Nations Unies

CRPD/C/HUN/CO/2-3

Convention relative aux droits des personnes handicapées

Distr. générale

20 mai 2022

Français

Original : anglais

Comité des droits des personnes handicapées

Observations finales concernant le rapport de la Hongrie valant deuxième et troisième rapports périodiques *

I.Introduction

1.Le Comité a examiné le rapport de la Hongrie valant deuxième et troisième rapports périodiques à ses 555e, 557e et 559e séances, qui se sont tenues selon des modalités hybrides les 8, 9 et 10 mars 2022. Il a adopté les observations finales ci-après à sa 582e séance, qui s’est tenue selon des modalités hybrides le 25 mars 2022.

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport de l’État partie valant deuxième et troisième rapports périodiques, qui a été établi conformément aux directives concernant l’établissement des rapports et en réponse à la liste de points établie avant la soumission du rapport.

3.Le Comité remercie l’État partie d’avoir accepté que l’examen de son rapport valant deuxième et troisième rapports périodiques se déroule selon des modalités hybrides, compte tenu des circonstances exceptionnelles dues à la pandémie de maladie à coronavirus (COVID19). Il se félicite du dialogue sincère et fructueux qu’il a eu avec la délégation, à la composition diversifiée et multisectorielle et dans laquelle les ministères compétents étaient représentés, à Genève et en ligne depuis la capitale de l’État partie. Le Comité se félicite également de la participation du Commissaire aux droits fondamentaux, agissant en sa qualité de mécanisme indépendant de suivi, conformément à l’article 33 (par. 2) de la Convention.

II.Aspects positifs

4.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures que l’État partie a prises pour appliquer la Convention depuis les précédentes observations finales qu’il a formulées à son intention en 2012, et salue les mesures prises pour promouvoir les droits des personnes handicapées, comme celle qui a consisté à considérer les femmes et les enfants handicapés comme des groupes cibles dans les projets qu’il a proposés à l’Union européenne (UE).

5.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures législatives que l’État partie a prises pour promouvoir les droits des personnes handicapées, en particulier :

a)L’adoption par le Parlement, dans la résolution 15/2015 (IV.7), du Programme national consacré au handicap pour la période 2015-2025 ;

b)La publication, en 2016, de l’arrêté no 22/2016 (VI.29) pris par le Ministre de l’économie nationale et portant sur l’égalité d’accès des personnes handicapées aux services financiers dans les établissements de crédit ;

c)L’inscription de la langue des signes dans la Convention, dont l’article H (par. 3) prévoit depuis 2011 que l’État partie protège la langue des signes hongroise, partie intégrante de la culture hongroise.

III.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

A.Principes généraux et obligations générales (art. 1er à 4)

6.Le Comité constate avec préoccupation :

a)Que la législation et les politiques relatives au handicap n’ont pas encore été pleinement mises en conformité avec la Convention, que la traduction hongroise de la terminologie employée dans la Convention est incorrecte et que le Code pénal de 2012 et le Code de procédure pénale de 2017 contiennent des termes péjoratifs tels que « état de santé mentale anormal » ;

b)Que les différentes conceptions du handicap qui existent dans les divers domaines professionnels et juridiques font qu’il n’y a pas reconnaissance de l’ensemble des personnes handicapées, en particulier des personnes ayant un handicap psychosocial, un handicap intellectuel ou un trouble de la parole ;

c)Que le modèle médical du handicap continue de prévaloir dans l’État partie, y compris dans le système d’évaluation du handicap et pour ce qui est des critères d’obtention des services et mesures de soutien nécessaires, et influe sur l’évaluation de la capacité d’une personne à comprendre par elle-même et à vivre de manière autonome et sur les seuils de « santé résiduelle », ce qui nuit à l’inclusion sociale des personnes handicapées ;

d)Que les droits consacrés par la Convention ne sont pas suffisamment connus des magistrats et des professionnels du secteur de la justice, des décideurs, des parlementaires, des enseignants, des médecins et du personnel de santé, des travailleurs sociaux et de tous les autres professionnels qui travaillent avec les personnes handicapées.

7. Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De revoir les lois et politiques en vigueur relatives au handicap et de les mettre en conformité avec les dispositions de la Convention, en veillant notamment à ce que la terminologie de la Convention soit correctement traduite en hongrois et en supprimant de sa législation tous les termes péjoratifs concernant les personnes handicapées  ;

b) D’adopter une conception unifiée du handicap dans tous les domaines professionnels et juridiques, qui soit conforme aux buts et aux principes de la Convention et englobe l’ensemble des personnes handicapées  ;

c) De réorienter ses systèmes d’évaluation du handicap en remplaçant les éléments du modèle médical du handicap par les principes du modèle du handicap fondé sur les droits de l’homme et en mettant en place des systèmes visant à évaluer les obstacles juridiques et environnementaux que rencontrent les personnes handicapées et à offrir à ces personnes le soutien et l’assistance nécessaires, en vue de promouvoir leur autonomie de vie et leur pleine inclusion sociale  ;

d) De mettre en place, en étroite collaboration avec les organisations de personnes handicapées, des programmes de renforcement des capacités sur les droits des personnes handicapées et les obligations de l’État partie énoncés dans la Convention, à l’intention des magistrats et des professionnels du secteur de la justice, des décideurs et des parlementaires, des enseignants, des médecins et du personnel de santé, des travailleurs sociaux et de tous les autres professionnels qui travaillent avec des personnes handicapées.

8.Le Comité est préoccupé par :

a)Le manque d’indépendance des organes consultatifs qui ont été créés, notamment le Conseil national du handicap, l’Organe national de coordination pour la désinstitutionnalisation, le Groupe de travail sur les droits de l’homme et le Comité intergouvernemental du handicap, et par le fait que ces organes n’examinent pas les questions de fond, ainsi que par l’absence de participation effective des organisations de personnes handicapées à la prise de décisions publiques ;

b)Le manque d’accessibilité des supports d’information dans le cadre des processus de prise de décisions publiques, qui limite la participation des organisations de personnes handicapées ;

c)Les informations selon lesquelles les organisations de la société civile qui mènent des activités de promotion des droits des personnes handicapées subiraient des représailles et seraient soumises à des pressions permanentes.

9. Le Comité rappelle son observation générale n o 7 (2018) et invite instamment l’État partie  :

a) À renforcer les mécanismes permettant aux personnes handicapées de participer activement, par l’intermédiaire des organisations qui les représentent, aux processus décisionnels publics, en adoptant des mesures qui garantissent l’indépendance de ces mécanismes par rapport aux pouvoirs publics et avec la participation de l’ensemble des organisations de personnes handicapées, ainsi que des enfants handicapés, des personnes ayant un handicap intellectuel, des personnes ayant un handicap psychosocial, des personnes intersexes, des femmes handicapées, des personnes handicapées vivant en zone rurale, des personnes autistes, des Roms et des personnes handicapées de genre variant, des personnes qui ont besoin d’une aide très importante, des réfugiés handicapés et des migrants handicapés  ;

b) À fournir aux organisations de personnes handicapées des informations accessibles, y compris des informations en format facile à lire et à comprendre et dans d’autres formats accessibles, ainsi que le calendrier des consultations concernant toute réforme des lois et des politiques relatives aux personnes handicapées  ;

c) À reconnaître que les organisations de la société civile sont des mécanismes de défense des droits de l’homme, à interdire les représailles contre les personnes et les organisations qui s’attachent à promouvoir les droits des personnes handicapées et à prendre des mesures visant à protéger l’espace civique.

B.Droits particuliers (art. 5 à 30)

Égalité et non-discrimination (art. 5)

10.Le Comité constate avec préoccupation :

a)Que la législation antidiscrimination de l’État partie ne reconnaît pas les formes multiples et croisées de discrimination à l’égard des personnes handicapées, notamment la discrimination fondée sur le genre à l’égard des femmes handicapées ;

b)Que le refus d’aménagement raisonnable n’est pas reconnu comme constituant une forme de discrimination fondée sur le handicap dans tous les domaines de la vie ;

c)Que les cas de discrimination fondée sur le handicap ne donnent pas lieu à des enquêtes, que les victimes de tels actes ne disposent pas de recours utiles et que les auteurs ne sont pas poursuivis et punis.

11. Le Comité rappelle son observation générale n o 6 (2018) et les cibles 10.2 et 10.3 des objectifs de développement durable, et recommande à l’État partie  :

a) D’inclure, dans sa législation anti discrimination, les formes multiples et croisées de discrimination, notamment toutes les formes de discrimination fondée sur le genre à l’égard des femmes handicapées  ;

b) De reconnaître le refus d’aménagement raisonnable comme constituant une discrimination en application de la loi CXXV de 2003 sur l’égalité de traitement et la promotion de l’égalité des chances et de veiller à ce que cette loi soit effectivement appliquée dans tous les secteurs et tous les domaines de la vie  ;

c) De prévoir des voies de recours utiles pour les victimes de discrimination fondée sur le handicap et de veiller à ce que les cas signalés de ce type de discrimination donnent lieu à des enquêtes sérieuses.

Femmes handicapées (art. 6)

12.Le Comité prend note avec préoccupation des informations selon lesquelles il existerait, dans l’État partie, des inégalités de genre dont pâtiraient les femmes handicapées, qui ne disposeraient que rarement de possibilités d’emploi dans un marché du travail ouvert et inclusif.

13. Le Comité rappelle son observation générale n o 3 (2016) et recommande à l’État partie de veiller à ce que la protection des droits des femmes et des filles handicapées soit prévue dans la stratégie nationale pour l’égalité femmes-hommes et d’adopter des mesures ciblées visant à appliquer les recommandations formulées à l’intention des États membres de l’UE dans la Stratégie de l’UE en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes  ;

Enfants handicapés (art. 7)

14.Le Comité constate avec préoccupation :

a)Que l’État partie applique de manière erronée la notion d’intérêt supérieur de l’enfant, en donnant la priorité à l’avis des experts et au placement en institution ;

b)Que la législation de l’État partie, plus précisément l’article 7 (par. 2a)) de la loi XXXI de 1997 concernant la protection des enfants et le placement de enfants de moins de 12ans en famille d’accueil, est discriminatoire à l’égard des enfants handicapés en ce qu’elle exclut les enfants handicapés ayant besoin d’un soutien accru, prétendument au nom de leur intérêt supérieur, et, par là même, perpétue la pratique de leur placement en institution ;

c)Que les enfants handicapés ne disposent pas d’un accès suffisant aux services de proximité généraux, notamment en raison de la mesure de « développement individuel », qui entraîne une discrimination à leur égard ;

15. Rappelant sa déclaration conjointe avec le Comité des droits de l’enfant sur les droits des enfants handicapés (2022), le Comité recommande à l’État partie  :

a) De veiller à ce que le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant soit respecté en appliquant le modèle du handicap fondé sur les droits de l’homme, y compris le droit des enfants handicapés d’exprimer librement leurs opinions sur toutes les questions qui les concernent, ainsi que leur droit à une vie de famille, notamment à un placement en famille d’accueil  ;

b) D’abroger les dispositions de la loi concernant la protection des enfants qui prévoient encore le placement en institution des enfants handicapés et de faire en sorte que les enfants handicapés jouissent de leur droit à la vie de famille dans des conditions d’égalité avec les autres enfants  ;

c) De garantir l’accès aux services sociaux et éducatifs de proximité généraux à tous les enfants handicapés, dans des conditions d’égalité avec les autres enfants, en leur offrant le soutien et l’assistance nécessaires.

Sensibilisation (art. 8)

16.Le Comité est préoccupé par les stéréotypes négatifs courants concernant les personnes handicapées, s’agissant en particulier des personnes ayant un handicap psychosocial ou un handicap intellectuel.

17. Le Comité recommande à l’État partie d’élaborer, en étroite collaboration avec les organisations de personnes handicapées, des programmes de sensibilisation, et de les diffuser notamment par l’intermédiaire des médias, en vue de combattre les stéréotypes négatifs relatifs au handicap et d’encourager le respect de la dignité, des compétences, des mérites et des aptitudes des personnes handicapées et de leur contribution à la société.

Accessibilité (art. 9)

18.Le Comité constate avec préoccupation :

a)L’absence de stratégie nationale globale visant à assurer l’accessibilité du cadre bâti, des services publics, des transports publics, de l’information et de la communication dans l’État partie, en particulier dans les zones rurales et les petites villes ;

b)L’absence de progrès pour ce qui est d’assurer l’accessibilité du cadre bâti, des services publics, y compris des guichets automatiques de banque pour les personnes ayant une déficience visuelle, des transports publics, de l’information et de la communication pour les personnes handicapées, et les modifications apportées en 2013 à la loi sur les services de transport de voyageurs, qui ne prévoit plus de dates limites pour garantir l’accessibilité.

19. Le Comité rappelle son observation générale n o 2 (2014) et recommande à l’État partie  :

a) D’adopter une stratégie nationale globale et un plan d’application assortis d’un calendrier précis et dotés de ressources budgétaires suffisantes pour assurer l’accessibilité du cadre bâti, des services publics, des transports publics, de l’information et de la communication dans l’État partie, afin de garantir l’égalisation des chances pour les personnes handicapées dans l’ensemble de l’État partie  ;

b) De revoir sa législation dans les domaines du cadre bâti, des services publics, des transports publics, de l’information et de la communication, notamment la réglementation relative aux marchés publics et d’établir des normes et un calendrier obligatoires pour garantir l’accessibilité pour les personnes handicapées, des mesures d’application de cette réglementation, des sanctions en cas de non-respect et des mécanismes indépendants chargés de suivre la mise en application des mesures d’accessibilité  ;

c) De veiller à ce que les normes d’accessibilité tiennent compte de la Directive (UE) 2016/2102 du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2016 relative à l’accessibilité des sites Internet et des applications mobiles des organismes du secteur public, et des Règles pour l’accessibilité des contenus Web pour tous les sites Internet publics  ;

d) D’achever la transposition de la Directive (UE) 2019/882 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 relative aux exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services et de la Directive (UE) 2018/1972 du Parlement européen et du Conseil établissant le Code des communications électroniques européen dans la législation et la réglementation nationales.

Droit à la vie (art. 10)

20.Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’enquête pas sur les décès de personnes handicapées, notamment d’enfants handicapés, survenus en institution, et n’engage pas de poursuites.

21. Le Comité recommande à l’État partie d’ouvrir rapidement des enquêtes sur les décès de personnes handicapées survenus en institution, de considérer ces décès comme des « événements extraordinaires » pouvant avoir été causés par des mauvais traitements subis dans ces établissements, et de poursuivre et de punir les responsables. Il lui recommande également d’offrir des voies de recours et des réparations aux familles des personnes handicapées décédées dans de telles circonstances et d’accélérer la désinstitutionnalisation de toutes les personnes handicapées encore placées en institution.

Situations de risque et situations d’urgence humanitaire (art. 11)

22.Le Comité constate avec préoccupation :

a)Que ni la Loi fondamentale, ni la loi sur la protection contre les catastrophes, ni leurs protocoles respectifs ne prévoient de mesures précises permettant de garantir la sécurité des personnes handicapées et des personnes ayant divers types d’incapacités dans les situations de risque et les situations d’urgence résultant de conflits, de catastrophes naturelles ou d’afflux massifs de réfugiés et de migrants ;

b)Que les personnes handicapées placées en institution et dans des établissements psychiatriques et les personnes handicapées qui vivent de façon autonome ont été touchées plus que les autres par la pandémie de maladie à coronavirus (COVID19) et risquent davantage de contracter la maladie, notamment en raison d’un accès insuffisant au système général de santé et de leur isolement social ;

c)Que les personnes handicapées ont peu participé à la prise de décisions concernant la lutte contre la pandémie de COVID19 et ses conséquences, ainsi qu’à la prise de décisions pendant la période de reprise.

23. Le Comité recommande à l’État partie de se fonder sur le document « La COVID ‑ 19 et les droits des personnes handicapées  : orientations », élaboré par le Haut ‑ Inclusive Response to COVID ‑ 19 », et d’agir conformément au Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe (2015-2030) pour prendre, avec la participation active des organisations représentant les personnes handicapées, les mesures suivantes  :

a) Revoir sa législation, ses protocoles, ses plans et ses mesures applicables aux situations de risque et aux situations d’urgence humanitaire résultant de conflits, de catastrophes naturelles ou d’afflux massifs de réfugiés ou de migrants pour prendre en compte les besoins de toutes les personnes handicapées qui se trouvent dans de telles situations, notamment s’agissant de l’accès aux messages d’urgence et aux signaux d’alarme par des modes de communication et d’information alternatifs  ;

b) Intégrer la question du handicap dans les mesures de riposte à la COVID ‑ 19 et les plans de relance, en mettant l’accent en particulier sur l’égalité d’accès aux systèmes généraux de santé pour les personnes handicapées qui sont encore en institution ou vivent de façon autonome, et de protéger les personnes handicapées des effets de la pandémie, notamment d’un isolement social accru  ;

c) Veiller à ce que les personnes handicapées participent, dans des conditions d’égalité avec les autres, à la prise de toutes les décisions qui les concernent, notamment celles visant à lutter contre la pandémie de COVID ‑ 19 et ses conséquences, et à la prise de décisions pendant la période de reprise.

Reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité (art. 12)

24.Le Comité constate avec préoccupation :

a)Que la limitation de la capacité juridique des personnes handicapées au motif de leur incapacité est discriminatoire, qu’aucune mesure n’a été prise pour abolir les dispositions discriminatoires qui figurent dans le Code civil et que le régime de prise de décisions substitutive, qui prive les personnes handicapées de leurs droits, est toujours en vigueur ;

b)Que le mécanisme de prise de décisions accompagnée prévu par la loi CLV de 2013 conserve les caractéristiques d’un régime de prise de décisions substitutive, ce qui le rend inefficace et discriminatoire.

25. Conformément à l’article 12 de la Convention et à son observation générale n o 1 (2014), le Comité recommande à l’État partie  :

a) De reconnaître la nature discriminatoire du régime de prise de décisions substitutive et d’abolir toutes les dispositions permettant de restreindre la capacité juridique des personnes handicapées sur la base de leur handicap  ;

b) D’adopter un mécanisme permettant de rétablir la pleine capacité juridique de toutes les personnes handicapées, quel que soit leur handicap  ;

c) De réexaminer toutes les dispositions relatives au mécanisme de prise de décisions accompagnée afin que les mécanismes de prise de décisions accompagnée respectent la dignité, l’autonomie, la volonté et les préférences des personnes handicapées dans le cadre de l’exercice de leur capacité juridique.

Accès à la justice (art. 13)

26.Le Comité prend note avec préoccupation des obstacles que les personnes handicapées, en particulier les personnes qui ont un handicap intellectuel, les personnes qui ont un handicap psychosocial, celles qui sont placées sous un régime de prise de décisions substitutive, celles qui sont en institution ou dans un établissement psychiatrique et celles qui ont un handicap physique, rencontrent dans le système de justice en raison du manque d’aménagement procédural et d’aménagement en fonction de l’âge, du manque d’information et de communication accessibles sur les procédures juridiques et de l’inaccessibilité des bâtiments.

27. Le Comité rappelle les Principes et lignes directrices internationaux sur l’accès à la justice des personnes handicapées élaborés par la Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées, ainsi que la cible 16.3 des objectifs de développement durable, et recommande à l’État partie  :

a) De prévoir toutes les garanties et tous les aménagements procéduraux efficaces nécessaires pour que toutes les personnes handicapées qui ont une capacité juridique limitée et celles placées en institution ou dans des établissements psychiatriques aient accès à un réexamen judiciaire effectif des décisions les concernant et à une représentation en justice gratuite et efficace dans toutes les procédures  ;

b) De revoir le Code de procédure civile et la loi relative à la procédure pénale, de sorte à garantir des aménagements procéduraux et des aménagements en fonction de l’âge à toutes les personnes handicapées dans toutes les situations juridiques, par la mise en place de moyens d’information et de communication améliorées et alternatives, tels que le braille, la langue des signes, le langage facile à lire et à comprendre, les systèmes de symboles et la transcription audio et vidéo.

Liberté et sécurité de la personne (art. 14)

28.Le Comité prend note avec préoccupation :

a)Des dispositions discriminatoires de la loi CLIV de 1997 sur les soins de santé, qui autorisent la privation de liberté arbitraire des personnes ayant un handicap psychosocial et leur internement dans un établissement de santé mentale au motif de leur handicap et de leur dangerosité supposée ;

b)Du manque de garanties juridiques relatives au droit à la liberté et à la sécurité de la personne dans les établissements psychiatriques, dont les établissements de psychiatrie médico-légale, dans lesquels la détention des personnes handicapées et le traitement qui leur est administré peuvent durer indéfiniment, même lorsque le réexamen judiciaire périodique aboutit à la conclusion que le traitement et la détention ne sont plus nécessaires ;

c)Du manque de services de santé mentale accessibles fondés sur les droits de l’homme dans l’État partie ;

d)Du manque d’accessibilité et d’aménagements raisonnables pour les personnes handicapées dans les établissements pénitentiaires, en particulier pour les personnes sourdes et pour les femmes et les enfants handicapés.

29. Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De revoir et d’abroger toutes les dispositions juridiques discriminatoires qui légitiment les traitements sans consentement et la privation de liberté de personnes au motif de leur handicap psychosocial et de leur dangerosité supposée, et de veiller à ce que les traitements soient toujours fondés sur le consentement libre et éclairé de la personne concernée  ;

b) De prévoir des garanties juridiques relatives au droit à la liberté et à la sécurité de la personne dans les établissements psychiatriques, y compris les établissements de psychiatrie médico-légale  ;

c) De développer les services et les mesures de soutien de proximité en matière de santé mentale fondés sur les droits de l’homme sur l’ensemble du territoire de l’État partie  ;

d) De garantir la pleine accessibilité et des aménagements procéduraux, y compris des modes de communication améliorée et alternative tels que le braille et la langue des signes, pour toutes les personnes handicapées qui sont en établissement pénitentiaire.

30. Le Comité demande en outre à l’État partie de garder présentes à l’esprit les obligations qui lui incombent au titre de l’article 14 de la Convention et les directives relatives au droit à la liberté et à la sécurité des personnes handicapées en ce qui concerne le projet de protocole additionnel à la Convention pour la protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine (Convention d’Oviedo) et de s’opposer à l’adoption de ce projet. L’État partie devrait s’acquitter de ses obligations au titre de la Convention d’Oviedo d’une manière compatible avec le modèle du handicap fondé sur les droits de l’homme.

Droit de ne pas être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 15)

31.Le Comité est préoccupé par :

a)Les informations selon lesquelles des personnes handicapées placées en institution ou en établissement psychiatrique seraient mises à l’isolement et soumises à des moyens de contention mécanique, physique et chimique, à l’administration forcée de médicaments et à d’autres formes de mauvais traitements ;

b)La pratique consistant à placer les enfants ayant un handicap psychosocial à l’isolement, à titre de punition.

32. Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De prévenir toute forme de torture ou de traitement cruel, inhumain ou dégradant à l’égard des personnes handicapées dans les institutions et les établissements psychiatriques et de garantir aux victimes un accès à la justice et à des mesures de réparation, notamment en mettant en place une procédure de plainte accessible  ;

b) De mettre fin au placement à l’isolement des enfants ayant un handicap psychosocial et de cesser de les soumettre à d’autres types de punitions.

Droit de ne pas être soumis à l’exploitation, à la violence et à la maltraitance (art. 16)

33.Le Comité est préoccupé par :

a)Les violences systématiques, notamment les abus sexuels, les mauvais traitements et la négligence, dont sont victimes les personnes handicapées, en particulier les enfants handicapés et les personnes ayant un handicap intellectuel, du fait du placement systématique des personnes handicapées en institution ;

b)L’absence de contrôle indépendant des institutions et des établissements psychiatriques ;

c)L’absence de méthodes et de procédures d’enquête bien définies pour lutter contre les crimes de haine à l’égard des personnes handicapées ;

d)Le manque d’accessibilité et d’aménagements nécessaires pour les femmes handicapées dans les services qui accueillent les victimes de violence familiale ;

e)Le fait que l’État partie n’a pas suffisamment pris en compte les recommandations formulées en 2020 par le Comité des droits de l’enfant concernant les abus sexuels et les mauvais traitements dont ont été victimes des enfants handicapés placés en institution.

34. Rappelant les cibles 5.1, 5.2 et 5.5 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l’État partie  :

a) D’élaborer une stratégie globale et d’établir des garanties juridiques pour prévenir et combattre toutes les formes de violence et d’exploitation à l’égard des personnes handicapées, notamment en abrogeant le paragraphe 9 de l’article 126 de l’arrêt 15/1998 (IV.30) du Ministère de la protection sociale portant sur la mission et les conditions opérationnelles des institutions de prise en charge et de protection de l’enfance et des professionnels des services à la personne afin de mettre fin au placement d’enfants ayant un handicap psychosocial en chambre d’isolement dans les institutions pour enfants  ;

b) De veiller à ce que toutes les infrastructures, toutes les institutions et tous les établissements psychiatriques soient contrôlés par des autorités indépendantes, conformément à l’article 16 ( par.  3) de la Convention, avec la participation d’organisations de la société civile, notamment des organisations de défense des droits des personnes handicapées, afin de prévenir l’exploitation et la maltraitance des personnes handicapées et la violence à leur égard  ;

c) D’établir des méthodes et des procédures d’enquête bien définies afin de lutter contre les crimes de haine à l’égard des personnes handicapées  ;

d) De veiller à ce que tous les services destinés aux filles et aux femmes handicapées qui sont rescapées de violences domestiques, notamment les centres de soutien et les hébergements d’urgence, soient accessibles, et à ce que ces femmes et ces filles reçoivent l’aide dont elles ont besoin  ;

e) De ratifier la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique adoptée par le Conseil de l’Europe, en vue de garantir la protection nécessaire des droits des femmes handicapées, notamment en permettant aux victimes de violences d’accéder à des services de soutien et à des mesures de réparation  ;

f) D’appliquer pleinement les recommandations formulées en 2020 par le Comité des droits de l’enfant .

Protection de l’intégrité de la personne (art. 17)

35.Le Comité relève avec préoccupation que les femmes et les filles handicapées, en particulier celles qui sont placées sous un régime de prise de décisions substitutive et celles qui sont encore en institution peuvent subir, sans leur consentement, une stérilisation ou un avortement. Il s’inquiète tout particulièrement de ce que les femmes et les filles qui ont un handicap intellectuel, celles qui ont un handicap psychosocial et celles qui sont autistes sont soumises à une contraception obligatoire et à une contraception sans leur consentement dans les institutions, notamment dans les foyers d’hébergement, et font l’objet de restrictions juridiques discriminatoires concernant leur droit d’avoir un enfant.

36. Le Comité recommande à l’État partie d’abolir toutes les dispositions juridiques, notamment celles de la loi sur la santé (187/B), qui prévoient que les femmes et les filles handicapées peuvent être stérilisées et subir des avortements à la demande de tiers, notamment à la demande de leurs tuteurs. Il lui recommande également d’adopter des protocoles relatifs au respect des droits en matière de santé sexuelle et procréative des femmes et des filles handicapées, en particulier de celles ayant un handicap intellectuel, et d’y inclure l’obligation de fournir aux intéressées des informations et des services accessibles concernant leurs droits en matière de santé sexuelle et procréative. Il lui recommande en outre de veiller à ce que toutes les femmes et toutes les filles handicapées aient accès à la contraception, dans tous les contextes, après avoir donné leur consentement libre et éclairé et dans le respect de leur dignité et de leur autonomie.

Droit de circuler librement et nationalité (art. 18)

37.Le Comité relève avec inquiétude l’absence :

a)De garanties procédurales, de mesures d’accessibilité et d’aménagements raisonnables destinés aux demandeurs d’asile handicapés et aux réfugiés handicapés aux postes frontière et dans les centres d’accueil et d’hébergement ;

b)De modes d’information et de communication accessibles et compréhensibles destinés aux enfants handicapés demandeurs d’asile ou réfugiés ;

c)De mesures visant à mettre fin à la détention des demandeurs d’asile dans des centres fermés situés dans des zones de transit frontalières et à accueillir les demandeurs d’asile dans des centres d’accueil ouverts ;

d)D’initiatives visant à supprimer les restrictions imposées aux organisations non gouvernementales (ONG) qui viennent en aide aux demandeurs d’asile, notamment les restrictions relatives au financement de ces organisations par le Fonds « Asile, migration et intégration » ;

e)De données ventilées par sexe, âge et type de handicap sur les demandeurs d’asile et les réfugiés handicapés.

38. Le Comité recommande à l’État partie de s’employer, en étroite collaboration avec les organisations de personnes handicapées  :

a) À évaluer la situation actuelle des demandeurs d’asile handicapés et des réfugiés handicapés aux postes frontière et dans les structures d’accueil et d’hébergement, et à rendre ces installations accessibles, à procéder à des aménagements raisonnables et à prendre des mesures d’accompagnement  ;

b) À veiller à ce que les enfants handicapés demandeurs d’asile et réfugiés aient accès à des modes d’information et de communication accessibles et compréhensibles  ;

c) À mettre fin à la détention des demandeurs d’asile dans des centres fermés situés dans des zones de transit frontalières et à héberger les demandeurs d’asile dans des centres d’accueil ouverts  ;

d) À lever les restrictions imposées aux ONG qui viennent en aide aux demandeurs d’asile, notamment les restrictions relatives au financement de ces organisations par le Fonds « Asile, migration et intégration »  ;

e) À collecter des données, ventilées par sexe et par âge, sur les demandeurs d’asile handicapés et les réfugiés handicapés.

39. Compte tenu de l’aggravation de la crise humanitaire en Ukraine, qui a déjà poussé un grand nombre de personnes à se déplacer vers les pays voisins, le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures appropriées pour fournir aux personnes handicapées, en particulier aux enfants handicapés, qui ont besoin d’une protection internationale, toute l’aide et tous les services nécessaires, notamment en les plaçant dans des familles d’accueil.

Autonomie de vie et inclusion dans la société (art. 19)

40.Le Comité relève avec préoccupation :

a)Que l’État partie perpétue la pratique du placement en institution des enfants handicapés en rénovant les institutions et en construisant de nouveaux établissements d’accueil, ainsi qu’en plaçant les enfants handicapés qui ont besoin d’une aide importante dans des institutions pour adultes handicapés ;

b)Qu’il n’existe pas de mécanisme de contrôle indépendant du processus de désinstitutionnalisation des enfants ;

c)Que le droit de toutes les personnes handicapées de vivre de façon autonome et d’être incluses dans la société, qui est inscrit dans la Convention, n’est pas reconnu dans l’État partie. Le Comité note également avec préoccupation que les personnes handicapées passent de grandes institutions à des institutions de petite taille, notamment à des foyers subventionnés, et que l’État partie rénove les institutions existantes, notamment grâce aux fonds structurels de l’Union européenne, ce qui perpétue le placement en institution et l’exclusion fondée sur le handicap ;

d)Que l’État partie interprète de manière erronée la notion de régime de prise de décisions substitutive, privant ainsi les personnes handicapées de la possibilité d’exercer leur droit de choisir leur lieu de résidence et de vivre de manière autonome dans des conditions d’égalité avec les autres ;

e)Que les personnes handicapées continuent d’être placées en institution au titre de la loi sur l’administration sociale et les prestations sociales et du décret gouvernemental no 1295/2019 (V.27) parce qu’il n’existe pas de services de proximité et de services d’accompagnement individualisé permettant aux personnes handicapées de vivre de manière autonome ;

f)Que l’État partie n’a pas pris suffisamment de mesures pour promouvoir et garantir l’accès des personnes handicapées aux services et structures de proximité dans des conditions d’égalité avec les autres.

41. Rappelant son observation générale n o 5 (2017), le Comité rappelle les recommandations formulées dans son rapport sur l’enquête concernant la Hongrie menée en application de l’article 6 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention et prie instamment l’État partie  :

a) De mettre fin au placement des enfants handicapés en institution et de garantir le droit de ces enfants à une vie de famille, en investissant non plus dans les institutions mais dans des mesures d’appui destinées aux familles et dans la fourniture de services de proximité inclusifs, tels que les services d’intervention précoce, dans l’ensemble de l’État partie  ;

b) De garantir un suivi indépendant de la désinstitutionnalisation des enfants handicapés et un soutien méthodologique indépendant pour ce processus, en étroite collaboration avec les organisations qui travaillent dans le domaine des droits des personnes handicapées  ;

c) De revoir sa stratégie de désinstitutionnalisation afin d’en redéfinir les objectifs  ;

d) De redéfinir ses mesures et de réorienter ses efforts et ses dépenses publiques pour les consacrer aux services d’appui de proximité, notamment à l’aide personnelle, afin que les personnes handicapées, quel que soit leur handicap, puissent vivre de manière autonome dans la société, dans des conditions d’égalité avec les autres, que les services et les installations de proximité destinés à la population générale soient disponibles pour les personnes handicapées et que ces personnes aient la possibilité et le droit de choisir leur lieu de résidence sur la base de l’égalité avec les autres.

Mobilité personnelle (art. 20)

42.Le Comité relève avec préoccupation que les personnes handicapées n’ont pas suffisamment accès à des aides à la mobilité, à des appareils et accessoires, à des technologies d’assistance, à des formes d’aide humaine ou animalière et à des médiateurs de qualité, ces dispositifs relevant obligatoirement de l’assurance maladie, et que les organisations de personnes handicapées ne participent pas à la procédure d’autorisation des dispositifs visant à faciliter la mobilité personnelle.

43. Le Comité recommande à l’État partie de réexaminer, en étroite coopération avec les organisations de personnes handicapées, le système d’aide à la mobilité destiné aux personnes handicapées, notamment son mécanisme d’assurance qualité, et de faciliter la fourniture de dispositifs d’aide à la mobilité, d’appareils et de technologies d’assistance de qualité à toutes les personnes handicapées, en fonction de leurs besoins individuels, afin de leur permettre de vivre de manière autonome.

Liberté d’expression et d’opinion et accès à l’information (art. 21)

44.Le Comité relève avec préoccupation que les personnes handicapées, en particulier celles qui ont une déficience visuelle, n’ont pas accès aux médias, aux télécommunications et aux services de l’informatique et des communications dans l’État partie.

45. Le Comité recommande à l’État partie de s’inspirer des Règles pour l’accessibilité des contenus Web 2.1 et de prendre les mesures voulues pour  :

a) Faire en sorte que les personnes handicapées puissent exercer le droit à la liberté d’expression et d’opinion, y compris la liberté de demander, recevoir et communiquer des informations et des idées, sur la base de l’égalité avec les autres et en recourant à tous moyens de communication de leur choix, notamment, mais non exclusivement, à la langue des signes, au braille, au langage facile à lire et à comprendre, aux systèmes de symboles, aux boucles d’induction, aux sous-titres, à l’audiodescription, à la transcription et à tous les autres moyens, modes et formes accessibles de communication  ;

b) Transposer intégralement la directive ((UE) 2018/1808) sur les services de médias audiovisuels dans sa législation.

Respect du domicile et de la famille (art. 23)

46.Le Comité est préoccupé par :

a)Les dispositions du Code civil qui privent les personnes handicapées ayant été placées sous le régime de la prise de décisions substitutive de leurs droits au mariage et à la vie de famille ;

b)L’insuffisance des services à domicile et des services de proximité auxquels peuvent accéder les familles dont un membre est handicapé, en particulier celles qui ont un enfant autiste ou un enfant qui a besoin d’un accompagnement plus important, notamment dans les zones situées en dehors de la capitale et dans les zones rurales ;

c)Le risque pour les enfants handicapés d’être séparés de leurs parents, en raison de leur handicap ou du statut socioéconomique de leur famille, et placés en institution.

47. Le Comité recommande à l’État partie  :

a) D’abroger toutes les dispositions législatives qui restreignent le mariage et la vie de famille des personnes handicapées en raison de leur handicap, et de veiller à ce que les personnes handicapées puissent exercer leurs droits au mariage, à la vie de famille et à la parentalité dans des conditions d’égalité avec les autres  ;

b) De faire en sorte que les familles dont un des membres est handicapé puissent accéder à des services à domicile et à des services de proximité sur l’ensemble du territoire national  ;

c) D’empêcher que les enfants handicapés soient séparés de leurs parents en raison de leur handicap ou du statut socioéconomique de leur famille et d’apporter aux parents tout le soutien et tous les services de proximité nécessaires à l’exercice de leurs responsabilités parentales.

Éducation (art. 24)

48.Le Comité note avec préoccupation que les enfants handicapés sont exclus du système éducatif général. Il est tout particulièrement préoccupé par :

a)La loi sur l’enseignement public, qui prévoit une éducation ségrégative et laisse de côté l’obligation de scolariser les enfants handicapés dans des établissements d’enseignement général, comme le prévoit la Convention, et légitime tant la scolarisation des enfants ayant besoin d’un accompagnement plus important dans des institutions et à leur domicile que la réduction du nombre d’heures d’enseignement prévues pour les enfants handicapés ;

b)Le fait que les enfants qui ont un handicap physique ne peuvent pas accéder à des établissements d’enseignement ordinaires et à des moyens de transport dans leur communauté et qu’aucun aménagement raisonnable fondé sur les besoins de chacun n’est prévu, notamment dans les zones rurales ;

c)Les enseignants du système éducatif général ne disposent pas tout à fait des connaissances et des compétences nécessaires pour dispenser un enseignement inclusif ;

d)Les obstacles que rencontrent les enfants sourds et malentendants lorsqu’ils tentent d’accéder au système éducatif général et le manque de possibilités d’enseignement bilingue dans des environnements éducatifs inclusifs ;

e)Le manque d’accessibilité des installations et des programmes d’enseignement professionnel général, en particulier pour les enfants autistes et les enfants ayant un handicap intellectuel ;

f)La ségrégation des enfants handicapés, notamment des enfants roms, qui reçoivent un enseignement de mauvaise qualité dans des établissements scolaires spéciaux.

49. Rappelant son observation générale n o 4 (2016) ainsi que la cible 4.5 et l’indicateur 4.a des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l’État partie  :

a) De revoir sa loi sur l’enseignement public afin d’éliminer toutes les dispositions discriminatoires concernant l’éducation des enfants handicapés et de prévoir expressément une éducation inclusive de qualité afin qu’aucun enfant handicapé ne soit exclu du système éducatif général en raison de son handicap  ;

b) De veiller à ce que tous les enfants handicapés puissent accéder au système éducatif général dans leur communauté sur la base de l’égalité avec les autres enfants et de procéder aux aménagements raisonnables nécessaires  ;

c) De garantir aux enfants ayant un handicap physique l’accès aux établissements éducatifs et aux transports ordinaires de proximité dans tout l’État partie  ;

d) De dispenser aux enseignants du système éducatif général et au personnel administratif une formation exhaustive et ciblée sur les principes et les méthodes de l’éducation inclusive, les capacités des enfants handicapés et l’aide individuelle dont les enfants handicapés ont besoin  ;

e) De permettre aux enfants sourds et malentendants d’accéder au système éducatif général et de promouvoir les possibilités d’enseignement bilingue dans un cadre éducatif inclusif, notamment par l’utilisation d’une langue des signes de qualité et de toute autre mesure d’accompagnement nécessaire  ;

f) De garantir l’accessibilité des installations et des programmes d’enseignement professionnel ordinaire pour tous les enfants handicapés, en particulier les enfants autistes et les enfants ayant un handicap intellectuel, en adoptant des mesures de conception universelle et en procédant à des aménagements raisonnables  ;

g) De prendre des mesures pour que tous les enfants handicapés, y compris les enfants roms, aient accès, sur la base de l’égalité avec les autres, à un enseignement primaire, secondaire et professionnel inclusif, gratuit et de qualité.

Santé (art. 25)

50.Le Comité est préoccupé par :

a)Le fait que, dans l’ensemble de l’État partie, les établissements, les services et les équipements médicaux ne sont, sur le plan physique et sur celui de l’information, pas suffisamment accessibles aux personnes handicapées, en particulier aux personnes ayant un handicap intellectuel et aux enfants autistes qui ont besoin de soins généraux et aux femmes handicapées qui ont besoin de soins de santé en matière de sexualité et de procréation ;

b)Les obstacles comportementaux que peuvent poser les professionnels de la santé et la faible connaissance que ceux-ci ont des droits et des besoins des personnes handicapées.

51. Compte tenu des liens entre l’article 25 de la Convention et les cibles 3.7 et 3.8 des objectifs de développement durable, le Comité recommande à l’État partie  :

a) D’élaborer des plans d’action pour garantir l’accessibilité et la disponibilité des établissements, services et équipements médicaux pour les personnes handicapées dans l’ensemble du territoire national, en mettant particulièrement l’accent sur la santé en matière de sexualité et de procréation des femmes handicapées, ainsi que sur l’accessibilité de l’information et de la communication pour les personnes autistes, les personnes ayant un handicap intellectuel et les personnes ayant des déficiences visuelles et auditives qui ont besoin d’accéder au système de soins santé pour recevoir des soins généraux  ;

b) De concevoir des programmes de formation sur les besoins et les droits des personnes handicapées et de les intégrer au programme des établissements universitaires et à la formation en cours d’emploi des professionnels de la santé.

Travail et emploi (art. 27)

52.Le Comité constate avec préoccupation :

a)Le très faible taux d’emploi des personnes handicapées, notamment sur le marché du travail général, où les personnes handicapées occupent principalement des emplois sous-payés et non qualifiés dans des établissements de travail protégés ;

b)L’inefficacité des mesures visant à favoriser l’emploi des personnes handicapées sur le marché du travail général, notamment de l’obligation prévue par le Code du travail de procéder à des aménagements raisonnables ;

c)Les obstacles que rencontrent les personnes handicapées privées de lieux de travail et de moyens de transports accessibles et d’aménagements raisonnables.

53. Le Comité recommande à l’État partie de prendre, conformément à la cible 8.5 des objectifs de développement durable, les mesures suivantes  :

a) Revoir la législation en vigueur et les mesures d’aide à l’emploi destinées aux personnes handicapées et prendre des mesures globales visant à aider ces personnes à être recrutées et à travailler sur le marché du travail général et dans des environnements de travail inclusifs  ;

b) Adopter des mesures législatives et gouvernementales visant à protéger le droit qu’ont les personnes handicapées de bénéficier de conditions de travail justes et favorables, et veiller à ce que les personnes handicapées ne soient pas rémunérées en dessous du salaire minimum et se voient offrir un contrat de travail et une rémunération qui respectent le principe de l’égalité avec les autres  ;

c) Réorienter les crédits budgétaires alloués à l’emploi des personnes handicapées afin qu’ils ne soient plus consacrés à l’emploi protégé mais aux mesures d’aide à l’emploi de ces personnes, notamment des personnes qui ont besoin d’un accompagnement plus important et des personnes qui sortent d’une institution, et veiller à ce que soit reconnu aux employés des secteurs public et privé le droit de demander des aménagements raisonnables sur leur lieu de travail  ;

d) Contrôler, en étroite consultation avec les organisations de personnes handicapées, l’accessibilité des lieux de travail dans l’ensemble du territoire national et adopter un plan d’action assorti d’un calendrier et doté de ressources budgétaires suffisantes, afin de définir des mesures visant à garantir la mise en place d’aménagements raisonnables sur les lieux de travail et l’accessibilité de ces lieux, y compris grâce à des moyens de transport accessibles.

Niveau de vie adéquat et protection sociale (art. 28)

54.Le Comité prend note avec préoccupation :

a)Du montant très faible et très insuffisant des allocations d’invalidité et des prestations versées aux personnes handicapées, en particulier à celles qui ont besoin d’un accompagnement, ce qui en plus du manque de services de proximité, entraîne un risque accru de pauvreté et de marginalisation sociale pour les personnes handicapées et les membres de leur famille ;

b)Des modifications législatives apportées en 2012 aux régimes de prestations d’invalidité, lesquelles ont eu des répercussions négatives sur les conditions de vie des personnes handicapées et des membres de leur famille ;

c)Du système permettant aux personnes handicapées de recevoir des aides, qui continue d’entraver l’accès des personnes handicapées aux services d’aide sociale et aux informations dont elles ont besoin.

55. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures législatives adéquates en vue de  :

a) Reconnaître le droit des personnes handicapées à un niveau de vie adéquat pour elles-mêmes et pour leur famille et leur droit à une amélioration progressive de leurs conditions de vie au moyen d’allocations et de prestations d’invalidité décentes et de logements et de services de proximité accessibles et disponibles  ;

b) Remédier aux effets négatifs de la réforme des régimes de prestations d’invalidité de 2012 et faire en sorte que les personnes handicapées soient indemnisées des dommages causés par la réforme  ;

c) Revoir le système de prestations sociales liées au handicap afin de le rendre accessible et facile à utiliser pour toutes les personnes handicapées, en proposant des modes d’information et de communication alternatives et améliorées.

Participation à la vie politique et à la vie publique (art. 29)

56.Le Comité note avec préoccupation :

a)Que l’article XXIII (par. 6) de la Loi fondamentale, ainsi que l’article 13/A et les dispositions connexes de la loi XXXVI de 2013 sur la procédure électorale, permettent de restreindre le droit de vote des personnes sous tutelle au moyen d’une évaluation judiciaire individuelle discriminatoire de leur aptitude ou de leur capacité à voter ;

b)Que l’article 181 (par. 1) de la loi XXXVI de 2013 sur la procédure électorale n’est pas clair ;

c)Que les procédures, installations et matériels électoraux ne sont pas accessibles à toutes les personnes handicapées, en particulier aux personnes ayant un handicap physique, intellectuel, psychosocial, auditif ou visuel et aux personnes autistes ;

d)Que les personnes handicapées, en particulier les femmes handicapées, participent peu à la vie politique de l’État partie, et qu’elles sont notamment peu représentées aux postes de décision de haut niveau.

57. Le Comité recommande à l’État partie  :

a) D’abroger l’article XXIII ( par.  6) de la Loi fondamentale ainsi que l’article 13/A et toutes les dispositions connexes de la loi XXXVI de 2013 sur la procédure électorale, et de reconnaître le droit qu’ont toutes les personnes handicapées de voter et d’être élues sans être soumises à une évaluation judiciaire individuelle de leur aptitude ou de leur capacité à voter  ;

b) De modifier l’article 181 ( par.  1) de la loi XXXVI de 2013 sur la procédure électorale en reconnaissant le droit de toutes les personnes handicapées de se faire assister d’une personne de leur choix pour voter  ;

c) De veiller à ce que les procédures, les installations et les matériels électoraux fassent l’objet d’aménagements raisonnables pour les personnes ayant un handicap grave et soient adaptés et accessibles à toutes les personnes handicapées, quel que soit leur handicap  ;

d) D’élaborer et d’appliquer des politiques et des mesures durables pour promouvoir l’élection et la désignation de personnes handicapées, notamment de femmes handicapées, à des postes de décision de haut niveau aux échelons national et local, et d’accroître la participation de ces personnes à la fonction publique, compte tenu de la cible 16.7.1 des objectifs de développement durable.

Participation à la vie culturelle et récréative, aux loisirs et aux sports (art. 30)

58.Le Comité est préoccupé par les obstacles qui continuent d’entraver l’accès des personnes handicapées, en particulier des personnes ayant un handicap intellectuel et des enfants handicapés, aux installations et aux activités récréatives, aux loisirs et aux sports.

59. Le Comité recommande à l’État partie de garantir l’accès des personnes handicapées, en particulier des personnes ayant un handicap intellectuel et des enfants handicapés, aux installations et aux activités récréatives, aux loisirs et aux sports, sur la base de l’égalité avec les autres, et d’offrir à ces personnes l’aide et l’accompagnement nécessaires pour atteindre cet objectif.

C.Obligations particulières (art. 31 à 33)

Statistiques et collecte des données (art. 31)

60.Le Comité constate avec préoccupation :

a)Le manque de données et d’informations ventilées sur les personnes handicapées, notamment sur leurs conditions de vie et l’aide et les services dont elles bénéficient dans l’État partie ;

b)La fragmentation des systèmes de données relatifs aux personnes handicapées, lesquels sont gérés par différentes autorités et fournissent des chiffres différents, notamment en ce qui concerne les personnes placées sous un régime de prise de décisions substitutive.

61. Le Comité rappelle le bref questionnaire du Groupe de Washington sur les situations de handicap et le marqueur créé par le Comité d’aide au développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques sur l’inclusion et l’autonomisation des personnes handicapées, et recommande à l’État partie  :

a) De recueillir, concernant les personnes handicapées, des données ventilées par âge, sexe, état de santé, race, appartenance ethnique, revenu, statut migratoire ou statut de demandeur d’asile ou de réfugié, degré d’instruction, situation professionnelle, lieu de résidence et services reçus, ainsi que des données sur les obstacles que les personnes handicapées rencontrent dans la société, notamment des données relatives à la désinstitutionnalisation, à la capacité juridique et aux victimes de violences, de sévices et de mauvais traitements  ;

b) De mettre en place un système unifié de statistiques et de collecte de données sur les personnes handicapées.

Coopération internationale (art. 32)

62.Le Comité constate avec préoccupation :

a)Que les programmes d’investissement internationaux, en particulier ceux des fonds structurels et fonds d’investissement européens, ne sont pas conformes à l’objet et aux dispositions de la Convention ;

b)Que les organisations qui représentent les personnes handicapées ne participent ni aux consultations relatives aux programmes d’investissement qui concernent les personnes handicapées, ni à la préparation, à l’élaboration et à l’exécution de ces programmes.

63. Le Comité recommande à l’État partie  :

a) D’utiliser les programmes d’investissement internationaux, notamment les fonds structurels et les fonds d’investissement européens, conformément à l’objet et aux dispositions de la Convention  ;

b) De mettre en place un mécanisme permettant d’assurer la participation des organisations qui représentent les personnes handicapées afin qu’elles soient effectivement consultées et associées à tous les stades de l’élaboration et de l’exécution des plans, programmes et projets de coopération internationale.

Application et suivi au niveau national (art. 33)

64.Le Comité relève avec préoccupation :

a)L’étroitesse du champ d’action du mécanisme actuel de coordination de l’application de la Convention, qui se limite principalement aux affaires sociales, et le manque de moyens du Comité intergouvernemental du handicap, dont la mission est de coordonner les activités gouvernementales et de promouvoir les dispositions de la Convention dans tous les secteurs de l’administration et tous les domaines de la vie dans l’État partie ;

b)Le manque d’indépendance et de moyens du Conseil national du handicap, mécanisme chargé du suivi de l’application de la Convention ;

c)Le fait que les personnes handicapées et les organisations qui les représentent ne participent pas au suivi de l’application de la Convention.

65. Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De renforcer le mécanisme gouvernemental chargé de coordonner l’application de la Convention et de renforcer la capacité des points de contact à intégrer les droits des personnes handicapées dans les différents secteurs et niveaux de l’administration, y compris dans le système judiciaire, et dans tous les domaines de la vie, et de renforcer leurs mandats et attributions en ce qui concerne l’application de la Convention  ;

b) De réexaminer son mécanisme de suivi de l’application de la Convention afin de garantir sa pleine indépendance, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris), de faire en sorte que les personnes handicapées et les organisations qui les représentent, notamment les organisations de défense de leurs droits, prennent part à ses activités de suivi, et de le doter de crédits budgétaires suffisants pour faciliter la participation des personnes handicapées et des organisations qui les représentent  ;

c) De veiller à ce que les organisations de personnes handicapées, y compris les organisations de défense des droits, soient effectivement associées au processus de suivi de l’application Convention, conformément à l’observation générale n o 7 (2018) du Comité.

IV.Suivi

Diffusion de l’information

66. Le Comité souligne l’importance de toutes les recommandations figurant dans les présentes observations finales. Concernant les mesures à prendre d’urgence, il souhaite appeler l’attention de l’État partie sur les recommandations figurant aux paragraphes 9 ( Participation des personnes handicapées) et 41 ( Autonomie de vie et inclusion dans la société).

67. Le Comité demande à l’État partie d’appliquer les recommandations figurant dans les présentes observations finales. Il lui recommande de transmettre les présentes observations finales, pour examen et suite à donner, aux membres du Gouvernement et du Parlement, aux responsables des différents ministères, aux autorités locales et aux membres des professions concernées, tels les professionnels de l’éducation, de la santé et du droit, ainsi qu’aux médias, en utilisant pour ce faire les stratégies de communication sociale modernes.

68. Le Comité encourage vivement l’État partie à associer les organisations de la société civile, en particulier les organisations de personnes handicapées, à l’élaboration de ses rapports périodiques.

69. Le Comité prie l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales, notamment auprès des organisations non gouvernementales et des organisations de personnes handicapées, ainsi qu’auprès des personnes handicapées elles-mêmes et de leurs proches, dans les langues nationales et minoritaires, notamment en langue des signes, et sous des formes accessibles telles que le langage facile à lire et à comprendre. Il lui demande aussi de les diffuser sur le site Web public consacré aux droits de l’homme.

Prochain rapport périodique

70. Le Comité prie l’État partie de lui soumettre son rapport valant quatrième et cinquième rapports périodiques le 20 août 2025 au plus tard et d’y faire figurer des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant dans les présentes observations finales. Il invite également l’État partie à envisager de soumettre ce rapport en suivant la procédure simplifiée, dans le cadre de laquelle il établit une liste de points au moins un an avant la date prévue pour la soumission du rapport et l’État partie y apporte des réponses qui constituent son rapport périodique.