Pacte international relatif aux droits civilset politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/UKR/CO/628 novembre 2006

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre‑vingt‑huitième sessionGenève, 16 octobre‑3 novembre 2006

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits de l’homme

UKRAINE

1.Le Comité a examiné le sixième rapport périodique de l’Ukraine (CCPR/C/UKR/6) à ses 2407e et 2408e séances (CCPR/C/SR.2407 et 2408) le 23 octobre 2006, et a adopté les observations finales suivantes à sa 2422e séance (CCPR/C/SR.2422), le 2 novembre 2006.

A. Introduction

2.Le Comité se félicite que l’État partie ait soumis en temps voulu son rapport périodique qui a été établi conformément aux directives concernant les rapports. Il exprime sa satisfaction pour le dialogue qui a eu lieu avec la délégation et pour les réponses que celle‑ci lui a apportées. L’État partie s’est efforcé de donner des renseignements concrets sur la façon dont il applique le Pacte.

3.Le Comité a bénéficié de la présence de deux représentants du bureau du Médiateur et prend note du caractère constructif des recommandations du Médiateur, même si beaucoup d’entre elles ne sont pas encore appliquées. Toutefois, le Comité regrette le manque d’informations plus détaillées émanant d’organisations non gouvernementales et l’absence d’une large représentation des organisations nationales de défense des droits de l’homme avant son dialogue avec l’État partie.

B. Aspects positifs

4.Le Comité prend note avec satisfaction:

a)De l’adoption, le 8 septembre 2005, d’un texte de loi visant à promouvoir l’égalité des droits et des chances entre les hommes et les femmes, ainsi que d’un plan national d’action pour 2001‑2005 visant l’amélioration de la situation des femmes dans la vie publique et la promotion de l’égalité des sexes;

b)Des mesures prises pour lutter contre la traite des femmes, notamment l’adoption d’une loi pour poursuivre et punir les trafiquants;

c)De la mise en place d’un programme de protection des témoins;

d)De la publication, avec l’aide du Programme des Nations Unies pour le développement, d’un recueil des Observations finales et des recommandations des organes conventionnels de l’ONU sur les rapports de l’Ukraine dans le domaine des droits de l’homme.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

5.Le bureau du Médiateur ne dispose pas de ressources suffisantes pour s’acquitter de sa mission, alors qu’il a des responsabilités essentielles, notamment la charge d’examiner des plaintes au sujet de problèmes graves tels que la violence dans les prisons et la discrimination ethnique. Le pouvoir législatif n’a pas donné suite à un grand nombre des propositions de réforme formulées par le Médiateur (art. 2).

L’État partie devrait augmenter les ressources allouées au bureau du Médiateur pour lui permettre de s’acquitter efficacement de sa mission, en particulier en renforçant sa capacité d’enquêter tant sur les plaintes individuelles que sur les problèmes systémiques et de trouver des solutions.

6.Le Comité est préoccupé par le fait que l’article 64 de la Constitution de l’Ukraine est incompatible avec l’article 4 du Pacte.

L’État partie devrait veiller à ce que les dispositions relatives à l’état d’urgence soient compatibles avec l’article 4 du Pacte. Le Comité appelle à ce sujet l’attention de l’État partie sur son Observation générale n o  29 (2001) relative aux dérogations en période d’état d’urgence.

7.Des membres de la police ont fait subir des mauvais traitements à des personnes arrêtées pour des infractions pénales et des personnes placées en détention; en particulier des policiers ont frappé à mort un homme de 36 ans à Zhytomyr le 7 avril 2005, un détenu du centre de détention de Kharkiv est mort des suites de coups le 17 décembre 2005 et Mykola Zahadhevsky est mort en détention provisoire en avril 2004. Le Comité note que, le 11 octobre 2005, le Médiateur pour les droits de l’homme a reconnu avec franchise que des actes de torture continuaient d’être commis dans les centres de détention provisoire (art. 6).

L’État partie devrait garantir la sécurité de toutes les personnes placées sous la garde de la police, et notamment en prenant les mesures nécessaires pour qu’elles ne soient pas soumises à la torture ou à d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants. L’État partie devrait envisager la création d’un mécanisme indépendant d’examen de plaintes contre la police, tel qu’un conseil civil de contrôle de la police, ainsi que l’introduction d’un système d’enregistrement vidéo des interrogatoires de suspects à titre de protection. Il devrait également prévoir la mise en place d’un service indépendant d’inspection des installations pénitentiaires dont les membres seraient habilités à s’entretenir avec les détenus en privé.

8.Des personnes soupçonnées d’infractions pénales ont été détenues par la police pendant 72 heures à titre de «mesure préventive temporaire», avant d’être déférées devant un juge. Cette pratique est incompatible avec le droit d’être traduit dans le plus court délai devant un juge (art. 9).

L’État partie devrait veiller à ce que, dans le nouveau Code de procédure pénale, la durée de la garde à vue et de la détention provisoire soit limitée de façon à être compatible avec l’article 9 du Pacte.

9.L’État partie a expulsé des personnes vers des pays où elles risquaient d’être soumises à la torture ou à d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, sans les autoriser à former un recours contre la décision d’expulsion. L’expulsion de 10 Ouzbeks en février 2006 est un exemple de cette pratique (art. 7, 9 et 13).

L’État partie ne devrait pas expulser ou refouler des étrangers vers un pays où ils risquent d’être soumis à la torture ou à des mauvais traitements, et devrait autoriser les étrangers à former un recours contre toute décision d’expulsion prise en première instance avant que celle ‑ci ne soit exécutée.

10.L’État partie a pris des mesures pour lutter contre la violence familiale, notamment en adoptant la loi sur la violence dans la famille et en créant des centres de crise et des centres de réadaptation médico‑sociale pour les victimes. Néanmoins, le Comité demeure préoccupé par la persistance de ce problème grave. En outre, ces centres ne sont pas accessibles aux femmes âgées de plus de 35 ans. Le Comité est également préoccupé par la disposition de la loi qui concerne le comportement de la victime et autorise les mises en garde officiellement données à une victime de violences familiales au sujet des comportements «provoquants» (art. 7 et 26).

L’État partie devrait intensifier ses efforts pour combattre la violence familiale et veiller à ce que les centres de réadaptation médico ‑sociale soient accessibles à toutes les victimes, quels que soient leur âge et leur sexe. Il devrait aussi faire en sorte que la notion de comportement de la victime ne serve pas pour laisser les violences impunies.

11.Il est fait état d’un grave surpeuplement des centres de détention et des établissements pénitentiaires et du manque de sanitaires adéquats, de lumière, de nourriture, de soins médicaux et d’installations de promenade. Le taux élevé de tuberculose et de VIH/sida chez les détenus est également une source de préoccupation de même que l’absence de prise en charge spécialisée des personnes en détention provisoire (art. 10).

L’État partie devrait garantir le droit des détenus à être traités avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine, en particulier en atténuant le surpeuplement, en mettant en place des installations hygiéniques et en leur assurant un accès à des soins de santé et à une alimentation suffisante. L’État partie devrait limiter la population carcérale en ayant recours à des peines de substitution.

12.L’État partie a annoncé qu’il prévoyait de transformer ses forces armées en créant une armée de métier composée uniquement de volontaires mais, en attendant, le droit à l’objection de conscience au service militaire obligatoire doit être pleinement respecté. L’objection de conscience n’a été acceptée que pour des motifs religieux et uniquement pour certaines confessions religieuses.

L’État partie devrait étendre le droit à l’objection de conscience au service militaire obligatoire aux personnes qui font valoir des convictions non religieuses et l’accepter pour toutes les confessions religieuses.

13.Les nouvelles recrues dans les forces armées sont toujours soumises à la pratique abusive du «bizutage» qui conduit à des actes d’une violence considérable et a été à l’origine de la mort d’un soldat dans la région de Zhytomyr en janvier 2005 (art. 7 et 18).

L’État partie devrait faire en sorte que la pratique du «bizutage» dans les forces armées disparaisse, notamment en facilitant l’intervention du Médiateur et en adoptant des mesures disciplinaires.

14.Les agressions violentes et les actes de harcèlement dont sont l’objet des journalistes font peser une menace persistante sur la liberté de la presse. L’assassinat du journaliste Heorhiy Gongadze en novembre 2000 ainsi que le meurtre d’Ihor Alexsandrov, Directeur de la chaîne de télévision régionale de Donetsk, et la mort de Volodymr Karachevtsev, chef du syndicat indépendant des journalistes Melitopol en décembre 2003, sont particulièrement préoccupants (art. 6 et 19).

L’État partie devrait protéger la liberté d’opinion et d’expression, y compris le droit à la liberté de la presse. Il devrait activement enquêter sur les agressions contre des journalistes et engager des poursuites contre leurs auteurs.

15.Lors des élections de 2004, il a été procédé à des arrestations et des détentions massives d’étudiants participant à une marche de protestation à Kiev (art. 21).

L’État partie devrait veiller à ce que des normes claires protègent le droit de chacun à participer à des réunions pacifiques et à exercer sa liberté d’expression.

16.Le problème de l’antisémitisme et les restrictions aux activités religieuses des musulmans persistent en Ukraine. Des membres de la communauté juive, notamment des élèves d’écoles juives, des étudiants des yeshivas ainsi qu’un rabbin et son fils ont été physiquement agressés à Kiev. Le Comité s’inquiète également des activités antisémites de l’Académie interrégionale de gestion du personnel par des actes de discrimination à l’égard de la communauté tatare en Crimée (art. 20 et 26).

L’État partie devrait veiller à ce que tous les membres des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques soient protégés contre la violence et la discrimination. Il devrait trouver des solutions fermes à ces problèmes. Le prochain rapport périodique de l’État partie devrait contenir des informations sur la formation aux droits de l’homme dispensée aux membres de la police ainsi que sur les enquêtes menées sur les actes de violence privée et les poursuites engagées contre leurs auteurs.

17.Malgré les efforts de l’État partie pour renforcer l’indépendance et l’efficacité du pouvoir judiciaire, la corruption au sein de l’appareil judiciaire demeure un problème persistant et le processus de nomination des juges n’est pas transparent (art. 14).

L’État partie devrait promouvoir l’intégrité du pouvoir judiciaire en assurant aux juges une rémunération appropriée et en créant un organe indépendant chargé de nommer, de promouvoir et de sanctionner les juges.

18.En dépit des progrès réalisés, le rôle des femmes en Ukraine reste limité. Les femmes sont peu représentées au Gouvernement et gagnent généralement moins que les hommes et les annonces d’offres d’emploi sont toujours libellées de manière discriminatoire à l’égard des femmes.

L’État partie devrait continuer à recruter des femmes pour occuper des fonctions publiques, interdire les annonces d’offres d’emploi discriminatoires et sanctionner ceux qui les font paraître, et devrait envisager une norme législative ou administrative imposant l’obligation de respecter le principe d’un salaire égal pour un travail égal.

19.Le Comité fixe au 2 novembre 2011 la date à laquelle le septième rapport périodique de l’Ukraine devra lui parvenir. Il prie l’État partie de rendre public le sixième rapport périodique et les présentes observations finales et de les diffuser largement auprès du grand public ainsi qu’auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives du pays. Il devrait faire appel aux organisations non gouvernementales exerçant des activités dans le pays pour l’établissement du septième rapport périodique.

20. Conformément au Règlement intérieur du Comité, en particulier le paragraphe 5 de l’article 71, l’État partie devrait faire parvenir dans un délai d’un an des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations du Comité figurant aux paragraphes 7, 11, 14 et 16 ci‑dessus. Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les autres recommandations et sur la mise en œuvre du Pacte dans son ensemble.

-----