Nations Unies

CRPD/C/HUN/IR/1

Convention relative aux droits des personnes handicapées

Distr. générale

17 septembre 2020

Français

Original : anglais

Anglais, espagnol, français et russe seulement

Comité des droits des personnes handicapées

Enquête concernant la Hongrie menée en application de l’article 6 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées

Rapport du Comité * , **

I.Introduction

1.Le 14 juin 2017, conformément à l’article 6 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention, le Comité a été informé, par des renseignements crédibles, que des violations graves et systématiques des droits des personnes handicapées étaient commises en Hongrie.

2.La source des informations a affirmé que :

a)De nombreuses personnes handicapées continuaient d’être privées, en droit et en pratique, de leur droit à la reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité ;

b)Les autorités avaient continué d’allouer des moyens importants, provenant notamment de fonds structurels et de fonds d’investissement européens, au placement des personnes handicapées en institution. Au titre de cette politique d’institutionnalisation, les résidents de foyers collectifs de grande taille étaient transférés vers des structures plus petites, au détriment de leur inclusion sociale ;

c)Le caractère systématique de la mise sous tutelle et du placement en institution des personnes handicapées dénotait une discrimination fondée sur le handicap ;

d)Par leur ampleur, leur nature, leurs effets et leur caractère organisé, les faits allégués constituaient des violations graves et systématiques de la Convention.

3.La Hongrie a ratifié la Convention et le Protocole facultatif se rapportant à la Convention le 20 juillet 2007.

II.Résumé de la procédure et coopération de l’État partie

4.Le 27 septembre 2017, le secrétariat du Comité a communiqué à l’État partie la décision adoptée par le Comité à sa dix-huitième session (14-31 août 2017), qui l’invitait à formuler des observations dans les deux mois suivant la date de la lettre initiale.

5.Le 27 novembre 2017, l’État partie a soumis ses observations, qui renseignaient de façon détaillée sur le système des services sociaux en faveur des personnes handicapées, le régime de tutelle et les consultations tenues avec les personnes handicapées.

6.Le 14 mai 2018, le secrétariat a informé l’État partie qu’à sa dix‑neuvième session (14 février‑9 mars 2018), le Comité avait décidé de mener une enquête confidentielle, conformément à l’article 6 (par. 2) du Protocole facultatif, sur les violations graves ou systématiques des droits des personnes handicapées consacrés par la Convention, en l’espèce le droit à la reconnaissance juridique dans des conditions d’égalité (art. 12), le droit à l’autonomie de vie et à l’inclusion dans la société (art. 19) et le droit à l’égalité et à la non‑discrimination (art. 5), qui auraient été commises sur le territoire de l’État partie et qui constituent des manquements de ce dernier aux obligations générales mises à sa charge par la Convention (art. 4).

7.Le 14 juin 2018, l’État partie a accédé à la demande du Comité, qui souhaitait se rendre sur son territoire à titre confidentiel, et a désigné une personne référente pour assurer la liaison avec le secrétariat.

8.D’octobre 2018 à la mi-janvier 2019, les aspects techniques et logistiques de cette visite ont donné lieu à d’intenses préparatifs.

9.Le 14 décembre 2018, l’État partie a fourni les informations additionnelles demandées par le Comité.

10.La visite a été effectuée du 21 janvier au 1er février 2019. Deux membres du Comité, avec l’aide du secrétariat, se sont entretenus avec des membres de l’Assemblée nationale, des magistrats de la Cour suprême, des juges et des membres du personnel du Bureau national des questions judiciaires, des hauts fonctionnaires du Ministère des ressources humaines et du Ministère de la justice, des fonctionnaires chargés de la mise en œuvre des politiques sociales, des directeurs d’institutions, des membres de l’institution nationale des droits de l’homme et de l’organisme de promotion de l’égalité, des personnes handicapées vivant dans des institutions de grande ou de petite taille, des personnes handicapées autoreprésentantes, des enfants handicapés, des parents de personnes handicapées, des représentants du Conseil national du handicap, des organisations de personnes handicapées, d’autres organisations de la société civile, des avocats, des travailleurs sociaux et des universitaires. La délégation du Comité s’est rendue dans des institutions situées dans la capitale et dans différents départements. Plus de 200 personnes ont été interrogées, et environ 2 300 pages d’informations ont été reçues.

11.Le Comité félicite l’État partie de l’esprit de coopération dont il a fait preuve tout au long de l’enquête confidentielle, notamment en communiquant des informations.

12.Par application de l’article 83 de son règlement intérieur, le Comité a demandé des informations à l’Union européenne, qui est également partie à la Convention.

III.Contexte et principales orientations et dispositions juridiques applicables dans les domaines visés par l’enquête

13.En 2011, la Hongrie comptait 490 578 personnes handicapées, qui représentaient 4,9 % de sa population. Selon des chiffres officiels, sur les 98 539 personnes placées en institution en 2018, 24 553 avaient un handicap. À la fin 2018, on dénombrait 54 959 personnes handicapées placées sous tutelle, dont 48 945 personnes privées de droit de vote.

14.Du temps du communisme, les modèles paternalistes et médicaux du handicap étaient la norme, un grand nombre de personnes handicapées étaient sous tutelle et les services sociaux ouverts aux personnes handicapées, en particulier aux personnes ayant un handicap intellectuel ou psychosocial, étaient surtout dispensés dans de grandes institutions situées dans des zones rurales et éloignées. À partir des années1990, les autorités ont pris des mesures afin que les changements politiques et économiques que représentaient pour le pays l’instauration de la démocratie et l’adoption de l’économie libérale soient pris en compte dans le système de protection sociale. L’État partie est membre de l’Union européenne depuis 2004.

15.En ce qui concerne la capacité juridique, la Loi fondamentale de la Hongrie (Constitution), en vigueur depuis 2012, reconnaît à chacun le droit d’être un sujet de droit et interdit toute discrimination fondée sur le handicap (art. XV). Elle prévoit toutefois que, par décision de justice, une personne ayant une « capacité mentale limitée » peut être privée de son droit de voter et d’être élue (art. XXIII, par. 6). Le Code civil, modifié en 2013, maintient la tutelle en tant que privation totale ou partielle de la capacité d’agir. La loi CLV de 2013 a mis en place la prise de décision accompagnée.

16.La loi XXVI de 1998 (loi sur l’égalité des chances) vise principalement à offrir aux personnes handicapées les mêmes chances qu’aux autres et à favoriser leur inclusion dans la société. Elle est mise en application dans le cadre du Programme national en faveur des personnes handicapées (2015-2025) et de son plan d’action (2015-2018), qui comporte plus de 80 mesures concrètes.

17.La loi III de 1993 sur l’administration sociale et les prestations sociales (loi sociale) est le principal texte législatif régissant les services sociaux. Elle prévoit la fourniture de services aux personnes handicapées et établit une distinction entre les services sociaux de base, fournis au niveau de la collectivité, et les services sociaux spécialisés, fournis dans des institutions. Les institutions sont de taille variable et de divers types. Les petites institutions peuvent être des appartements (hébergeant jusqu’à six personnes), des foyers collectifs (hébergeant jusqu’à 12 personnes) ou des centres de vie (hébergeant jusqu’à 50 personnes). La situation des enfants handicapés est régie par la loi sociale et par la loi XXXI de 1997 sur la protection des enfants et l’administration de la tutelle (loi sur la protection de l’enfance).

18.Suite à sa modification en 2010, la loi sur l’égalité des chances a imposé que les institutions pouvant accueillir plus de 50 personnes soient remplacées par de petits foyers collectifs. La loi sociale telle que révisée en 2013 a créé le « logement accompagné », institution ou prestation sociale spécialisée qui se caractérise par une organisation dissociée de l’octroi du logement et de la fourniture des autres services sociaux.

19.En 2011, l’État partie a lancé une stratégie visant à transférer les personnes handicapées vivant dans des institutions de plus de 50 personnes vers de petits foyers collectifs. À l’issue de la première phase de cette stratégie, ce sont 655 personnes handicapées qui avaient été transférées vers des établissements plus petits. La deuxième phase, qui concerne 10 000 personnes handicapées, a débuté en 2017 et doit se terminer en 2036. Les deux phases sont principalement financées par le Fonds européen de développement régional, dont les apports ont surtout servi à la construction d’établissements plus petits.

20.La politique de rigueur adoptée en réaction à la crise financière de 2008 s’est traduite par une diminution du budget des services sociaux destinés aux personnes handicapées. En 2010, des modifications ont été apportées au système de retraite pour inciter les personnes au bénéfice d’une allocation à raison de leur handicap à rejoindre la population active. Il en est résulté que de nombreuses personnes handicapées ont perdu leurs droits à prestations ou ont vu le montant de ces prestations diminuer. Selon des données officielles, les crédits budgétaires alloués aux institutions sont bien supérieurs à ceux qui sont accordés aux services communautaires.

21.Outre l’interdiction constitutionnelle de la discrimination fondée sur le handicap, la loi CXXV de 2003 sur l’égalité de traitement et la promotion de l’égalité des chances (loi sur l’égalité de traitement) protège plusieurs groupes de personnes, dont les personnes handicapées, contre la discrimination, porte création de l’Autorité pour l’égalité de traitement et décrit les voies de recours disponibles en cas de discrimination.

22.Malgré de nombreuses réformes, les modèles médicaux et paternalistes du handicap restent prédominants dans la société et dans les politiques et lois sur le handicap.

IV.Constatations factuelles

A.Reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité (art. 12)

23.La Constitution reconnaît aux personnes handicapées la capacité d’être titulaires de droits. Le Code civil tel que modifié en 2013 établit une différence entre la capacité d’être titulaire de droits et la capacité d’agir, et continue d’autoriser la mise sous tutelle.

24.La privation de la capacité d’agir peut être totale ou partielle. Les personnes totalement privées de la capacité d’agir dépendent d’un tuteur pour la prise de décisions dans tous les domaines de la vie. Les personnes partiellement privées de la capacité d’agir sont limitées dans la prise de décisions concernant certains aspects de la vie quotidienne tels que les questions financières ou les soins de santé. Le degré de cette limitation est déterminé par un tribunal.

25.Selon des données statistiques officielles, le nombre de personnes handicapées placées sous tutelle n’a cessé d’augmenter, passant de 54 656 en 2008 à 55 056 en 2017. Au cours de la même période, le nombre de personnes handicapées sous tutelle complète est passé de 32 687 à 30 735, et le nombre de personnes handicapées sous tutelle partielle est passé de 19 135 à 24 212.

26.En 2013, lorsque les modifications législatives ont été adoptées, il était prévu que la mise sous tutelle complète soit de moins en moins fréquente, jusqu’à devenir exceptionnelle. Or, en 2017, après quatre années de mise en œuvre des nouvelles dispositions, le nombre de procédures de mise sous tutelle complète était quasiment inchangé.

27.La réforme de 2013 prévoyait que la privation partielle de la capacité d’agir s’appliquerait uniquement à certains domaines de décision définis par un juge. Pourtant, en 2017, 14 745 personnes à la capacité juridique limitée étaient partiellement privées de leur capacité d’agir dans tous les domaines de décision.

28.La mise sous tutelle est décidée par voie de justice, à l’issue d’une procédure généralement engagée par l’administration compétente, à savoir l’Autorité des tutelles, sur demande d’un proche de la personne handicapée.

29.Bien que les juges entendent la personne handicapée en cause et évalue les facteurs personnels et environnementaux, la mise sous tutelle est surtout décidée au regard de l’évaluation médicale de la capacité mentale. Cette évaluation, réalisée par les psychiatres désignés par le tribunal, consiste notamment à examiner les antécédents psychiatriques de la personne handicapée en cause. Ses modalités varient, si bien que, selon la façon dont elle est menée à bien, ses résultats peuvent être différents. Une procédure d’harmonisation, au moyen d’un protocole, a été entamée.

30.Les personnes handicapées peuvent s’opposer à leur mise sous tutelle, mais, selon les informations disponibles, elles ont très peu de chances d’obtenir gain de cause. Selon la loi, la décision de la mise sous tutelle doit être réexaminée tous les cinq ans dans le cas d’une tutelle partielle et tous les dix ans dans le cas d’une tutelle complète. Les statistiques officielles montrent que la tutelle a été maintenue dans 80 % des cas examinés en 2014, 90 % en 2015, 90 % en 2016 et 89 % en 2017.

31.La tutelle peut être assurée par des proches de la personne concernée ou par des professionnels. Selon les statistiques officielles, en 2007, il y avait 787 tuteurs professionnels, qui étaient chargés de 23 888 personnes. Chaque tuteur s’occupait de 30 à 45 personnes en moyenne.

32.Les tuteurs relevant d’une administration de district sont disponibles quatre heures par semaine pendant les heures ouvrables et joignables par téléphone le reste du temps. Les tuteurs sont placés sous le contrôle de l’Autorité des tutelles, qui leur assure une formation régulière. Cependant, il ressort des informations disponibles qu’aucune formation sur la Convention ou sur le modèle du handicap fondé sur les droits de l’homme ne leur est proposée. L’Autorité des tutelles connaît des plaintes contre les tuteurs en première et deuxième instance. Ce n’est qu’en troisième instance qu’une juridiction administrative peut être saisie. Selon les informations disponibles, très peu de plaintes sont présentées contre des tuteurs. L’Autorité pour l’égalité de traitement n’examine pas les plaintes présentées par des personnes sous tutelle.

33.Le tuteur peut engager une procédure en vue du placement en institution de la personne handicapée dont il s’occupe. Dans le cas d’une tutelle partielle, le placement en institution ne pourra se faire qu’avec le consentement du tuteur et sous réserve d’une déclaration juridique de la personne handicapée concernée. Il ressort toutefois des informations disponibles que des personnes sous tutelle partielle sont souvent placées dans des institutions sur la seule base du consentement de leur tuteur. Selon les données officielles, sur 57 039 personnes sous tutelle en 2016, 28 179 vivaient dans des institutions. En 2017, 28 395 des 57 983 personnes sous tutelle étaient placées en institution. Les personnes interrogées ont déclaré que leurs tuteurs leur rendaient visite occasionnellement ou une fois par mois. Quel que soit le type de tutelle dont elles font l’objet, les personnes handicapées placées en institution subissent de fait une réduction de leur capacité d’agir dans presque tous les domaines de la vie. Les personnes interrogées ont dit qu’elles préféreraient être plus libres dans leur prise de décisions, mais que cela leur était refusé.

34.Les magistrats de la Cour suprême, les juges et les praticiens du droit considèrent la mise sous tutelle comme une mesure de protection à l’égard des personnes handicapées. La tutelle est ancrée dans la culture juridique et il n’y a aucune volonté de la supprimer, en droit ou en pratique. Pour preuve, en 2014, la Cour constitutionnelle a rejeté une requête du Commissariat aux droits fondamentaux qui contestait la constitutionnalité de la mise sous tutelle complète.

35.La procédure de tutelle suppose une évaluation distincte de la capacité de la personne handicapée d’exercer son droit de vote et d’être élue. Selon les informations disponibles, une personne handicapée peut être privée de son droit de vote à raison de son handicap à l’issue d’une évaluation de ses connaissances sur le système politique du pays. Le nombre de personnes handicapées sous tutelle complète qui ont été privées de leur droit de vote a peu évolué, passant de 28 494 en 2013 à 30 735 à la fin 2017. Le nombre de personnes handicapées sous tutelle partielle qui ont été privées de leur droit de vote est passé de 18 106 en 2013 à 24 212 fin 2017. La proportion de personnes privées de droit de vote parmi les personnes sous tutelle était de 59 956 pour 61 563 en 2013, et de 48 945 pour 54 959 à la fin 2018.

36.La loi CLV de 2013 régit le régime de prise de décision accompagnée et dispose que :

a)Le régime de prise de décision accompagnée est uniquement applicable aux personnes qui présentent une « diminution mineure » de leur « capacité mentale » ;

b)Lorsque le juge n’est pas pleinement convaincu qu’une personne doive être mise sous tutelle, l’Autorité des tutelles peut proposer l’application du régime de prise de décision accompagnée ;

c)L’Autorité des tutelles nomme les accompagnants ;

d)La personne handicapée peut refuser l’accompagnant proposé ;

e)Une personne qui a rempli la fonction de tuteur peut être nommée en qualité d’accompagnant ;

f)Un accompagnant peut s’occuper de 30 personnes, voire de 45 personnes dans certains cas ;

g)Une personne sous tutelle partielle peut demander à bénéficier des services d’un accompagnant dans des domaines de la vie qui ne sont pas concernés par la tutelle, cet accompagnant pouvant être son tuteur ;

h)Les accompagnants ne sont pas tenus de suivre une formation sur la Convention ;

i)Les personnes placées sous le régime de la prise de décision accompagnée voit limité leur exercice d’autres droits tels que les droits parentaux et peuvent pas occuper certains emplois publics.

37.Le nombre de personnes placées sous le régime de la prise de décision accompagnée était de 149 en 2016 et de 167 en 2017. La prise de décision accompagnée n’est pas bien connue des personnes handicapées et des praticiens du droit. Aucune autre forme d’aide à l’exercice de la capacité juridique n’est officiellement disponible pour les personnes handicapées.

B.Autonomie de vie et inclusion dans la société (art. 19)

1.Absence de choix et stéréotypes sur le handicap

38.Les personnes handicapées, en particulier les personnes ayant un handicap intellectuel ou psychosocial, continuent de rencontrer des obstacles dans l’exercice de leurs libertés de choisir, d’agir et de décider par elles‑mêmes. En raison de stéréotypes très répandus, elles continuent d’être perçues comme inaptes à vivre de manière indépendante et à faire partie intégrante de la société. Les modèles médicaux et paternalistes du handicap prévalent, ce qui assure la légitimité du placement en institution soi-disant à des fins médicales et thérapeutiques et pour des raisons de développement et de réadaptation. La loi sociale dispose que les personnes dont l’éducation, la formation, l’emploi ou les soins ne sont possibles qu’en institution peuvent être admises dans un établissement pour personnes handicapées, après l’examen de leur dossier médical et l’une évaluation de leurs besoins « complexes ».

39.Malgré les modifications apportées aux dispositions de la loi sociale sur les services d’accompagnement, le droit à l’autonomie de vie et à l’inclusion dans la société n’est toujours pas reconnu pour tout le monde. La Convention et certaines des observations générales du Comité ont été traduites en hongrois, et des formations ont été dispensées aux fonctionnaires qui travaillent avec des personnes handicapées. Il reste que des barrières comportementales subsistent et compromettent l’efficacité de telles mesures, ce qui empêche l’inclusion des personnes handicapées dans la société.

2.Services d’accompagnement

40.Parmi les services sociaux de base prévus par la loi sociale révisée figurent l’aide à domicile, l’accompagnement de proximité des personnes ayant un handicap psychosocial, l’assistance à domicile par activation d’un dispositif d’alerte, l’accompagnement des personnes considérées comme « en besoin social », les soins ambulatoires, la prise en charge temporaire des personnes handicapées pour le répit de leurs proches et le téléaccompagnement des personnes handicapées dans leur vie quotidienne grâce aux technologies de l’information et de la communication. Selon des données statistiques officielles, 25 962 personnes handicapées bénéficiaient de services sociaux de base en 2018.

41.Selon les informations disponibles, les services d’aide à domicile ne sont fournis que pour une durée d’une à deux heures par semaine, pendant les heures ouvrables. Il s’agit uniquement de services de base tels que l’aide à la toilette. Les prestataires de services d’aide à domicile fixent les tarifs et les conditions, de sorte que les personnes handicapées ont un choix limité et ne peuvent pas faire valoir leurs préférences personnelles.

42.Les services d’accompagnement visent à faciliter l’accès des personnes handicapées aux services publics et aux services d’assistance à domicile. Selon les informations disponibles, ils s’adressent surtout aux personnes considérées comme ayant un handicap grave et en situation de besoin social, pour lesquelles un soutien important est nécessaire. Il ressort des données officielles qu’en 2015, sur les 144 000 personnes handicapées pouvant prétendre à des services d’accompagnement, seulement 12 500 en bénéficiaient. En 2017, ce nombre avait légèrement augmenté et atteint 13 306 bénéficiaires. À l’issue d’une évaluation du handicap, un service de transport peut être fourni, mais seulement pendant les heures ouvrables et jusqu’à 16 heures.

43.Les soins ambulatoires sont dispensés dans des institutions aux personnes handicapées de plus de 3 ans qui sont considérées comme dépendantes ou partiellement autonomes du fait de leur handicap, aux personnes handicapées qui ont besoin de l’aide d’une autre personne et aux personnes autistes. En 2018, 12 007 personnes handicapées se sont rendues dans des centres de soins de jour. Ces centres sont concentrés dans les grandes villes et, bien que les communes de plus de 10 000 habitants soient officiellement tenues de se doter de tels établissements, seulement quelques‑unes l’ont fait. Les sources ont insisté sur les obstacles à l’accès aux soins ambulatoires, qui sont d’un coût inabordable pour les personnes à faible revenu, qui sont associés à des frais de transport élevés et dont la durée est limitée à cinq heures par jour pour les personnes handicapées prises en charge par des proches aidants.

44.Pour les femmes chefs de ménage qui élèvent des enfants handicapés, l’admission dans un centre de soins de jour est très difficile et la procédure d’inscription bien longue. Selon les informations disponibles, entre 70 % et 80 % des parents d’enfants handicapés sont prêts à assurer la prise en charge de leurs enfants à domicile. Cependant, comme peu de mesures sont prises pour leur accorder un répit et que la société n’offre guère de perspectives à leurs enfants, les parents d’enfants handicapés semblent opter de plus en plus pour le placement en institution.

45.Les personnes handicapées ont également droit à une aide en espèces, dont une allocation en raison de leur handicap. Les personnes aveugles peuvent prétendre à une pension spécifique, mais seulement si elles satisfaisaient aux conditions requises avant le 1er juillet 2001. Les personnes devenues handicapées dans le cadre de leur activité professionnelle peuvent prétendre à une pension d’invalidité ; les personnes dont la capacité de travail est réduite ont droit à une prestation d’invalidité ou à une prestation de réadaptation. En 2019, une allocation pour la prise en charge d’enfants handicapés a été mise en place à l’intention des parents et des proches d’enfants handicapés. En novembre 2019, ils étaient 21 700 à en bénéficier. En outre, la législation prévoit une allocation de soins pour les personnes qui s’occupent à domicile d’un parent ayant un handicap grave ou d’un enfant atteint d’une maladie de longue durée. Les personnes ayant un handicap physique grave peuvent bénéficier d’une aide financière pour l’achat d’équipements d’aide à la mobilité.

46.L’allocation pour personne handicapée est versée aux personnes ayant besoin d’un accompagnement important ou d’une assistance à long terme, indépendamment de leur niveau de revenu ou de leur situation sur le marché du travail. Depuis les réformes menées au début de 2014, les allocataires doivent se soumettre à une évaluation fondée sur des critères biomédicaux et fonctionnels. Par voie de conséquence, ils sont de moins en moins nombreux. De même, les parents occupant un emploi à temps plein ou percevant une pension de retraite complète ne peuvent pas prétendre à une allocation de soins, ce qui pèse sur leur revenu. Environ 12 000 personnes reçoivent chaque mois une allocation de soins, d’un montant compris entre 32 600 et 58 680 forints hongrois (entre 103 et 186 euros), ce qui est inférieur au salaire minimum.

47.L’aide à l’autonomie de vie continue d’avoir une couverture très limitée et inégale selon les régions, en particulier dans les zones rurales. Les services sociaux de base ne sont pas adaptés aux besoins particuliers des personnes concernées. Les personnes handicapées ayant besoin d’un accompagnement important et les personnes autistes semblent avoir bien du mal à obtenir des services appropriés dans la collectivité, ce qui leur fait courir le risque d’être placées en institution. Le manque de personnel d’accompagnement et l’insuffisance des fonds publics alloués aux services sociaux de base sont particulièrement préoccupants.

48.Les instruments d’aide à l’autonomie que sont les budgets personnels et l’assistance personnelle ne sont pas disponibles ou pas systématiquement mis en œuvre. La prise en charge par les membres de la famille reste la norme, compte tenu de la faible couverture des services sociaux de base et de la rigueur des critères d’admissibilité qui leur sont attachés. Les personnes issues de familles à faible revenu et les ménages dirigés par une femme dépendent beaucoup de transferts monétaires assortis de conditions, mais les informations communiquées sur ce type de ce soutien sont rares ou dans des formats inaccessibles.

49.Actuellement, les prestations financières destinées aux personnes handicapées ne sont pas suffisantes pour compenser les surcoûts du handicap et leur octroi est toujours subordonné à des examens médicaux. Les informations disponibles montrent que le niveau de vie des personnes handicapées a baissé, que leurs besoins essentiels ne sont pas satisfaits et qu’elles courent un risque plus élevé que le reste de la population d’être pauvres et de vivre dans une institution.

50.Les systèmes d’aide actuellement en place ne permettent pas aux personnes handicapées de faire pleinement partie de la société, ce qui oblige celles-ci à chercher un soutien auprès de leur famille ou, dans certains cas, des institutions, auxquelles une part importante du budget public continue d’être allouée.

3.Insuffisance des services publics de base et obstacles à l’accès au travail et à l’emploi

51.Des sources indiquent qu’il y a peu de logements accessibles, que les progrès sont lents pour ce qui est de rendre l’éducation inclusive, y compris sur le plan des transports, que la couverture des soins de santé est insuffisante et que les personnes handicapées sont peu présentes sur le marché du travail ordinaire. Rien n’indique la volonté manifeste d’une quelconque administration, notamment au niveau local et dans les zones rurales, d’investir systématiquement dans les services communautaires ou dans la création d’un marché du travail inclusif.

a)Manque de logements accessibles dans la collectivité

52.Les personnes handicapées sont peu informées des disponibilités en logements sociaux et connaissent mal les conditions d’accès à ces logements, ce qui augmente le risque pour certaines d’entre elles de devenir sans-abri. Des sources signalent un manque de logements accessibles et abordables, y compris parmi les logements sociaux, et l’absence de programmes visant à aménager des appartements existants ou à louer ou acheter des logements accessibles dans la collectivité. Le Comité a entendu les témoignages de personnes handicapées qui avaient réussi à trouver un logement à proximité de leurs proches, mais seulement après avoir été placées en institution. Les subventions non remboursables destinées à assurer l’accessibilité de logements, au stade de la construction ou de l’acquisition, s’adressent uniquement aux personnes à mobilité réduite. Les personnes ayant un handicap intellectuel ou psychosocial ne reçoivent aucune aide qui leur permettrait d’obtenir un logement autonome, hors des institutions.

b)Obstacles à l’accès à l’éducation inclusive

53.Selon des données officielles, 72 % des enfants handicapés étaient scolarisés dans des établissements ordinaires au cours de l’année scolaire 2018/19. Cependant, l’enseignement spécialisé perdure et la législation autorise la création d’écoles pour enfants handicapés et de classes pour enfants handicapés dans les établissements ordinaires. Les enfants ayant besoin d’un accompagnement important qui sont scolarisés dans des établissements spécialisés ont 20 heures de cours par semaine ; c’est moitié moins que les élèves des écoles ordinaires. Dans tout le pays, il est de règle que les enfants handicapés soient scolarisés dans des écoles distinctes. Dans les établissements d’enseignement ordinaire, seules les personnes considérées comme présentant un handicap intellectuel léger ou les personnes ayant un déficit auditif bénéficient de mesures d’accompagnement. Par exemple, les personnes ayant une déficience auditive peuvent prétendre à des services d’interprétation à hauteur de 120 heures par an. Selon les témoignages, les transports scolaires sont inexistants ou ne sont pas entièrement accessibles.

c)Offre limitée de soins de santé

54.L’État partie a indiqué que des services publics de soins de santé, y compris des consultations par des médecins généralistes et dans des établissements médicaux spécialisés, étaient disponibles. Le Ministère des ressources humaines a lancé un programme sanitaire national pour 2014-2020, qui visait à étendre et à améliorer l’accès aux services publics de soins de santé. Il ressort des témoignages reçus qu’en dépit des mesures prises, la plupart des établissements de santé restent inaccessibles, les pharmacies sont en nombre limité, il n’y a guère de possibilités de recevoir un accompagnement psychologique en dehors des hôpitaux et la psychothérapie n’est pas couverte par l’assurance sociale. De surcroît, les professionnels de la santé sont peu sensibilisés à la question du handicap.

d)Inaccessibilité du marché du travail ordinaire

55.Les personnes handicapées subissent le chômage et ont du mal à entrer sur le marché du travail ordinaire. La législation continue de reconnaître les emplois protégés, sous la forme d’emplois agréés exercés dans un environnement protégé, et certains établissements de travail protégés sont rattachés à des institutions. Les personnes handicapées employées dans des établissements protégés ont souligné qu’elles avaient la volonté et la capacité d’utiliser leurs compétences sur le marché du travail ordinaire. L’État partie a indiqué que des mesures telles que des allégements fiscaux et des subventions salariales avaient permis à 9 640 personnes handicapées de rejoindre le marché du travail ordinaire entre 2011 et 2018. Néanmoins, des fonds publics sont encore alloués à des emplois qui marginalisent les personnes handicapées.

56.Le régime du salaire minimum s’applique également aux personnes handicapées. Selon les informations disponibles, des aménagements raisonnables sont possibles dans le cadre professionnel, mais ne sont fournis que dans une mesure limitée. La formation professionnelle des personnes handicapées est rare et irrégulière. Mis en place en 2017, les emplois à visée émancipatrice sont proposés uniquement dans des institutions, et non sur le marché du travail ordinaire. Plus qu’un moyen pour les personnes handicapées d’améliorer leurs chances d’accéder à un emploi, ils semblent se définir comme une forme de thérapie par le travail.

4.Maintien du placement en institution au rang de norme

57.Selon les chiffres officiels, en 2018, 98 539 personnes étaient placées en institution dans le pays. Le handicap fait partie des motifs de placement en institution, tout comme l’âge, l’état de santé et l’origine ethnique. Les institutions accueillent des enfants, des personnes âgées, des personnes souffrant d’addiction ainsi que des enfants et des adultes roms. Les personnes handicapées constituent le deuxième groupe de population le plus représenté dans les institutions. En 2018, elles étaient encore 24 553 à vivre dans des maisons de repos et de soins et des établissements de réadaptation.

58.Les personnes ayant un handicap intellectuel ou psychosocial sont surreprésentées dans les institutions et courent un risque plus élevé d’être placées. Plusieurs institutions sont situées dans des zones reculées, notamment dans des régions frontalières et à la périphérie de villages. Des fonctionnaires ont admis que les listes d’attente étaient longues, y compris pour l’admission dans une institution de grande capacité, et ont dit qu’un moratoire sur le placement en institution serait difficilement applicable, car les moyens financiers manquaient pour proposer une solution de remplacement.

59.La personne placée dans une institution est isolée des autres ; elle ne peut pas exercer son libre arbitre, ni disposer de son corps et de son espace personnel, ni décider de la manière d’occuper son temps. Le Comité a constaté que l’intimité manquait dans les institutions, où les toilettes sont ouvertes, les chambres communes, les couvertures partagées et la surveillance constante. Des cas de surmédication et des violations des droits à la santé sexuelle et procréative, y compris des cas de stérilisation forcée, ont aussi été observés. Les institutions ne fournissent pas aux personnes handicapées un accompagnement personnalisé ou un soutien leur permettant de s’épanouir en tant qu’être humain et de mener une vie autonome.

60.Le Comité a constaté que les conditions de vie étaient généralement inhumaines dans les institutions, où se pratiquaient la ségrégation et la discrimination fondées sur le handicap. Dans ses rapports de suivi, dont le Gouvernement avait pris acte, le Commissariat aux droits fondamentaux faisait le même constat et mentionnait que les actes de violence et de maltraitance sur les enfants et les jeunes handicapés étaient courants.

5.Stratégies visant à transférer les personnes handicapées hors des grandes institutions

61.La première phase de la stratégie visant à transférer les personnes handicapées et d’autres résidents hors des grandes institutions a surtout concerné les personnes handicapées considérées comme ayant un handicap léger ou une capacité de communication limitée ; la deuxième phase s’adressera aux personnes ayant besoin d’un accompagnement important. Hormis les 10 000 personnes ainsi visées, 14 000 autres personnes handicapées vivent encore dans des institutions et aucune information n’est disponible sur les mesures prévues à leur endroit. Parmi elles figurent des enfants handicapés placés dans des établissements pour adultes, des enfants handicapés vivant dans des foyers pour enfants et des personnes âgées handicapées. La stratégie ne s’applique pas aux hôpitaux psychiatriques.

62.Le logement accompagné est la principale composante de la stratégie. La loi sociale en définit les éléments constitutifs, à savoir un logement, une aide à l’autonomie de vie et une aide à l’accès aux services publics. Dans le système du logement accompagné, l’octroi du logement est organisé séparément des autres services sociaux, le tout formant un réseau de services sociaux (encadrement, nourriture, soins, transport et aide aux tâches ménagères), et les institutions sont transformées en pôles de services sociaux pour leurs anciens résidents.

63.Le système du logement accompagné n’est pas mis en œuvre dans la capitale du pays. Le Comité a noté l’existence de logements accompagnés à la périphérie de petits villages isolés, où les services publics de base, y compris les transports, étaient sous-développés ou inexistants. Il a aussi constaté que les personnes qui ne remplissaient pas les conditions pour être transférées dans un logement accompagné continuaient de résider dans de grandes institutions, qui accueillaient en outre de nouveaux occupants.

64.Une personne handicapée est déclarée admissible ou non au transfert vers un logement accompagné à l’issue d’une évaluation de ses besoins « complexes » par deux professionnels, qui peuvent faire partie du personnel de l’institution. Si cette évaluation sert à définir les besoins d’accompagnement, l’état de santé, la capacité de vivre de façon autonome et le degré du handicap jouent un rôle majeur dans la détermination de l’admissibilité. Selon des sources officielles, le programme de valorisation des ressources humaines, qui vise à développer les infrastructures afin de remplacer les établissements de grande capacité par des structures plus petites, concerne 29 institutions, desquelles 2 592 personnes handicapées sont en train d’être transférées. Les bénéficiaires de ce programme sont pour 38,8 % des femmes et pour 61,2 % des hommes.

65.Les directeurs des institutions sont responsables au premier chef de la mise en œuvre de la stratégie. Ils assument cette mission en soumettant des programmes et des projets, en repérant des lieux pouvant accueillir des logements accompagnés et en examinant les services disponibles sur place. Ils sont également chargés de former les résidents et de les préparer à vivre dans un logement accompagné. Les autorités ont indiqué que le personnel des institutions et les personnes handicapées recevaient une formation, avec le concours d’organisations de personnes handicapées. Des témoins ont toutefois déclaré que cette formation était insuffisante pour améliorer la capacité de la personne handicapée de vivre de façon autonome et prenait fin dès que celle-ci avait quitté l’institution.

6.Manque de choix et limitation de l’autonomie dans le logement accompagné

66.Les principales caractéristiques des institutions se retrouvent dans les logements accompagnés. Les personnes handicapées ne sont toujours pas autonomes et ne peuvent pas exercer pleinement leur libre arbitre. Elles restent dépendantes de grandes institutions, notamment pour ce qui est de l’accès à la nourriture et aux soins de santé. Elles versent aux institutions une part importante de leur revenu, ce qui les empêche d’être indépendantes financièrement. La majorité des personnes transférées dans un logement accompagné restent sous tutelle, ce qui entrave encore leur autonomie.

67.Le logement accompagné reste sous le contrôle et la gestion des directeurs et du personnel des institutions, qui ont libre accès aux maisons, gèrent les locaux, paient les factures, font régner l’ordre et la discipline, règlent les conflits, assurent le contrôle et le suivi des décisions prises par les résidents, y compris pour ce qui est de leurs relations avec les autres résidents, encadrent l’accès aux services de santé, examinent les dossiers médicaux, et exercent une surveillance et un contrôle général.

68.D’une manière générale, les occupants de logements accompagnés ne peuvent pas disposer d’eux-mêmes et subissent des restrictions de la vie privée. La conception des maisons et la fourniture du mobilier de base sont du ressort des institutions. Les personnes handicapées ne peuvent pas choisir la maison qu’elles occuperont. Elles sont forcées de partager leur chambre, mais selon les informations disponibles, auraient quelque liberté de choisir les personnes avec lesquelles elles auront à cohabiter. Les logements font l’objet d’un règlement intérieur, sur lequel les personnes handicapées n’ont pas eu leur mot à dire. Lorsqu’elles souhaitent inviter des personnes à leur domicile, pratiquer une activité en extérieur ou avoir un animal de compagnie, les personnes handicapées doivent obtenir une autorisation préalable. Les boissons alcoolisées sont interdites. Les membres d’un couple, lorsqu’ils sont autorisés à vivre ensemble, ont peu d’intimité. Les personnes handicapées qui le souhaitent peuvent quitter leur logement accompagné, mais elles n’ont souvent pas de réelles possibilités de se reloger, car elles sont nombreuses à avoir rompu les liens avec leur famille ou leurs proches. Il en résulte que le logement accompagné devient leur nouveau lieu de résidence permanent.

69.L’accompagnement individualisé n’est pas assez développé. Les grandes institutions continuent d’être les principales prestataires de services pour les résidents des logements accompagnés, qui s’y rendent chaque jour pour participer à des ateliers protégés, se procurer des denrées alimentaires, utiliser les services de santé et, dans une certaine mesure, participer à des activités de loisir.

70.La mise en place du réseau de services sociaux ne s’est généralement pas traduite par le développement de services accessibles dans la collectivité. Il a été constaté que les autorités chargées de la désinstitutionnalisation sont majoritairement favorables au statu quo. Souvent, les administrations locales ne se soucient guère de développer des services accessibles aux résidents des logements accompagnés. De plus, la stratégie de désinstitutionnalisation s’est heurtée à la résistance de certaines collectivités.

71.Il a été constaté que les informations concernant la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation de la stratégie n’étaient pas facilement et régulièrement disponibles ni accessibles aux personnes handicapées concernées.

72.Selon des données statistiques officielles, les crédits budgétaires alloués aux personnes handicapées dans le secteur social servent d’abord à la fourniture de services sociaux spécialisés dans des institutions, sont financés principalement par des fonds structurels et des fonds d’investissement européens, et ne servent pas au développement de services communautaires d’aide à l’autonomie de vie, en violation de l’article 19 de la Convention.

73.Globalement, malgré les engagements pris par les autorités, les défaillances du système de services sociaux de base, la persistance d’une culture d’institutionnalisation (dont témoignent les affectations budgétaires et le maintien, voire l’extension, de l’institutionnalisation, par la mise en place des logements accompagnés, la rénovation des institutions, l’établissement de listes d’attente et l’absence de moratoire sur le placement en institution) et la stigmatisation généralisée des personnes handicapées sont révélateurs de tendances contraires au droit à l’autonomie de vie et à l’inclusion dans la société.

C.Égalité et non-discrimination (art. 5)

74.Les informations disponibles mettent en évidence une discrimination structurelle, subie en particulier par les personnes ayant un handicap intellectuel ou psychosocial, les enfants handicapés, les femmes handicapées et les personnes âgées handicapées, ainsi qu’une discrimination par association.

1.Personnes ayant un handicap intellectuel ou psychosocial

75.Les personnes ayant un handicap intellectuel ou psychosocial font l’objet d’une discrimination directe par la loi, qui autorise leur mise sous tutelle, au motif de la limitation réelle ou perçue de leur capacité mentale, et leur placement en institution sans leur consentement. Agissant en conjonction, la mise sous tutelle et le placement en institution rendent ces personnes handicapées plus vulnérables et les maintiennent isolées du reste de la population. Au vu des données statistiques officielles, il est d’usage que les personnes ayant un handicap intellectuel ou psychosocial, y compris les enfants, les femmes et les personnes âgées, soient au bénéfice de services sociaux spécialisés dans des institutions.

76.En vertu de la loi CXXIII de 2015 sur les soins de santé primaires, les personnes ayant un handicap psychosocial peuvent être tenues de suivre un traitement psychiatrique, à l’issue de l’évaluation médicale de leur dangerosité perçue. Elles sont classées dans la catégorie des « patients psychiatriques », ce qui implique leur placement dans des hôpitaux psychiatriques, des maisons de repos et de soins et des établissements de réadaptation.

77.Les personnes placées en institution sont soumises à des méthodes de contention mécanique, physique, chimique ou mixte et à d’autres formes de mauvais traitements.

78.Les personnes ayant un handicap psychosocial et les personnes autistes font face à de sérieux obstacles lorsqu’elles souhaitent accéder aux soins de santé ordinaires. En première intention, les médecins optent souvent pour des méthodes coercitives telles que l’isolement et le traitement et la médication sans consentement libre et éclairé.

79.Les mesures visant à lever les obstacles comportementaux ne semblent pas avoir eu un grand effet dissuasif. Les préjugés et les stéréotypes négatifs sont encore très répandus à l’égard des personnes ayant un handicap intellectuel ou psychosocial, pour lesquelles il reste notamment difficile d’obtenir un emploi, de suivre un enseignement dans un établissement ordinaire ou de se voir accorder un crédit et des moyens financiers.

2.Enfants handicapés

80.La loi sur la protection de l’enfance encourage le placement des enfants de moins de 12 ans dans des familles d’accueil, mais fait une exception dans le cas des enfants handicapés, qui peuvent être placés en institution à raison de leur handicap.

81.Les données statistiques officielles montrent que les placements en familles d’accueil ont progressé par rapport aux placements en institution ces dernières années. Cependant, d’après les informations disponibles, les enfants handicapés sont généralement placés dans des institutions, et non dans des familles d’accueil, lesquelles sont en outre peu, voire pas du tout, capables de s’occuper d’eux. De plus, l’adoption d’enfants handicapés serait mal vue. La mise en œuvre des dispositions actuelles n’a pas donné lieu à une désinstitutionnalisation des enfants handicapés.

82.Dans le cas des enfants handicapés, l’intérêt supérieur de l’enfant continue d’être interprété à tort par la population et par les professionnels comme un motif de placement en institution. Selon des données statistiques officielles, en 2017, les enfants handicapés représentaient 33 % des enfants placés en institution ; c’est près de six fois le pourcentage de personnes handicapées dans la population générale. Les enfants handicapés ayant besoin d’un accompagnement important courent un risque plus élevé d’être placés en institution, compte tenu de l’insuffisance de l’aide mise à leur disposition pour leur inclusion dans la société et de la couverture limitée des services sociaux fournis à la population générale.

83.Il a été constaté que les personnes handicapées qui avaient été placées dans une institution lorsqu’elles étaient enfants, continuaient d’y résider lorsqu’elles devenaient adultes. Des sources fiables indiquent en outre qu’en 2019, près de 800 enfants vivaient dans des institutions qui hébergeaient principalement des adultes.

84.Bien que les autorités aient pris officiellement l’engagement de développer le placement en famille d’accueil, des fonds publics, y compris ceux provenant du Fonds européen de développement régional, ont servi à financer la rénovation d’institutions pour enfants.

85.Les enfants ayant besoin d’un accompagnement important reçoivent un enseignement spécialisé ou « enseignement à des fins de développement ». Ils suivent des cours à domicile ou dans une institution, conformément à la loi CXC de 2011 sur l’enseignement public national (loi sur l’enseignement public national). Dans la pratique, cela signifie qu’ils sont exclus des écoles ordinaires. Un tiers des enfants handicapés sont inscrits dans des écoles spécialisées et ont 20 heures de cours maximum par semaine ; ceux qui sont placés en institution n’ont que 6 heures de cours en moyenne par semaine. Les enfants autistes ne bénéficient pas d’un accompagnement adéquat ni d’aménagements raisonnables, sont victimes de brimades et de violences physiques, et abandonnent souvent leurs études faute d’un cadre propice à l’éducation inclusive. Ils sont généralement obligés de s’inscrire dans des établissements d’enseignement privés et payants.

3.Femmes handicapées

86.L’intersectionnalité du genre et du handicap n’est généralement pas prise en considération dans la mise en œuvre des politiques. De fait, il existe très peu de données statistiques sur le handicap qui sont ventilées par sexe, les fonctionnaires et le grand public sont peu sensibilisés aux droits des femmes et filles handicapées, et les mesures d’accompagnement à la prise de décisions et d’aide à l’autonomie de vie ne tiennent pas compte des particularités de genre.

87.Le Comité a interrogé des femmes et filles handicapées vivant dans des institutions et constaté que les femmes, y compris celles qui résidaient dans des établissements de petite taille, couraient un risque plus élevé de subir des violences sexistes telles qu’une contraception forcée, un avortement forcé ou des restrictions dans l’exercice de leurs droits en matière de santé sexuelle et procréative et de leurs responsabilités parentales.

4.Personnes âgées handicapées

88.Le Comité a constaté que les personnes handicapées placées en institution sont surtout des personnes âgées, notamment des personnes âgées présentant un handicap psychosocial. Les personnes âgées handicapées résident souvent dans de grandes institutions, bien que le Comité en ait également rencontré dans de petites structures, y compris dans des logements accompagnés. L’intersectionnalité de l’âge et du handicap n’est guère prise en considération et les préjugés à l’égard des personnes âgées handicapées perdurent.

5.Discrimination par association

89.Les informations disponibles mettent en évidence une discrimination par association à l’égard des mères d’enfants handicapés qui, du fait d’une aide sociale insuffisante et de revenus limités, n’ont pas les moyens de supporter les dépenses liées au handicap de leurs enfants. Ces mères sont souvent face à un dilemme, celui de devoir choisir entre consacrer plus de temps à leurs responsabilités familiales, au risque de perdre leur emploi, et placer leurs enfants en institution. Elles craignent qu’en leur absence, la seule option pour leurs enfants soit le placement en institution.

D.Obligations générales (art. 4)

90.Plusieurs organisations de personnes handicapées, dont le Conseil national des organisations de personnes handicapées qui les chapeaute, sont membres du Conseil national du handicap, présidé par le Secrétaire d’État aux questions sociales et à l’inclusion sociale. En 2013, par la voie d’un décret, les autorités ont doté le Conseil national du handicap d’un rôle consultatif sur le Programme national relatif au handicap.

91.Les informations disponibles montrent que les organisations de personnes handicapées financées par des fonds publics sont moins disposées à exprimer ouvertement des opinions dissidentes au sujet des mesures prises par le Gouvernement. Certaines organisations locales de personnes handicapées sont plus libres à cet égard, mais ont peu d’influence sur le processus décisionnel.

92.En novembre 2018, après l’ouverture de l’enquête, certaines organisations nationales de personnes handicapées représentées au sein du Conseil national des organisations de personnes handicapées ont signé avec le Gouvernement un accord de partenariat visant à revoir la stratégie de transfert des personnes handicapées hors des grandes institutions. Les organisations locales et les personnes concernées ne semblent pas avoir été dûment associées à cette entreprise.

93.Il a été constaté que les informations concernant la mise en œuvre des politiques, notamment le transfert hors des grandes institutions, n’étaient pas régulièrement diffusées ni pleinement accessibles aux personnes handicapées.

94.Le Comité a reçu des informations selon lesquelles des organisations de la société civile avaient subi des représailles pour avoir critiqué les politiques publiques relatives au handicap, suite à quoi, elles ne pouvaient plus exercer en toute indépendance un contrôle des services sociaux fournis aux personnes handicapées, y compris des institutions.

95.Bien que différentes autorités de l’État aient organisé des formations sur les droits des personnes handicapées, parfois en partenariat avec des organisations de personnes handicapées, l’État partie ne dispose pas d’un plan d’action global, dûment financé et assorti d’objectifs, d’un calendrier d’exécution, d’indicateurs, de valeurs de référence et d’activités de suivi, pour promouvoir durablement la sensibilisation à la Convention et au modèle du handicap fondé sur les droits de l’homme. Il reste toujours à prendre des mesures qui contribuent véritablement à l’élimination des obstacles comportementaux, des préjugés et des stéréotypes à l’égard des personnes handicapées.

96.Diverses administrations de l’État partie recueillent des données sur les personnes handicapées. Mis à part un microrecensement et des enquêtes menés en 2016 par l’Institut central hongrois de la statistique, les informations collectées au niveau sectoriel ne sont pas toujours cohérentes et sont parfois même contradictoires, sont rarement ventilées et souvent difficilement disponibles ou accessibles pour les personnes handicapées.

97.En cas de discrimination, les moyens de recours sont d’une efficacité limitée. Le refus de fournir un aménagement raisonnable ne constitue pas une forme de discrimination au regard de la loi, sauf dans le domaine de l’emploi, et les pouvoirs publics ne luttent pas assez contre la discrimination multiple et croisée. Les autorités affirment que les personnes handicapées disposent de voies de recours, mais les moyens par lesquels celles-ci peuvent contester leur placement en institution ou leur mise sous tutelle sont en grande partie inefficaces et sans effet dissuasif. Néanmoins, la saisine du Commissariat aux droits fondamentaux a permis de mettre en évidence certaines violations des droits des personnes handicapées.

V.Conclusions juridiques

A.Violations des droits consacrés par la Convention

98.En vertu de l’article 12 de la Convention et compte tenu de l’observation générale no 1 (2014) sur la reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité, les États parties devraient réaffirmer le droit des personnes handicapées à la reconnaissance de leur personnalité juridique. Ils devraient abroger les lois, politiques et pratiques de prise de décision substitutive et mettre en place des régimes de prise de décision accompagnée, qui respectent l’indépendance, la volonté, les préférences et les droits des personnes handicapées. Ils devraient abroger les lois qui confondent la capacité juridique et la capacité mentale, rétablir la capacité juridique, y compris la capacité d’agir, de toutes les personnes handicapées, et mettre fin au placement en institution pour cause de handicap.

99.Le Comité constate les violations suivantes de l’article 12 :

a)Le Code civil continue d’autoriser que des personnes handicapées soient totalement ou partiellement privées de leur capacité d’agir à raison de leur handicap ;

b)En 2017, 55 056 personnes handicapées étaient privées de leur capacité d’agir, dont 30 735 totalement et 24 212 partiellement. Pour 14 745 personnes, cette privation partielle s’appliquait à tous les domaines de la vie, et non pas seulement à certains domaines déterminés, comme l’exige la loi ;

c)Le nombre de personnes handicapées mises sous tutelle n’a cessé d’augmenter depuis la ratification de la Convention par l’État partie (+14 % depuis 2008) ;

d)La Constitution autorise que les personnes ayant un handicap intellectuel ou psychosocial soient privées de leur droit de vote. À la fin de 2018, 48 945 personnes handicapées étaient privées de leur droit de voter et d’être élues ;

e)La privation de la capacité est prononcée par décision de justice ; le placement en institution est décidé principalement sur la base d’un examen médical de la personne concernée ;

f)Les personnes handicapées recouvrent très rarement leur capacité d’agir à l’issue d’une procédure judiciaire, y compris de la procédure de réexamen obligatoire de la mise sous tutelle ;

g)Le régime d’aide à la prise de décisions établi par la loi CLV de 2013 repose encore sur le principe de la prise de décisions substitutive et n’aide pas les personnes handicapées à exercer leur capacité juridique comme le prévoit la Convention ;

h)En 2014, la Cour constitutionnelle a jugé que la tutelle était une mesure de protection des personnes handicapées au sens de la Convention. Il n’y a aucune volonté de mettre fin au régime de tutelle et à ses effets discriminatoires.

100.En vertu de l’article 19 de la Convention, et compte tenu de l’observation générale no 5 (2017) sur l’autonomie de vie et l’inclusion dans la société, les États parties devraient garantir le droit des personnes handicapées de vivre de façon autonome dans la société et de faire leurs propres choix, en particulier leur droit de décider où et avec qui elles souhaitent vivre, dans des conditions d’égalité. Ils devraient supprimer toutes les formes de tutelle qui limitent le libre choix des conditions de vie et garantir l’inclusion sociale en combattant toutes les formes de ségrégation, d’isolement et d’institutionnalisation fondées sur le handicap. L’autonomie de vie et l’inclusion dans la société excluent tout placement dans une institution, petite ou grande. Les personnes handicapées devraient avoir accès à diverses mesures d’accompagnement individualisé. Les États parties devraient veiller à ce que toutes les personnes handicapées aient accès à des services appropriés dans la collectivité. Les États parties devraient respecter les éléments fondamentaux de l’article 19.

101.Le Comité constate les violations suivantes de l’article 19 :

a)La législation de l’État partie ne reconnaît pas expressément le droit des personnes handicapées à l’autonomie de vie et à l’inclusion dans la société. Les pratiques dominantes montrent la persistance de modèles médicaux et paternalistes du handicap, ce qui se traduit par le placement des personnes handicapées en institution et leur exclusion de fait de la société ;

b)De nombreuses personnes handicapées sont maintenues sous tutelle, ce qui, dans la pratique, les empêche d’exercer sans discrimination leur droit de choisir leur lieu de résidence et où et avec qui elles vont vivre ;

c)Les services communautaires d’aide à l’autonomie de vie étant peu développés, les personnes handicapées ne peuvent pas exercer leur libre arbitre ;

d)De nombreuses personnes handicapées continuent de vivre dans des institutions, de grande ou de petite taille, y compris des logements accompagnés et des foyers collectifs, et restent sous tutelle ;

e)Le placement en institution est décidé par des tiers ;

f)La stratégie visant à transférer les personnes handicapées résidant dans de grandes institutions vers des structures de petite taille ne fait que perpétuer et développer l’institutionnalisation, et les autorités n’ont pris aucune mesure pour empêcher que celle-ci ne prenne encore de l’ampleur ;

g)De l’argent public, y compris en provenance de fonds structurels et de fonds d’investissement européens, continue d’être investi dans la construction, la rénovation et l’extension d’institutions de grande et de petite taille, au détriment de l’aide à l’autonomie de vie et du développement de services communautaires accessibles et inclusifs ;

h)Les services d’accompagnement individualisé des personnes handicapées ont une portée, un champ d’application et une couverture géographique limités. Ils répondent à une définition étroite et sont principalement fournis dans les institutions. Ils restent peu développés et en grande partie inefficaces. Les services d’assistance personnelle ne sont pas accessibles à toutes les personnes handicapées et ne sont pas suffisamment développés dans le système social actuel ;

i)Les politiques publiques en matière d’éducation, de santé, d’emploi et de logement n’offrent pas aux personnes handicapées un appui cohérent et efficace pour vivre de façon autonome et être incluses dans la société ;

j)Les modèles et pratiques de prestation de services, en particulier dans les zones rurales et reculées, continuent de marginaliser les personnes handicapées, en les cantonnant à des emplois et des établissements d’enseignement distincts et en limitant leur accès au logement social ;

k)Trop peu de mesures ont été prises pour garantir l’accessibilité des services publics et la fourniture d’aménagements raisonnables sur demande.

102.En vertu des articles 4 (par. 1) et 5 de la Convention et compte tenu de l’observation générale no 6 (2018) sur l’égalité et la non-discrimination, les États parties devraient s’efforcer d’instaurer une égalité inclusive, de garantir aux personnes handicapées une égale protection contre la discrimination fondée sur quelque motif que ce soit et s’abstenir de tout acte ou de toute pratique entraînant une discrimination, y compris une discrimination directe, une discrimination indirecte, une discrimination par association et le refus d’un aménagement raisonnable. Les États parties devraient aussi prévenir et sanctionner les actes de discrimination commis par des acteurs privés. Les victimes de discrimination devraient disposer de moyens de recours efficaces.

103.Le Comité constate les violations suivantes des articles 4 (par. 1) et 5, lus conjointement avec les articles 12 et 19 :

a)Les personnes ayant un handicap intellectuel ou psychosocial sont largement surreprésentées dans les institutions (25 % des résidents) au regard du pourcentage de personnes handicapées dans la population totale ;

b)La mise sous tutelle et la restriction de la capacité d’agir constituent une discrimination directe envers les personnes ayant un handicap intellectuel ou psychosocial ;

c)La loi établit une discrimination directe à l’égard des enfants handicapés de moins de 12 ans en autorisant leur placement en institution en raison de leur handicap ;

d)Des centaines d’enfants handicapés continuent de vivre dans des institutions aux côtés d’adultes et rien n’est prévu pour garantir leur droit à la vie familiale ;

e)Les enfants handicapés sont sous-représentés parmi les enfants placés en famille d’accueil ;

f)Les enfants handicapés ayant besoin d’un accompagnement important sont surreprésentés dans les établissements d’enseignement spécialisé ;

g)Les femmes handicapées, en particulier celles qui sont sous tutelle et placées en institution, y compris celles qui vivent dans des logements accompagnés, sont exposées à la violence sexiste, par exemple sous la forme de violations de leurs droits en matière de sexualité et de procréation telles que la contraception forcée et l’avortement forcé. Rien n’indique que l’égalité des sexes soit prise en considération dans les politiques relatives au handicap ;

h)Les mères d’enfants handicapés sont victimes de discrimination par association. Souvent, elles subviennent seules aux besoins de leurs enfants, malgré leur faible revenu ou une aide sociale insuffisante ; parfois, elles décident de placer leurs enfants en institution ;

i)Les personnes âgées handicapées font souvent l’objet d’une discrimination multiple et croisée, fondée sur leur âge et leur handicap, et sont surreprésentées dans les institutions.

104.Conformément à l’article 4 de la Convention, les États parties devraient favoriser la formation des professionnels, y compris des professionnels de la justice, et des personnes travaillant avec des personnes handicapées aux droits consacrés par la Convention. Compte tenu de l’observation générale no 7 (2018) sur la participation des personnes handicapées, y compris des enfants handicapés, par l’intermédiaire des organisations qui les représentent, à la mise en œuvre de la Convention et au suivi de son application, les États parties devraient tenir des consultations étroites avec les personnes handicapées, par l’intermédiaire des organisations qui les représentent, au sujet des mesures d’application de la Convention et du processus décisionnel, surtout lorsque les décisions à prendre portent sur des questions qui les concernent, et les y faire participer activement. Cette obligation générale vise notamment à garantir des consultations transparentes, un dialogue constructif, la communication d’informations dans des formats accessibles, la participation précoce et constante des organisations de personnes handicapées, la prise en considération de leur avis, des activités de sensibilisation, des cadres et procédures réglementaires, un suivi, une participation autonome et, finalement, l’association des personnes handicapées, par l’intermédiaire des organisations qui les représentent, à la prise de décisions publiques.

105.Le Comité constate les violations suivantes de l’article 4, lu conjointement avec les articles 12, 19 et 5 :

a)Les autorités ne procèdent pas à une collecte et une diffusion étendues et systématiques de données ventilées sur la situation des personnes handicapées dans l’ensemble de l’État partie ;

b)Présidé par un représentant du Gouvernement et composé de membres tributaires des subventions publiques, le Conseil national du handicap manque d’indépendance ;

c)Les personnes handicapées qui doivent être ou qui ont été transférées hors de grandes institutions ne sont pas réellement associées aux décisions connexes ni aux activités de contrôle indépendant menées après leur transfert ;

d)Les familles de personnes handicapées ainsi que les professionnels et le personnel travaillant avec des personnes handicapées ne sont pas sensibilisés au modèle du handicap fondé sur les droits de l’homme ni à la Convention, et ne reçoivent pas de formation régulière sur ces sujets.

B.Caractère grave ou systématique des violations

106.Conformément à l’article 6 du Protocole facultatif et à l’article 82 de son règlement intérieur, le Comité doit déterminer si les violations des droits ont un caractère grave ou systématique.

107.Le Comité considère que des violations sont graves si elles sont susceptibles de causer un préjudice substantiel aux victimes et de rendre celles-ci plus marginalisées, plus isolées ou plus pauvres. Pour déterminer la gravité des violations constatées, il faut tenir compte de leur ampleur, de leur fréquence, de leur nature et de leurs effets. En l’espèce, le Comité constate de graves violations des droits énoncés dans la Convention et estime que les régimes de tutelle et de placement en institution affectent profondément la vie d’un grand nombre de personnes handicapées, en particulier en discriminant les personnes ayant un handicap intellectuel ou psychosocial et en maintenant une situation de marginalisation et d’isolement.

108.Le qualificatif « systématique » renvoie à la nature organisée des actes constitutifs des violations et à l’improbabilité de leur survenance de manière aléatoire. Le Comité a fait observer que l’existence d’un cadre législatif, de politiques et de pratiques qui, par leur objet ou leur effet, ont des conséquences défavorables ou disproportionnées pour les personnes handicapées constituent des violations systématiques de la Convention. Il a aussi souligné que les faits de discrimination structurelle fondée sur le handicap constituaient des violations systématiques. Le Comité constate des violations systématiques des droits des personnes handicapées, comme il ressort du présent rapport d’enquête, et estime que celles‑ci sont généralisées et habituelles, et les expressions délibérées d’une discrimination structurelle ancrée dans la législation, les politiques, les programmes et les pratiques, y compris en matière d’allocation des ressources.

109.Le Comité considère que les violations des droits des enfants handicapés sont à la fois graves et systématiques, car : a) elles ont des effets extrêmement préjudiciables et discriminatoires ; b) elles maintiennent les enfants en situation de marginalisation et de vulnérabilité, en compromettant leur qualité de vie, leur sécurité, leur intérêt supérieur, leur vie familiale, leur intégrité, leur éducation, leur développement et leur bien-être ; et c) elles sont le résultat de la conjonction des stéréotypes dominants et des lois, politiques et programmes sur le handicap.

VI.Recommandations

A.Reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité (art. 12)

110.Le Comité recommande à l’État partie de s’inspirer de son observation générale no 1 pour :

a)Abolir les dispositions du Code civil qui autorisent de priver totalement ou partiellement les personnes handicapées de leur capacité d’agir ;

b)Restituer leur capacité d’agir à toutes les personnes handicapées, y compris celles qui se trouvent dans un quelconque type d’institution ;

c)Prendre sans délai des mesures pour adopter un système de prise de décision accompagnée qui soit pleinement conforme à la Convention, notamment en modifiant le système actuel de manière à :

i)Permettre à toutes les personnes handicapées de bénéficier d’un système de prise de décision accompagnée, conformément à la Convention ;

ii) Mettre fin à toute intervention de l’Autorité des tutelles dans la nomination, l’encadrement et la formation des accompagnants ;

iii)Respecter le droit des personnes handicapées de choisir les formes d’accompagnement dont elles ont besoin, y compris leur droit d’accepter, de refuser, de modifier ou de faire cesser cet accompagnement si elles le souhaitent, en veillant à leur autonomie et en tenant compte de leur volonté et de leurs préférences ;

iv)Garantir que les personnes fournissant des services d’accompagnement soient dûment formées aux dispositions de l’article 12 de la Convention et que tous les critères d’admissibilité à la fonction d’accompagnant soient conformes à la Convention ;

d)Travailler avec les organisations de personnes handicapées, en particulier les organisations locales de personnes ayant un handicap intellectuel ou psychosocial, à l’élaboration d’outils d’aide à l’exercice de la capacité juridique, notamment en établissant un répertoire de bonnes pratiques pour la prise de décision accompagnée ;

e)Mettre en œuvre une formation continue, spécialement destinée aux professionnels de l’action sociale, de la santé et de l’éducation, aux praticiens du droit, aux magistrats, aux juges et aux membres de la famille, sur le droit des personnes handicapées à la reconnaissance juridique dans des conditions d’égalité ;

f)Rétablir les droits de toutes les personnes handicapées de voter et d’être élues, notamment en veillant à ce que toutes les personnes handicapées soient inscrites sur les listes électorales et participent pleinement aux élections.

B.Autonomie de vie et inclusion dans la société (art. 19)

1.Droit de vivre dans la société, avec la même liberté de choix que les autres personnes

111.Le Comité recommande à l’État partie de s’inspirer de son observation générale no 5 pour :

a)Abroger les articles 69 et 70 de la loi sociale, relatifs à l’aide sociale spécialisée, afin que nul ne puisse être placé en institution à raison de son handicap ;

b)Reconnaître le droit de toute personne handicapée de vivre de façon autonome et d’être incluse dans la société comme un droit individuel et directement opposable ;

c)Modifier la législation, les politiques publiques et les pratiques concernant l’aide à l’autonomie de vie et à l’inclusion dans la société pour les rendre pleinement conformes au modèle du handicap fondé sur les droits de l’homme et pleinement respectueuses des droits des personnes handicapées de vivre dans la société et de choisir leur lieu de résidence, sans discrimination, ainsi que de leurs droits à l’autonomie, de leur volonté et de leurs préférences individuelles ;

d)Avec la pleine participation des personnes handicapées, par l’intermédiaire des organisations qui les représentent, renforcer les plans nationaux, en les dotant de ressources humaines, techniques et financières suffisantes, en les assortissant d’un calendrier raisonnable et précis et en leur appliquant un suivi indépendant, afin d’établir des programmes d’aide à l’autonomie de vie qui respectent l’indépendance des personnes handicapées et leur droit de choisir où et avec qui elles souhaitent vivre.

2.Accès aux mesures d’accompagnement

112.Le Comité recommande à l’État partie de s’inspirer de son observation générale no 5 pour :

a)Élaborer un système d’aide à l’autonomie de vie qui propose diverses formes d’accompagnement individualisé et d’assistance personnelle aux personnes handicapées, dans la société et en dehors des institutions, et lui allouer des ressources humaines, financières et techniques suffisantes ;

b)Faire en sorte que l’aide à l’autonomie de vie soit conforme aux droits de l’homme, respecte l’indépendance, la volonté et les préférences des personnes handicapées et soit ancrée dans la société ;

c)Consacrer des ressources suffisantes au développement de l’assistance personnelle autogérée ;

d)Associer les personnes handicapées, par l’intermédiaire des organisations qui les représentent, à la conception et à la mise en œuvre des mesures d’accompagnement devant favoriser leur inclusion dans la société ;

e)Réorienter les fonds publics alloués aux institutions, y compris ceux provenant de fonds structurels et de fonds d’investissement européens, vers les services communautaires, et mettre en place sans délai une gamme complète de services communautaires à domicile et d’autres services d’aide à la vie quotidienne, y compris des services d’assistance personnelle, et d’autres formes de prise de décision accompagnée ;

f)Réformer le système de prestations liées au handicap de manière à garantir une protection sociale appropriée et sans discrimination aux personnes handicapées et aux membres de leur famille, notamment au vu des dépenses liées au handicap, en adaptant, étendant et modifiant périodiquement la protection sociale minimale pour les personnes handicapées.

3.Accès aux services et équipements collectifs destinés à la population générale

113.Le Comité recommande à l’État partie de s’inspirer de son observation générale no 5 pour :

a)Prendre en considération l’inclusion du handicap dans les politiques publiques générales sur l’éducation, la santé, l’emploi et le logement ;

b)Supprimer de la catégorie des services collectifs toute forme de rénovation d’institutions ou de foyers collectifs ou toute construction de logements accompagnés ;

c)Mettre fin à la ségrégation des personnes handicapées dans l’éducation, en particulier des enfants ayant besoin d’un accompagnement important, et adopter une stratégie visant à instaurer l’éducation inclusive à tous les niveaux d’enseignement, conformément à l’observation générale no 4 (2016) sur le droit à l’éducation inclusive ;

d)Avec la participation des organisations de personnes handicapées, adopter rapidement une stratégie globale permettant de garantir aux personnes handicapées des possibilités d’emploi et des perspectives de revenu sur le marché du travail ordinaire, sans discrimination, et abandonner les emplois protégés ;

e)Faire en sorte que les personnes handicapées bénéficient d’aménagements raisonnables dans le cadre de leur emploi et dans tous les autres domaines de la vie.

4.Fin du placement en institution

114.Le Comité recommande à l’État partie de s’inspirer de son observation générale no 5 pour :

a)Empêcher tout nouveau placement de personnes handicapées dans une institution, de quelque forme que ce soit, en mettant fin aux programmes de développement des institutions, y compris aux logements accompagnés, et accorder réparation aux personnes handicapées qui contestent leur placement en institution ;

b)Modifier la stratégie actuelle, qui consiste à transférer les personnes handicapées de grandes institutions vers des structures plus petites (logements accompagnés), en supprimant tous les éléments d’institutionnalisation. À cette fin, l’État partie devrait :

i)Respecter pleinement le droit des personnes handicapées de choisir où et avec qui elles souhaitent vivre, y compris en refusant de vivre dans un milieu de vie particulier, et leur droit d’avoir accès à un accompagnement individualisé pour vivre de façon autonome ;

ii)Restituer leur capacité d’agir à toutes les personnes handicapées qui ont été placées en institution, y compris celles qui ont été transférées dans des logements accompagnés ;

iii)Réorienter les ressources humaines, financières et techniques allouées aux logements accompagnés et à d’autres types d’institutions vers l’élaboration et l’offre de logements accessibles aux personnes handicapées et implantés dans la société, à l’exclusion de toute structure collective, dans toutes les régions du pays ;

iv)Affranchir les occupants des logements accompagnés de toute forme de contrôle et de surveillance, et garantir leur autonomie, leur liberté de choix et le respect de leur vie privée ;

v)Faire en sorte que le réseau de services sociaux ne dépende plus des institutions pour son fonctionnement, mais favorise l’autonomie de vie et la pleine inclusion et participation des personnes handicapées dans la société ;

vi)Prendre des mesures pour que les personnes handicapées qui sont actuellement employées dans des établissements de travail protégés dont la gestion est confiée à des institutions accèdent progressivement au marché du travail ordinaire ;

vii)Garantir que les ressources allouées par les fonds structurels et les fonds d’investissement européens soient toujours utilisées conformément à la Convention et qu’en aucun cas elles ne servent à faciliter ou à faire perdurer la marginalisation des personnes handicapées, y compris par des investissements dans la construction, la rénovation, l’extension ou l’entretien d’institutions de quelque taille que ce soit et par la formation ou l’emploi de personnel dans les institutions ;

viii)Mettre en œuvre des mesures d’adaptation et de réadaptation appropriées afin que les personnes handicapées puissent acquérir ou recouvrer les compétences nécessaires à une vie en société ;

ix)Veiller à consulter étroitement les personnes handicapées et à les faire participer, par l’intermédiaire des organisations qui les représentent, y compris les organisations de personnes ayant un handicap intellectuel ou psychosocial et les organisations de défense des droits de l’homme, à la mise en œuvre des mesures précitées ;

c)Adopter rapidement, en concertation avec les personnes handicapées par l’intermédiaire des organisations qui les représentent, un plan national visant à retirer effectivement toutes les personnes handicapées, sans considération de leur âge, de leur sexe ou de leur type de handicap, de toutes les institutions, y compris celles qui sont présentées sous la dénomination générique de « services sociaux spécialisés ». Ce plan national devrait surtout viser à mettre en place des programmes d’aide à l’autonomie de vie et des mesures d’accompagnement individualisé et à assurer l’accès des personnes handicapées aux principaux services collectifs destinés à la population générale. Il devrait tenir compte de l’âge et du sexe et être assorti d’objectifs, de délais et d’indicateurs précis, pour tous les éléments énumérés à l’alinéa b) ci‑dessus ;

d)Collecter des données, ventilées par âge, sexe, origine ethnique et type de handicap, sur les enfants handicapés qui vivent dans des institutions, y compris des institutions pour adultes, et mettre en place en priorité des mesures visant à garantir leur droit à la vie familiale ; solliciter la coopération technique des organismes compétents des Nations Unies en vue de l’élaboration de cette stratégie, qui devrait être assortie d’un calendrier d’exécution, d’indicateurs et de valeurs de référence, et associer pleinement les enfants handicapés, par l’intermédiaire des organisations qui les représentent, à sa conception, sa mise en œuvre et son suivi.

C.Égalité et non-discrimination (art. 5)

115.Le Comité recommande à l’État partie de s’inspirer de son observation générale no 6 pour :

a)Aux fins de la conception et de la mise en œuvre du plan national visé à l’alinéa c) du paragraphe 114, réaliser une étude de portée nationale sur l’effet cumulé de la mise sous tutelle et du placement en institution sur la vie des personnes handicapées, en fonction de leur âge et de leur sexe ;

b)Prendre en considération les questions de genre au cours de l’élaboration, de la mise en œuvre et du suivi des politiques en relation avec les personnes handicapées et faire en sorte que les femmes handicapées soient pleinement associées à l’élaboration, à la mise en œuvre et au suivi de toutes les politiques et mesures les concernant, y compris au moyen de mesures temporaires spéciales ;

c)Mettre fin à la contraception forcée et à l’avortement forcé pour les femmes handicapées, en particulier celles qui sont placées en institution, et prendre des mesures pour qu’elles puissent exercer pleinement leurs droits en matière de sexualité et de procréation ;

d)Abroger les dispositions de la loi sur la protection de l’enfance qui autorisent le placement en institution des enfants handicapés de moins de 12 ans à raison de leur handicap ;

e)Supprimer les lois et les politiques qui prévoient le placement en institution des personnes âgées à raison de leur handicap et veiller à ce que les personnes âgées handicapées soient pleinement associées à l’élaboration, à la mise en œuvre et au suivi du plan national visé à l’alinéa c) du paragraphe 114.

D.Obligations générales (art. 4)

116.Le Comité recommande à l’État partie :

a)D’adopter une stratégie nationale globale de sensibilisation aux droits des personnes handicapées, en particulier au droit à la reconnaissance juridique dans des conditions d’égalité et au droit à l’autonomie de vie et à l’inclusion dans la société avec la même liberté de choix que les autres, et de combattre les stéréotypes, les préjugés et les idées fausses sur le handicap qui perpétuent la marginalisation, la mise sous tutelle et le placement en institution sur le fondement du handicap. Cette stratégie devrait s’appliquer à toutes les entités administratives, y compris les régions et les comtés, ainsi qu’aux communautés des zones rurales et éloignées ; s’adresser aux députés, aux juges, aux magistrats, aux procureurs, aux praticiens du droit, aux médecins, aux fonctionnaires, aux acteurs privés travaillant avec des personnes handicapées et aux proches des personnes handicapées ; être assortie de valeurs de référence et d’indicateurs afin que les progrès accomplis puissent être mesurés ; prévoir des mesures spécialement destinées aux personnes handicapées particulièrement défavorisées ;

b)De renforcer son système de collecte de données en recueillant régulièrement et systématiquement des données, ventilées par sexe, âge, origine ethnique et zone géographique, sur les personnes handicapées ; de veiller à ce que les données collectées sur les personnes handicapées couvrent tous les domaines de la vie ; de faire en sorte que ces données soient régulièrement diffusées dans des formats accessibles pour les personnes handicapées ;

c)Avec la participation des personnes handicapées, d’élaborer, de mettre en œuvre et de surveiller les activités de formation régulière et systématique destinées à tous les professionnels et personnes travaillant avec des personnes handicapées et aux proches des personnes handicapées ; de veiller à ce que le modèle du handicap fondé sur les droits de l’homme, la Convention et les observations générales du Comité soient pleinement pris en considération dans le cadre de ces activités ;

d)De réformer le Conseil national du handicap pour qu’il soit réellement indépendant d’un point de vue budgétaire et opérationnel ;

e)De garantir un accès direct et effectif à la justice aux personnes handicapées, en particulier celles dont la capacité d’agir est limitée, celles qui sont placées en institution et celles qui sont victimes d’une discrimination à raison de leur handicap ou pour un autre motif, en prévoyant des aménagements procéduraux qui soient également adaptés à l’âge ;

f)D’établir des mécanismes de plainte accessibles aux personnes handicapées au sujet des services sociaux, d’asseoir le rôle de défenseur des droits joué par le Commissariat aux droits fondamentaux et de renforcer le contrôle indépendant des installations et des programmes.

VII.Diffusion et suivi

117.Conformément à l’article 6 (par. 4) du Protocole facultatif, l’État partie doit soumettre ses observations au Comité dans les six mois suivant la réception des constatations, observations et recommandations que celui-ci lui a communiquées.

118.À l’issue de l’enquête, le Comité publiera le présent rapport ainsi que les observations de l’État partie. Le Comité demande à l’État partie de lui soumettre un rapport sur la suite donnée à ses recommandations, dans un délai d’un an à compter de la fin de l’enquête.

119.Le secrétariat du Comité communiquera le présent rapport à l’Union européenne en temps utile à l’issue de l’enquête afin qu’elle en prenne connaissance.