Présentée par:

M. Fazal Hussain

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Maurice

Date de la communication:

18 février 1998(date de la communication initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial conformément à l’article 91 du règlement intérieur, transmise à l’État partie le 18 juin 2001 (non publiée sous forme de document)

Date de la présente décision:

18 mars 2003

[ANNEXE]

ANNEXE

DÉCISION DU COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME EN VERTU DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES

Soixante ‑dix ‑septième session

concernant la

Communication n o  980/2001 **

Présentée par:

M. Fazal Hussain

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Maurice

Date de la communication:

18 février 1998(date de la communication initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 18 mars 2003,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.L’auteur de la communication, datée du 18 février 1998, est M. Fazal Hussain, citoyen indien purgeant actuellement une peine de prison à Maurice. Il se déclare victime d’une violation par Maurice du paragraphe 3 b), c) et d) et des paragraphes 5 et 6 de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (le Pacte). Il n’est pas représenté par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Le 7 juillet 1995, l’auteur a été arrêté à l’aéroport international Sir Seewoosagur Ramgoolam de Maurice et inculpé «d’importation et de trafic» d’héroïne. Avant le 15 octobre 1996, l’auteur a été présenté deux fois au tribunal de district de Mehbourgh.

2.2Le 20 juin 1996, l’auteur a comparu devant la Cour suprême pour être jugé. Après la lecture par le Président de la Cour suprême des chefs d’accusation portés contre lui, l’auteur était perturbé car il n’était pas assisté par un conseil et il ne comprenait pas bien l’anglais. Il a dit qu’il avait demandé l’aide juridictionnelle et qu’il voulait être assisté d’un interprète. Pour ces raisons, la Cour suprême a ajourné le procès.

2.3En septembre 1996, l’auteur a pris personnellement contact avec un avocat, Me Oozeerally, qui a accepté de commencer à préparer la défense dès qu’il aurait reçu les copies de la déclaration de l’auteur ainsi que des autres éléments de preuve. Me Oozeerally a été ensuite désigné avocat au titre de l’aide judiciaire. L’auteur affirme que son conseil n’a reçu les documents nécessaires que cinq jours avant le procès.

2.4Le conseil a recommandé à l’auteur de plaider non coupable mais, après une journée de procédure, l’auteur a décidé de plaider coupable parce qu’il était «choqué de voir de quelle façon le procès était conduit». Le 17 octobre 1996, il a été condamné à l’emprisonnement à perpétuité. Il a immédiatement indiqué au juge qu’il avait l’intention de faire appel.

2.5Le 29 octobre 1996, l’auteur a demandé à bénéficier de l’aide juridictionnelle pour se pourvoir en appel (in forma pauperis), mais sa demande a été rejetée par le Président de la Cour suprême en raison de l’avis de son conseil, qui estimait qu’il n’y avait pas matière à recours.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur fait valoir tout d’abord que l’accusation a disposé de 14 mois pour préparer son argumentation alors que son conseil n’a reçu les informations nécessaires pour préparer sa défense que cinq jours avant le début du procès. Ainsi, l’auteur n’a pas disposé de suffisamment de temps pour préparer sa défense.

3.2L’auteur affirme en outre qu’il a été condamné à l’emprisonnement à perpétuité par un tribunal composé d’un juge unique et non pas par un jury, ce qui d’après lui est contraire aux dispositions du Pacte.

3.3Enfin, l’auteur affirme que le droit de faire appel lui a été dénié et que l’aide juridictionnelle qui lui aurait permis de présenter un tel recours lui a été refusée. Il ajoute que c’est en raison de l’avis émis par le conseil l’ayant représenté au procès que sa demande de recours en appel in forma pauperis a été rejetée.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond de la communication

4.1Dans des réponses en date du 13 août 2001 et du 29 janvier 2002, l’État partie a fait ses observations concernant la recevabilité et le fond de la communication.

4.2Pour ce qui est de la recevabilité de la communication, l’État partie affirme que la plainte déposée par l’auteur constitue un abus du droit de présenter une communication et que l’auteur n’a pas épuisé tous les recours internes disponibles dans la mesure où, s’il avait estimé que le droit constitutionnel à un procès équitable avait été violé, il aurait pu se pourvoir devant la Cour suprême. En outre, l’auteur pouvait s’adresser à la Commission sur le droit de grâce pour obtenir un examen de la peine prononcée par la Cour suprême.

4.3Pour ce qui est du fond de l’affaire, l’État partie explique qu’à la première audience, le 20 juin 1996, le procès a été reporté afin que l’auteur puisse être représenté en justice et assisté d’un interprète. Il est apparu par la suite que, bien que par souci d’équité les débats aient été traduits dans sa langue maternelle, l’auteur connaissait l’anglais et n’avait pas d’objection à ce que la procédure se déroule dans cette langue.

4.4L’État partie fait observer en outre qu’à aucun stade du procès le conseil n’a demandé de report d’audience parce qu’il avait besoin de plus de temps pour préparer sa défense, ce qui, comme il est d’usage dans de tels cas, lui aurait été accordé par le tribunal.

4.5De plus, bien que le conseil ait déclaré à un certain moment que la déposition d’un certain témoin et certaines photographies ne lui avaient pas été communiquées, il a fait savoir clairement qu’il n’élevait aucune objection à la recevabilité de la plupart des documents soumis par l’accusation. Le conseil a en outre déclaré qu’il n’avait pas besoin de temps pour examiner les documents car il en était donné lecture au tribunal. Enfin, les témoins qui ont enregistré la déposition et pris les photographies ont été également entendus par le tribunal, et le conseil aurait pu demander leur contre‑interrogatoire.

4.6En ce qui concerne le droit de faire appel, la législation de l’État partie prévoit le bénéfice de l’aide juridictionnelle à cette fin. Selon la procédure prévue dans de tels cas, le dossier est envoyé à un avocat pour que celui‑ci indique s’il existe des motifs raisonnables de recours. En l’espèce, l’auteur a informé le 17 octobre 1996 le juge de son intention de faire appel de la décision du tribunal. Les documents nécessaires ont alors été envoyés au conseil qui, le 5 novembre 1996, a émis une opinion indiquant qu’il n’y avait pas raisonnablement matière à recours. L’auteur a été informé de ce fait par le Commissaire des prisons et sa demande d’aide juridictionnelle a par conséquent été rejetée.

4.7L’État partie estime que toute l’attention voulue a été accordée à la demande d’aide juridictionnelle, mais que, étant donné l’opinion émise par le propre conseil de l’auteur, le tribunal ne pouvait que rejeter sa demande. Il ajoute que les tribunaux nationaux ont pour habitude de rejeter les demandes d’aide juridictionnelle dans les affaires de recours en appel qui sont considérées comme futiles ou abusives. En outre, l’auteur aurait pu se pourvoir directement devant la Cour suprême, ce qu’il a décidé de ne pas faire en l’espèce.

Commentaires de l’auteur

5.1Le 7 mars 2002, l’auteur a répondu aux observations de l’État partie.

5.2Pour ce qui est du fond de l’affaire, l’auteur rappelle que son conseil n’a pas disposé de suffisamment de temps pour préparer sa défense et renvoie à un document présenté par l’État partie, dans lequel le conseil signalait que les informations ne lui avaient été communiquées que quelques jours avant le début du procès. À ce sujet, l’auteur dit qu’il n’est pas en mesure de demander à son conseil la raison pour laquelle il n’a pas demandé l’ajournement ou le report du procès.

5.3L’auteur maintient également que le droit de faire appel lui a été dénié et qu’il n’a jamais demandé au conseil qui le représentait en première instance de se charger du recours en appel. L’auteur considère qu’un autre conseil aurait dû être désigné pour la procédure d’appel. Il déclare en outre qu’il n’a jamais été informé de l’avis de son conseil selon lequel il n’y avait pas raisonnablement matière à recours de la décision de la Cour suprême.

Délibérations du Comité

6.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 87 de son règlement intérieur, décider si cette communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire en vertu du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Pour ce qui est de l’allégation de l’auteur, qui déclare que son conseil n’a pas eu suffisamment de temps pour préparer sa défense du fait que le dossier n’a été communiqué à ce dernier que cinq jours avant la première audience, ce qui peut soulever des questions au titre du paragraphe 3 b) et d) de l’article 14 du Pacte, le Comité note qu’il ressort des informations fournies par les parties que le conseil avait la possibilité de faire interroger le témoin ainsi que de demander l’ajournement du procès, ce qu’il n’a pas fait. Le Comité renvoie à ce sujet à sa jurisprudence et réaffirme qu’un État partie ne peut pas être tenu responsable des agissements d’un avocat de la défense, à moins qu’il n’ait été ou n’eût dû être manifeste pour le juge que le comportement de l’avocat était incompatible avec les intérêts de la justice. En l’espèce, le Comité n’a aucune raison de penser que le conseil de l’auteur n’a pas agi en toute conscience professionnelle. De plus, le Comité note que l’auteur a finalement décidé de plaider coupable, contre l’avis de son conseil. Le Comité estime en conséquence que l’auteur n’a pas suffisamment étayé son allégation de violation du paragraphe 3 b) et d) de l’article 14 du Pacte. Cette partie de la communication devrait donc être déclarée irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.4En ce qui concerne l’argument de l’auteur qui affirme qu’il a été jugé non pas par un jury mais par un seul juge, l’auteur n’a pas montré en quoi il pouvait y avoir là violation du Pacte. Cette partie de la communication devrait donc être déclarée irrecevable en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif.

6.5Pour ce qui est du grief de violation du paragraphe 3 c) de l’article 14 du Pacte, le Comité estime que, dans les circonstances de l’espèce, l’auteur n’a pas suffisamment montré en quoi la période de 11 mois qui s’est écoulée entre le moment de son arrestation et la date de la première audience de la Cour suprême pouvait constituer une violation de ces dispositions. Cette partie de la communication devrait donc être déclarée irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.6En ce qui concerne l’allégation de violation du paragraphe 6 de l’article 14, le Comité note que l’auteur ne lui a pas fourni d’éléments qui pourraient soulever des questions au titre de ces dispositions. Cette partie de la communication devrait donc être déclarée irrecevable en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif.

6.7En ce qui concerne l’allégation de l’auteur qui affirme que le droit de faire appel lui a été dénié, ce qui peut soulever des questions au titre des paragraphes 3 d) et 5 de l’article 14 du Pacte, le Comité note, compte tenu du fait que l’auteur a plaidé coupable contre l’avis de son conseil, que l’auteur a demandé l’aide juridictionnelle pour faire appel sans présenter de motifs de recours ni d’éléments à l’appui de ce recours et que, quand l’aide juridictionnelle a été refusée, l’auteur ne s’est pas pourvu devant la Cour suprême pour dénoncer une violation de ses droits constitutionnels. Le Comité estime que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 de l’article 5 du Pacte pour non-épuisement des recours internes.

7.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

Que la communication est irrecevable en vertu des articles 2, 3 et 5 du Protocole facultatif;

Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra aussi ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

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