’un mineur dans un établissement pour adultes, par exemple juste après son arrestation, est toujours limitée à une période minimale et une séparation visuelle et auditive des délinquants adultes est mise en œuvre. En ce qui concerne les mineurs sous la garde du Département de la sécurité du territoire, ils ne sont pas placés avec des adultes dans les établissements de détention de ce Département.

64.S’agissant de l’utilisation de moyens de contention sur les détenus (question 48), il n’appartient pas aux politiques ou aux pratiques générales des États-Unis d’entraver les détenues pendant l’accouchement. Des instruments de contention seraient uniquement employés dans l’hypothèse improbable où une détenue constituerait une menace pour elle-même, pour son bébé ou pour d’autres personnes. Le Département de la justice enquête sur les allégations d’usage abusif d’entraves dans les prisons fédérales ou nationales. Le recours aux «chain gangs» (groupes de prisonniers enchaînés) ou aux «hitching posts» (poteaux d’attache) n’est pas inconstitutionnel en soi, mais le Département demanderait l’interdiction immédiate de cette pratique si elle était appliquée au mépris de dispositions constitutionnelles (p. ex. la disponibilité d’eau en quantité suffisante, l’accès à des toilettes et des soins médicaux). Au sujet des prisons de sécurité maximale, le Département a enquêté en profondeur et continuera d’enquêter sur toutes les allégations se rapportant à ces établissements, en appliquant les mêmes normes constitutionnelles que dans les enquêtes sur d’autres établissements pénitentiaires.

65.La loi de 2000 sur l’élimination du viol en prison prescrit que tous les établissements correctionnels doivent se doter de normes qui identifient et signalent les agressions sexuelles et les viols (question 49). Les politiques et les pratiques du Département de la justice et du Département de la sécurité du territoire à cet égard prévoient une information et une notification des allégations d’abus sexuels impliquant des membres du personnel ou des détenus, ainsi qu’une indemnisation des victimes. Les allégations d’abus graves étayées par des preuves crédibles donnent lieu à des mesures administratives, ou le cas échéant, à des poursuites pénales.

66.Le Bureau des prisons ne pratique pas l’isolement dans ses établissements (question 50). Des procédures et des garde-fous, y compris une surveillance de la santé mentale, s’appliquent dans les rares cas où il est indispensable de séparer temporairement des détenus de la population générale. Dans la mesure où la question concerne les combattants ennemis, le droit de la guerre autorise clairement un État à détenir des combattants - qu’ils soient légaux ou illégaux - sans inculpation pendant la durée du conflit.

67.Les États-Unis ont inclus une déclaration interprétative dans leur instrument de ratification de la Convention selon laquelle le traité «ne les empêche ni leur interdit d’appliquer la peine de mort, en vertu des cinquième, huitième et/ou quatorzième amendements à la Constitution des États-Unis» (question 51). La Cour suprême des États-Unis a statué que l’injection létale est conforme à la Constitution.

68.Davantage d’informations détaillées sur les aspects abordés peuvent être consultées dans les réponses écrites.

69.M. BELLINGER (États-Unis) déclare que la réponse donnée à la question 27 englobe la question 52 sur les techniques d’interrogatoire alléguées.

70.Eu égard à la structure fédérale des États-Unis, les autorités nationales et locales assument une responsabilité substantielle dans des domaines pertinents pour l’application de la Convention. Cette répartition des compétences ne s’écarte pas des obligations de fond du pays au titre de la Convention et ne limite pas ces obligations dès lors que la Constitution interdit les types de comportements concernés tant à l’échelle nationale que locale.

71.Les États-Unis n’envisagent pas de faire la déclaration prévue à l’article 22 de la Convention, reconnaissant la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications de particuliers (question 54).

72.Les États-Unis ont examiné leurs réserves, leurs déclarations interprétatives et leurs prises de position existantes à la lumière de la recommandation du Comité de les retirer, mais ils n’ont décelé aucun motif pour les reconsidérer (question 55).

73.Les États-Unis n’envisagent pas de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention (question 56).

74.Concernant les restrictions au matériel conçu pour infliger des actes de torture (question 57), les États-Unis reconnaissent que le commerce et l’exportation de certains articles doivent être contrôlés afin de prévenir leur usage abusif. Les objets spécialement conçus à l’usage de la torture ne peuvent en aucun cas recevoir une licence au titre de la réglementation de l’administration des exportations des États-Unis.

75.Les questions 58 et 59 sur le terrorisme et les mesures de prévention de la violence familiale soulèvent des réflexions extrêmement larges, dont une grande partie se situe en dehors du champ d’application de la Convention. Une réponse à ces questions peut être trouvée dans le deuxième rapport périodique des États-Unis et dans leur dernier rapport périodique en date au Comité des droits de l’homme.

76.Une réponse plus détaillée à tous les points traités peut être trouvée dans les réponses écrites des États-Unis.

77.M. MARIÑO MENÉNDEZ, Rapporteur de pays, remarque que le rapport des États-Unis a été soumis dans le contexte du défi posé par le terrorisme international, qui constitue l’une des plus graves atteintes aux droits de l’homme de tous les temps et qui est à l’origine des terribles attaques qui ont frappé les États-Unis le 11 septembre 2001.

78.A-t-il bien compris que les États-Unis estiment que la Convention contre la torture ne s’applique pas dans les conditions d’un conflit armé? Et les États-Unis considèrent-ils que le conflit armé contre le terrorisme est toujours en cours? Dès lors que la Convention a été adoptée sans préjudice d’autres instruments internationaux d’application plus large, le Comité défend l’opinion - appuyée par plusieurs arrêts de la Cour internationale de justice - selon laquelle la Convention s’applique dans les périodes de conflit armé de la même manière que d’autres normes internationales, telles que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

79.Bien qu’il soit compréhensible qu’un État soit réticent à divulguer des informations sur les activités de ses services de renseignement, ces activités peuvent être assimilées selon le droit international aux activités de l’État lui-même. Le refus ou la limitation de l’accès au mécanisme de plainte peut également être considéré comme une atteinte aux droits des plaignants potentiels.

80.Il s’inquiète que la définition de la torture telle qu’énoncée à l’article premier de la Convention n’ait pas été incorporée dans le droit fédéral des États-Unis, malgré les recommandations du Comité en ce sens. De surcroît, l’interprétation de l’article premier de manière à définir la torture comme une souffrance «extrême ou extrêmement grave» revient à l’ajout d’un élément à la Convention, qui fait uniquement référence à des «souffrances aiguës». Il croit comprendre que la délégation a admis cette opinion dans ses réponses au Comité.

81.À propos de la notion de «souffrances mentales», qui a fait l’objet de réserves dans l’instrument de ratification des États-Unis, il souhaiterait une clarification afin de savoir si la référence à quatre types de souffrances mentales prolongées, dans les réponses de la délégation, ne constitue pas une restriction à la signification de l’article premier de la Convention.

82.Il craint par ailleurs que l’absence d’infraction de torture dans le droit fédéral des États-Unis ne crée une possibilité d’exploiter les ambiguïtés de la distinction entre la torture et les traitements inhumains. La délégation reconnaît-elle, par exemple, que le mauvais traitement d’une personne placée en détention peut dans certaines circonstances s’apparenter à un acte de torture? L’immersion dans l’eau, la garde au secret de détenus et différents types d’atteintes sexuelles comptent parmi les formes de mauvais traitements forcés qui sont proches de la torture.

83.Au sujet des disparitions forcées, l’affirmation des réponses écrites selon lesquelles cette pratique ne constitue pas une forme de torture est contraire à un consensus bien ancré dans l’opinion internationale, y compris par le biais de jugements de tribunaux internationaux.

84.Dans le cas particulier de Guantánamo, il est exact que les visites du Comité international de la Croix-Rouge et de journalistes n’ont abouti à aucune preuve de torture sur un plan distinct des mauvais traitements. Étant donné toutefois que le Rapporteur spécial sur la question de la torture n’a finalement pas pu interroger des détenus dans ces installations, et que les États-Unis ont inclus dans leur instrument de ratification une réserve relative à l’usage de techniques de coercition autorisées par le droit fédéral ou la jurisprudence, il souhaiterait obtenir l’assurance que les techniques d’interrogatoire utilisées dans des installations telles que Guantánamo ne portent pas préjudice à la finalité de la Convention.

85.Dans les contextes où des abus se sont produits, il a été déclaré que les examens menés par le Gouvernement ont établi qu’il n’existait pas de politique systématique de mauvais traitements impliquant des agents du Département de la défense. Des indications issues de sources fiables comme Human Rights Watch révèlent toutefois certaines incohérences à cet égard. Comment en est-on arrivé à ce que dans des cas documentés de meurtre ou de mauvais traitements de 450 détenus impliquant quelque 600 agents des États-Unis, 54 condamnations seulement ont été prononcées et 10 seulement des 40 peines de prison infligées dépassent une durée d’un an? Une enquête a-t-elle été menée sur la chaîne de commandement liée à ces infractions, pour lesquelles les États-Unis sont responsables au titre de la Convention?

86.En rapport avec la loi sur le traitement des détenus, il serait souhaiterait recevoir des éclaircissements quant aux implications de l’amendement McCain et de la position adoptée par le Président Bush sur la question des obligations des États-Unis au titre de la Convention.

87.Conformément à l’article 3 de la Convention, un État partie est tenu de mettre en œuvre la diligence requise pour garantir qu’une personne expulsée, refoulée ou extradée de son territoire ne coure pas de danger d’être ensuite soumise à la torture. Le Parlement européen examine actuellement des rapports indiquant que des suspects terroristes sont transférés au moyen de vols non annoncés dans des prisons secrètes situées dans d’autres pays. Une telle pratique équivaudrait à une disparition forcée et enfreindrait clairement les obligations découlant de l’article 3 de la Convention dès lors qu’il est impossible de contrôler ce qu’il se produit à la suite de ces «transfèrements extraordinaires». A-t-il bien compris que la position des États-Unis consiste à considérer que les seules assurances diplomatiques ne constituent pas un motif suffisant d’expulsion, de refoulement ou d’extradition dans un autre pays? Les avis d’organisations internationales sur la probabilité qu’une personne souffre de mauvais traitements du fait de sa remise à un État déterminé devraient à ses yeux suffire à proscrire un tel transfèrement. Dans ce cadre, il souhaite également savoir s’il est exact que les décisions du Secrétaire d’État sur l’extradition d’un ressortissant étranger dans un autre pays ne sont soumises à aucune forme d’examen judiciaire ou de recours aux États-Unis.

88.M. CAMARA, Corapporteur de pays, souligne le rôle que joue le Comité pour assurer le respect par un État partie de la Convention contre la torture telle qu’elle est comprise par le Comité, et non par l’un ou l’autre pays. Ce principe s’applique également aux États-Unis. Dès lors que la communauté internationale poursuit l’objectif de minimiser l’incidence de la torture, il s’inquiète que des réserves à l’article 16 de la Convention mettent l’accent sur les souffrances plutôt que sur la torture. L’histoire a montré que la torture a servi par le passé de moyen illicite pour obtenir des preuves. Cet aspect doit donc se refléter dans sa définition, et s’il ne s’y retrouve pas, le sujet traité se confine aux traitements cruels, inhumains ou dégradants et non à la torture. En conséquence, il est fondamental de se rappeler l’article premier de la Convention, qui établit l’intention criminelle ainsi que la finalité pratique d’un acte de torture.

89.Il sollicite une clarification sur le fondement juridique de la pratique des réserves aux États-Unis. Bien qu’il ait cru comprendre que les États-Unis n’ont pas ratifié la Convention de Vienne sur le droit des traités, cet instrument stipule que les États non parties ne sont pas dispensés du respect de leurs obligations au titre du droit coutumier international. Le «droit positif» des États-Unis déplore le problème qu’il ne criminalise pas la torture en tant qu’infraction à part entière, d’où la nécessité de reconnaître la définition de la torture inscrite dans la Convention contre la torture. Dans son article 16, paragraphe 2, la Convention de Vienne dispose en outre que ses dispositions ne portent pas préjudice aux dispositions d’une quelconque loi nationale interdisant les traitements cruels, inhumains ou dégradants.

90.Il attire l’attention sur le cas de Martin Mubanga, un ressortissant britannique d’origine zambienne qui s’est converti à l’islam et qui a été détenu à Guantánamo. Après sa libération, il a affirmé qu’il a été torturé - sans conteste à des fins d’extorsion d’aveux - et qu’il a subi des insultes raciales. Tous les éléments constitutifs d’actes de torture étaient donc réunis, mais aucune enquête n’a apparemment été menée. Quelles mesures les États-Unis ont-ils prises dans cette affaire? D’autre part, ont-ils l’intention d’accorder un dédommagement approprié à la victime? Les États-Unis doivent faire en sorte d’assurer que l’état de droit s’applique de la même manière à leurs propres ressortissants et aux étrangers présents sur leur territoire.

91.Mme SVEAASS remercie la délégation des États-Unis pour ses explications sur certains points soulevés par le Comité à propos des conditions de détention, mais une série de préoccupations subsistent. Le problème des violences sexuelles exercées contre des détenus, en particulier des femmes, a été mis en lumière par plusieurs rapporteurs des Nations Unies qui se sont rendus dans des prisons nationales et fédérales aux États-Unis. Un accès insuffisant à des ressources juridiques, médicales et d’orientation a également été signalé.

92.Le Comité a déjà émis des recommandations, entre autres, à la lumière d’allégations de coups et blessures du fait d’agents chargés de l’application des lois et entre détenus. Malgré l’adoption d’instruments tels que la loi sur l’élimination du viol en prison, les chiffres relatifs aux violences sexuelles restent alarmants. Le fait qu’un grand nombre d’allégations aient été jugées non fondées constitue un sujet de préoccupation dès lors qu’il est souvent difficile de recueillir des preuves dans de telles affaires. Quelles mesures ont été prises pour prévenir les violences sexuelles, et quand la législation existante en la matière sera-t-elle appliquée efficacement? Des agents du gouvernement sont-ils impliqués dans les faits de ce type poursuivis? Dans la formation du personnel chargé de l’application des lois, l’accent est-il mis sur l’impératif de respecter l’intégrité physique et une attention particulière est-elle consacrée aux aspects liés au sexe? Le personnel des établissements sous contrat privé reçoit-il la même formation, et comment la situation peut-elle être contrôlée? Quelles mesures ont été prises pour protéger les personnes particulièrement vulnérables? Comment une meilleure surveillance des conditions peut-elle être réalisée, et comment les violences sexuelles contre les détenus peuvent-elles être interdites conformément à la Convention? Quelles initiatives ont été prises pour fournir une indemnisation et une réadaptation aux victimes? Elle a noté que les centres existants pour les victimes de la torture n’ont pas été utilisés pour des activités de réadaptation dans des cas impliquant des allégations accusant des agents du gouvernement.

93.Elle déplore spécialement l’utilisation de la violence à l’encontre de femmes enceintes, comme dans le cas de Shawanna Nelson, qui est restée entravée pendant son accouchement. Elle souhaite savoir si la version remaniée du Code uniforme de justice militaire interdira expressément toute forme de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants, y compris les violences fondées sur le sexe. D’autre part, des dispositions seront-elles intégrées contre des types spécifiques de pratiques dommageables sur le plan physique et psychologique? Elle espère que le Comité pourra recevoir une copie du Code amendé.

94.À propos des mesures prises pour prévenir les violences familiales et qualifier les actes de ce type en tant qu’infractions spécifiques au titre du droit pénal, elle réfute l’opinion de la délégation selon laquelle les violences familiales n’appartiennent pas au champ d’application de la Convention. Cela implique-t-il qu’un État peut négliger son obligation de prévenir les violences dont il a connaissance? Dans ce cas, l’article 3 de la Convention ne serait pas applicable à une femme fuyant des actes de violence familiale équivalant à des actes de torture.

95.M. KOVALEV approuve l’avis de M. Camara selon lequel le fléau de la torture ne peut être éradiqué si la définition de la torture n’est pas universellement admise. La torture ne suppose pas nécessairement l’usage de la force. Non seulement les États-Unis n’ont pas ratifié le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, mais ils ont en fait retiré leur signature. Il remet ce geste en question dès lors que le statut illicite des atteintes aux droits de l’homme, y compris les crimes contre l’humanité et le terrorisme, serait renforcé sous la juridiction de la Cour pénal internationale.

96.Mme BELMIR salue les efforts consentis par les États-Unis pour renforcer le concept de l’état de droit. Elle souligne le lien entre la Convention contre la torture et l’article 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en rappelant que certaines dispositions ne peuvent être assorties d’une dérogation, à savoir le droit à la vie, la non-discrimination, l’interdiction de la torture et la non-rétroactivité du droit pénal. Elle a relevé une série d’incohérences dans le corpus législatif des États-Unis et elle ne peut trancher si la confusion suscitée est intentionnelle ou si elle est due au système fédéral. En toute hypothèse, la définition de la torture énoncée à l’article premier de la Convention a été rédigée soigneusement sur la base de compromis et de termes que tous les États pouvaient accepter. La notion de l’état de droit requiert également une interprétation uniforme des textes afin d’assurer qu’il n’existe aucune exception.

97.S’agissant des allégations d’atteintes aux droits de l’homme, elle a généralement observé des comportements similaires dans le chef du personnel chargé de l’application des lois dans les prisons installées aux États-Unis et dans des endroits secrets. Les procédés employés au cours des interrogatoires comprennent l’immobilisation, l’isolement, les abus sexuels, le passage à tabac et l’enchaînement aux murs. D’après des rapports dérangeants d’ONG, des enfants sont en outre parfois détenus aux côtés d’adultes, une pratique qui est contraire au droit international. Des groupes actifs dans le domaine des droits de l’homme ont par ailleurs signalé des attitudes et des comportements insultants à l’égard des femmes.

98.Il a été suggéré que l’existence d’abus traduirait peut-être une ambiguïté dans les règles régissant le comportement du personnel militaire. Le problème est-il dû à la formation du personnel ou à l’interprétation qui lui a été donnée des règles à appliquer? Ou existe-t-il un souhait de déroger aux instruments internationaux sur les droits de l’homme?

99.M. WANG Xuexian souhaite savoir si les méthodes d’interrogatoire dites de la «baignoire» ou du «sous-marin» sont qualifiées d’actes de torture ou d’autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il a été fait référence à plusieurs reprises à des situations dans lesquelles certaines personnes n’ont pas bénéficié d’un traitement humain. Ces affirmations reposent-elles sur des faits établis, et dans l’affirmative, est-il possible qu’elles aient exercé une influence sur le comportement du personnel militaire? Enfin, les activités de la CIA et d’autres services de renseignement ne préoccupent pas le Comité. Des mesures sont-elles toutefois prises pour surveiller ces activités afin d’assurer qu’elles n’enfreignent pas la Convention? Et si des infractions sont commises, font-elles l’objet d’une enquête et leurs auteurs sont-ils inculpés?

100.Le PRÉSIDENT reconnaît la contribution des États-Unis à la promotion des droits de l’homme, mais souligne également leur obligation de satisfaire à une série d’exigences. Le fait de placer une personne en détention préventive pendant plusieurs années sans lui autoriser l’accès à un conseil juridique, même dans le contexte de la guerre contre le terrorisme, pose un problème grave. L’annonce de projets de fermeture de Guantánamo a donc été largement appréciée. Il exprime l’espoir sincère que les droits des détenus - contre lesquels il n’existe pas la moindre preuve même s’ils sont peut-être suspects - soient ensuite garantis dans le respect rigoureux de la Convention.

101.Les photos et les films sortis de la prison d’Abu Ghraib lui ont remémoré de tristes souvenirs de sa visite dans cet établissement sous le régime de Saddam Hussein et il est bouleversé que les États-Unis se compromettent dans de tels actes. Les auteurs d’infractions ont été poursuivis, mais quelles mesures de surveillance étaient exercées avant que le problème ne soit découvert? Et où le système a-t-il échoué? Davantage d’informations peuvent-elles être communiquées sur la chaîne de commandement et sur les instructions reçues à propos de l’interrogatoire des détenus?

102.Le Comité a toujours adopté une approche objective à l’égard des renseignements fournis par les ONG et leurs contributions sur les points en question ont été particulièrement louables. Compte tenu du rôle substantiel que jouent les États-Unis dans la construction de sociétés civiles et le développement d’ONG, il exprime l’idée que le pays devrait collaborer plus étroitement avec les ONG. Ses relations personnelles avec le gouvernement des États-Unis pendant sa mission en qualité de Rapporteur spécial des Nations Unies en Irak ont été excellentes et il est persuadé que la situation du pays s’améliorera après l’élection d’un nouveau gouvernement.

103.À propos de la définition de la torture, il estime que si un pays peut démontrer à la satisfaction du Comité que sa législation nationale couvre tous les aspects de la torture, en les qualifiant d’infractions passibles d’une peine appropriée, il n’est pas contraint de modifier sa législation. En cas de nécessité, des amendements appropriés peuvent être apportés, même si d’après l’expérience du Comité, la grande majorité des pays ont tiré profit de la classification de la torture en tant qu’infraction à part entière.

104.À l’échelon national, il a été surpris d’apprendre qu’un commandant de police de Chicago s’est rendu coupable entre 1972 et 1991 de la torture de 135 Afro-américains. Malgré plusieurs procédures judiciaires, l’affaire n’est pas encore résolue. Il demande une explication à ce sujet.

105.Il s’interroge sur la nécessité de l’application de la peine de mort à l’heure actuelle, en prenant en considération ses profondes retombées connexes sur le plan psychologique. La loi sur le traitement des détenus est la bienvenue, mais l’exclusion du principe de l’habeas corpus est particulièrement regrettable. Il souligne la nécessiter de mener une enquête sur les infractions à la Convention dans le cadre d’activités de renseignement. Il appelle à une plus grande indépendance des enquêtes, dans le propre intérêt des États-Unis. Il est heureux que les assurances diplomatiques soient employées avec retenue pour garantir l’absence de tout risque de torture.

106.Les discussions avec la délégation des États-Unis sur la question de la lex specialis ont été remarquables. Bien qu’il reconnaisse que ce principe puisse être utilisé pour déterminer la primauté d’une convention par rapport à une autre, l’opinion publique escompte l’application de règles qui procurent une meilleure protection aux particuliers sans défense, qui doivent jouir de la présomption d’innocence.

La séance est levée à 13 h 10.

-----