Comité pour l’élimination de la discrimination raciale
Observations finales concernant le rapport du Niger valant vingt-deuxième à vingt-cinquième rapports périodiques *
1.Le Comité a examiné le rapport du Niger valant vingt-deuxième à vingt-cinquième rapports périodiques à ses 2961e et 2962e séances, les 13 et 14 avril 2023. À ses 2975e et 2976e séances, les 25 et 26 avril 2023, il a adopté les présentes observations finales.
A.Introduction
2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport de l’État partie valant vingt-deuxième à vingt-cinquième rapports périodiques. Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie. Il remercie l’État partie pour les informations fournies lors du dialogue et après celui-ci.
B.Aspects positifs
3.Le Comité salue les mesures législatives, institutionnelles et programmatiques ci‑après prises par l’État partie :
a)L’adoption de la loi no 2022-033 portant loi minière, en juillet 2022;
b)L’adoption de la loi fixant les droits et devoirs des défenseurs des droits de l’homme au Niger, en juin 2022;
c)L’adoption de la loi fixant les modalités de promotion et de développement des langues nationales, en décembre 2019;
d)Le renforcement de la Commission nationale des droits humains, qui a été réaccréditée au statut A par l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme en 2022 ;
e)La mise en œuvre du Programme sectoriel de l’éducation et de la formation pour la période 2014-2024.
C.Préoccupations et recommandations
Crise relative à la sécurité
4.Le Comité est préoccupé par la situation généralisée d’insécurité dans certaines régions de l’État partie et par ses graves répercussions sur la jouissance des droits de l’homme des populations qui habitent ces régions, ainsi que dans l’ensemble du pays, en particulier les groupes minoritaires et défavorisés (art. 5).
5. Tout en reconnaissant les difficultés relatives à la crise à laquelle l’État partie fait face en matière de sécurité, le Comité lui recommande de redoubler d’efforts pour assurer la jouissance des droits de l’homme, en particulier ceux énoncés dans la Convention, par les populations vivant dans les régions touchées par cette crise, en particulier les groupes ethniques minoritaires ainsi que les migrants, les requérants d’asile et les réfugiés .
Collecte de données
6.Bien que le Comité prenne note des explications fournies par l’État partie, il est préoccupé par l’insuffisance de données sur la composition ethnique basées sur le principe de l’auto-identification. Le Comité regrette également le manque de statistiques et d’indicateurs socioéconomiques actualisés nécessaires pour évaluer correctement la situation de différents groupes ethniques, des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile, ce qui le limite dans sa capacité à analyser la situation de ces groupes, notamment à connaître leur statut socioéconomique et les éventuels progrès réalisés grâce à la mise en œuvre de stratégies et de programmes ciblés (art. 1er et 2).
7. Le Comité recommande à l ’ État partie de produire des statistiques ventilées par sexe et par âge sur la situation socioéconomique des groupes ethniques ainsi que des étrangers, notamment des demandeurs d ’ asile, des réfugiés et des apatrides, et sur leur accès à l ’ éducation, à l ’ emploi, aux soins de santé et au logement ainsi que leur participation à la vie publique et politique, en vue de créer une base empirique permettant d ’ évaluer la jouissance, dans des conditions d ’ égalité, des droits consacrés par la Convention . Le Comité recommande également à l’État partie d’améliorer et de diversifier sa collecte de données concernant la composition ethnique de la population sur la base de l’ auto-identification , en particulier pour ce qui est des personnes qui s’identifient comme appartenant à des peuples autochtones . Le Comité rappelle à l’État partie ses recommandations générales n o 4 (1973) concernant les rapports des États parties et n o 24 (1999) concernant l ’ article premier de la Convention .
Définition et incrimination de la discrimination raciale
8.Le Comité prend note des informations fournies par la délégation de l’État partie concernant les démarches entreprises pour l’incorporation de la Convention dans un nouvel avant-projet de code pénal. Il constate toutefois avec préoccupation que le cadre législatif national ne contient pas de définition de la discrimination raciale englobant expressément tous les motifs visés à l’article premier de la Convention, y compris la discrimination directe et indirecte dans les sphères publique et privée. Le Comité note également avec préoccupation que la législation pénale manque de précision quant à l’incrimination explicite de la haine raciale et de l’incitation à la discrimination raciale au sens de l’article 4 de la Convention (art. 1er, 2 et 4).
9. À la lumière de ses recommandations générales n o 14 (1993) concernant le paragraphe 1 de l ’ article premier de la Convention , n o 29 (2002) concernant la discrimination fondée sur l’ascendance et n o 35 (2013) sur la lutte contre le discours de haine raciale, l e Comité recommande à l ’État partie :
a) De finaliser et d’ adopter le nouveau code pénal, dont l’avant-projet est en cours d’examen, en veillant à ce que toutes les actions décrites à l ’ article 4 de la Convention soient interdites et incriminées ;
b) De s’assurer que la législation nationale contienne une prohibition de la discrimination raciale en conformité avec la définition de la discrimination raciale contenue dans l ’ article premier de la Convention , et interdis e explicitement la discrimination directe et indirecte dans les sphères publique et privée .
Application de la Convention
10.Le Comité constate l’absence d’exemples de cas dans lesquels les dispositions de la Convention ont été invoquées devant les juridictions nationales ou ont été appliquées par les tribunaux (art. 2).
11. Le Comité recommande à l ’État partie de redoubler d ’ efforts pour s ’ assurer que les juges, les procureurs et les avocats connaissent les dispositions de la Convention et puissent ainsi les invoquer et les appliquer dans les affaires pertinentes .
Discours de haine raciale
12.Le Comité prend note avec préoccupation des informations faisant état de l’utilisation de propos incitant à la haine, à la violence raciale et à l’ethnocentrisme par certaines figures politiques lors de la période électorale de 2021 (art. 4).
13. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour surveiller et combattre la diffusion des discours de haine raciste , et de fournir une formation à la police, aux procureurs et aux juges sur les méthodes appropriées pour repérer et enregistrer les crimes et les discours de haine à caractère raciste, enquêter à leur sujet et poursuivre leurs auteurs .
Commission nationale des droits humains
14.Le Comité constate avec préoccupation que les ressources allouées à la Commission nationale des droits humains ne sont pas suffisantes pour lui permettre de s’acquitter efficacement de son mandat, notamment pour ce qui concerne la lutte contre la discrimination raciale (art. 2).
15. Le Comité recommande à l’État partie de doter la Commission nationale des droits humains d’ un financement approprié lui permettant de s ’ acquitter de son mandat de manière efficace, en conformité avec les Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris) .
Discrimination à l’égard de certains groupes ethniques et des peuples autochtones
16.Le Comité note que l’État partie ne reconnaît pas l’existence de peuples autochtones sur son territoire (les Touaregs, les Toubous et les Peuls). Malgré les efforts de l’État partie, certains groupes ethniques minoritaires, en particulier les populations nomades, continuent de rencontrer des difficultés dans la jouissance de leurs droits, notamment leurs droits économiques, sociaux et culturels (art. 2 et 5).
17 .Rappelant la recommandation formulée dans ses précédentes observations finales, le Comité recommande à l’État partie de poursuivre ses efforts pour prendre les mesures appropriées afin de garantir aux groupes ethniques minoritaires la pleine jouissance de leurs droits économiques, sociaux et culturels, y compris par l’adoption d’une stratégie nationale relative à la situation de ces groupes, en particulier les populations nomades et celles qui s’identifient comme peuples autochtones (les Touaregs, les Toubous et les Peuls).
Pratique de l’esclavage
18.Bien que l’esclavage soit incriminé dans le Code pénal depuis 2003, le Comité reste gravement préoccupé par les informations concernant la persistance de pratiques d’esclavage et par l’absence de données permettant de mesurer toute l’étendue de cette pratique. Il note également avec préoccupation l’absence ou le non-suivi de plaintes, ainsi que d’enquêtes et de condamnations concernant des cas d’esclavage. Le Comité note enfin avec préoccupation les informations selon lesquelles ces pratiques néfastes sont souvent défendues et entretenues par les chefs traditionnels, coutumiers et religieux (art. 2 et 5).
19. Le Comité recommande à l’État partie :
a) D’éliminer toute forme d’esclavage et d’assurer que le code pénal en cours d’élaboration incrimine de manière appropriée le délit d’esclavage et toute pratique esclavagiste avec des peines adaptées à la gravité des faits ;
b) De veiller à ce que tous les cas d ’esclavage donnent lieu à une enquête et à des poursuites, même en l’absence de consentement de la victime, que les auteurs soient punis proportionnellement à la gravité des faits , et que les victimes aient accès aux voies de recours utiles et à des réparations adéquates ;
c) D’assurer que toute forme d’esclavage soit régulièrement et sans équivoque condamnée par les autorités officielles dans la sphère publique, et que les poursuites et les peines s’y rapportant soient portées à l’attention de la population ;
d) De collecter des données sur l’étendue des situations d’esclavage encore existantes, ainsi que sur les plaintes déposées , les enquêtes menées, les poursuites engagées, les déclarations de culpabilité prononcées, les sanctions imposées et les réparations accordées aux victimes, ventilées par âge, genre et origine ethnique ou nationale ;
e) D’adopter un plan quinquennal pour l’éradication de l’esclavage à l’échelle nationale et de mener de larges campagnes de sensibilisation, d’éducation et de communication auprès de la population, en particulier auprès des chefs traditionnels, religieux et coutumiers, sur les effets néfastes de la pratique de l’esclavage ou de servitude à l’égard des victimes .
Discrimination fondée sur l’esclavage
20.Le Comité constate avec préoccupation la persistante d’une discrimination généralisée et d’une exclusion sociale des personnes d’ascendance esclave, qui rencontrent des difficultés pour obtenir des papiers d’identité et pour accéder à l’éducation, à l’emploi ainsi qu’aux services de santé. Bien que le Comité prenne note des informations fournies lors du dialogue avec la délégation de l’État partie, il reste préoccupé par la persistance, dans la pratique, des difficultés pour l’enregistrement des naissances des enfants d’ascendance esclave. Le Comité note également avec préoccupation les informations selon lesquelles, dans certains villages, des hameaux habités majoritairement par des personnes d’ascendance esclave portent des noms les stigmatisant (art. 1er et 5).
21. À la lumière de sa recommandation générale n o 29 (2002) concernant la discrimination fondée sur l’ascendance, le Comité recommande à l’État partie : a) de s ’ attaquer de manière prioritaire aux causes structurelles et systémiques de la discrimination basée sur l’ascendance ; b) de prendre les mesures nécessaires pour garantir aux personnes d’ascendance esclave d’avoir accès à une identité et assurer leur accès à l’éducation, à l’emploi et aux services de santé ; c) d’assurer l ’ enregistrement des naissances des enfants d ’ ascendance esclave ; et d) d’interdire toute forme de stigmatisation et de ségrégation des personnes d’ascendance esclave et de prendre les mesures nécessaires pour changer les noms stigmatisants que portent l es hameaux et localités dans lesquels habitent ces personnes .
Exploitation des ressources naturelles
22.Le Comité est préoccupé par l’impact négatif de l’exploitation des ressources naturelles, notamment de l’uranium, ainsi que par les effets liés aux changements climatiques sur certains groupes ethniques, comme les Touaregs, notamment sur leur santé, leurs moyens de subsistance et leurs modes de vie traditionnels. Le Comité reste également préoccupé par les informations faisant état de l’absence de consultations appropriées auprès des communautés concernées avant l’autorisation de projets d’exploitation des ressources naturelles (art. 2 et 5).
23. En tenant compte de ce que la protection des droits de l ’ homme et l ’ élimination de la discrimination raciale sont des élément s essentiel s du développement économique durable , et rappelant le rôle joué à la fois par l ’ État partie et par le secteur privé à cet égard, le Comité recommande à l ’ État partie :
a) De v eiller à ce que, avant d ’ accorder des licences pour des projets de développement et d ’ exploitation des ressources naturelles , des consultations préalables avec les communautés concernées et des études indépendantes et impartiales soient menées sur l ’ impact social, environnemental et culturel que peuvent avoir de tels projets dans les modes de vie et de subsistance traditionnels des groupes ethniques particulièrement touchés ;
b) D e d éfinir, en concertation avec les communautés concernées , des mesures d ’ atténuation et de compensation des dommages ou des pertes subis et de participation aux bénéfices tirés desdites activités ;
c) De veiller à ce que les mesures d’adaptation aux changements climatiques entreprises par l’État partie, tel le Plan national d’adaptation aux changements climatiques, prennent en compte les besoins spécifiques des groupes ethniques les plus touchés .
Conflits interethniques
24.Le Comité note avec préoccupation que, malgré les mesures prises par l’État partie, les conflits entre les différents groupes ethniques, liés à leurs activités d’agriculteurs ou d’éleveurs, persistent et sont souvent associés à l’accès à la terre et à l’exploitation des ressources naturelles (art. 2 et 5).
25. Le Comité recommande à l ’État partie de renfo r cer, en concertation avec les groupes ethniques concernés, l ’ application du cadre législatif et administratif mis en place pour résoudre les problèmes et les conflits liés aux modes de vie agricole et pastoral en tenant compte de leurs besoins spécifiques et en respectant leurs modes de vie traditionnels . Le Comité recommande également à l ’État partie de continuer à diffuser son outil de « parenté à plaisanterie » et de mettre en place d’ autres mesures visant la prévention des conflits entre les différents groupes ethniques .
Formes de discrimination multiples et intersectionnelles à l’égard des femmes
26.Le Comité est préoccupé par la subsistance au sein de certains groupes ethniques de pratiques coutumières préjudiciables qui empêchent les femmes d’exercer pleinement leurs droits au titre de la Convention, en particulier en ce qui concerne le droit de posséder la terre ou d’en hériter. Le Comité est également gravement préoccupé par la persistance des pratiques néfastes à l’égard des femmes, notamment d’ascendance esclave, telles que les mariages forcés, les mariages précoces et la pratique esclavagiste de la wahaya, qui consiste en l’achat d’une fille, généralement descendante d’esclaves, pour en faire une cinquième épouse (art. 2 et 5).
27. Rappelant sa recommandation générale n o 25 (2000) concernant la dimension sexiste de la discrimination raciale, le Comité réitère la recommandation formulée dans ses précédentes observations finales et prie instamment l’État partie :
a) D’éliminer toutes les pratiques néfastes à l’égard des femmes d’ascendance esclave, et de poursuivre en justice les auteurs de la pratique de la wahaya ;
b) De prendre les mesures nécessaires afin de mettre fin aux pratiques coutumières préjudiciables parmi certains groupes ethniques qui empêchent les femmes et les filles de jouir pleinement de leurs droits, en particulier le droit de posséder une terre ou d’en hériter ;
c) D’accélérer l’adoption du code de la famille en prenant en compte les préoccupations du Comité concernant la pleine jouissance des droits des femmes, et de veiller à son application ;
d) De mener des campagnes de sensibilisation auprès du public, notamment les chefs traditionnels et religieux, sur l’égalité des droits entre femmes et hommes .
Situation des migrants
28.Le Comité prend note des efforts importants entrepris par l’État partie, malgré les difficultés actuelles auxquelles il fait face, pour accueillir les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés. Cependant, le Comité est préoccupé par les difficultés rencontrées dans l’État partie par les migrants, notamment ceux en situation irrégulière, qui sont souvent victimes de violation de leurs droits, y compris leurs droits à la sécurité, à un logement adéquat et à la santé. Le Comité note également avec préoccupation que le Rapporteur spécial sur les droits humains des migrants a indiqué que la loi no 2015-36 du 26 mai 2015 relative au trafic illicite de migrants et son application présentaient de nombreuses lacunes et n’étaient pas conformes aux normes internationales en matière de droits l’homme (art. 2 et 5).
29. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre ses efforts pour consolider une politique migratoire respectueuse des droits humains des migrants, en veillant à la mise en œuvre de sa stratégie globale de gestion de la migration, au renforcement des capacités des acteurs chargés de sa mise en œuvre et à la prise en compte des besoins spécifiques des migrants en situation de vulnérabilité, en particulier des enfants . Le Comité recommande également à l’État partie de réviser la loi relative au trafic illicite de migrants afin de la rendre conforme aux normes internationales des droits de l’homme . Le Comité invite l’État partie à mettre en œuvre les recommandations du Rapporteur spécial sur les droits humains des migrants formulées à la suite de sa visite au Niger en octobre 2018 .
Accès à la justice
30.Le Comité constate avec regret que l’État partie ne lui a pas fourni de données actualisées et détaillées sur les plaintes, les poursuites, les sanctions et les réparations relatives aux cas de discrimination raciale dont sont saisis les tribunaux. Il constate également avec préoccupation les difficultés que rencontrent les victimes de discrimination raciale et de pratiques d’esclavage à accéder aux services de l’Agence nationale de l’assistance juridique et judiciaire, pour cause de manque de moyens et de ressources de l’institution (art. 4 et 6).
31. Se référant à sa recommandation générale n o 31 (2005) sur la discrimination raciale dans l ’ administration et le fonctionnement du système de justice pénale, le Comité rappelle à l ’ État partie que l ’ absence de plaintes et d ’ actions en justice engagées par les victimes de discrimination raciale peut révéler une absence de législation spécifique pertinente, une mauvaise connaissance des recours juridiques existants, une volonté insuffisante de la part des autorités de poursuivre les auteurs de tels actes, une absence de confiance dans le système pénal ou la peur de représailles contre les victimes . Le Comité recomm ande à l ’ État partie :
a) D’ adopter des mesures appropriées et efficaces pour que toutes les victimes de discrimination raciale et de pratiques d ’ esclavage aient accès à des recours effectifs et à des réparations adéquates ;
b) D e renforcer la formation des responsables de l ’ application des lois aux fins d ’ examiner dûment les plaintes pour discrimination raciale et d ’ enquêter efficacement à leur suje t ;
c) De mener des campagnes pour faire connaître aux titulaires de droits les dispositions de la Convention et le régime juridique de protection contre la discrimination raciale et l’esclavage ;
d) De doter l’Agence n ationale de l ’a ssistance j uridique et judiciaire de moyens et des ressources techniques, financières et humaines nécessaires, et de garantir que les victimes de discrimination raciale et d’esclavage y ont accès .
Formation et sensibilisation aux droits de l’homme
32.Le Comité prend note des mesures prises par l’État partie concernant la formation des magistrats, des greffiers et des agents des forces de l’ordre sur les droits de l’homme. Il note toutefois avec préoccupation que l’impact de ces formations reste insuffisant dans la lutte pour l’élimination des pratiques discriminatoires (art. 2 et 7).
33. Le Comité réitère la recommandation formulée dans ses précédentes observations finales et prie l’État partie de redoubler d’efforts pour élargir les formations et la sensibilisation aux droits de l’homme, notamment sur les dispositions de la Convention, afin de renforcer la cohésion nationale et d’éliminer toute pratique esclavagiste et discriminatoire basée sur l’ethnie ou l’ascendance . Il lui recommande également de renforcer l ’ éducation aux droits de l’homme de manière générale, aussi bien dans les milieux scolaires que dans la population dans son ensemble .
Régime des associations
34.Le Comité constate avec préoccupation que l’ordonnance no 84-06 du 1er mars 1984 portant régime des associations est basée sur un régime d’autorisation préalable et qu’elle interdit la formation d’associations à caractère ethnique ou territorial, ce qui pourrait réduire l’espace de la liberté d’association et limiter la création de certaines organisations de défense des droits de l’homme, ainsi que des associations chargées de promouvoir la diversité culturelle et linguistique (art. 5).
35. Le Comité encourage l’État partie à adopter un régime déclaratif en ce qui concerne les organisations non gouvernementales et à garantir l ’ inclusion de tous types d ’ associations, notamment les associations à caractère territorial et de groupes ethniques, y compris ceux qui s’identifient comme peuples autochtones, et d ’ assurer sa conformité avec les instruments internationaux . À ce sujet, le Comité invite l’État partie à prendre en considération les recommandations du Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d ’ association formulées à la suite de sa visite au Niger en décembre 2021 .
D.Autres recommandations
Ratification d’autres instruments
36. Compte tenu du caractère indivisible de tous les droits de l’homme, le Comité encourage l’État partie à envisager de ratifier les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, en particulier ceux dont les dispositions intéressent directement les communautés qui peuvent faire l’objet de discrimination raciale, comme le Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques , visant à abolir la peine de mort, et le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l ’ enfant établissant une procédure de présentation de communications .
Amendement à l’article 8 de la Convention
37. Le Comité recommand e à l’État partie d’accepter l’amendement à l’article 8 (par . 6) de la Convention, adopté le 15 janvier 1992 à la quatorzième Réunion des États parties à la Convention et approuvé par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111 .
Déclaration visée à l’article 14 de la Convention
38. Le Comité encourage l’État partie à faire la déclaration facultative visée à l’article 14 de la Convention, par laquelle les États parties reconnaissent la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications individuelles .
Suite donnée à la Déclaration et au Programme d’action de Durban
39. À la lumière de sa recommandation générale n o 33 (2009) concernant le suivi de la Conférence d’examen de Durban, le Comité recommande à l’État partie de donner effet à la Déclaration et au Programme d’action de Durban, adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, en tenant compte du document final de la Conférence d’examen de Durban, tenue à Genève en avril 2009, quand il applique la Convention . Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les plans d’action qu’il aura adoptés et les autres mesures qu’il aura prises pour mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d’action de Durban au niveau national .
Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine
40. À la lumière de la résolution 68/237 de l’Assemblée générale proclamant la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine pour 2015-2024 et de la résolution 69/16 sur le programme d’activités de la Décennie, le Comité recommande à l’État partie d’élaborer et de mettre en œuvre un programme adapté de mesures et de politiques . Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les mesures concrètes qu’il aura adoptées dans ce cadre, compte tenu de sa recommandation générale n o 34 (2011) sur la discrimination raciale à l’égard des personnes d’ascendance africaine .
Consultations avec la société civile
41. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre et d’élargir le dialogue avec les organisations de la société civile qui travaillent dans le domaine de la protection des droits de l’homme, en particulier celles qui luttent contre la discrimination raciale, dans le cadre de l’élaboration du prochain rapport périodique et du suivi des présentes observations finales .
Diffusion d’information
42. Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre ses rapports à la disposition du public dès leur soumission et de diffuser également les observations finales du Comité qui s ’ y rapportent auprès de tous les organes de l ’ État chargés de la mise en œuvre de la Convention, y compris dans les régions, ainsi que de les publier sur le site Web du Ministère des affaires étrangères ou sur tout autre site Web accessible au public dans les langues officielles et les autres langues couramment utilisées, selon qu ’ il conviendra .
Document de base commun
43. Le Comité encourage l’État partie à mettre à jour son document de base commun, qui date de 2018 , conformément aux directives harmonisées concernant l’établissement des rapports destinés aux organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument, adoptées à la cinquième réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme tenue en juin 2006 . À la lumière de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le Comité demande instamment à l’État partie de respecter la limite de 42 400 mots fixée pour ce document .
Suite donnée aux présentes observations finales
44. Conformément à l’article 9 (par . 1) de la Convention et à l’article 65 de son règlement intérieur, le Comité demande à l’État partie de fournir, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 9 a) (Définition et incrimination de la discrimination raciale), 15 (Commission nationale des droits humains) et 27 d ) ( F ormes de discrimination multiples et intersectionnelles à l ’ égard des femmes) ci-dessus .
Paragraphes d’importance particulière
45. Le Comité souhaite appeler l’attention de l’État partie sur l’importance particulière des recommandations figurant dans les paragraphes 29 (Situation des migrants), 31 a), b) et d) (Accès à la justice) et 33 (Formation et sensibilisation aux droits de l ’ homme ) ci-dessus, et lui demande de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures concrètes qu’il aura prises pour y donner suite .
Élaboration du prochain rapport périodique
46. Le Comité recommande à l’État partie de soumettre son rapport valant vingt ‑ sixième à vingt-neuvième rapports périodiques d’ici au 4 janvier 2027, en tenant compte des directives pour l’établissement du document se rapportant spécifiquement à la Convention adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session et en traitant de tous les points soulevés dans les présentes observations finales . À la lumière de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le Comité demande instamment à l’État partie de respecter la limite de 21 200 mots fixée pour les rapports périodiques et la limite de 42 400 mots fixée pour le document de base commun .