Nations Unies

CAT/C/AUT/CO/6

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

27 janvier 2016

Français

Original : anglais

Comité contre la torture

Observations finales concernant le sixième rapportpériodique de l’Autriche *

Le Comité contre la torture a examiné le sixième rapport périodique de l’Autriche (CAT/C/AUT/6) à ses 1362e et 1365e séances (voir CAT/C/SR.1362 et 1365), les 12 et 13 novembre 2015, et a adopté à sa 1388e séance, le 1er décembre 2015, les observations finales ci-après.

A.Introduction

Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir accepté la procédure simplifiée pour l’établissement des rapports, qui permet de mieux cibler le dialogue entre l’État partie et le Comité.

Le Comité se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de l’État partie, ainsi que des réponses aux questions et préoccupations soulevées pendant l’examen du rapport.

B.Aspects positifs

Le Comité accueille avec satisfaction la ratification par l’État partie des instruments internationaux ci-après ou son adhésion à ces instruments : 

a)La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, le 7 juin 2012 ;

b)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le 4 décembre 2012 ;

c)La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, le 14 novembre 2013.

Le Comité accueille également avec satisfaction l’adoption par l’État partie des mesures législatives ci-après dans des domaines intéressant la Convention :

a)L’incorporation dans le Code pénal, en 2013, d’une nouvelle disposition (art. 312 a)) interdisant la torture telle qu’elle est définie à l’article premier de la Convention, conformément à la recommandation formulée par le Comité dans ses précédentes observations finales (voir CAT/C/AUT/CO/4-5, par. 8) ;

b)L’adoption en 2013 des modifications de la loi relative aux infractions sexuelles, qui ont alourdi les peines pour plusieurs de ces infractions ;

c)La réforme du système de justice administrative facilitant l’accès des demandeurs d’asile à une procédure de contrôle juridictionnel des décisions de rejet de leur demande d’asile depuis le 1er janvier 2014 ;

d)L’adoption et l’entrée en vigueur, le 1er octobre 2015, de la Loi constitutionnelle pour l’accueil et l’orientation des étrangers ayant besoin d’assistance et de protection ;

e)L’adoption en 2015 de la loi portant modification de la législation pénale, dont l’entrée en vigueur est prévue pour le 1er janvier 2016 et qui, entre autre, renforce la protection légale contre les actes sexuels non consentis et interdit les mariages forcés.

Le Comité salue les mesures prises par l’État partie pour modifier ses politiques et procédures afin de renforcer la protection des droits de l’homme et d’appliquer la Convention, en particulier :

a)L’adoption du Plan national de lutte contre la traite des êtres humains pour 2012-2014 ;

b)L’entrée en vigueur, le 1er juillet 2015, de l’interdiction de l’utilisation des lits à filets et autres types de lits-cages dans les établissements psychiatriques et les institutions de protection sociale en vertu de l’instruction interne du Ministère fédéral de la santé en date du 22 juillet 2014.

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a adressé une invitation permanente aux titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Questions en suspens issues du cycle précédent

Le Comité accueille avec satisfaction les renseignements que lui a fournis l’État partie dans le cadre de la procédure de suivi, mais constate avec regret que :

a)La nouvelle instruction interne du Ministère fédéral de l’intérieur en date du 20 septembre 2012 ne tient pas compte des préoccupations formulées par le Comité concernant le fait que la police ne soit pas tenue d’attendre avant de procéder à l’interrogatoire d’un suspect pour permettre à son avocat de se rendre sur le lieu de l’interrogatoire (art. 2 et 11) ;

b)L’État partie n’a pas encore créé un organe ou mécanisme pleinement indépendant chargé d’enquêter sur les allégations de torture et de mauvais traitements infligés par des agents de la force publique (art. 12 et 13).

Le Comité renouvelle ses recommandations précédentes (voir CAT/C/AUT/ CO/4-5, par. 9 et 19) tendant à ce que l’État partie  :

a) Modifie l’instruction interne susmentionnée pour empêcher des situations dans lesquelles les détenus seraient privés de l’exercice effectif de leur droit à la défense à un moment crucial de la procédure et exposés au risque de torture ou de mauvais traitements  ;

b) Veille à ce que toutes les plaintes pour actes de torture ou mauvais traitements donnent lieu sans délai à une enquête impartiale menée par un organe indépendant, à ce qu’il n’y ait pas de lien institutionnel ou hiérarchique entre les enquêteurs dudit organe et les auteurs présumés des faits, et à ce que ces derniers soient dûment jugés et, s’ils sont reconnus coupables, se voient imposer des peines à la mesure de la gravité de leurs actes.

Peines appropriées

Le Comité note que l’article 312 a 1) du Code pénal prévoit une peine de un à dix ans d’emprisonnement pour l’infraction de torture, ce qui laisse une importante marge d’appréciation au juge qui doit décider de la peine. La durée minimum de un an n’est pas suffisante (art. 4).

Rappelant qu’il est indispensable que les peines soient proportionnées à la gravité du crime de torture afin d’être pleinement dissuasives, le Comité prie instamment l’État partie de modifier sa législation de manière que tous les actes de torture soient sanctionnés par des peines appropriées qui tiennent compte de leur gravité, conformément au paragraphe 2 de l’article 4 de la Convention.

Bureau du défenseur du peuple

Le Comité juge préoccupante la portée limitée du mandat et des fonctions qui sont dévolus au Bureau du défenseur du peuple en ce qui concerne les allégations de mauvais traitements infligés par des membres des forces de l’ordre. Il est également préoccupé par le fait que le processus de nomination des membres du Bureau, qui repose sur les candidatures proposées par les trois partis politiques les plus représentés au Parlement, ne prévoie pas de consultation publique officielle, ni la participation de toutes les composantes de la société civile (art. 2).

L’État partie devrait prendre les mesures législatives voulues pour élargir et renforcer le mandat du Bureau du défenseur du peuple et faire en sorte que le processus de nomination de ses membres soit pleinement conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris).

Mécanisme national de prévention

Le Comité accueille avec satisfaction la désignation du Bureau du défenseur du peuple comme mécanisme national de prévention en vertu du Protocole facultatif se rapportant à la Convention. Il regrette toutefois de ne pas avoir reçu de renseignements sur les mesures prises par l’État partie pour donner suite aux recommandations formulées par ce mécanisme (art. 2).

L’État partie devrait veiller à ce que les recommandations découlant des activités de surveillance du Bureau du défenseur du peuple fassent l’objet d’un suivi effectif aux fins de leur mise en œuvre, conformément aux Directives concernant les mécanismes nationaux de prévention du Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dég radants (voir CAT/OP/12/5, par.  13 et 38).

Aide juridictionnelle

Le Comité prend note des explications fournies par la délégation, qui a indiqué que les prévenus admis à l’aide juridictionnelle qui étaient reconnus coupables pouvaient avoir à payer des honoraires forfaitaires tant que cela ne les empêchait pas de subvenir à leurs besoins essentiels ou à ceux de leurs proches. Le Comité juge toutefois préoccupant que la loi ne prévoie pas l’aide juridictionnelle gratuite dans les procédures devant un tribunal administratif, même s’il se félicite de ce que la Cour constitutionnelle ait récemment rendu une décision contraire qui n’a pas encore été appliquée (art. 2 et 11).

L’État partie devrait faire en sorte que toutes les personnes détenues, y compris dans le cadre d’un internement administratif bénéficient , en droit et dans la pratique, dès le début de la privation de liberté, de l’ensemble des garanties juridiques fondamentales, dont le droit d’être assistées sans délai par un conseil.

Composition des forces de police et des services pénitentiaires

Le Comité prend note des mesures prises par l’État partie pour améliorer la situation, mais il demeure préoccupé par les informations faisant état d’une sous‑représentation des femmes et des minorités ethniques dans la police et les services pénitentiaires (art. 2).

L’État partie devrait redoubler d’efforts pour accroître le nombre de femmes dans la police et les services pénitentiaires et pour diversifier la composition ethnique des forces de police et du personnel pénitentiaire.

Demandeurs d’asile et non-refoulement

Le Comité salue les efforts extraordinaires déployés par l’État partie pour faire face à l’afflux exceptionnellement important de migrants en situation irrégulière et de demandeurs d’asile, parmi lesquels des mineurs non accompagnés, arrivant sur son territoire. Il est toutefois préoccupé par les informations faisant état de la médiocrité des conditions de vie dans certains centres d’accueil et de transit pour les demandeurs d’asile, en particulier dans le centre de Traiskirchen pendant l’été 2015, notamment le surpeuplement qui a conduit des centaines de personnes à dormir dehors, ainsi que des difficultés d’accès aux soins de santé et à des installations sanitaires adéquates. Le Comité sait gré à la délégation d’avoir reconnu le manque de personnel dans les antennes locales de l’Office fédéral des migrations et de l’asile, qui se traduit par l’impossibilité de traiter rapidement le nombre croissant de demandes d’asile, ainsi que la nécessité de dispenser une formation appropriée à tous les nouveaux agents chargés de l’examen des demandes d’asile. Le Comité regrette que l’État partie n’ait donné aucune précision concernant les procédures permettant d’identifier, en temps utile, les victimes de torture parmi les demandeurs d’asile (art. 3 et 16).

L’État partie devrait :

a) Prendre les mesures voulues pour garantir des conditions de vie décentes dans les centres d’accueil et de transit pour les demandeurs d’asile et les réfugiés et favoriser le placement familial pour les enfants non accompagnés  ;

b) Renforcer les capacités de l’Office fédéral des migrations et de l’asile pour ce qui est de traiter les requêtes des demandeurs d’asile dans le pays et garantir aux demandeurs d’asile l’accès gratuit à un avocat indépendant et qualifié tout au long de la procédure  ;

c) Élaborer des directives claires et mettre sur pied des formations sur la détection des victimes de la torture parmi les demandeurs d’asile.

Détention avant expulsion

Le Comité note que le nombre de cas de détention de demandeurs d’asile et la durée de cette mesure ont diminué, mais considère que la détention avant expulsion devrait encore être réduite et utilisée seulement à titre exceptionnel (art. 11 et 16).

L’État partie devrait faire en sorte que les demandeurs d’asile ne soient placés en détention qu’en dernier ressort, que lorsqu’il devient nécessaire d’appliquer une telle mesure , que ce soit pour une période aussi brève que possible et qu’il soit fait usage de mesures non privatives de liberté chaque fois que cela est possible.

Formation

Le Comité accueille avec intérêt les renseignements fournis par l’État partie concernant la formation sur les droits de l’homme dispensée aux policiers, au personnel pénitentiaire, aux juges et aux procureurs et les programmes de formation sur la détection des victimes d’actes de torture ou de traumatismes à l’intention des professionnels de la santé et des juges stagiaires. Il relève toutefois avec préoccupation l’absence de renseignements sur l’évaluation des incidences de ces programmes, ainsi que l’absence de formation spécifique sur le contenu de la Convention (art. 10).

L’État partie devrait :

a) Développer plus avant les programmes de formation continue obligatoires afin que tous les agents publics, en particulier les membres des forces de l’ordre, le personnel pénitentiaire et le personnel médical employé dans les prisons et les hôpitaux psychiatriques, connaissent bien les dispositions de la Convention et sachent qu’aucun manquement ne sera toléré, que toute violation donnera lieu à une enquête et que les auteurs de violations seront poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, dûment sanctionnés  ;

b) Veiller à ce que tous les personnels concernés, en particulier le personnel judiciaire et le personnel médical, notamment les experts médico-légaux, soient spécifiquement formés à détecter et attester les cas de torture et de mauvais traitements, ainsi qu’à signaler ces cas aux autorités d’enquête compétentes, conformément au Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul)  ;

c) Évaluer l’efficacité et les incidences de ces formations.

Conditions de détention

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour éviter le surpeuplement des prisons grâce à la construction de nouveaux établissements pénitentiaires et l’application de mesures de substitution à l’emprisonnement, comme la surveillance électronique. Il prend toutefois note avec préoccupation d’informations indiquant que 10 des 27 prisons du pays sont actuellement occupées au-delà de leurs capacités. La situation de sous-effectif qui perdure au sein du personnel pénitentiaire, imposant aux détenus de longues périodes d’enfermement et limitant leur accès à des activités de réintégration sociale, est également préoccupante. Enfin, le Comité relève avec inquiétude que le placement à l’isolement peut être ordonné pour des périodes allant jusqu’à quatre semaines dans le cas de détenus adultes, et jusqu’à deux semaines dans le cas de mineurs (art. 11 et 16).

L’État partie devrait  :

a) Continuer de prendre les mesures nécessaires pour remédier au surpeuplement dans les établissements pénitentiaires et autres lieux de détention, y compris en recourant plus largement aux mesures non privatives de liberté  ;

b) Recruter et former du personnel pénitentiaire en nombre suffisant pour garantir que les détenus soient convenablement traités  ;

c) Rendre sa législation et sa pratique en matière de placement à l’isolement conformes aux normes internationales et, en particulier, abolir l’application de cette mesure aux mineurs.

Soins de santé dans les prisons

Le Comité prend note avec préoccupation des informations selon lesquelles les détenus atteints de troubles mentaux ne reçoivent pas les soins médicaux et psychiatriques dont ils ont besoin, tel ce détenu de 74 ans, dont le cas a été largement médiatisé, qui a été victime de grave négligence pendant sa détention avant jugement. Le Comité note en outre qu’en dépit de la demande qu’il a faite dans ce sens à la délégation de l’État partie, il n’a à ce jour reçu aucune information concernant les mesures envisagées pour donner suite aux récentes conclusions du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants relatives aux soins de santé dans les prisons, en particulier au sujet de la confidentialité des données médicales dans les lieux de détention, de la pratique consistant à faire intervenir des agents pénitentiaires dans la réalisation d’actes médicaux et de la nécessité d’améliorer les examens médicaux effectués au moment de l’admission (art. 11 et 16).

L’État partie devrait :

a) Dispenser à toutes les personnes privées de liberté, en particulier à celles atteintes de troubles mentaux, les soins médicaux et psychiatriques dont elles ont besoin  ;

b) Faire en sorte que tous les cas de mauvais traitements et de négligence donnent lieu sans délai à une enquête impartiale et, si les faits sont avérés, que les auteurs soient poursuivis et condamnés à des peines appropriées  ;

c) Veiller à ce que des examens médicaux complets soient effectués au moment de l’admission et garantir la confidentialité des données médicales. Les agents pénitentiaires ne devraient pas assister aux examens médicaux des détenus, à moins que le médecin n’ait formulé une demande dans ce sens.

Armes à impulsion électrique

Le Comité accueille avec intérêt les renseignements donnés par l’État partie sur les règles strictes qui régissent l’utilisation des armes à impulsion électrique (« Tasers ») par les agents des forces de l’ordre, mais demeure préoccupé par l’utilisation qui est faite de ces armes dans les prisons (art. 11 et 16).

Le Comité estime que l’utilisation des armes à impulsion électrique devrait être régie de manière stricte par les principes de nécessité et de proportionnalité et que le personnel de surveillance dans les prisons ou dans tout autre lieu de privation de liberté ne devrait pas être équipé de ce type d’armes.

Décès en détention

Le Comité salue les mesures prises par l’État partie pour améliorer la prévention du suicide dans les prisons. Il regrette toutefois de ne pas avoir reçu d’informations détaillées sur les suicides et les autres cas de mort soudaine survenus dans des lieux de détention pendant la période considérée (art. 11).

L’État partie devrait fournir au Comité des informations détaillées sur les cas de décès en détention et leur cause. Il devrait également prendre des mesures pour garantir que tous les décès en détention donnent lieu sans délai à une enquête impartiale menée par un organe indépendant.

Justice pour mineurs

Le Comité prend note avec préoccupation des informations relatives aux déficiences du système de justice pour mineurs de l’État partie qu’a relevées dans ses recommandations l’équipe spéciale pluridisciplinaire sur la détention avant jugement des mineurs créée par le Ministère de la justice après qu’un mineur de 15 ans a subi des violences sexuelles pendant sa détention avant jugement en 2013. Bien qu’il accueille avec intérêt les renseignements détaillés donnés par la délégation au sujet des nouvelles méthodes utilisées dans l’action sociale menée auprès des mineurs délinquants ainsi qu’à propos de la teneur de la réforme de la justice pour mineurs qui débutera en 2016, le Comité demeure préoccupé par le fait que, selon certaines informations, les mesures de substitution à la détention avant jugement de mineurs sont trop peu utilisées dans les faits (art. 11).

L’État partie devrait veiller à ce que l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing) et les Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad) soient pleinement appliqués.

Enquêtes rapides, approfondies et impartiales

Compte tenu des renseignements donnés par l’État partie dans son rapport périodique (voir CAT/C/AUT/6, par. 108, 109 et 115), le Comité relève avec préoccupation l’écart qui existe entre le nombre élevé d’allégations de torture, de mauvais traitements et d’autres comportements répréhensibles imputés à la police et le nombre extrêmement faible de cas dans lesquels de telles allégations ont donné lieu à des poursuites et à des condamnations, ainsi que le fait qu’aucune sanction disciplinaire n’a été appliquée pendant la période considérée. Le Comité est également préoccupé par la déclaration de la délégation, qui a indiqué que lorsqu’aucune lésion visible n’était constatée, la procédure d’enquête était suspendue. En outre, le Comité regrette qu’aucune information n’ait été donnée sur le point de savoir si les circonstances aggravantes définies à l’article 33 du Code pénal, parmi lesquelles figurent le racisme et la xénophobie, ont été invoquées pour déterminer les peines à appliquer dans des affaires de torture et de mauvais traitements pendant la période considérée (art. 4, 12 et 13).

Le Comité prie instamment l’État partie de faire en sorte que tous les cas et toutes les allégations de torture et de mauvais traitements donnent lieu sans délai à une enquête efficace et impartiale −  indépendamment de l’existence de marques de torture app arentes − et que les auteurs soient poursuivis et condamnés à des peines à la mesure de la gravité de leurs actes, ainsi que l’exige l’article 4 de la Convention.

Réparation

Le Comité prend note avec intérêt des renseignements donnés par l’État partie au sujet de l’indemnisation qui a déjà été accordée à Bakary Jassay (voir CAT/C/AUT/6, par. 145 à 147), mais regrette de ne pas avoir obtenu plus d’informations sur les autres mesures de réparation et d’indemnisation qui ont été ordonnées par les tribunaux ou d’autres organes de l’État et dont les victimes d’actes de torture ou de mauvais traitements ont effectivement bénéficié depuis l’examen du précédent rapport périodique (art. 14).

L’État partie devrait garantir à toutes les victimes d’actes de torture et de mauvais traitements le droit d’obtenir réparation, y compris le droit d’être indemnisées équitablement et d’une manière adéquate et les moyens nécessaires à leur réadaptation la plus complète possible. Le Comité renvoie l’État partie à son observation générale n o  3 (2012) sur l’application de l’article  14 par les États parties, dans laquelle il explique la nature et la portée des obligations qui incombent aux États parties en vertu de l’article 14 de la Convention de garantir aux victimes d’actes de torture une réparation complète ainsi que les moyens nécessaires à leur réadaptation.

Mesures de contention

Le Comité note avec préoccupation que, selon certaines informations, il n’existe pas, dans les établissements psychiatriques et les établissements de protection sociale, de registres spécialement prévus pour consigner les cas où des mesures de contention, y compris l’administration forcée de sédatifs, sont appliquées (art. 2 et 16).

Tous les cas dans lesquels des mesures de contention physiques ou chimiques sont utilisées à l’égard d’une personne placée dans un établissement psychiatrique ou un établissement de protection sociale devraient être consignés dans un registre spécialement prévu à cet effet et faire l’objet d’une surveillance indépendante. Le Comité recommande que les moyens de contention ne soient utilisés qu’en dernier ressort pour empêcher la personne concernée de présenter un danger pour elle-même ou pour autrui, et uniquement lorsque tous les autres moyens raisonnables permettant d’écarter le danger ont échoué.

Traite des êtres humains

Le Comité salue les efforts faits par l’État partie pour combattre la traite. Il relève toutefois que le nombre de cas signalés a considérablement augmenté au cours de ces dernières années. Le Comité prend également note de l’explication donnée par la délégation quant au fait que les étrangers qui exploitent des victimes de la traite sur le territoire de l’État partie peuvent être poursuivis. Il regrette de ne pas avoir reçu les précisions voulues sur la protection offerte aux victimes de la traite indépendamment de leur collaboration aux procédures engagées contre les responsables supposés (art. 2 et 16).

L’État partie devrait faire en sorte que les cas de traite donnent lieu à des enquêtes approfondies, que les auteurs soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines appropriées, et que les victimes soient indemnisées d’une manière adéquate. Il devrait également veiller à ce que les victimes bénéficient d’une protection efficace, qu’elles soient ou non en mesure de collaborer aux procédures judiciaires engagées contre les trafiquants.

Personnes intersexuées

Le Comité prend note avec satisfaction des assurances données par la délégation selon lesquelles les enfants intersexués ne font l’objet d’interventions chirurgicales que dans les cas où cela est nécessaire, après consultation de médecins et de psychologues. Il reste toutefois préoccupé par le fait que, selon certaines informations, des opérations inutiles et d’autres procédures médicales ayant des conséquences à vie auraient été pratiquées sur des enfants intersexués sans que leur consentement éclairé ait été préalablement obtenu. Le Comité est en outre préoccupé par l’absence de dispositions légales prévoyant l’octroi d’une réparation et de mesures de réadaptation dans ce type de cas (art. 14 et 16).

L’État partie devrait :

a) Prendre les mesures législatives, administratives et autres voulues pour garantir le respect de l’intégrité physique et de l’autonomie des personnes intersexuées et faire en sorte qu’aucun nourrisson ni aucun enfant ne fasse l’objet d’interventions médicales ou chirurgicales visant à déterminer son sexe qui ne répondent à aucune nécessité urgente  ;

b) Garantir à tous les enfants intersexués et à leurs parents des services de conseils impartiaux afin qu’ils puissent s’informer des conséquences des interventions chirurgicales et des autres procédures médicales qui ne présentent pas de caractère de nécessité ou d’urgence, visant à déterminer le sexe de l’enfant, et de la possibilité de reporter toute décision sur une telle procédure ou intervention chirurgicale jusqu’à ce que l’intéressé puisse décider par lui-même  ;

c) Garantir que l’on s’assure du consentement plein, libre et éclairé s’agissant des traitements médicaux et chirurgicaux dispensés aux personnes intersexuées et veiller à ce que toute intervention médicale irréversible qui ne présente pas de caractère d’urgence soit différé e jusqu’à ce que l’enfant soit assez mûr pour participer à la décision et donner son consentement  ;

d) Enquêter sur les cas de personnes intersexuées qui ont été opérées ou ont fait l’objet d’autres procédures médicales sans leur consentement et veiller à ce qu’elles soient indemnisées de manière adéquate.

Procédure de suivi

Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir, d’ici au 9  décembre 2016, des renseignements sur la suite donnée à ses recommandations concernant les questions suivantes  : la présence d’un avocat aux interrogatoires de police  ; la création d’un mécanisme indépendant chargé d’enquêter sur les allégations de torture et de mauvais traitements infligés par des agents de la force publique  ; le recours à la détention avant expulsion  ; l’ouverture sans délai d’enquêtes approfondies et impartiales sur toutes les allégations d’actes de torture et de mauvais traitements  ; l’utilisation d’armes à impulsion él ectrique dans les prisons (par.  9 a) et b), 23, 31 et 37). L’État partie est également invité à informer le Comité des mesures qu’il prévoit de prendre pour mettre en œuvre, d’ici à la soumission de son prochain rapport, tout ou partie des autres recommandations formulées dans les présentes observations finales.

Autres questions

Le Comité invite l’État partie à soumettre son document de base en suivant les instructions figurant dans les directives harmonisées pour l’établissement des rapports à présenter au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN/2/Rev.6).

L’État partie est invité à diffuser largement le rapport soumis au Comité ainsi que les présentes observations finales, dans les langues voulues, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

Le Comité invite l’État partie à soumettre son prochain rapport périodique, qui sera le sept ième, d’ici au 9  décembre 2019. L’État partie ayant accepté d’établir son rapport conformément à la procédure simplifiée, le Comité lui fera parvenir en temps utile une liste préalable de points à traiter. Les réponses de l’État partie à cette liste constitueront son septième rapport périodique sou mis en application de l’article  19 de la Convention.