Nations Unies

CCPR/C/UKR/CO/7

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

22 août 2013

Français

Original: anglais

Comité des droits de l ’ homme

Observations finales concernant le septième rapport périodique de l’Ukraine *

Le Comité des droits de l’homme a examiné le septième rapport périodique de l’Ukraine (CCPR/C/UKR/7) à ses 2980e et 2981e séances (CCPR/C/SR.2980 et CCPR/C/SR.2981), les 8 et 9 juillet 2013. À sa 3002e séance (CCPR/C/SR.3002), le 23 juillet 2013, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction la soumission du septième rapport périodique de l’Ukraine et les renseignements qu’il contient. Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte de renouer le dialogue constructif avec la délégation de l’État partie au sujet des mesures prises pendant la période considérée pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte. Le Comité remercie l’État partie des réponses écrites (CCPR/C/UKR/Q/7/Add.1) qu’il a apportées à la liste des points à traiter, qui ont été complétées oralement par la délégation, et des renseignements supplémentaires fournis par écrit.

B.Aspects positifs

Le Comité accueille avec satisfaction la ratification par l’État partie des instruments internationaux suivants ou son adhésion à ces instruments:

a)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le 19 septembre 2006;

b)Le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, le 25 juillet 2007;

c)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif s’y rapportant, le 4 février 2010;

d)La Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention sur la réduction des cas d’apatridie, le 25 mars 2013.

Le Comité accueille avec satisfaction les mesures d’ordre législatif et institutionnel ci-après:

a)L’adoption de la loi sur les réfugiés et les personnes ayant besoin d’une protection complémentaire ou provisoire en Ukraine, en juillet 2011;

b)L’adoption de la loi sur la lutte contre la traite des êtres humains en octobre 2011 et du Programme national de lutte contre la traite des êtres humains pour la période allant jusqu’en 2015, en mars 2012;

c)L’adoption du nouveau Code de procédure pénale, qui renforce notamment les garanties contre la détention arbitraire, la torture et les mauvais traitements, et les procès inéquitables, le 13 avril 2012;

d)La désignation du Commissaire parlementaire aux droits de l’homme en tant que mécanisme national de prévention en vertu du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, à compter du 4 novembre 2012, conjointement avec des représentants de la société civile (modèle «Médiateur +»).

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Le Comité constate que le Pacte fait partie intégrante du droit interne et que ses dispositions peuvent être directement invoquées devant les tribunaux. Il regrette toutefois que très peu d’informations aient été données au sujet des affaires dans lesquelles les dispositions du Pacte ont été invoquées ou appliquées par les tribunaux (art. 2).

L ’ État partie devrait prendre des mesures pour que les juges et les membres des forces de l ’ ordre reçoivent la formation requise pour être en mesure d ’ appliquer et d ’ interpréter la législation nationale à la lumière du Pacte et pour faire connaître les dispositions du Pacte auprès des avocats et du grand public afin de leur permettre de les invoquer devant les tribunaux. L ’ État partie devrait faire figurer dans son prochain rapport périodique des exemples précis de l ’ application du Pacte par les juridictions nationales et de l ’ accès aux recours prévus par la législation pour les personnes qui font valoir une violation de s droits consacrés par le Pacte.

Le Comité note avec préoccupation que l’État partie manque aux obligations qui lui incombent en vertu du Pacte et du premier Protocole facultatif s’y rapportant de prévoir des recours utiles pour les victimes en cas de violation des droits énoncés dans le Pacte, en application des constatations adoptées par le Comité. Le Comité note que des modifications de la législation sembleraient nécessaires pour que toutes les constatations du Comité, et pas seulement celles par lesquelles il demande à l’État partie de réexaminer une affaire en particulier dans le cadre de la procédure pénale, soient pleinement appliquées et que les victimes disposent de recours utiles (art. 2).

L ’ État partie devrait revoir sa position à l ’ égard de s constatations adoptées par le  Comité en vertu du premier Protocole facultatif. Il devrait prendre toutes les mesures voulues pour établir des mécanismes et des procédures appropriées, notamment prévoir la possibilité de rouvrir une affaire, de réduire la durée d ’ une peine d ’ emprisonnement et d ’ accorder une indemnisation discrétionnaire pour donner plein effet aux constatations du Comité de façon à garantir l ’ accès à un recours efficace en  cas de violation du Pa cte, conformément au paragraphe  3 de  l ’ article  2.

Le Comité note avec satisfaction les nouvelles fonctions confiées au Commissaire parlementaire aux droits de l’homme, qui est notamment le mécanisme national de prévention contre la torture depuis le 4 novembre 2012, et aussi chargé du contrôle du respect de la législation relative à la protection des données personnelles à compter du 1er janvier 2014, mais il craint que cette institution ne puisse pas fonctionner efficacement si des ressources suffisantes ne lui sont pas allouées (art. 2).

L ’ État partie devrait allouer au Bureau du Commissaire aux droits de l ’ homme des ressources financières et humaines supplémentaires compte tenu des nouvelles responsabilités qui lui ont été confiées, pour qu ’ il puisse exercer efficacement ses nouvelles fonctions tout en continuant de mener à bien ses activités initiales. Il devrait également mettre en place les bureaux régionaux du Commissaire aux droits de l ’ homme dont il a prévu la création .

Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption de la loi sur les principes de la prévention et de la lutte contre la discrimination ainsi que les modifications qu’il est proposé d’apporter concernant notamment le renversement de la charge de la preuve dans les procédures civiles et l’introduction dans le Code du travail de l’orientation sexuelle au nombre des motifs de discrimination interdits. Il constate toutefois avec préoccupation que l’orientation sexuelle et l’identité de genre ne font pas explicitement partie de la liste non exhaustive des motifs pour lesquels la loi contre la discrimination prévoit une protection, et que les recours offerts par la loi en question aux victimes de la discrimination sont insuffisants (réparation des préjudices matériels et moraux uniquement) (art. 2 et 26).

L ’ État partie devrait améliorer encore sa législation de lutte contre la discrimination pour assurer une protection adéquate , conformément au Pacte et à d ’ autres normes internationales relatives aux droits de l ’ homme. Il devrait citer expressément l ’ orientation sexuelle et l ’ identité de genre au nombre des motifs de discrimination interdits et offrir aux victimes de discrimination des recours utiles et appropriés, en tenant compte de l ’ Observation générale n o 31 du Comité (2004 ) sur la nature de l ’ obligation juridique générale imposée aux États parties au Pacte . Il devrait également veiller à ce que les responsables d ’ actes de discrimination en supportent les conséquences administratives, civiles et pénales selon qu ’ il convient.

Le Comité donne à l’État partie acte des mesures prises pour promouvoir l’égalité des sexes, mais constate avec préoccupation que les femmes demeurent sous-représentées aux postes de décision dans les sphères publique et politique, en particulier au Parlement et au Gouvernement (art. 2, 3 et 26).

L ’ État partie devrait intensifier ses efforts pour parvenir à une représentation équitable des femmes au Parlement et aux niveaux les plus élevés du Gouvernement en se fixant expressément des échéances, notamment par des mesures temporaires spéciales, pour donner effet aux dispositions du Pacte. Il devrait adopter un programme national pour l ’ égalité des droits et des chances pour les femmes et les hommes et d ’ autres mesures destinées à garantir l ’ égalité des sexes, et les mettre en œuvre concrètement.

Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de cas de discrimination, de propos haineux et d’actes de violence à l’égard des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT) et de violation de leurs droits à la liberté d’expression et de réunion. Il est également préoccupé par les informations indiquant qu’en vertu de l’ordonnance no 60 (3 février 2011) du Ministère de la santé relative à «l’amélioration des soins médicaux dispensés aux personnes pour lesquelles il faut procéder à un changement de sexe (réassignation)», les personnes transgenres doivent accepter d’être placées dans un établissement psychiatrique pour une période pouvant aller jusqu’à quarante-cinq jours et subir une intervention de chirurgie correctrice selon les modalités fixées par la commission compétente pour que leur genre soit reconnu. Le Comité est également préoccupé par deux projets de loi sur «la propagande homosexuelle» présentés au Parlement, le projet de loi no 1155 sur «l’interdiction de la propagande en faveur des relations homosexuelles destinée aux enfants» et le projet de loi no0945 sur «les modifications à apporter à certains textes législatifs ukrainiens (au sujet de la protection des droits de l’enfant dans un environnement informatique sûr)» qui, s’ils étaient adoptés, iraient à l’encontre des obligations qui incombent à l’État partie en vertu du Pacte (art. 2, 6, 7, 9, 17, 19, 21 et 26).

Le Comité reconnaît la diversité des cultures et des valeurs morales dans le monde, mais rappelle que tou s les États parties sont toujours subordonnés aux principes de l ’ universalité des droits de l ’ homme et de la non-discrimination. L ’ État partie devrait donc faire savoir clairement et officiellement qu ’ il ne tolère aucune forme de stigmatisation sociale de l ’ homosexualité, de la bisexualité ou de la transsexualité, ni aucun discours haineux ou acte de discrimination ou de violence qui viserait une personne en raison de son orientation sexuelle ou de son identité de genre. L ’ État partie devrait assurer une protection efficace aux personnes LGBT et veiller à ce que tout acte de violence motivé par l ’ orientation sexuelle ou l ’ identité de genre de la victime fasse l ’ objet d ’ une enquête et à ce que les responsables soient poursuivis et sanctionnés . Il devrait également prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir dans la pratique l ’ exercice des droits à la liberté d ’ expression et de réunion des personnes LGBT et des défenseurs de leurs droits. L ’ État partie devrait en outre modifier l ’ ordonnance n o 60 et d ’ autres lois et règlements en vue: 1) de remplacer le placement obligatoire des personnes pour qui il faut procéder à un changement ( réassignation ) de sexe dans un établissement psychiatrique pour une période pouvant aller jusqu ’ à quarante-jours jours par une a utre mesure moins intrusive; 2)  de faire en sorte que tout traitement médical soit dispensé dans l ’ intérêt de la personne concernée et avec son consentement, soit limité aux actes médicaux strictement nécessaires et soit conforme aux souhaits de cette personne et adapté à ses besoins médicaux particuliers et à sa situation; 3)  de supprimer toute condition abusive ou disproportionnée liée à la reconnaissance juridique d ’ un changement de sexe. Enfin, l e Comité engage instamment l ’ État partie à faire en sorte que les deux projets de loi relative à «l a propagande homosexuelle » ne soient pas adoptés.

Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de propos haineux, de menaces et de violences à l’égard des membres de groupes ethniques et de minorités religieuses et nationales, en particulier des Roms, des Témoins de Jéhovah et des Tatars de Crimée, qui aboutissent à des agressions physiques, des actes de vandalisme et des incendies volontaires, pour la plupart commis par des groupes mus par une idéologie extrémiste nationaliste et raciste. Il est également préoccupé par le fait que l’article 161 du Code pénal (incitation à l’animosité et à la haine fondées sur l’ethnie, la race ou la religion), qui exige de faire la preuve d’une action délibérée de la part de l’auteur, soit rarement invoqué et que de tels actes soient généralement qualifiés d’«hooliganisme».

L ’ État partie devrait intensifier ses efforts pour lutter contre les propos haineux et les attaques racistes, notamment en menant des campagnes de sensibilisation visant à promouvoir le respect des droits de l ’ homme et la tolérance à l ’ égard de la diversité. L ’ État partie devrait également intensifier ses efforts pour faire en sorte que les allégations de crimes de haine fassent l ’ objet d ’ enquêtes approfondies, que les responsables soient poursuivis en vertu de l ’ article  161 du Code pénal et, s ’ ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines suffisantes , et que les victimes soient dûment indemnisées .

Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises par l’État partie pour améliorer la situation des Roms, notamment l’adoption de la «Stratégie pour la protection et l’intégration de la minorité rom dans la société ukrainienne jusqu’en 2020», mais demeure préoccupé par la discrimination, notamment les difficultés pour obtenir des documents d’identité et avoir accès à l’éducation, aux soins de santé, au logement et à l’emploi (art. 2, 16 et 26).

L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour lutter contre la discrimination à l ’ égard des Roms. Il devrait créer les conditions nécessaires à leur intégration sociale et à leur accès sur un pied d ’ égalité aux services sociaux, aux soins de santé, à l ’ emploi, à l ’ éducation et au logement. L ’ État partie devrait lever les obstacles, notamment d ’ ordre administratif , qui empêchent les Roms de se voir délivrer des documents comme les certificats de naissance qui leur sont nécessaires pour exercer leurs droits fondamentaux. Il devrait allouer des ressources suffisantes à l ’ application effective de la Stratégie pour la protection et l ’ intégration des Roms.

Le Comité est préoccupé par les taux très élevés de décès en détention (CCPR/C/UKR/Q/7/Add.1, par. 89), le manque de diligence avec lequel des enquêtes sont menées dans pareilles affaires et la clémence des peines, souvent avec sursis, prononcées. Il regrette l’absence d’information au sujet des mesures prises pour s’attaquer à ces problèmes (art. 2 et 6).

L ’ État partie devrait prendre immédiatement des mesures efficaces pour faire en sorte que les cas de décès en détention donnent lieu sans délai à des enquêtes menées par un organe indépendant et impartial, que les pratiques en ce qui concerne la condamnation et les sanctions disciplinaires contre l es responsables ne soient pas excessivement indulgentes et que les familles des victimes soient correctement indemnisées.

Le Comité accueille avec satisfaction les efforts déployés par l’État partie pour combattre et éliminer la violence au foyer, mais il demeure préoccupé par la persistance de ce fléau (art. 2, 3, 6 et 7).

L ’ État partie devrait accroître ses efforts pour prévenir et combattre toutes les formes de violence au foyer , notamment en adoptant une nouvelle loi sur la prévention de la violence au foyer et en veillant à son application effective. Il devrait également faciliter le dépôt de plaintes par les victimes, faire en sorte que tous les cas signalés fassent l ’ objet d ’ une enquête approfondie, que les responsables soient traduits en justice et punis de peines appropriées et que les victimes , y  compris les enfants, aient accès à des voies de recours efficaces et à des moyens de protection, notamment en mettant à leur disposition un nombre suffisant de centres d ’ accueil dans tout le pays. L ’ État partie devrait également veiller à ce que les autorités de police ainsi que les professionnels de santé et les travailleurs sociaux reçoivent une formation adaptée pour traiter les cas de violence au foyer et poursuivre les efforts pour sensibiliser largement le public.

Le Comité constate avec préoccupation que la torture et les mauvais traitements continuent à être pratiqués par les forces de l’ordre, que le nombre de condamnations est faible malgré le nombre élevé de plaintes déposées et qu’il n’existe pas de renseignement sur les sanctions prononcées contre les auteurs de tels actes et sur les recours offerts aux victimes. Il demeure également préoccupé par l’absence de mécanisme de plainte réellement indépendant chargé d’examiner les cas de torture ou de mauvais traitements dénoncés, et par le fait que l’enregistrement vidéo de l’interrogatoire de suspects dans les affaires pénales est laissé à la discrétion des policiers (art. 2, 7, 9 et 14).

L ’ État partie devrait renforcer les mesures visant à éliminer la pratique de la torture et d es mauvais traitements, garantir que de tels actes fassent rapidement l ’ objet d ’ enquêtes approfondies et indépendantes , que les auteurs d ’ actes de torture et de mauvais traitements soient poursuivis et condamnés à des peines à la hauteur de la gravité des actes commis, et que les victimes aient accès à des recours efficaces, notamment une indemnisation appropriée. L ’ État partie devrait, à titre prioritaire, créer un mécanisme de plainte réellement indépendant chargé de traiter les cas de torture ou de mauvais traitements dénoncés . Il devrait également modifier son Code de procédure pénale pour rendre obligatoire l ’ enregistrement vidéo des interrogatoires et poursuivre ses efforts en vue d ’ équiper les lieux de privation de liberté de matériel d ’ enregistrement vidéo afin de décourager tout e utilisation de la torture et des mauvais traitements.

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour prévenir et combattre la traite des êtres humains, notamment l’adoption du Programme national de lutte contre la traite des êtres humains pour la période allant jusqu’en 2015 et la création de centres supplémentaires d’assistance sociale et psychosociale aux victimes, mais il est préoccupé par la persistance de ces pratiques dans l’État partie. Il regrette également de ne pas disposer d’informations sur l’existence de solutions juridiques autres que le renvoi des victimes vers des pays où elles risquent de se heurter à des difficultés et de subir des représailles (art. 8).

L ’ État partie devrait poursuivre ses efforts pour prévenir et combattre la traite des êtres humains, notamment en appliquant effectivement les cadres juridiques et politiques existants et en coopérant avec les pays voisins. Il devrait faire en sorte que les cas de traite supposés fassent l ’ objet d ’ enquêtes approfondies, que les personnes soupçonnées soient traduit e s en justice et que les victimes reçoivent des soins médicaux appropriés , bénéficient gratuit ement d ’ une aide sociale et des services d ’ un avocat et obtiennent réparation, y  compris des moyens de réadaptation. L ’ État partie devrait également veiller à ce que des solutions juridiques soient proposées aux victimes qui risquent de se heurter à des difficultés et de subir des représailles si elles sont expulsées.

Le Comité donne à l’État partie acte des diverses mesures prises pour réformer l’appareil judiciaire, mais il est préoccupé par le fait que les juges demeurent exposés aux pressions extérieures à cause de l’insuffisance des mesures visant à garantir la sécurité de leur statut. Il est également préoccupé par le fait que l’État partie ne garantit pas encore pleinement l’indépendance des juges par rapport aux pouvoirs exécutif et législatif et que leur statut n’est pas correctement protégé par la loi. Le Comité s’inquiète tout particulièrement des allégations selon lesquelles des poursuites judiciaires motivées par des considérations politiques ont été engagées contre des politiciens élus, dont l’ancienne Premier Ministre Yulia Timoshenko, pour abus d’autorité ou des pouvoirs conférés par la fonction, en application de l’article 365 du Code pénal (art. 14).

L ’ État partie devrait faire en sorte que les juges ne soient soumis à aucune forme de pression politique dans l ’ exercice de leur pouvoir de décision, et que l ’ administration de la justice soit transparent e . Il devrait adopter une loi établissant des procédures précises et des critères objectifs pour l ’ avancement , la suspension et la révocation des juges. Il devrait veiller à ce que le ministère public ne participe pas à la prise de s décisions relatives aux mesures disciplinaires visant des juges et que les organes disciplinaires judiciaires ne soient pas contrôlés par le pouvoir exécutif ni soumis à de quelconques pressions politiques. L ’ État partie devrait veiller à ce que les poursuites engagées en vertu de l ’ article  365 du Code pénal soient pleinement conforme s au x prescriptions du Pacte.

Le Comité est préoccupé par les informations dénonçant des violations du principe du non-refoulement dans la pratique. Il est également préoccupé par le grand nombre de demandes d’asile rejetées dès la phase préliminaire de leur examen sans qu’il soit procédé à un interrogatoire minutieux de la situation des demandeurs, par les rétentions administratives prolongées, par le fait que le délai imparti pour faire appel des décisions de rejet n’est que de cinq jours et par les allégations de violations de l’effet suspensif des recours, ainsi que par les informations selon lesquelles l’accès à l’aide juridictionnelle et aux services d’un interprète serait limité (art. 2, 7 et 13).

L ’ État partie devrait faire en sorte que toutes les personnes qui demandent une protection internationale aient accès à une procédure de détermination du statut de réfugié efficace et complète, soient effectivement protégées contre le refoulement et puissent bénéficier des services d ’ un avocat, de l ’ aide juridictionnelle et des services d ’ un interprète. L ’ État partie devrait veiller à ce que la détention ne soit utilisée qu ’ en dernier ressort et, le cas échéant, pour une durée aussi courte que possible, et à offrir des solutions de remplacement à la détention. Il devrait également envisager d ’ allonger le délai de recours et veiller à ce que les demandeurs déboutés ne soient pas expulsés dès la fin de la procédure administrative , avant d ’ avoir pu former un recours contre la décision de rejet de la demande d ’ asile.

Le Comité note que l’État partie prévoit de passer à une armée de métier à compter de 2017 mais il relève que la loi relative au service militaire, qui permet la conscription, demeure en vigueur, tout comme la loi relative au service (civil) de remplacement, et que selon les statistiques communiquées par l’État partie, plusieurs centaines de jeunes gens ont effectué un service de remplacement au cours des dernières années (CCPR/C/UKR/Q/7/Add.1). Le Comité s’inquiète donc de ce qu’aucune mesure ne semble avoir été prise pour étendre le droit à l’objection de conscience au service militaire obligatoire aux personnes qui font valoir des convictions non religieuses, ainsi qu’à celles qui font valoir des convictions fondées sur la religion, quelle que soit leur confession (art. 18).

Le Comité r enouvelle sa précédente recommandation ( CCPR/C/UKR/CO/6, par.  12) et souligne que les solutions de service de remplacement devraient être offertes à tous les objecteurs de conscience sans discrimination fondée sur la nature des convictions (convictions religieuses ou non religieuses fondées sur la conscience) invoquées et ne devraient être ni punitives ni discriminatoires, de par leur nature ou de par leur durée, par rapport au service militaire.

Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de cas de menaces, d’agressions, de harcèlement et d’intimidation de journalistes et de défenseurs des droits de l’homme liés à leurs activités professionnelles et à l’expression d’opinions critiques (art. 2, 6, 7, 9 et 19).

L ’ État partie devrait veiller à ce que les journalistes, les défenseurs des droits de l ’ homme et les particuliers puissent exercer librement leur droit à la liberté d ’ expression conformément à l ’ article  19 du Pacte et à l ’ Observation générale  n o  34 (201 1) du Comité relative à la liberté d ’ opinion et à la liberté d ’ expression. Toute restriction à l ’ exercice de la liberté d ’ expression devrait satisfaire pleinement aux conditions strictes énoncées au paragraphe 3 de l ’ article 19 du Pacte. L’ État partie devrait également faire en sorte que les cas d ’ agressions, de menaces et d ’ intimidation de journalistes donnent lieu à des enquêtes, que les auteurs de tels actes soient poursuivis et condamnés, et que les victimes so ie nt indemnisées correctement.

Le Comité est préoccupé par l’absence de cadre juridique national régissant les manifestations pacifiques et par l’application par les tribunaux nationaux de règlements d’un autre âge qui ne satisfont pas aux normes internationales et restreignent gravement le droit à la liberté de réunion. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles les demandes d’interdiction de manifestations pacifiques présentées par les autorités locales devant les tribunaux seraient acceptées dans plus de 90 % des cas. Le Comité note qu’un projet de loi régissant l’organisation et le déroulement de manifestations pacifiques a récemment été soumis une nouvelle fois au Parlement (art. 21).

L ’ État partie devrait garantir que chacun exerce sans réserve le droit à la liberté de réunion. Il devrait adopter une loi régissant la liberté de réunion en veillant à ce que toute restriction prévue satisfasse aux conditions strictes énoncées à l ’ article  21 du  Pacte.

L’État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, des deux Protocoles facultatifs s’y rapportant, du septième rapport périodique, des réponses écrites à la liste des points à traiter établie par le Comité et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi qu’auprès du grand public. Il demande également à l’État partie, lorsqu’il élaborera son huitième rapport périodique, d’engager de larges consultations avec la société civile et les organisations non gouvernementales.

Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait faire parvenir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 6, 10, 15 et 17.

Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique, qui devra lui parvenir d’ici au 26 juillet 2018, des renseignements précis et à jour sur la suite qu’il aura donnée aux autres recommandations et sur l’application du Pacte dans son ensemble.