Nations Unies

CAT/C/66/D/749/2016

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

2 septembre 2019

Français

Original : anglais

Comité contre la torture

Décision adoptée par le Comité en vertu de l’article 22 de la Convention, concernant la communication no 749/2016 * , ** , ***

Communication p résentée par :

X (représenté par un conseil, John Phillip Sweeney)

Victime(s) présumée(s) :

Le requérant

État partie :

Australie

Date de la requête :

22 avril 2016 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application de l’article 115 du règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 10 mai 2016

Date de la présente décision:

3 mai 2019

Objet :

Expulsion vers Sri Lanka

Question(s) de procédure :

Défaut de fondement des griefs ; non-épuisement des recours internes

Question(s) de fond :

Risque d’être tué et risque d’être soumis à la torture ou à des mauvais traitements en cas d’expulsion vers le pays d’origine

Article(s) de la Convention :

3

1.1Le requérant est X., de nationalité sri-lankaise. L’Australie a rejeté sa demande d’asile. Il affirme que son expulsion vers Sri Lanka constituerait une violation par l’Australie de l’article 3 de la Convention. Le requérant est représenté par un conseil.

1.2Le 10 mai 2016, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son rapporteur chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires de protection, a rejeté la demande de mesures provisoires du requérant.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1Le requérant est né à Sri Lanka. Il a travaillé en Arabie saoudite de 1993 à 2001, puis est revenu à Sri Lanka où il s’est établi comme négociant en pierres précieuses. Il a de nouveau quitté Sri Lanka en 2003 pour aller travailler au Japon, puis est revenu en 2006 pour créer sa propre entreprise. Sa licence de négociant en pierres précieuses a été renouvelée en 2008, 2009, 2010 et 2011.

2.2À son retour à Sri Lanka, le requérant a mené une vie de musulman pieux. Il a soutenu le Parti national uni lors de plusieurs élections, et il lui a été proposé de se porter candidat pour ce parti aux élections parlementaires de 2010 dans un district de la Province de l’Ouest.

2.3Au même moment, comme le requérant était très populaire et que la majorité des habitants de son village étaient des musulmans favorables au Parti national uni, l’Alliance du peuple uni pour la liberté lui a aussi demandé de se présenter, comptant sur sa popularité au sein de sa communauté pour remporter les élections. Le requérant a refusé d’être candidat pour l’Alliance. Le député pour le district de Kalutara, Y., membre de l’Alliance, l’a alors menacé de le tuer s’il se portait candidat pour le Parti national uni. Le requérant a donc décidé de se présenter en tant que candidat indépendant.

2.4Le 7 avril 2010, soit la veille des élections, aux alentours de 9 heures du matin, le requérant a été enlevé et emmené au domicile d’un partisan haut placé de Y., où il a été séquestré jusqu’à la fin des élections. Après sa libération, il s’est caché à Colombo, chez un proche de son épouse.

2.5Le requérant affirme que, le 2 octobre 2011, il a aidé son ami M. à faire campagne pour les élections municipales du 8 octobre 2011. Apprenant qu’il participait à la campagne du parti adverse, Y. l’a agressé et séquestré pendant trois jours dans les locaux de l’Alliance du peuple uni pour la liberté. Pendant ces trois jours, le requérant a été attaché à un bloc de béton, torturé, brûlé aux mains et privé de nourriture. Il a commencé à vomir du sang. Une fois libéré, il a été hospitalisé trois jours à l’Hôpital national, à Colombo. Le requérant affirme que, dans les jours qui ont suivi, il a été harcelé par Y., qui s’est présenté au domicile de ses proches et à son domicile en demandant à le voir. Face aux menaces constantes de Y. et d’autres membres de l’Alliance, le requérant, craignant pour sa vie, a décidé de fuir Sri Lanka pour l’Australie.

2.6Le 13 octobre 2011, le requérant a demandé un visa de court séjour en vue de participer à une exposition à Sydney, du 24 au 28 octobre 2011. Il avait été mandaté par l’agence sri-lankaise des technologies de l’information et de la communication, en association avec les consulats généraux de Sri Lanka à Sydney et à Melbourne. Il est arrivé en Australie le 23 octobre 2011.

2.7Le 22 novembre 2011, le requérant a déposé une demande de visa de protection et a, dans ce cadre, obtenu un visa relais. Dans sa demande, il a déclaré qu’il craignait d’être tué par des partisans de Y., membre de l’Alliance du peuple uni pour la liberté, parce qu’il n’avait pas soutenu celui-ci lors des élections parlementaires de 2010 et qu’il avait ensuite soutenu publiquement un candidat du Parti national uni aux élections locales à Colombo, à la suite de quoi il avait été enlevé, roué de coups, menacé et séquestré pendant trois jours à titre de représailles.

2.8La demande de visa de protection du requérant a été rejetée le 6 février 2013 par un représentant du Ministère de l’immigration et de la citoyenneté, qui a considéré que le récit du requérant n’était globalement pas crédible et n’y a donc pas accordé foi. Il a estimé qu’il n’existait pas de motif sérieux de croire que le requérant courrait un risque réel de subir un préjudice grave en cas de renvoi vers Sri Lanka.

2.9Le requérant a fait appel auprès du Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés, qui a confirmé la décision du représentant du Ministère le 3 septembre 2014. Le 29 septembre, le requérant a saisi le Tribunal de circuit fédéral, mais le 8 mars 2016, il a retiré sa demande car, la veille de l’audience, son dossier a été confié à un nouvel avocat qui a estimé qu’il n’avait « aucune chance d’avoir gain de cause ». Le 9 mars, le requérant a saisi le Ministre de l’immigration et de la protection des frontières, le priant d’intervenir en sa faveur, mais sa demande a été rejetée le 6 avril. Il affirme qu’il a donc épuisé tous les recours internes disponibles.

Teneur de la plainte

3.1Le requérant affirme qu’en cas de renvoi vers Sri Lanka, il risquerait de subir des traitements contraires à l’article 3 de la Convention. Il dit fuir les agissements arbitraires d’un membre haut placé de la classe politique sri-lankaise et soutient qu’une personne menacée par des membres ou des hommes de main de l’Alliance du peuple uni pour la liberté ne peut espérer trouver refuge ailleurs dans le pays, étant donné que Sri Lanka est un petit pays et que les réseaux politiques de l’Alliance s’étendent sur tout son territoire.

3.2De plus, ayant vécu cinq ans parmi la diaspora tamoule en Australie, le requérant craint, s’il est renvoyé contre son gré à Sri Lanka, d’être pris pour cible par les autorités et interrogé sur ses activités et ses fréquentations en Australie. Il craint d’être alors torturé et soumis à des traitements inhumains, cruels et dégradants.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Le 6 octobre 2016, l’État partie a soumis ses observations sur la recevabilité et le fond de la requête. Il considère que les griefs du requérant sont irrecevables pour non-épuisement des recours internes et défaut manifeste de fondement. Si le Comité devait les déclarer recevables, l’État partie soutient qu’ils sont dénués de fondement car le requérant n’a pas apporté d’éléments de preuve suffisants pour montrer qu’il courrait personnellement un risque réel d’être torturé en cas de renvoi vers Sri Lanka.

4.2L’État partie affirme que le requérant n’a pas épuisé tous les recours internes comme l’exigent le paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention ainsi que le paragraphe c) de l’article 97 et le paragraphe e) de l’article 113 du Règlement intérieur du Comité. Le 8 mars 2016, le requérant a retiré la demande qu’il avait introduite auprès du Tribunal de circuit fédéral, sur les conseils de son avocat, qui aurait estimé qu’il n’avait « aucune chance raisonnable d’obtenir gain de cause ». Il n’a donc pas épuisé tous les recours internes disponibles permettant un contrôle juridictionnel de la décision contestée (devant le Tribunal de circuit fédéral ou, éventuellement, la Cour fédérale d’Australie ou la Haute Cour).

4.3L’État partie soutient que les griefs du requérant sont manifestement infondés et que l’intéressé n’a pas démontré que sa requête était à première vue recevable. Il souligne que ces griefs ont été examinés de manière approfondie par plusieurs autorités internes, qui ont estimé qu’ils ne relevaient pas des obligations de non-refoulement souscrites par l’Australie au titre de la Convention. L’État partie fait valoir que les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants évoqués par le requérant ne correspondent pas à la définition de la torture qui figure à l’article premier de la Convention. En conséquence, ils ne relèvent pas de l’obligation de non-refoulement mise à la charge de l’État partie par l’article 3 de la Convention, et devraient être déclarés irrecevables. Le requérant n’a pas, dans la communication qu’il a soumise au Comité, formulé de nouveaux griefs ou apporté de nouveaux éléments de preuve qui n’aient pas déjà été examinés dans le cadre des procédures judiciaires et administratives ; l’État partie demande donc au Comité de considérer que les allégations du requérant ont déjà fait l’objet d’un examen approfondi au cours de la procédure interne.

4.4L’État partie renvoie à l’observation générale no 1 (1997) du Comité, sur l’application de l’article 3 dans le contexte de l’article 22, dans laquelle le Comité affirme que, n’étant pas un organe d’appel ni un organe judiciaire, il accorde un poids considérable aux constatations de fait des organes de l’État partie concerné. Il demande au Comité de reconnaître ce poids aux conclusions formées dans le cadre de ses procédures internes, selon lesquelles les griefs du requérant sont sans fondement et devraient être rejetés.

4.5Quant au fond de la requête, l’État partie résume chaque étape de la procédure suivie par le requérant et affirme que chacune des décisions prises dans ce cadre était fondée sur des entretiens individuels et sur les informations disponibles sur le pays. Le représentant du Ministère qui a examiné la demande de visa de protection du requérant a considéré que l’intéressé n’avait pas réellement été enlevé le 7 avril 2010. Il a admis que le nom du requérant figurait sur une liste de candidats indépendants aux élections parlementaires de 2010. Néanmoins, comme l’intéressé n’était qu’un candidat parmi 451 aux élections locales de son district, le représentant du Ministère n’a pas considéré qu’il aurait pu être personnellement pris pour cible à cette occasion.

4.6Pour étayer l’allégation selon laquelle il aurait été enlevé une deuxième fois, le requérant a soumis un certificat médical de l’Hôpital national de Sri Lanka attestant qu’il avait été agressé physiquement et blessé à la tête. Le représentant du Ministère qui a examiné sa demande a estimé que ce document était un faux rédigé dans le but d’étayer les griefs du requérant.

4.7En ce qui concerne l’hostilité de Y. envers le requérant, le représentant du Ministère chargé d’examiner la demande a estimé que si Y. avait voulu nuire au requérant et s’il avait vraiment été aussi influent et menaçant que le requérant le disait, le requérant n’aurait probablement pas pu obtenir le renouvellement de sa licence de négociant en pierres précieuses le 18 janvier 2011. Il a également estimé que le fait que la demande de visa du requérant ait été acceptée par les autorités sri-lankaises montrait que celles-ci n’avaient rien contre le requérant.

4.8Lorsqu’il a examiné au fond la demande du requérant, le 25 février 2013, le Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés a estimé que certains des éléments de preuve étaient vagues, peu plausibles et contradictoires, et que le témoignage du requérant n’était pas crédible. Il a relevé que le requérant avait quitté Sri Lanka avec son vrai passeport et qu’il avait pu obtenir le renouvellement de sa licence de négociant en pierres précieuses après avoir été enlevé pour la première fois, ce dont on pouvait déduire que les autorités ne s’intéressaient pas à lui. En ce qui concerne les allégations du requérant selon lesquelles il risquerait de subir des violences à son retour à Sri Lanka en tant que demandeur d’asile débouté, le Tribunal a estimé qu’au vu des informations sur le pays, ce risque ne concernait que les personnes qui avaient été interceptées par les autorités australiennes alors qu’elles étaient en route pour l’Australie puis renvoyées à Sri Lanka, ce qui n’était pas le cas du requérant. Celui-ci avait obtenu un visa pour l’Australie, et aucun élément ne laissait supposer que les autorités sri-lankaises sauraient qu’il y avait demandé l’asile. Le Tribunal a rejeté les allégations du requérant selon lesquelles il serait en danger car il était musulman, faute de tout élément allant dans ce sens dans les informations concernant le pays. Il a considéré que les allégations du requérant selon lesquelles, puisqu’il parlait tamoul, il serait soupçonné d’être un sympathisant de la cause tamoule et risquerait donc de faire l’objet de violences étaient elles aussi dénuées de fondement.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie

5.1Le 14 août 2018, le requérant a soumis ses commentaires sur les observations de l’État partie.

5.2En ce qui concerne le non-épuisement des recours internes, le requérant affirme qu’il a formé un recours auprès du Tribunal de circuit fédéral, mais que son avocat a émis un avis négatif sur ses chances d’obtenir gain de cause. Il renvoie à l’article 486I de la loi sur les migrations, dont le texte figure sur les formulaires de saisine du Tribunal de circuit fédéral. Le requérant n’avait pas d’autre choix que de retirer sa demande, et ce retrait l’a empêché de saisir d’autres juridictions. Il réaffirme qu’il a épuisé tous les recours internes à sa disposition.

5.3Le requérant conteste les conclusions du représentant du Ministère chargé d’examiner sa demande de visa de protection et du Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés sur sa crédibilité. Il demande au Comité de tirer lui-même ses propres conclusions, sachant qu’il risque d’être torturé en cas de renvoi vers Sri Lanka. Il soutient que les conclusions rendues à son sujet s’appuient sur des faits imprécis et sur des confusions quant à la chronologie des enlèvements et à la nature des documents relatifs à son affaire. Elles se fondent en outre sur des informations obsolètes et des recherches insuffisantes.

5.4Le requérant réaffirme qu’il a peur de Y., qui est une personne influente, corrompue et violente. Il affirme qu’il risque des poursuites judiciaires pour faits graves de corruption, pouvant déboucher sur des peines d’emprisonnement, car Y. percevrait sa présence comme une menace supplémentaire dans la situation délicate où il se trouve, et tenterait de « le faire taire ».

Autres observations de l’État partie

6.Le 15 novembre 2018, l’État partie a réaffirmé sa position sur la recevabilité et le fond de la requête. Il estimait que les commentaires du requérant n’apportaient pas de nouvelles informations propres à lui faire réévaluer ses conclusions initiales.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner tout grief soumis dans une communication, le Comité doit déterminer s’il est recevable au regard l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été examinée et n’est pas actuellement examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

7.2Le Comité rappelle que, conformément au paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention, il n’examine aucune communication d’un particulier sans s’être assuré que celui-ci a épuisé tous les recours internes disponibles. Cette règle ne s’applique pas s’il a été établi que les procédures de recours ont excédé des délais raisonnables ou qu’il est peu probable que le requérant obtienne réparation par ce moyen.

7.3Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel le requérant n’a pas épuisé les recours internes disponibles car il n’a pas fait appel de la décision du Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés auprès du Tribunal de circuit fédéral, ce qui lui aurait ouvert des recours devant la Cour fédérale et devant la Haute Cour d’Australie. Le Comité prend également note de la réponse du requérant selon laquelle un avocat avait estimé qu’il n’avait aucune chance raisonnable d’obtenir gain de cause en appel devant le Tribunal de circuit fédéral, ce qui signifiait, au vu de l’article 486I de la loi sur les migrations, qu’il devait renoncer à cette démarche. Renvoyant à sa jurisprudence, le Comité observe que rien dans l’article 486I de ladite loi ne suggère qu’un appel formé de bonne foi ne sera pas examiné. En l’espèce, c’est l’avis personnel de son avocat et non le manque d’efficacité du recours qui a empêché le requérant d’épuiser les recours internes. Le Comité rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle de simples doutes quant à l’efficacité d’un recours ne dispensent pas de l’obligation de l’épuiser. Le requérant ne précise pas s’il a cherché à confier son affaire à un autre avocat, y compris à un avocat commis d’office, ou s’il aurait pu présenter son recours lui-même, sans être représenté par un conseil, plutôt que de le retirer. Le Comité note que les informations fournies par les parties n’indiquent pas que le requérant était représenté par un avocat commis d’office et rappelle que, selon sa jurisprudence, les erreurs commises par un conseil choisi par le plaignant ne sauraient en principe être attribuées à l’État partie. Dans ces circonstances, le Comité conclut que le requérant n’a pas épuisé les recours internes disponibles, comme l’exige le paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention, étant donné que des recours utiles étaient disponibles et que le requérant ne les a pas épuisés.

7.4Compte tenu de cette conclusion, le Comité considère qu’il n’est pas nécessaire d’examiner d’autres motifs d’irrecevabilité.

8.En conséquence, le Comité décide :

a)Que la requête est irrecevable au regard du paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention ;

b)Que la présente décision sera communiquée au requérant et à l’État partie.

Annexe

[Original : français]

Opinion individuelle (dissidente) d’Abdelwahab Hani

1.Concernant le non-épuisement des recours internes, le requérant indique au paragraphe 2.9 avoir fait appel auprès du Tribunal de contrôle des décisions concernant les réfugiés, qui a confirmé la décision du Ministre le 3 septembre 2014. Le 29 septembre 2014, il a alors saisi le Tribunal de circuit fédéral, mais a retiré sa demande le 8 mars 2016, car la veille de l’audience, son dossier avait été confié à un nouvel avocat ayant estimé qu’il n’avait aucune chance d’obtenir gain de cause. Le 9 mars 2016, le requérant a demandé au Ministre de l’immigration et de la protection des frontières d’intervenir en sa faveur, mais sa demande a été rejetée le 6 avril 2016. Le requérant affirme avoir ainsi épuisé tous les recours internes disponibles.

2.L’État partie indique au paragraphe 4.2 que le requérant aurait agi sur l’avis de son conseil, lequel estimait que l’affaire n’offrait aucune perspective raisonnable de succès.

3.Au paragraphe 5.2, le requérant explique toutefois qu’il a bel et bien formé un recours auprès du Tribunal de circuit fédéral, mais que son conseil a émis un avis négatif quant à ses chances d’obtenir gain de cause. Par ailleurs, il renvoie à l’article 486I de la loi sur l’immigration, qui stipule que :

a)Un conseil ne doit pas saisir une juridiction d’un acte qui ouvrirait une procédure en matière de migration, à moins qu’il ne certifie par écrit qu’il existe des motifs raisonnables de penser que le requérant a une chance raisonnable d’obtenir gain de cause ;

b)Le Tribunal doit refuser d’accepter un document introductif d’instance en matière de migration, dans le cas où celui-ci devrait, selon les termes du paragraphe a), être certifié par le conseil, mais ne l’a pas été.

4.Ainsi, le requérant n’avait d’autre choix que de retirer sa demande, ce qui l’empêchait de s’adresser à un autre tribunal, vu l’avis négatif de son conseil, qui ne pouvait ni introduire ni plaider son affaire, au titre dudit article de la loi sur l’immigration, sous peine de sanctions.

5.Il ne s’agit sans doute pas d’une « conclusion personnelle de l’avocat », comme l’affirme le Comité au paragraphe 7.3, mais d’un obstacle qui a empêché le requérant d’épuiser cette voie de recours interne, vu l’interdiction faite à son conseil d’introduire l’instance s’il n’attestait pas par écrit des motifs raisonnables de succès de la cause du requérant.

6.L’article 486I de la loi sur l’immigration fixe des conditions procédurales d’admissibilité qui s’imposent au conseil, sous peine de lourdes sanctions dissuasives énumérées dans la section 8B de la loi et relatives à l’ordonnance de frais lorsque la procédure n’a aucune chance raisonnable de succès, notamment les articles 486E et 486F. Cette section de la loi introduite par la réforme de 2005 est propre aux litiges liés à l’immigration. Elle ne peut être considérée comme faisant partie de la réglementation générale interne de la profession d’avocat en matière d’éthique professionnelle, mais comme un obstacle à l’introduction d’instance en matière de migration.

7.La non-saisine de cette voie de recours ou le retrait du dossier introduit à sa reprise de l’affaire ne peuvent être attribués à un simple avis personnel ou à une erreur d’appréciation du conseil du requérant.

8.L’État partie n’explique pas comment cet obstacle intégré dans la loi est compatible, en l’espèce, avec les critères d’un recours disponible et effectif.

9.Cet obstacle compromet à la fois le droit à un conseil et l’effectivité du recours en question. Le Comité a estimé dans sa jurisprudence que les recours internes devaient être disponibles, utiles, effectifs et pouvoir être exercés dans la pratique sans obstacle d’aucune nature, comme le précise le paragraphe 35 de son observation générale no 4 (2017) sur l’application de l’article 3 dans le contexte de l’article 22.

10.Dans ces conditions, le Comité aurait dû rejeter l’argument de l’État partie de non‑épuisement des voies de recours internes et considérer la requête comme recevable.