Observations finales concernant le septième rapport périodique de l’État plurinational de Bolivie *

Le Comité a examiné le septième rapport périodique de l’État plurinational de Bolivie (CEDAW/C/BOL/7) à ses 1896e et 1898e séances (CEDAW/C/SR.1896 et CEDAW/C/SR.1898), qui se sont tenues les 23 et 24 juin 2022. La liste de points et de questions établie par le groupe de travail de présession figure dans le document CEDAW/C/BOL/Q/7 et les réponses de l’État plurinational de Bolivie dans le document CEDAW/C/BOL/RQ/7.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le septième rapport périodique de l’État partie. Il le remercie de son rapport de suivi sur les précédentes observations finales du Comité (CEDAW/C/BOL/CO/5-6/Add.1) et de ses réponses écrites apportées à la liste de points et questions soulevés par le groupe de travail de présession. Il salue la présentation orale de la délégation et les éclaircissements complémentaires donnés en réponse aux questions orales et écrites posées par le Comité pendant le dialogue, qui fut constructif.

* Adoptées par le Comité à sa quatre-vingt-deuxième session (13 juin-1 er  juillet 2022).

Le Comité félicite l’État partie pour sa délégation de haut niveau, qui était dirigée par la Ministre de la présidence, María Nela Prada Tejada, et comprenait des représentants du Ministère de la justice et de la transparence institutionnelle, du Service plurinational pour les femmes et l’élimination du patriarcat « Ana María Romero », du Ministère du gouvernement, du Ministère de la présidence et de la Mission permanente de l’État plurinational de Bolivie auprès de l’Office des Nations Unies et d’autres organisations internationales à Genève.

B.Aspects positifs

Le Comité se félicite des progrès accomplis sur le front des réformes législatives depuis l’examen, en 2015, du rapport de l’État partie valant cinquième et sixième rapports périodiques (CEDAW/C/BOL/CO/5-6), et notamment de l’adoption des textes suivants :

a)le décret suprême no 4589 (2021), qui réglemente la loi no 2450 (2003), sur l’affiliation des employées et employés de maison à la Caisse nationale de santé ;

b)la loi no 1309 (2020), qui prévoit des mesures complémentaires dans le cadre de la situation d’urgence liée à la maladie à coronavirus (COVID-19), notamment l’interdiction des licenciements ou du recours au chômage temporaire ;

c)la loi no 1173 (2019) visant à accélérer la procédure pénale et à renforcer la lutte globale contre les violences faites aux enfants, aux adolescentes et adolescents et aux femmes ;

d)la loi no 1152 (2019) sur le système de santé unique, universel et gratuit qui facilite l’accès aux consultations de santé sexuelle et procréative, une attention particulière étant accordée aux femmes, aux filles et aux garçons, aux adolescentes et aux adolescents, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et aux membres des communautés autochtones paysannes et afro-boliviennes ;

e)la loi no 1096 (2018) sur les organisations politiques, qui oblige ces organisations à mettre en place un système d’élimination du patriarcat au sein de leurs règles, en vue de promouvoir la parité, l’égalité d’accès aux emplois et l’action positive ;

f)la loi n° 977 (2017) sur l’intégration professionnelle et l’aide financière aux personnes handicapées, et le décret suprême no 3437 du 20 décembre 2017 portant réglementation de ladite loi ;

g)la loi no 807 (2016) sur l’identité de genre ;

h)le décret suprême no 2935 (2016), qui réglemente la loi no 243 (2012) sur le harcèlement et la violence politiques à l’égard des femmes ;

i)la loi no 848 (2016) instaurant la Décennie du peuple afro-bolivien.

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et politique en vue d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité des genres, notamment l’adoption ou la mise en place de ce qui suit :

a)le décret suprême no 4650 du 5 janvier 2022, qui déclare 2022 comme étant l’Année de la révolution culturelle pour l’élimination du patriarcat : pour une vie sans violence à l’égard des femmes ;

b)la Commission nationale de suivi des affaires de féminicides en 2021 ;

c)l’arrêté ministériel no 196/2021 du 8 mars 2021, portant approbation de la procédure de traitement des plaintes pour harcèlement et harcèlement sexuel des femmes sur le lieu de travail ;

d)la résolution FGE/JLP/DAJ/2017/2020 du 27 novembre 2020, portant approbation du protocole normalisé pour la prise en charge spécialisée des victimes de la traite et du trafic d’êtres humains ;

e)le décret suprême no 4399 du 26 novembre 2020, qui renforce les mécanismes de prévention de la violence à l’égard des femmes et de prise en charge et de protection des femmes victimes de violence ;

f)le décret suprême no 4401 du 26 novembre 2020, portant approbation des mesures pour l’égalité d’accès à l’emploi et de rémunération ;

g)l’arrêté ministériel no 0282 du 28 mai 2020, portant approbation du protocole de traitement des femmes enceintes pendant la pandémie de COVID-19 ;

h)l’arrêté ministériel no 154/2019 du 31 décembre 2019, portant approbation du protocole interinstitutionnel pour la prise en charge et la protection des enfants, des adolescentes et adolescents et des femmes victimes de violence ;

i)le Cabinet spécial de lutte contre la violence à l’égard des femmes et des enfants, qui a déclaré que la lutte contre les féminicides et les violences à l’égard des femmes et des filles était une priorité nationale et a publié une liste de 10 domaines d’action clés en 2019 ;

j)les décrets suprêmes nos 3980 et 3981, portant approbation des stratégies visant à promouvoir la formation obligatoire à la prévention de la violence à l’égard des femmes pour les fonctionnaires, le personnel militaire et les entreprises du secteur public, en 2019 ;

k)le Système d’enregistrement et d’alerte rapide « Adela Zamudio » et la promotion de la spécialisation de la Force spéciale de lutte contre la violence « Genoveva Ríos », approuvés par le décret suprême no 3834 du 13 mars 2019 ;

l)le Service plurinational pour les femmes et l’élimination du patriarcat « Ana María Romero », approuvé par le décret suprême no 3774 du 16 janvier 2019 ;

m)l’arrêté ministériel no 2709/2017 du 17 octobre 2017, portant approbation du règlement visant à garantir le droit à l’éducation des élèves enceintes ;

n)le règlement concernant la réception des plaintes et des démissions liées au harcèlement et à la violence politiques à l’égard des femmes, approuvé par la décision TSE-RSP-ADM no 0158/2017 du 3 mai 2017 ;

o)la Commission interinstitutionnelle, dont le mandat est de mettre en œuvre une politique publique globale pour une vie décente des femmes boliviennes, approuvée par le décret suprême no 3106 du 8 mars 2017 ;

p)le Plan multisectoriel pour la promotion de l’élimination du patriarcat et du droit des femmes de vivre dans de bonnes conditions (2016-2020), approuvé par l’arrêté interministériel no 02/2016 ;

q)le protocole pour une justice tenant compte des questions de genre, approuvé par le Tribunal suprême de justice par décision no 126/2016 de la plénière du 22 novembre 2016, par l’accord no 23/2016 du 23 novembre 2016 et par l’accord no 193/2016 du 16 novembre 2016 de la Chambre plénière du Tribunal agricole et environnemental ;

r)la procédure technique pour la prestation de services de santé, y compris les avortements légaux et sûrs, dans le cadre de l’arrêt no 206/2014 de la Cour constitutionnelle plurinationale, approuvée par l’arrêté ministériel no 027/2015 du 29 janvier 2015.

Le Comité note avec satisfaction que, depuis l’examen du précédent rapport, l’État partie a ratifié les instruments internationaux et régionaux ci-après, ou y a adhéré :

a)l’Accord régional sur l’accès à l’information, la participation publique et l’accès à la justice à propos des questions environnementales en Amérique latine et dans les Caraïbes, en 2019 ;

b)la Convention interaméricaine sur la protection des droits de l’homme des personnes âgées, en 2017 ;

c)l’Accord de Paris sur les changements climatiques, en 2016.

C.Objectifs de développement durable

Le Comité se félicite du soutien apporté par la communauté internationale aux objectifs de développement durable et préconise le respect de l ’ égalité des genres en droit (de jure) et dans les faits (de facto), conformément aux dispositions de la Convention, dans tous les aspects de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l ’ horizon 2030. Il souligne l ’ importance de l ’ objectif 5 et de la prise en compte systématique des principes d ’ égalité et de non-discrimination dans la réalisation des 17 objectifs. Il encourage vivement l ’ État partie à reconnaître le rôle moteur joué par les femmes dans le développement durable de l ’ État plurinational de Bolivie et à adopter des politiques et des stratégies en conséquence.

D.Assemblée législative plurinationale

Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif s ’ agissant de garantir la pleine mise en œuvre de la Convention (voir A/65/38 , deuxième partie, annexe VI). Il invite l ’ Assemblée législative plurinationale, dans le cadre de son mandat, à prendre les mesures nécessaires en vue de mettre en œuvre les présentes observations finales avant la soumission du prochain rapport périodique en application de la Convention.

E.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Cadre constitutionnel et juridique

Le Comité félicite l’État partie d’avoir inclus le principe de non-discrimination et d’égalité des genres dans la Constitution, et d’avoir accompli des progrès dans l’adoption d’un cadre législatif et stratégique visant à éliminer la discrimination à l’égard des femmes. Il note également que les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ratifiés par l’État partie font partie intégrante du droit bolivien. Il reste toutefois préoccupé par :

a)les obstacles à l’application effective des lois et des politiques visant à protéger les droits des femmes ;

b)la visibilité insuffisante de la Convention, du Protocole facultatif s’y rapportant et des recommandations générales du Comité ainsi que le manque de sensibilisation y afférent ;

c)le manque d’informations dans les réponses de l’État partie sur les affaires judiciaires dans lesquelles les dispositions de la Convention ont été directement invoquées ou appliquées.

Conformément à l ’ article premier de la Convention et à la recommandation générale n o  28 (2010) concernant les obligations fondamentales des États parties découlant de l ’ article 2 de la Convention, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de renforcer l ’ application des lois et des politiques visant à éliminer la discrimination à l ’ égard des femmes dans tous les domaines couverts par la Convention  ;

b) de renforcer l ’ adoption de mesures appropriées pour garantir l ’ application de la Convention, de son protocole facultatif et de la jurisprudence du Comité, notamment en organisant des programmes systématiques de renforcement des capacités à l ’ intention des magistrats, des procureurs, des responsables de l ’ application des lois, des membres de l ’ Assemblée législative plurinationale et des autres fonctionnaires chargés de la mise en œuvre de la Convention  ;

c) de renforcer les efforts de sensibilisation aux droits des femmes et aux moyens de les faire respecter, en ciblant des groupes spécifiques tels que les femmes autochtones, afro-boliviennes, migrantes, demandeuses d ’ asile, réfugiées, handicapées et vivant dans des zones rurales et reculées, notamment en facilitant l ’ accès aux informations sur la Convention dans les langues autochtones et des formats accessibles, en coopération avec la société civile et les médias.

Accès des femmes à la justice

Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour réformer son système judiciaire et améliorer l’accès des femmes à la justice, notamment l’adoption du protocole pour une justice tenant compte des questions de genre, l’Observatoire de la justice et des questions de genre de la Cour constitutionnelle plurinationale, et les Concours d’éloquence tenant compte des questions de genre. Le Comité est néanmoins préoccupé par ce qui suit :

a)l’absence de prise en compte des questions de genre dans le système judiciaire, notamment les attitudes négatives à l’égard des femmes qui signalent des violations de leurs droits ;

b)les allégations concernant la corruption, le manque d’indépendance du pouvoir judiciaire et du ministère public, et le nombre élevé de juges et de procureurs nommés à titre provisoire ;

c)les obstacles financiers, linguistiques, physiques et géographiques entravant l’accès à la justice des femmes autochtones, afro-boliviennes et handicapées ;

d)la stigmatisation sociale et culturelle, qui dissuade les femmes et les filles de déposer des plaintes, notamment en ce qui concerne la violence fondée sur le genre, et leur accès limité aux informations sur les mécanismes et les procédures de recours en cas de violation de leurs droits, en particulier en milieu rural.

Conformément à sa recommandation générale n o  33 (2015) sur l ’ accès des femmes à la justice, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de renforcer systématiquement les capacités des juges, des procureurs, des avocats et des responsables de l ’ application des lois en ce qui concerne l ’ application directe de la Convention ou l ’ interprétation de la législation nationale à la lumière de celle-ci, dans le cadre des procédures judiciaires et administratives, et d ’ établir des indicateurs pour garantir que les affaires portées par des femmes sont gérées en tenant compte des questions de genre  ;

b) de redoubler d ’ efforts pour enquêter sur les cas de corruption du personnel de la justice et engager des poursuites, de punir dûment les auteurs et de garantir l ’ indépendance du pouvoir judiciaire et du ministère public, notamment en institutionnalisant le processus de nomination  ;

c) d ’ affecter les ressources humaines, techniques et financières nécessaires au secteur de la justice, en particulier dans les zones rurales et reculées, afin de permettre à toutes les femmes, notamment celles qui sont issues de groupes défavorisés et marginalisés, de faire valoir leurs droits et de renforcer le service plurinational de la défense publique  ;

d) de continuer à sensibiliser les femmes à leurs droits et à diffuser des informations sur les recours disponibles pour dénoncer les violations de leurs droits, et de garantir la disponibilité des recours juridiques, y compris des aménagements procéduraux, rapides et accessibles à toutes les femmes.

Mécanisme national de promotion des femmes

Le Comité se félicite de la création du Service plurinational pour les femmes et l’élimination du patriarcat « Ana María Romero ». Il reste toutefois préoccupé par :

a)le manque de coordination entre la Vice-Ministre de l’égalité des chances au Ministère de la justice, le Service d’élimination du patriarcat et de la décolonisation au Ministère des cultures, de la décolonisation et de l’élimination du patriarcat et le Service plurinational pour les femmes et l’élimination du patriarcat pour mettre en œuvre des politiques publiques sur l’égalité des genres à tous les niveaux du gouvernement, et les allocations budgétaires insuffisantes pour permettre au mécanisme national de remplir son mandat ;

b)l’absence d’un plan révisé de promotion des femmes et d’informations spécifiques et ventilées sur les investissements dans les politiques publiques liées aux droits des femmes, leur mise en œuvre et leurs résultats particuliers ;

c)le financement insuffisant et les retards dans la nomination de la médiatrice.

Rappelant les orientations contenues dans le Programme d ’ action de Beijing, notamment en ce qui concerne les conditions nécessaires au bon fonctionnement des mécanismes nationaux, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de renforcer les efforts visant à assurer la coordination entre la Vice-Ministre de l ’ égalité des chances, le Service d ’ élimination du patriarcat et de la décolonisation et le Service plurinational pour les femmes et l ’ élimination du patriarcat, et d ’ envisager la création d ’ un ministère de la femme chargé de coordonner toutes les politiques et les stratégies publiques en faveur de l ’ égalité des genres et de la promotion des femmes, avec des services compétents opérant au niveau infranational  ;

b) d ’ accroître les ressources humaines, techniques et financières allouées aux entités susmentionnées et d ’ approfondir les connaissances spécialisées du personnel en matière de genre, afin de lui permettre de promouvoir l ’ égalité des genres, d ’ intégrer les questions de genre dans toutes les politiques gouvernementales et d ’ adopter une budgétisation tenant compte de ces questions  ;

c) d ’ élaborer et de mettre en œuvre un plan détaillé pour l ’ égalité des genres et la promotion des femmes comprenant un système d ’ indicateurs afin d ’ améliorer la collecte de données ventilées et un mécanisme efficace de suivi, d ’ évaluation et d ’ établissement des responsabilités, et de veiller à ce que des ressources suffisantes soient allouées à sa mise en œuvre  ;

d) d ’ accélérer l ’ évaluation du Plan multisectoriel pour le progrès de l ’ élimination du patriarcat et le droit des femmes à vivre bien (2016-2020) et du Plan national pour l ’ égalité des chances (2009-2020)  ;

e) de fournir au Bureau de la médiatrice les ressources nécessaires à l ’ exécution de son mandat relatif aux droits des femmes et à l ’ assurance de son indépendance, dans le plein respect des Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris), et d ’ accélérer la mise en place d ’ un processus transparent et participatif de sélection et de nomination du (de la) médiateur(trice).

Stéréotypes fondés sur le genre

Le Comité se félicite des efforts déployés par l’État partie pour mettre fin aux attitudes patriarcale et aux pratiques préjudiciables, notamment la campagne en faveur de l’égalité des genres axée sur les filles. Il note toutefois avec préoccupation la persistance de stéréotypes concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société, qui perpétuent la discrimination à l’égard des femmes dans des domaines tels que la participation politique, l’éducation, l’emploi et la santé, ainsi que la violence fondée sur le genre et la charge disproportionnée des travaux domestiques et des soins non rémunérés qui incombe aux femmes.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de redoubler d ’ efforts pour mettre en œuvre une stratégie globale ciblant les filles, les garçons, les femmes et les hommes, en particulier les enseignantes et enseignants et les chefs religieux, en vue d ’ éliminer les stéréotypes discriminatoires sur les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société  ;

b) de continuer à sensibiliser les journalistes et d ’ autres professionnels des médias aux droits des femmes et à l ’ égalité des genres, et de promouvoir des images positives des femmes en tant qu ’ agents actifs du développement et des masculinités positives et non violentes.

Violence à l’égard des femmes fondée sur le genre

Le Comité prend note des mesures mises en place dans l’État partie pour répondre à la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, notamment la création de la Commission mixte spéciale chargée d’enquêter sur les retards dans le traitement et la résolution des cas de féminicides, et du service de la police bolivienne chargé des questions de genre. Il prend également note de l’arrêt de la Cour constitutionnelle no 01/2022 du 31 mars 2022, par lequel les différentes entités publiques sont invitées à adopter des mesures efficaces pour lutter contre la violence fondée sur le genre. Le Comité est néanmoins préoccupé par ce qui suit :

a)l’absence de tribunaux spécialisés se consacrant exclusivement à l’examen des affaires de violence à l’égard des femmes fondée sur le genre ;

b)l’incidence élevée de la violence fondée sur le genre, en particulier les féminicides et la violence sexuelle, ainsi que l’impunité généralisée des auteurs de ces actes ;

c)la définition du viol et de l’atteinte sexuelle sur mineur dans le Code pénal est incompatible avec les normes relatives aux droits humains et les filles ne peuvent déposer une plainte pour violence sexuelle qu’avec l’autorisation de leurs parents ou avec l’aide d’une organisation prestataire de services ou d’un(e) médiateur(trice) ;

d)le manque de coordination entre les autorités intervenant dans le traitement des cas de violence fondée sur le genre, malgré l’existence d’un formulaire de plainte unique, et les obstacles à la dénonciation de ces cas pendant la pandémie de COVID-19 ;

e)la protection insuffisante et inefficace contre les représailles pour les femmes victimes de la violence fondée sur le genre qui demandent justice ;

f)la non-conformité au devoir de précaution dans les enquêtes et les poursuites des cas de violence fondée sur le genre, y compris la revictimisation des rescapées, le manque d’application des ordonnances de protection et le nombre élevé d’affaires qui sont retirées pendant la phase d’enquête préliminaire ou résolues par d’autres méthodes ;

g)les services d’appui limités pour les victimes de la violence fondée sur le genre, y compris le manque de conseils psychosociaux, d’assistance juridique, d’abris adéquats et le manque de ressources pour fournir une gamme complète de services juridiques municipaux.

Rappelant sa recommandation générale n o  35 (2017) sur la violence à l ’ égard des femmes fondée sur le genre, portant actualisation de la recommandation générale n o  19, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de mettre en place des tribunaux spécialisés qui sont seuls compétents pour instruire les affaires de violence fondée sur le genre, et de nommer davantage de procureurs spécialisés dans ce domaine  ;

b) de modifier l ’ article 308 du code pénal pour ancrer la définition du viol sur l ’ absence de consentement plutôt que sur l ’ usage, ou la menace d ’ usage, de la force, et d ’ abroger l ’ article 309 du code pénal sur l ’ atteinte sexuelle sur mineur, qui suppose, dans la pratique, l ’ impunité pour les cas de viols et d ’ atteintes sexuelles sur les filles  ;

c) d ’ encourager le signalement de la violence à l ’ égard des femmes et des filles fondée sur le genre et d ’ abroger l ’ exigence pour les filles de fournir une autorisation parentale ou d ’ être accompagnée d ’ un membre d ’ une organisation prestataire de services ou d ’ un(e) médiateur(trice) pour signaler les cas de violence fondée sur le genre, notamment la violence sexuelle et la violence domestique  ;

d) de garantir la délivrance puis l ’ application et le suivi efficaces et rapides des ordonnances de protection dans les affaires de violence familiale, y compris, le cas échéant, des ordres d ’ expulsion, et d ’ imposer des sanctions suffisamment dissuasives en cas de non-respect de ces ordonnances  ;

e) de faire en sorte que toutes les affaires de violence fondée sur le genre fassent l ’ objet d ’ une enquête rigoureuse, que leurs auteurs soient poursuivis et punis comme il se doit, et qu ’ une réparation complète soit accordée aux victimes  ;

f) de veiller à mettre en place des services de soutien aux victimes appropriés et à garantir l ’ accès adéquat des victimes de la violence à l ’ égard des femmes aux traitements médicaux, y compris à des certificats médicaux gratuits, à un accompagnement psychologique, à une assistance juridique et à des abris, en particulier dans les zones rurales.

Traite et exploitation de la prostitution

Le Comité prend note de la nouvelle politique plurinationale de lutte contre la traite et le trafic d’êtres humains (2021-2025), des protocoles visant à aider les victimes, des accords bilatéraux et de la campagne « Une personne informée est une victime de moins ». Le Comité est néanmoins préoccupé par :

a)le fait que le Conseil plurinational de lutte contre la traite et le trafic d’êtres humains soit chargé de coordonner les efforts de lutte contre la traite au niveau national et, en même temps, d’évaluer les progrès réalisés dans le cadre des initiatives de lutte contre la traite ;

b)les difficultés liées à l’application de la loi no 263, relative à la lutte contre la traite et le trafic d’êtres humains, notamment au sein des autorités départementales et municipales autonomes ;

c)le manque de procédures propres à identifier rapidement les victimes de la traite et à les orienter vers les services compétents ;

d)les allégations concernant des retards et des refus s’agissant de la délivrance de visas humanitaires aux victimes étrangères de la traite si elles ne coopèrent pas avec les autorités ;

e)le manque d’informations sur les mesures prises pour aider les femmes qui souhaitent quitter la prostitution à accéder à des programmes de sortie et à d’autres sources de revenus.

Se référant à sa recommandation générale n o  38 (2020) sur la traite des femmes et des filles dans le contexte des migrations internationales, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) d ’ éliminer tout chevauchement d ’ autorité en ce qui concerne la mise en œuvre, la coordination et l ’ évaluation des efforts de lutte contre la traite des femmes et des filles  ;

b) d ’ enquêter, de poursuivre et de punir dûment les auteurs de la traite, de veiller à ce que les victimes obtiennent réparation intégrale, de renforcer la coopération internationale en vue de prévenir la traite et d ’ harmoniser les procédures juridiques qui permettent d ’ engager des poursuites contre les trafiquants  ;

c) de fournir systématiquement aux intervenants de première ligne, y compris les responsables de l ’ application des lois, le personnel chargé du contrôle aux frontières et les prestataires de soins de santé, une formation sur le repérage précoce des victimes et leur orientation vers les services compétents aux fins de leur protection et de leur réadaptation  ;

d) de fournir une assistance juridique, médicale et psychologique, y compris des visas humanitaires aux victimes de la traite d ’ origine étrangère, indépendamment de leur statut de témoin et de leur coopération avec les autorités  ;

e) de redoubler d ’ efforts pour améliorer la collecte de données, ventilées par sexe, âge, pays d ’ origine, nationalité et forme d ’ exploitation, sur les victimes de la traite  ;

f) d ’ augmenter le nombre et l ’ accessibilité des refuges publics, tant dans les zones urbaines que rurales, et d ’ allouer des ressources adéquates aux programmes de protection et de réadaptation des femmes et des filles victimes de la traite  ;

g) d ’ aider les femmes qui souhaitent quitter la prostitution à accéder à des programmes de sortie et à d ’ autres sources de revenus.

Participation à la vie politique et à la vie publique

Le Comité félicite l’État partie d’avoir adopté un cadre juridique visant à lutter contre le harcèlement et la violence politiques à l’égard des femmes et d’avoir pris des mesures pour assurer la parité et l’alternance, notamment en créant le Service chargé des questions de genre et l’Observatoire de la parité démocratique relevant du Tribunal électoral suprême. Il note également que, malgré une légère diminution de la proportion de femmes siégeant à la Chambre des députés, leur représentation atteint toujours l’objectif de parité. Le Comité est néanmoins préoccupé par ce qui suit :

a)la sous-représentation des femmes aux postes de décision au sein du gouvernement et du pouvoir judiciaire, et le manque d’informations sur les mesures prises pour accroître leur représentation aux postes de décision dans le secteur privé ;

b)les peines clémentes prévues par la loi no 243 sur le harcèlement et la violence politiques à l’égard des femmes, et le faible niveau d’adaptation des règlements au niveau municipal pour se conformer à ladite loi ;

c)l’absence de réglementation concernant le concept de « gestion partagée », dont l’objectif est d’assurer l’alternance entre l’autorité titulaire et l’autorité suppléante, ce qui a entraîné une série de démissions parmi les femmes exerçant des fonctions politiques ;

d)le suivi insuffisant des affaires et des démissions liées au harcèlement et à la violence politiques à l’égard des femmes, et le haut niveau d’impunité en résultant.

Rappelant sa recommandation générale n o  23 (1997) sur la participation des femmes à la vie politique et publique, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) d ’ adopter des mesures visant à accroître la représentation des femmes, notamment des femmes autochtones et des femmes d ’ ascendance africaine, aux postes de décision dans le gouvernement, le système judiciaire et le secteur privé  ;

b) d ’ entreprendre une évaluation, avec une large participation des organisations de femmes, de la loi n o  243, y compris des sanctions prévues et de la réglementation de la « gestion partagée », et de renforcer le suivi de son application au niveau municipal  ;

c) de renforcer le Mécanisme de prévention et d ’ intervention rapide pour la défense des droits des femmes victimes de harcèlement et de violence politiques, en le dotant des ressources nécessaires pour remplir son rôle  ;

d)de faire en sorte que les plaintes déposées par les femmes pour violence et harcèlement politiques fassent l ’ objet d ’ une enquête rapide, approfondie et impartiale  ; que les responsables soient poursuivis et dûment sanctionnés  ; et que les victimes reçoivent des réparations adéquates, notamment la réintégration, des excuses publiques et des garanties de non-répétition.

Éducation

Le Comité se félicite des résultats obtenus par l’État partie en matière de réduction des taux d’abandon scolaire et d’analphabétisme, ainsi que de la mise en place de 26 programmes d’enseignement interculturels régionaux. Il prend note du protocole de prévention et d’intervention relatif aux plaintes concernant le traitement des cas de violence physique, psychologique et sexuelle dans les écoles et les centres d’éducation spéciale. Le Comité est néanmoins préoccupé par :

a)l’accès limité des filles vivant en milieu rural à l’enseignement secondaire, leur taux de rétention scolaire plus faible en raison d’un travail domestique excessif, notamment pendant la pandémie de COVID-19, les grossesses précoces, le manque de compétences numériques et l’accès limité aux technologies, ainsi que les longues distances à parcourir pour accéder aux établissements d’enseignement technique et professionnel et aux universités dans les zones rurales ;

b)la violence à l’égard des femmes et des filles fondée sur le genre, y compris la violence sexuelle, dans les milieux éducatifs ;

c)la sous-représentation des femmes et des filles dans les filières d’études et les carrières non traditionnelles, notamment dans les domaines des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques ;

d)l’absence d’éducation sexuelle complète et adaptée à l’âge à tous les niveaux d’enseignement ;

e)la mise en œuvre insuffisante des programmes d’enseignement interculturels régionaux et du quota de 20 % d’admission directe de femmes autochtones et afro-boliviennes dans les écoles normales des instituteurs ;

f)l’absence d’une politique d’éducation inclusive, le faible nombre de filles et de femmes handicapées inscrites dans l’enseignement général et leur taux d’abandon élevé.

Rappelant sa recommandation générale n o  36 (2017) sur le droit des filles et des femmes à l ’ éducation, le Comité recommande à l ’ État partie de sensibiliser l ’ opinion à l ’ importance de l ’ éducation des filles à tous les niveaux aux fins de leur autonomisation, et  :

a) de veiller à assurer l ’ accès adéquat des filles issues de groupes défavorisés et marginalisés, à savoir les filles autochtones, afro-boliviennes, handicapées, réfugiées, migrantes et vivant en milieu rural, à une éducation de qualité et leur rétention scolaire, en particulier dans l ’ enseignement secondaire et supérieur et dans les zones rurales, notamment en  :

i) facilitant l ’ inscription des filles issues de groupes marginalisés dans les établissements d ’ enseignement à tous les niveaux  ;

ii) garantissant la mise en œuvre de programmes d ’ enseignement interculturels régionaux et en adoptant une politique globale d ’ éducation inclusive  ;

iii) lançant des campagnes d ’ alphabétisation visant à atteindre les femmes adultes et âgées  ;

b) de mettre en œuvre une politique de tolérance zéro à l ’ égard de la violence fondée sur le genre, y compris la violence sexuelle, en milieu scolaire, de veiller à ce que les auteurs de ces actes soient dûment punis, et de recueillir des données statistiques ventilées sur ces incidents  ;

c) d ’ encourager les femmes et les filles à choisir des domaines d ’ études et des parcours professionnels non traditionnels, en particulier dans les sciences, la technologie, l ’ ingénierie, les mathématiques, l ’ informatique et les communications  ;

d) de veiller à ce que les filles enceintes et les jeunes mères puissent poursuivre leur éducation pendant et après la grossesse et de garantir le respect du règlement approuvé à cet effet  ;

e) de garantir l ’ inclusion dans les programmes scolaires, à tous les niveaux d ’ enseignement, d ’ une éducation à la santé sexuelle et procréative et aux droits connexes, y compris un comportement sexuel responsable et l ’ utilisation de contraceptifs, qui tienne compte des questions de genre et soit adaptée à l ’ âge des élèves, afin de prévenir les grossesses précoces et les infections sexuellement transmissibles, et de dispenser systématiquement une formation aux enseignantes et enseignants sur la santé sexuelle et procréative et les droits connexes.

Emploi

Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour favoriser l’égalité d’accès des femmes et des hommes à l’emploi et à la rémunération, notamment le programme « Mon premier emploi décent » et le programme d’aide à l’emploi. Il reste toutefois préoccupé par :

a)la concentration des femmes dans l’économie informelle, dans des emplois précaires et temporaires, sans accès à la protection sociale, en particulier depuis le début de la pandémie de COVID-19 ;

b)l’écart de rémunération persistant entre les femmes et les hommes ;

c)l’insuffisance des mesures de protection des femmes contre le harcèlement sexuel sur le lieu de travail ;

d)le contrôle insuffisant dont font l’objet la protection sociale et les droits du travail des employées de maison ;

e)le manque de reconnaissance du travail domestique et des soins fournis par les femmes ;

f)le taux de chômage élevé des femmes handicapées et l’application insuffisante de quotas d’emploi les concernant dans les secteurs public et privé.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) d ’ adopter des mesures ciblées pour promouvoir l ’ accès des femmes à l ’ emploi formel, notamment aux postes de direction et aux emplois mieux rémunérés dans des professions traditionnellement dominées par les hommes, et pour atténuer les effets de la pandémie de COVID-19 sur les femmes sur le marché du travail  ;

b) d ’ appliquer le principe « à travail égal, salaire égal » et d ’ éliminer la ségrégation des emplois, tant horizontale que verticale  ;

c) de renforcer les mécanismes de résolution des plaintes liées au travail pour lutter contre la discrimination fondée sur le sexe, y compris le harcèlement sexuel sur le lieu de travail, d ’ imposer des sanctions appropriées aux auteurs de ces actes, et d ’ envisager de ratifier la Convention de 2019 sur la violence et le harcèlement (n o  190) de l ’ Organisation internationale du Travail  ;

d) de promouvoir le partage équitable des responsabilités familiales et domestiques entre les femmes et les hommes, d ’ accroître la disponibilité de structures de garde d ’ enfant abordables, d ’ aménager les modalités de travail des femmes et des hommes, et de concevoir une politique nationale globale en matière de soins  ;

e) de reconnaître la valeur du travail domestique et des soins non rémunérés, en tenant compte de la contribution de ces tâches à l ’ économie et en les incluant dans la comptabilité nationale  ;

f) de contrôler les conditions d ’ emploi des employées de maison et de veiller à ce qu ’ elles aient accès à la protection sociale, y compris à l ’ assurance maladie, et à des voies de recours efficaces et confidentielles pour déposer des plaintes concernant l ’ exploitation et les conditions de travail abusives  ;

g) de promouvoir l ’ emploi des femmes handicapées dans les secteurs public et privé, et de leur fournir des aménagements raisonnables sur le marché du travail général.

Santé

Le Comité prend note des mesures prises par l’État partie pour étendre les services gratuits de santé sexuelle et procréative à toutes les femmes, quel que soit leur âge, par l’intermédiaire du Système unique de santé. Il se félicite des campagnes visant à promouvoir l’utilisation de méthodes contraceptives modernes, conformément à l’arrêt de la Cour interaméricaine des droits de l’homme dans l’affaire IV* c. Bolivie. Le Comité est néanmoins préoccupé par ce qui suit :

a)l’absence d’une loi et d’un plan stratégique concernant les droits liés à la sexualité et les droits en matière de procréation ;

b)les taux élevés de mortalité maternelle et infantile dans l’État partie, en dépit d’une légère baisse, et les interruptions de l’accès aux accouchements assistés par du personnel qualifié et aux soins prénatals et postnatals pendant la pandémie ;

c)la criminalisation de l’avortement et les difficultés à mettre en œuvre l’arrêt no 206/2014 de la Cour constitutionnelle plurinationale, qui supprime l’exigence d’une autorisation judiciaire pour accéder à l’avortement légal, ainsi que la méconnaissance de l’arrêt, le manque d’équipement, le taux élevé d’objection de conscience des médecins et la demande d’exigences supplémentaires ;

d)l’accès limité des femmes et des filles à des méthodes de contraception modernes et abordables, en particulier dans les zones rurales, et les difficultés auxquelles les adolescentes font face lorsqu’elles souhaitent avoir des informations sur la santé sexuelle et procréative et les droits connexes ;

e)le nombre élevé de grossesses précoces et l’absence dans les programmes scolaires d’un enseignement obligatoire sur la santé sexuelle et procréative et les droits connexes ;

f)la couverture insuffisante de la politique de santé familiale communautaire interculturelle, les obstacles que doivent surmonter les femmes autochtones pour accéder à des services de santé abordables dans les zones rurales, notamment les longues distances, le manque d’accès à l’information et à des services culturellement adaptés, et les formes de discrimination croisée ;

g)l’accessibilité limitée des services de santé pour les femmes handicapées, le manque de personnel de santé ayant la formation voulue et les formes de discrimination croisée à l’égard des femmes handicapées dans le système de santé.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) d ’ adopter une loi générale sur la santé sexuelle et procréative et un plan stratégique détaillé, assorti d ’ objectifs clairs, d ’ indicateurs et d ’ un système de suivi et bénéficiant d ’ une allocation budgétaire suffisante  ;

b) de redoubler d ’ efforts pour réduire le rapport de mortalité maternelle, notamment en améliorant, sur l ’ ensemble de son territoire, l ’ accès aux soins prénatals et postnatals et aux services obstétriques d ’ urgence fournis par du personnel d ’ accouchement qualifié  ;

c)de veiller au respect de la décision de la Cour constitutionnelle d ’ abolir l ’ exigence d ’ une autorisation judiciaire pour l ’ avortement, et de garantir un accès effectif à l ’ avortement en cas de viol, d ’ inceste et de menaces pour la vie ou la santé de la femme enceinte  ; de décriminaliser l ’ avortement dans tous les autres cas  ; de veiller à ce que l ’ exercice de l ’ objection de conscience n ’ entrave pas l ’ accès réel des femmes aux services de santé sexuelle et procréative  ;

d) de faire en sorte que toutes les femmes et les filles, en particulier dans les zones rurales, aient accès à des méthodes de contraception modernes et gratuites, y compris la contraception d ’ urgence, ainsi qu ’ à des informations et à des conseils sur la planification familiale  ;

e) de renforcer la mise en œuvre de stratégies visant à prévenir les grossesses précoces, notamment par l ’ approbation d ’ un nouveau plan à cet effet et par une éducation complète sur la santé sexuelle et procréative et les droits connexes  ;

f) d ’ étendre le champ d ’ application de la politique de santé familiale communautaire interculturelle et d ’ allouer les ressources nécessaires pour garantir l ’ accès à des services de santé abordables et culturellement adaptés aux femmes et aux filles des zones rurales, ainsi qu ’ aux femmes autochtones et afro-boliviennes  ;

g) de garantir l ’ accessibilité des services et des établissements de soins de santé aux femmes et aux filles handicapées, de former les professionnels de la santé à leurs besoins spécifiques à cet égard, y compris leurs droits en matière de santé sexuelle et procréative, et de sensibiliser aux formes de discrimination croisée auxquelles elles se heurtent dans le système de santé.

Autonomisation économique

Le Comité se félicite des initiatives lancées en faveur des femmes, entre autres, par la Banque pour le développement productif, telles que le Fonds de capitaux de démarrage et les crédits accordés dans le cadre du projet « Jefa de hogar » (femme chef de famille). Il prend note de la stratégie en faveur de l’égalité des genres visant à autonomiser les femmes dans les secteurs productif, industriel et commercial et du projet de renforcement de l’autonomisation des femmes dans le nord de la région amazonienne. Toutefois, le Comité est préoccupé par la faible proportion de femmes dans la population économiquement active ayant accès à une forme de crédit, et par l’insuffisance des mesures visant à garantir que les femmes autochtones et rurales bénéficient de la mise en œuvre de projets de développement sur leur territoire. Il note en outre le manque de prise en compte des questions de genre dans des programmes tels que le Fonds de développement autochtone.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) d ’ accroître la participation des femmes, y compris celles employées dans l ’ économie informelle, à l ’ élaboration de stratégies visant à faciliter leur accès au crédit financier, comme les prêts à faible taux d ’ intérêt, ainsi qu ’ aux possibilités d ’ entrepreneuriat et de création d ’ entreprises indépendantes  ;

b) de renforcer le Fonds de développement autochtone en y intégrant des politiques d ’ équité de genre et de faciliter l ’ accès des femmes autochtones aux ressources financières et aux projets productifs durables en vue de leur autonomisation économique.

Femmes des zones rurales et changements climatiques

Le Comité se félicite des progrès accomplis par l’État partie dans l’octroi de titres fonciers aux femmes des zones rurales, ainsi que des programmes d’accès à l’eau, d’atténuation des risques et de lutte contre les changements climatiques qui leur bénéficient directement, notamment le programme MIAGUA et le programme Plus d’investissements pour l’irrigation (MIRIEGO). Il reste toutefois préoccupé par :

a)la féminisation de la pauvreté et l’accès limité des femmes rurales aux ressources agricoles, notamment la terre, l’eau, le crédit, les services financiers et les apports agricoles, ainsi que leur contrôle restreint sur ces ressources ;

b)l’accès limité des femmes et des filles des zones rurales à la justice, aux services de soutien aux victimes de la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, à l’éducation, à l’informatique et aux communications et aux soins de santé ;

c)la sous-représentation des femmes des zones rurales dans la prise de décision sur les politiques agricoles et dans les postes de direction, y compris au niveau local.

Conformément à ses recommandations générales n o  34 (2016) sur les droits des femmes rurales et n o  37 (2018) relative aux aspects liés au genre de la réduction des risques de catastrophe dans le contexte des changements climatiques, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de lutter contre la pauvreté qui touche les femmes des zones rurales en leur garantissant l ’ accès à des services adéquats d ’ approvisionnement en eau et d ’ assainissement, à la propriété et à l ’ utilisation des terres, au crédit, aux services financiers et aux apports agricoles, ainsi qu ’ à la justice, aux services de soutien aux victimes, à l ’ éducation, à l ’ informatique et aux communications, à l ’ emploi formel et aux soins de santé  ;

b) d ’ intégrer la prise en compte des questions de genre dans ses politiques agricoles et d ’ assurer la participation effective des femmes des zones rurales à la prise de décision sur les politiques agricoles et aux postes de direction, en particulier au niveau local.

Femmes autochtones et afro-boliviennes

Le Comité est préoccupé par ce qui suit :

a)les informations limitées sur les résultats du plan d’action pour la décennie du peuple afro-bolivien ;

b)les formes de discrimination croisée fondées sur la race, l’appartenance ethnique et le genre que subissent les femmes autochtones et afro-boliviennes, leur taux élevé de chômage et les obstacles entravant leur participation à la vie politique et publique ainsi que leur accès à l’emploi, aux possibilités économiques et à des services de soins de santé adéquats ;

c)l’absence de cadre juridique et de mécanismes efficaces pour garantir le partage des avantages et le consentement préalable, libre et éclairé des femmes autochtones et afro-boliviennes s’agissant des activités minières et de l’extraction d’hydrocarbures sur leurs territoires ;

d)les rapports faisant état de niveaux élevés de violence fondée sur le genre, ainsi que d’intimidations et de représailles, à l’égard des défenseurs des droits humains des femmes autochtones et afro-boliviennes, notamment pendant la crise politique de 2019 et de 2020.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de faire en sorte que ses politiques ciblant les femmes autochtones et afro-boliviennes, y compris le plan d ’ action pour la décennie du peuple afro-bolivien, tiennent compte des questions de genre et des dimensions interculturelles  ;

b) de renforcer son cadre juridique et de mettre en place des mécanismes efficaces pour que les activités de l ’ industrie minière et extractive soient soumises au consentement préalable, libre et éclairé des femmes autochtones, afro-boliviennes et rurales concernées et que leurs bénéfices soient partagés de manière adéquate  ;

c) d ’ enquêter sur tous les actes de violence fondée sur le genre, d ’ intimidation et de représailles à l ’ égard des défenseurs des droits humains des femmes autochtones et afro-boliviennes, et d ’ assurer des voies de recours et des réparations effectives aux victimes de ces actes.

Femmes handicapées

Le Comité est préoccupé par :

a)les restrictions concernant la capacité juridique, l’accès à la justice et le droit des femmes handicapées de contracter un mariage et d’exercer des fonctions parentales ;

b)l’accessibilité limitée, pour les femmes handicapées, des établissements et services de soins de santé, en particulier des services de santé sexuelle et procréative, dans l’État partie ;

c)la ségrégation des femmes et des filles handicapées dans les établissements d’éducation spéciale en raison d’une approche purement médicale du handicap, et le faible taux de scolarisation des filles handicapées ;

d)l’accès limité des femmes handicapées aux possibilités d’emploi et l’absence d’aménagements raisonnables sur le lieu de travail.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de supprimer les restrictions à la capacité juridique des femmes handicapées et de garantir leur égal accès à la justice, au mariage et aux droits parentaux  ;

b) de garantir l ’ accessibilité des établissements et des services de soins de santé aux femmes et aux filles handicapées et de veiller au respect de leurs choix en matière de sexualité et de procréation  ;

c) d ’ adopter et de mettre en œuvre une politique d ’ éducation inclusive, en favorisant la scolarisation des filles et des femmes handicapées et la formation des enseignantes et enseignants à l ’ éducation inclusive  ;

d) de garantir l ’ accessibilité des lieux de travail et de faire respecter le quota de participation des femmes handicapées au marché du travail  ;

e) de recueillir des données ventilées par âge et par origine ethnique sur la participation des femmes handicapées dans tous les domaines relevant de la Convention, afin d ’ éclairer la formulation des lois et des politiques et de surmonter les obstacles qui empêchent les femmes handicapées d ’ exercer leurs droits.

Femmes victimes d’autres formes de discrimination croisée

Le Comité est préoccupé par ce qui suit :

a)l’accès limité des femmes placées en détention à l’éducation, à la formation professionnelle et aux soins de santé ainsi que les informations insuffisantes sur le recours à des mesures de substitution à la détention ;

b)le caractère répandu des discours de haine et de la violence en ligne contre les femmes lesbiennes, bisexuelles, transgenres et intersexes, ainsi que les informations signalant des faits de violence fondée sur le genre, de détention arbitraire et de violation du droit à la vie privée, commis en particulier par le personnel chargé de l’application des lois.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de veiller à ce que les femmes placées en détention aient accès à l ’ éducation, à la formation professionnelle et aux soins de santé et de promouvoir le recours à des mesures alternatives à la détention, en particulier pour les femmes enceintes et les femmes ayant des enfants  ;

b) d ’ enquêter sur les discours de haine et les violences en ligne ciblant les femmes lesbiennes, bisexuelles, transgenres et intersexes, de poursuivre et de sanctionner dûment leurs auteurs, ainsi que les autres formes de violence fondée sur le genre visant ces femmes, les détentions arbitraires et les violations de leur droit à la vie privée, y compris lorsque ces actes sont le fait des responsables de l ’ application des lois.

Mariage et rapports familiaux

Le Comité prend note de l’adoption de la loi no 807 (2016), sur l’identité de genre, qui a établi une procédure administrative permettant de changer le nom, le sexe et la photographie des personnes transsexuelles et transgenres. Il se félicite des efforts déployés pour remédier aux disparités en matière d’héritage foncier. Le Comité est néanmoins préoccupé par ce qui suit :

a)l’article 11 (II) de la loi no 807 sur l’identité de genre prive de fait les femmes transsexuelles et transgenres d’un certain nombre de droits et a été déclaré inconstitutionnel par l’arrêt de la Cour constitutionnelle plurinationale no 0076/2017 du 9 septembre 2017 et l’acte constitutionnel plurinational no 0028/17 du 22 novembre 2017 ;

b)le refus d’enregistrer les unions libres ou de fait de couples de même sexe, sur la base d’une décision qui a fait l’objet d’un recours devant la Cour constitutionnelle ;

c)la forte prévalence des mariages d’enfants et des unions forcées chez les filles de moins de 15 ans, notamment dans les zones rurales, qui résultent souvent de violences sexuelles, de grossesses forcées, de contextes familiaux violents et de la pauvreté ;

d)les effets des mariages d’enfants et des unions forcées sur les chances de réussite dans la vie des jeunes femmes et des filles et la nécessité de fournir des dispositifs de soutien économique, éducatif et psychologique directs et ciblés ;

e)l’écart entre la loi sur les droits de succession égaux et la réalité dans certains territoires autonomes.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) de réviser les lois existantes afin de garantir que les femmes lesbiennes, bisexuelles, transgenres et intersexes accèdent sur un pied d ’ égalité aux droits inscrits dans la Convention, y compris l ’ égalité des droits dans le mariage ou les relations familiales  ;

b) de modifier le code de la famille et de procédure familiale afin de fixer l ’ âge minimum du mariage et des unions de fait à 18 ans pour les femmes et les hommes, sans exception, et de mener des campagnes de sensibilisation auprès des parents, des enseignantes et enseignants et des chefs religieux sur les effets néfastes des mariages d ’ enfants sur les filles  ;

c) de mettre en place ou de renforcer des mesures ciblées visant à accompagner les jeunes femmes et les filles mariées ou vivant en union de fait à l ’ aide de systèmes de garde d ’ enfants dans les communautés rurales et urbaines, afin de faciliter leur accès à des programmes spéciaux et à des possibilités d ’ emploi  ;

d) de veiller à ce que les femmes qui ont pu être dépossédées de leur héritage puissent recouvrer leurs droits au moyen d ’ une action civile et de la mise à jour du cadastre effectuée par l ’ entité foncière.

Modification apportée au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention

Le Comité invite l ’ État partie à accepter dans les meilleurs délais l ’ amendement au paragraphe 1 de l ’ article 20 de la Convention relatif à la durée des sessions du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité invite l ’ État partie à s ’ appuyer sur la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing et à continuer d ’ évaluer la réalisation des droits consacrés par la Convention dans le contexte de l ’ examen, après 25 ans, de la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d ’ action de Beijing afin de parvenir à une égalité réelle entre les femmes et les hommes.

Diffusion

Le Comité prie l ’ État partie de veiller à diffuser rapidement les présentes observations finales, dans les langues officielles du pays, auprès des institutions publiques concernées à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier auprès du Gouvernement, de l ’ Assemblée législative plurinationale et de la magistrature, afin d ’ en permettre la pleine application.

Assistance technique

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ établir un lien entre l ’ application de la Convention et l ’ action qu ’ il mène en faveur du développement, et de faire appel à cette fin à l ’ assistance technique régionale ou internationale.

Suite donnée aux observations finales

Le Comité prie l ’ État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu ’ il aura prises pour appliquer les recommandations énoncées aux paragraphes 18 b) et d), 24 e) et 28 d) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité invite l ’ État partie à soumettre son huitième rapport périodique en juillet 2026. Le rappo rt devra être présenté dans les délais et couvrir toute la période écoulée, jusqu ’ à la date à laquelle il sera soumis.

Le Comité invite l ’ État partie à se conformer aux directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits humains, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument ( HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).