Observations finales concernant les cinquième et sixième rapports périodiques (présentés en un seul document) du Burundi *

Le Comité a examiné les cinquième et sixième rapports périodiques (présentés en un seul document) du Burundi (CEDAW/C/BDI/5-6) à ses 1435e et 1436e séances, le 26 octobre 2016 (voir les documents CEDAW/C/SR.1435 et CEDAW/C/SR.1436). La liste des points et questions soulevés par le Comité figure dans le document CEDAW/C/BDI/Q/5-6 et les réponses du Burundi dans le document CEDAW/C/BDI/Q/5-6/Add.1.

A.Introduction

Le Comité remercie l’État partie d’avoir soumis ses cinquième et sixième rapports périodiques (présentés en un seul document). Il le remercie également de ses réponses écrites à la liste des points et questions soulevés par le groupe de travail d’avant-session et accueille avec satisfaction la présence de sa délégation, l’exposé oral de celle-ci et les précisions supplémentaires apportées par écrit en réponse aux questions posées oralement par le Comité pendant l’échange de vues.

Le Comité rend hommage à l’État partie pour sa délégation, dirigée par Mme Elisa Nkerabirori, Assistante du Ministre des droits de la personne humaine, des affaires sociales et du genre, et également composée de représentants du Sénat, du Ministère des droits de la personne humaine, des affaires sociales et du genre, du Ministère de l’éducation, de la formation professionnelle et de la recherche scientifique, du Ministère de la justice et de la Mission permanente du Burundi auprès de l’Office des Nations Unies et d’autres organisations internationales à Genève.

B.Aspects positifs

Le Comité se félicite des progrès accomplis en matière de réformes législatives depuis qu’il a examiné le rapport unique valant deuxième, troisième et quatrième rapports périodiques (CEDAW/C/BDI/4) de l’État partie en 2008, en particulier de l’adoption des lois suivantes :

a)La loi no 1/13 du 22 septembre 2016 portant protection des victimes et prévention et répression des violences sexuelles et sexistes;

b)La loi no°1/28 du 29 octobre 2014 portant prévention et répression de la traite des personnes et protection des victimes;

c)La loi no°1/04 du 5 janvier 2011 portant création de la Commission nationale indépendante des droits de l’homme;

d)La loi no°1/05 du 22 avril 2009 modifiant le Code pénal et le Code de procédure civile pour renforcer les sanctions encourues par les auteurs d’actes de violence commis sur les femmes, définir plus clairement le viol et criminaliser le harcèlement sexuel.

Le Comité se félicite des initiatives prises par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et son cadre de décision en vue d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et d’assurer l’égalité des sexes, telles que l’adoption d’une politique nationale de promotion de l’égalité des sexes (dénommée « Politique nationale Genre ») portant sur la période 2012-2025 et la création du Ministère des droits de la personne humaine, des affaires sociales et du genre. 

Le Comité se réjouit du fait que depuis l’examen de son précédent rapport, l’État partie ait ratifié les instruments internationaux et régionaux énumérés ci-après ou adhéré à ces textes :

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif s’y rapportant, en 2014;

b)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en 2013;

c)Le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, en 2012;

d)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés et celui concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en 2008.

C.Parlement

Le Comité souligne que le rôle du pouvoir législatif est déterminant pour assurer la pleine exécution de la Convention (voir la déclaration du Comité relative à ses relations avec les parlementaires, adoptée à sa quarante-cinquième session en 2010). Il invite le Parlement à prendre, conformément à son mandat, les dispositions nécessaires à la mise en œuvre des présentes observations finales d ’ ici à la présentation du prochain rapport périodique de l ’ État partie au titre de la Convention.

D.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Contexte général

Le Comité prend acte de l’instabilité politique que l’État partie connaît depuis avril 2015, laquelle est venue accroître les violences et porter l’insécurité à des niveaux élevés. Il juge particulièrement préoccupant que cette situation ait, parallèlement au non-respect de la primauté du droit, contribué à la multiplication des actes de violence sexuelle et sexiste graves commis sur les femmes et les filles par les policiers, les militaires et les Imbonerakure, les membres du mouvement des jeunes du parti au pouvoir. En outre, le Comité déplore que l’État partie ait l’intention de se retirer du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, qu’il ait rejeté l’enquête indépendante sur le Burundi menée en exécution de la résolution S­24/1 du Conseil des droits de l’homme (voir le document A/HRC/33/37) et, par conséquent, déclaré les experts persona non grata sur son territoire, qu’il ait refusé de coopérer avec la commission d’enquête créée par le Conseil (voir la résolution 33/24) et qu’il soit en train de réexaminer sa coopération avec le Bureau du Haut­Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme dans le pays ainsi que la présence même de cet organe.

Dans le droit fil de sa recommandation générale n o °30 (2013) sur les femmes dans la prévention des conflits, les conflits et les situations d ’ après conflit, le Comité invite l ’ État partie à :

a) Combattre efficacement l ’ impunité et s ’ acquitter de l ’ obligation de diligence voulue qui lui incombe de prévenir les actes de violence perpétrés sur les femmes et les filles par les policiers, les militaires et les Imbonerakure, de mener des enquêtes sur ces actes, de les poursuivre et de les punir;

b) Dispenser systématiquement une formation à tous les responsables de l ’ application des lois, les militaires et les Imbonerakure sur les droits de l ’ homme des femmes;

c) Garantir l ’ accès sans entrave des organismes des Nations Unies, notamment du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme et de la commission d ’ enquête, à toutes les régions du Burundi;

d) Continuer de coopérer avec le Procureur de la Cour pénale internationale sur les enquêtes préliminaires en cours et toute instruction officielle ou toutes poursuites judiciaires qui interviendraient en fin de compte pour lui permettre de suivre les violations des droits de l ’ homme perpétrées à l ’ encontre des civils, notamment des femmes et des filles, et de rassembler des informations sur ces violations, ainsi que d ’ en déterminer toute l ’ ampleur et toute la nature.

Femmes et paix et sécurité

Le Comité se félicite du plan d’action national de mise en œuvre de la résolution 1325 (2000) sur les femmes et la paix et la sécurité portant sur la période 2012-2016. Néanmoins, il constate avec préoccupation que les ressources affectées à ce plan d’action sont insuffisantes, que celui-ci est mal appliqué et que les femmes ne participent pas utilement et de façon inclusive à la prise de décisions et aux négociations de paix, notamment au règlement de la crise actuelle.

Rappelant ses recommandations générales n os °25 (2004) sur les mesures temporaires spéciales et 30, le Comité demande instamment à l ’ État partie :

a) De veiller à ce que les femmes participent utilement et de façon inclusive au règlement du conflit actuel ainsi qu ’ à la mise au point et à l ’ exécution de mesures de justice réparatrice pour rétablir la confiance et la paix durable au sein des communautés frappées par la violence pendant le conflit actuel;

b) De procéder au renouvellement du plan d ’ action national, conformément aux recommandations formulées dans l ’ étude mondiale sur la mise en œuvre de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité et des résolutions adoptées par la suite sur les femmes et la paix et la sécurité, et de mettre au point des programmes de renforcement des capacités des femmes désireuses de participer à ces opérations;

c) D ’ établir une feuille de route assortie d ’ un délai clair, de points de référence et d ’ un budget spécial qui serait utilisée pour exécuter le nouveau plan d ’ action national, de mettre au point des indicateurs permettant d ’ en suivre régulièrement l ’ exécution et de créer des mécanismes de mise en œuvre de la responsabilité.

Lois discriminatoires

Le Comité se félicite de la consécration des principes d’égalité et de non-discrimination par les articles 13 et 22 de la Constitution de 2005. Néanmoins, comme dans ses observations antérieures (CEDAW/C/BDI/CO/4, par. 11), il juge préoccupant que l’État partie n’ait guère pris de mesures pour modifier les lois en vigueur qui établissent une discrimination à l’égard des femmes, notamment le Code des personnes et de la famille (art. 38, 88, 122 et 126), le Code de la nationalité (art. 4), le Code du travail (titre 4) et le Code pénal (art. 353 à 357, 363 et 539). Le Comité est conscient des efforts faits par l’État partie pour entamer le réexamen de certaines de ces lois, mais il déplore qu’aucun délai n’ait été prévu pour les réviser ou les abroger. En outre, comme dans ses observations antérieures (CEDAW/C/BDI/CO/4, par. 13), il juge préoccupant que l’application du droit coutumier pour pallier le vide juridique existant en matière de successions, de régimes matrimoniaux et de libéralités ait pour effet de mettre les femmes dans l’impossibilité d’exercer les droits que leur reconnaissent les articles 13 à 16 de la Convention.

Le Comité appelle l ’ attention sur les liens unissant les articles 1 et 2 de la Convention à la cible 5.1 des objectifs de développement durable qui consiste à mettre fin, partout dans le monde, à toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes et des filles. Il recommande à l ’ État partie d ’ accélérer son processus de réforme des lois et de procéder, dans un délai précis, à l ’ abrogation de toutes ses dispositions discriminatoires, à l ’ harmonisation de toutes ses lois à la lumière de la Convention et à leur exécution effective.

Accès à la justice

Le Comité se félicite de l’incorporation directe de la Convention dans la Constitution de 2005 à l’aide de son article 19, mais il déplore que les dispositions de la Convention ne soient ni invoquées dans les jugements et arrêts ni systématiquement respectées dans les décisions judiciaires. Il déplore également que l’indépendance des juges fasse défaut dans le pays selon les informations reçues, avec pour conséquence l’impunité des auteurs d’actes de discrimination à l’égard des femmes, notamment d’actes de violence sexuelle et sexiste. Il constate qu’en pratique, le système judiciaire reste inaccessible à la plupart des femmes, à cause d’obstacles tels que la méconnaissance de leurs droits et l’insuffisance de l’aide juridictionnelle.

Rappelant sa recommandation générale n o °33 (2015) sur l ’ accès des femmes à la justice, le Comité réitère sa recommandation antérieure (CEDAW/C/BDI/CO/4, par. 16) invitant l ’ État partie à  :

a) Poursuivre ses efforts de réforme et de consolidation de son système judiciaire, notamment par le renforcement systématique des capacités des magistrats du siège et du parquet, des avocats, des policiers et d ’ autres responsables de l ’ application des lois sur la Convention ainsi que sur les recommandations générales du Comité et la jurisprudence qu ’ il a établie dans le cadre du Protocole facultatif;

b) Allouer suffisamment de ressources au fonds d ’ aide judiciaire et aux organisations non gouvernementales qui facilitent l ’ accès des femmes à la justice;

c) Faire mieux connaître leurs droits aux femmes et améliorer leur culture juridique dans tous les domaines entrant dans le champ d ’ application de la Convention pour leur permettre de faire valoir ces droits.

Mécanisme national de promotion de la femme

Le Comité se félicite du renouvellement de la politique nationale de promotion de l’égalité des sexes pour la période 2012-2025 et de la création d’une ligne budgétaire spéciale à cet effet, mais il déplore que la coordination et les ressources nécessaires pour en assurer la mise en œuvre effective fassent défaut dans le cadre institutionnel de l’État partie.

Rappelant sa recommandation générale n o °6 (1988) sur les mécanismes nationaux et la publicité efficaces, ainsi que les orientations générales données dans le Programme d ’ action de Beijing, en particulier celles concernant les conditions nécessaires pour assurer le bon fonctionnement des mécanismes nationaux, le Comité réitère sa recommandation (CEDAW/C/BDI/CO/4, par. 22) invitant l ’ État partie à mettre en place les ressources humaines, techniques et financières nécessaires à l ’ exécution de la politique nationale de promotion de l ’ égalité des sexes et à la création de ses mécanismes de suivi, notamment du conseil national de promotion de l ’ égalité des sexes (dénommé « Conseil national Genre »).

Institutions nationales de défense des droits de l’homme

Le Comité se félicite de la création par voie législative de la Commission nationale indépendante des droits de l’homme en 2011, mais craint que son indépendance ne soit compromise, la Commission ne prenant pas suffisamment d’initiatives pour mener des enquêtes sur les allégations de violations des droits de l’homme, notamment d’actes de violence à l’égard des femmes, et les dénoncer.

Le Comité rappelle à l ’ État partie qu ’ il lui incombe de veiller à ce que la Commission nationale indépendante des droits de l ’ homme soit pleinement conforme aux principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris), notamment en ce qui concerne son indépendance, et de collaborer avec elle pour faire mieux connaître leurs droits aux femmes et renforcer leur aptitude à faire valoir ces droits.

Défenseuses des droits de l’homme

Le Comité se déclare vivement préoccupé par les restrictions imposées aux défenseuses des droits de l’homme et en particulier aux organisations féminines et aux avocates depuis le début des crises actuelles, notamment le renforcement de la surveillance et la peur de subir des représailles pour avoir fait campagne en faveur des droits des femmes. Il constate avec préoccupation que des représentants d’organisations non gouvernementales redoutaient des représailles pour leur participation à l’échange de vues qu’il a tenu avec l’État partie. En outre, il déplore que des défenseuses des droits de l’homme aient été obligées de quitter l’État partie pour chercher à protéger leur vie et la sûreté de leur personne.

Le Comité demande instamment à l ’ État partie :

a) De mettre fin aux actes d ’ intimidation et de harcèlement dirigés contre les défenseuses des droits de l ’ homme et de respecter et protéger les activités pacifiques de toutes ces personnes, en particulier par des mesures tendant à garantir leur liberté de circulation, d ’ expression, de réunion et d ’ association, la liberté et l ’ intégrité de leur personne et leur accès à la justice;

b) De prévenir les attaques et toutes autres formes de mauvais traitements subies par les défenseuses des droits de l ’ homme, de mener des enquêtes sur ces actes, de les poursuivre, de les punir comme il se doit et de prendre des mesures efficaces pour mettre fin à l ’ impunité de leurs auteurs.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité prend acte de l’adoption par l’État partie d’un Guide de l’intégration du genre dans la mise en œuvre du programme national de réforme de l’Administration. Néanmoins, il déplore l’absence d’informations sur les mesures précises adoptées par l’État partie pour accélérer la concrétisation de l’égalité matérielle entre les femmes et les hommes.

Dans le droit fil du paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et de sa recommandation générale n o °25, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter des mesures temporaires spéciales supplémentaires assorties de cibles et de mesures d ’ encouragement explicites, de programmes d ’ information et d ’ appui, de sanctions juridiques, de crédits budgétaires spéciaux et d ’ autres dispositions préventives axées sur les résultats pour accélérer la concrétisation de l ’ égalité matérielle entre les femmes et les hommes, surtout dans les domaines de l ’ éducation, du développement rural et de la santé, avec une attention particulière aux femmes handicapées et aux femmes batwa.

Violences sexistes à l’égard des femmes

Le Comité se félicite de la promulgation récente de la loi no°1/13 du 22 septembre 2016 portant protection des victimes et prévention et répression des violences sexuelles et sexistes, ainsi que de la révision du code pénal réalisée en 2009 pour y inclure des sanctions sévères applicables aux violences faites aux femmes. Néanmoins, il déplore :

a)Que les violences sexistes à l’égard des femmes soient toujours très répandues dans l’État partie et que les violences domestiques soient tolérées, sous l’effet des mentalités patriarcales profondément enracinées (CEDAW/C/BDI/CO/4, par. 23);

b)Que les cas de violence à l’égard des femmes soient sous-déclarés pour des raisons telles que la stigmatisation par les membres de la famille et de la communauté, la peur de représailles et l’impunité des auteurs;

c)Que les femmes âgées, batwa, déplacées à l’intérieur du pays, réfugiées, atteintes d’albinisme et/ou handicapées courent un risque plus élevé de violences impunies si elles ne bénéficient pas de certaines mesures de protection;

d)Que les données ne soient pas systématiquement recueillies sur les enquêtes, poursuites et condamnations relatives aux actes de violence sexiste commis sur les femmes, que les femmes et les filles n’aient guère accès à l’aide et à la protection prévues pour les victimes et qu’il existe un nombre restreint de centres d’hébergement dans l’État partie.

Rappelant sa recommandation générale n o °19 (1992) sur la violence à l ’ égard des femmes, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De mettre en pratique la loi adoptée en 2016, de renforcer la prévention des violences sexuelles et sexistes et la protection des personnes qui en sont victimes, d ’ accroître les poursuites contre leurs auteurs et, à cet effet, de dispenser une formation systématique aux juges, aux agents chargés de l ’ application des lois et aux avocats sur l ’ ensemble des dispositions de cette loi;

b) De prendre les dispositions nécessaires pour que les victimes soient déstigmatisées et trouvent le courage de déclarer les cas de violence sexiste, qu ’ elles aient accès à une protection et une réparation effectives, notamment à une indemnisation, et que les auteurs soient poursuivis devant une juridiction pénale compétente;

c) De lever les obstacles empêchant les personnes victimes de violences sexistes d ’ avoir accès à la justice, notamment par l ’ élimination de l ’ obligation de produire un certificat médical qui conditionne l ’ engagement de poursuites pénales pour viol;

d) D ’ apporter une aide et une protection suffisantes aux femmes et filles victimes de violences sexistes, notamment par la multiplication des centres d ’ hébergement, la mise en place de programmes de traitement médical, de rééducation psychosociale et de réinsertion, en particulier dans les zones rurales, ainsi que par la coordination des interventions et des services d ’ appui en coopération avec les organisations de la société civile et les partenaires internationaux;

e) De mettre en pratique le plan national de lutte contre les violences sexistes (2010) et d ’ y affecter des ressources suffisantes pour l ’ exécuter de façon coordonnée et efficace, avec une attention particulière aux femmes en situation de vulnérabilité;

f) D ’ intensifier, par des campagnes médiatiques et des programmes éducatifs stratégiques soutenus, les efforts de sensibilisation du public visant à lutter contre les violences sexistes et la discrimination à l ’ égard des femmes;

g) De veiller à ce que des données, ventilées par âge, région et relation entre la victime et l ’ auteur, soient systématiquement recueillies et analysées sur toutes les formes de violence sexiste à l ’ égard des femmes.

Violences sexistes à l’égard des femmes commises dans le cadre du conflit

Le Comité constate avec une vive consternation que les violences à l’égard des femmes se sont exacerbées dans l’État partie depuis le déclenchement en avril 2015 du conflit interne qui y règne. Selon des informations alarmantes qu’il a reçues, les membres du mouvement des jeunes du parti au pouvoir – les Imbonerakure – ont à maintes reprises commis des viols collectifs sur des femmes appartenant aux familles de présumés adversaires du Gouvernement. Il a également reçu des informations établissant de façon systématique l’existence de diverses formes de violence à l’égard des femmes, telles que les violences physiques, les viols et d’autres formes de violence sexuelle, les mutilations et les actes de torture, perpétrées par les forces de l’ordre, notamment à l’occasion de perquisitions domiciliaires, de rafles et de la fuite des victimes du pays. Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie n’a pris aucune initiative manifeste pour rassembler des informations sur les cas de violence sexuelle survenus pendant le conflit, que l’impunité est généralisée par manque d’enquêtes, de poursuites et de sanctions à l’encontre des auteurs de violences à l’égard des femmes commises dans le cadre du conflit et que les victimes n’ont pas accès à la justice ni aux réparations.

Dans le droit fil de la Convention et de sa recommandation générale n o °30, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De donner immédiatement aux policiers, militaires et Imbonerakure des instructions interdisant toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes;

b) De mener des enquêtes sur tous les cas de violence à l ’ égard des femmes, de les poursuivre, de les punir comme il se doit et d ’ assurer des réparations aux victimes;

c) D ’ assurer l ’ accès des femmes à la justice par des mesures telles que l ’ adoption de procédures tenant compte de leurs besoins spécifiques pour mener des enquêtes sur les violences sexuelles, la formation des policiers et des militaires et l ’ adoption de codes de conduite et de protocoles tenant compte des besoins spécifiques des hommes et des femmes à leur intention et le renforcement des capacités des membres du corps judiciaire pour garantir leur indépendance, leur impartialité et leur intégrité;

d) De donner la priorité à la protection des victimes et des témoins contre les représailles chaque fois qu ’ ils veulent avoir accès à la justice ou coopèrent avec l ’ appareil judiciaire;

e) D ’ assurer l ’ accès des femmes victimes de violences sexuelles à des traitements médicaux, des soins de santé mentale et un appui psychosocial complets dispensés par des professionnels de la santé bien formés pour déceler les violences sexuelles et en traiter les conséquences, ainsi que leur accès aux examens de laboratoire;

f) De veiller à ce que la question des violences sexuelles soit soulevée dès le début du processus de résolution du conflit et régulièrement pendant son déroulement et, en fin de compte, qu ’ elle soit dûment réglée dans un accord de paix et de continuer à rejeter l ’ amnistie des crimes sexistes, en particulier celle des violences sexuelles.

Traite des personnes et exploitation de la prostitution

Le Comité se félicite de la loi adoptée en 2014 sur la prévention de la traite des personnes et la protection des victimes et prend acte de sa mise en application par un plan d’action multisectoriel (2014-2017) et la création d’un comité national. Néanmoins, comme dans ses observations antérieures (CEDAW/C/BDI/CO/4, par. 27), il juge préoccupant que l’État partie n’ait pas adopté de mesures coordonnées et efficaces pour faire face au nombre croissant de femmes et de filles victimes de traite qui sont emmenées du pays à des fins de servitude domestique et d’esclavage sexuel. En outre, il constate que le budget du comité national est insuffisant pour accomplir sa mission et déplore l’absence d’un mécanisme de collecte de données ventilées sur la traite des femmes et des filles et l’exploitation de la prostitution, notamment sur le nombre de victimes, d’enquêtes, de poursuites, de condamnations et de sanctions. Enfin, il juge encore préoccupant que la prostitution soit punissable d’emprisonnement et d’amende, ce qui expose les femmes à un risque de violence et de mauvais traitements, notamment de la part de la police.

Réitérant sa recommandation antérieure (CEDAW/C/BDI/CO/4, par. 28), le Comité appelle l ’ attention sur la cible 5.2 des objectifs de développement durable, qui consiste à éliminer de la vie publique et de la vie privée toutes les formes de violence faite aux femmes et aux filles, y compris la traite et l ’ exploitation sexuelle et d ’ autres types d ’ exploitation, et recommande à l ’ État partie :

a) D ’ affecter suffisamment de ressources humaines, techniques et financières à la mise en pratique et au suivi de la loi adoptée en 2014 sur la lutte contre la traite des personnes et de son plan d ’ action multisectoriel;

b) De procéder de façon continue au renforcement des capacités des responsables de l ’ application des lois sur l ’ identification précoce des personnes victimes de traite, leur aiguillage et leur rééducation;

c) De prévenir la traite et les violations des droits de l ’ homme apparentées, d ’ en poursuivre les auteurs, de les punir comme il se doit et d ’ adopter des mesures de protection propres à leur sexe en faveur des femmes et des filles qui en sont victimes;

d) De mener dans l ’ ensemble du pays des campagnes d ’ éducation et de sensibilisation sur les risques liés à la traite des personnes et son caractère délictueux;

e) De recueillir systématiquement des données ventilées par sexe sur l ’ exploitation de la prostitution et la traite des personnes;

f) De modifier l ’ article 539 du projet de code pénal révisé pour dépénaliser la prostitution féminine;

g) De veiller à ce que les auteurs d ’ actes de violence à l ’ égard des femmes pratiquant la prostitution soient poursuivis et punis et que les victimes reçoivent une protection et un appui adaptés aux besoins spécifiques des femmes.

Participation à la vie politique et publique

Le Comité se félicite du quota de 30 % fixé par la Constitution en matière de représentation des femmes au Gouvernement, au Parlement et au Sénat (art. 129, 164 et 180) ainsi que de l’intensification de la participation des femmes à la vie politique qui en résulte. Néanmoins, il constate que les femmes sont très faiblement représentées au niveau des provinces et des districts (collines) et qu’il n’existe pas de stratégie générale destinée à lutter contre les obstacles qui les empêchent de participer à la prise de décisions, à savoir la culture politique patriarcale fondée sur des stéréotypes sexuels qui règne dans l’État partie, le faible niveau de compétences et d’études des femmes et leur manque d’indépendance économique.

Dans le droit fil de sa recommandation générale n o  23 (1997) sur les femmes dans la vie politique et publique, le Comité recommande à l ’ État partie de mettre en œuvre des politiques soutenues visant à faire en sorte que les femmes participent pleinement et en toute égalité au processus décisionnel aux niveaux national et local et :

a) D ’ adopter à cet effet des mesures, y compris des mesures temporaires spéciales conformes au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o  25 du Comité, telles que celles tendant à dispenser aux femmes une formation spécifique soutenue par des financements sur les campagnes publiques;

b) De mener des activités de sensibilisation du grand public et des partis politiques à l ’ importance de la participation des femmes au processus décisionnel, en vue d ’ éliminer les mentalités patriarcales et les stéréotypes concernant les rôles des femmes et des hommes dans la société;

c) De créer un mécanisme de collecte de données ventilées sur la participation des femmes représentant divers groupes ethniques, ainsi que celle des femmes batwa, à la vie publique et les postes de responsabilité qu ’ elles occupent dans tous les secteurs et à tous les niveaux.

Nationalité

Comme dans ses observations antérieures (CEDAW/C/BDI/CO/4, par. 29), le Comité juge préoccupant que l’article 4 du Code de la nationalité ne soit pas conforme à l’article 9 de la Convention, en ce qu’il ne permet pas à la femme burundaise mariée à un étranger de transmettre sa nationalité à son mari ou à ses enfants sur un pied d’égalité avec l’homme burundais marié à une étrangère. Il juge également préoccupant que le code des personnes et de la famille comporte une disposition discriminatoire (art. 38) qui réserve au père le droit de déclarer à l’état civil la naissance de l’enfant, n’autorisant la mère à le faire que dans des cas très précis. En outre, il constate que les taux de naissances non déclarées à l’état civil sont élevés.

Comme dans ses observations antérieures (CEDAW/C/BDI/CO/4, par. 30), le Comité recommande à l ’ État partie de modifier le Code de la nationalité et le Code des personnes et de la famille de manière à les mettre en conformité avec l ’ article 9 de la Convention et de veiller à ce que toutes les naissances soient déclarées à l ’ état civil.

Éducation

Le Comité se félicite des mesures mises en place en vue du relèvement des taux de scolarisation et de rétention scolaire des filles, notamment l’adoption d’une politique de réintégration des filles à l’école après la grossesse, la création de programmes de cantines scolaires et la formation des enseignants et des élèves à la lutte contre les violences à l’égard des femmes. Néanmoins, il déplore :

a)Que le taux d’abandon scolaire des filles soit très élevé dans le secondaire, à cause de facteurs tels que les mariages et les grossesses précoces, les frais de scolarité indirects, la malnutrition, le travail des enfants, la préférence donnée à la scolarisation des garçons et la non-application de la règle de l’enseignement obligatoire;

b)Que l’accès à l’éducation soit extrêmement limité pour les filles déplacées à l’intérieur du pays, réfugiées, batwa, atteintes d’albinisme ou handicapées, les causes en étant en particulier la discrimination et l’incapacité à payer les frais;

c)Que la qualité de l’éducation reste faible à cause de la pénurie d’enseignants suffisamment formés et du niveau élevé du ratio élèves par enseignant;

d)Que la politique de réintégration après la grossesse fasse obligation aux filles de s’absenter de l’école pendant un an;

e)Que les filles soient souvent victimes de violences sexuelles et sexistes sur le chemin de l’école, sur celui du retour à la maison ainsi que dans les locaux de l’école et que les auteurs de ces actes bénéficient régulièrement de l’impunité parce que les allégations portées ne font généralement l’objet d’aucune enquête.

Dans le droit fil de la cible 4.5 des objectifs de développement durable qui consiste à éliminer les inégalités entre les sexes dans le domaine de l ’ éducation, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ appliquer la règle de l ’ enseignement obligatoire jusqu ’ à la neuvième année d ’ études;

b) D ’ éliminer les frais de scolarité indirects, d ’ accroître le nombre d ’ établissements scolaires et d ’ enseignants formés et d ’ améliorer la qualité de l ’ enseignement et celle des infrastructures scolaires, y compris les programmes de cantines scolaires;

c) D ’ éliminer les politiques soumettant à un délai d ’ attente d ’ un an la réadmission à l ’ école des jeunes mères et des personnes qui ne réussissent pas du premier coup à l ’ examen du second cycle;

d) De mettre en œuvre des mesures ciblées visant à assurer l ’ accès des filles batwa, handicapées et déplacées à l ’ intérieur du pays à l ’ éducation;

e) De sensibiliser le public à l ’ importance de l ’ éducation pour les femmes et les filles, de renforcer la politique de tolérance zéro à l ’ égard des violences et du harcèlement sexuels en milieu scolaire et de veiller à en punir dûment les auteurs, à abolir en pratique les châtiments corporels et à assurer l ’ accès des victimes aux soins de santé, aux services psychologiques et aux réparations;

f) De créer au sein de l ’ appareil éducatif un solide mécanisme de collecte de données ventilées par sexe portant sur l ’ éducation des personnes ayant des besoins particuliers, les taux nets de scolarisation et de rétention scolaire ainsi que les cas de violence sexuelle et sexiste commis en milieu scolaire, y compris leur règlement, et d ’ appliquer les précédentes recommandations du Comité (CEDAW/C/BDI/CO/4, par. 32).

Emploi

Le Comité se félicite de la révision apportée au code du travail pour consolider les droits de la femme sur le lieu de travail et éliminer les éternels écarts de salaires. Il prend acte de l’existence d’un avant-projet de loi protégeant le droit au travail des personnes handicapées. Néanmoins, comme dans ses observations antérieures (CEDAW/C/BDI/CO/4, par. 33), il déplore la concentration des femmes dans le secteur informel où elles exercent des emplois non qualifiés et faiblement rémunérés n’ouvrant droit à aucune protection sociale. Il déplore également que les travailleuses domestiques ne soient pas protégées contre l’exploitation et les violences sexuelles et que le travail des enfants n’ait pas encore été interdit, les filles continuant par conséquent d’être exploitées, en particulier dans le cadre des travaux domestiques.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ accélérer la révision du code du travail et de veiller à ce qu ’ il garantisse l ’ égalité matérielle des femmes et des hommes, interdise la discrimination dans l ’ emploi et consacre le principe d ’ égalité de salaire pour un travail de valeur égale;

b) D ’ accélérer l ’ adoption du projet de politique nationale de l ’ emploi, qui aborde la création d ’ emplois en faveur des personnes handicapées, et de veiller à ce qu ’ il réponde aux besoins particuliers des femmes handicapées;

c) D ’ asseoir progressivement l ’ emploi formel, conformément à la recommandation de l ’ Organisation internationale du Travail (OIT) n o  204 de 2015 concernant la transition de l ’ économie informelle vers l ’ économie formelle, en passant graduellement du travail informel au travail formel, en améliorant les conditions de travail et en garantissant l ’ accès à la protection sociale;

d) De ratifier la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (n o  189), de l ’ OIT;

e) D ’ interdire strictement le travail des enfants et de relever l ’ âge minimum d ’ admission à l ’ emploi conformément à la Convention de 1973 sur l ’ âge minimum ( n o  138 ), de l ’ OIT;

f) D ’ affecter suffisamment de ressources à la mise en œuvre du plan d ’ action national visant à combattre et éliminer les pires formes de travail des enfants et d ’ en assurer le suivi par des inspections, surtout dans les zones rurales et les ménages domestiques

Santé

Le Comité se félicite de la nette diminution du taux de nouvelles infections par le VIH chez les enfants, mais il déplore :

a)Le fait que les femmes, en particulierles femmes rurales, handicapées, réfugiées et déplacées à l’intérieur du pays, aient peu accès aux services de soins de santé de base;

b)Les taux de mortalité maternelle et infantile constamment élevés, la prévalence du VIH/sida chez les femmes pratiquant la prostitution et dans les zones rurales et la malnutrition aiguë frappant les femmes;

c)Le fait que les contraceptifs modernes et les services de santé sexuelle et procréative soient inexistants, inabordables ou inaccessibles dans l’État partie, que l’avortement soit criminalisé et que 45 % des femmes incarcérées exécutent des peines allant jusqu’à 20 ans d’emprisonnement pour avortement et infanticide.

Rappelant sa recommandation générale n o  24 (1999) sur les femmes et la santé et appelant l ’ attention sur les cibles 3.1 et 3.7 des objectifs de développement durable, qui consistent à réduire les taux mondiaux de mortalité maternelle et à assurer l ’ accès de tous à des services de soins de santé sexuelle et procréative, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ accroître les crédits budgétaires affectés aux services de soins de santé de base et de santé sexuelle et procréative, aux contraceptifs modernes abordables et aux services de planification familiale, donnant la priorité aux femmes rurales, aux jeunes femmes et aux filles, ainsi qu ’ aux femmes handicapées, réfugiées et déplacées à l ’ intérieur du pays;

b) De diminuer la mortalité maternelle par l ’ amélioration de l ’ accès aux soins prénatals et postnatals de base, aux services obstétricaux d ’ urgence, à l ’ accouchement assisté par un personnel qualifié et aux soins après avortement, ainsi que celle de l ’ accès aux soins spécialisés, sur l ’ ensemble du territoire de l ’ État partie, à la lumière du Guide technique concernant l ’ application d ’ une approche fondée sur les droits de l ’ homme à la mise en œuvre des politiques et des programmes visant à réduire la mortalité et la morbidité maternelles évitables, élaboré par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme (voir les documents A/HRC/21/22 et Corr. 1 et 2);

c) De dépénaliser l ’ avortement et d ’ élargir l ’ éventail des motifs valables pour le pratiquer en y incluant le viol, l ’ inceste, la présence d ’ un risque pour la vie et la santé de la mère et celle d ’ un risque de malformation grave du fœtus et d ’ élaborer des directives sur les soins après avortement pour faire en sorte que les femmes tombées enceintes à la suite d ’ un viol ou d ’ un inceste aient librement accès à des services d ’ avortement sûrs;

d) De veiller à ce que le plan stratégique de lutte contre le sida portant sur la période 2014-2017 comprenne une stratégie de réduction de la vulnérabilité des femmes et des filles et de lutte contre la stigmatisation et la discrimination dont sont victimes les femmes et les filles vivant avec le VIH/sida.

Avantages économiques et sociaux

Le Comité se félicite du fait que l’égalité des sexes soit une des principales priorités du cadre stratégique de lutte contre la pauvreté et que celui-ci ait créé un fonds de financement des activités agricoles menées par les femmes rurales. Néanmoins, il déplore que la plupart des femmes continuent de rencontrer des obstacles sur la voie de leur autonomisation économique à cause de leur mauvaise situation socioéconomique et des stéréotypes dont elles sont victimes, sans compter le fait qu’elles aient peu accès au crédit faute de pouvoir remplir les conditions fixées par les banques et qu’elles ne jouissent guère du droit à la propriété foncière en raison des inégalités existant entre les femmes et les hommes en matière de droits successoraux.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intensifier les efforts qu ’ il mène pour assurer l ’ autonomisation des femmes sur le plan économique, en facilitant leur accès à l ’ emploi, au crédit, à la terre et à d ’ autres ressources et en éliminant les lois et pratiques discriminatoires qui entravent leur pleine participation à la vie économique.

Femmes rurales

Le Comité prend acte de la création de mécanismes communautaires visant à favoriser la participation des femmes rurales aux programmes de développement par l’adoption d’un quota minimum de 30 %, mais il déplore qu’elles ne soient en pratique pas intégrées au processus décisionnel. Il déplore également la précarité dans laquelle vivent les femmes rurales et leurs taux élevés de pauvreté qu’aggrave la raréfaction croissante des terres arables, un de leurs moyens de survie essentiels. En outre, il constate avec préoccupation qu’en dépit des dispositions de l’article 36 de la Constitution, les femmes rencontrent des obstacles juridiques et administratifs lorsqu’elles veulent faire immatriculer leurs terres, sous l’empire de règles coutumières discriminatoires attribuant les terres exclusivement aux hommes.

Rappelant sa recommandation générale n o  34 (2016) sur les droits des femmes rurales, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ accroître la participation des femmes à l ’ élaboration et à l ’ exécution de la nouvelle stratégie agricole nationale et du plan national d ’ investissement agricole;

b) D ’ assurer la protection des travailleuses rurales, en particulier celles du secteur informel, dans les politiques de protection sociale, notamment les politiques de sécurité sociale, de maternité et de retraite prévues dans le plan national de protection sociale;

c) De veiller à ce que les femmes ne rencontrent aucun obstacle juridique ou administratif dans l ’ exercice de leur droit constitutionnel à la propriété foncière.

Femmes réfugiées ou déplacées à l’intérieur du pays

Le Comité constate qu’à cause de l’instabilité politique et de la situation sécuritaire qui règnent dans l’État partie depuis avril 2015, plus de 50 000 personnes se sont déplacées dans le pays et 320 000 autres ont cherché refuge à l’extérieur, la majorité d’entre elles étant constituée de femmes et d’enfants. Il constate également que plus de 50 000 réfugiés venus de pays voisins résident dans l’État partie. Selon des informations concordantes qu’il a reçues, les femmes et les filles en situation de déplacement interne ou externe courent un risque plus élevé de violences sexuelles et d’exploitation ou en sont effectivement victimes. Le Comité déplore que l’État partie ne prenne aucune mesure préventive pour protéger les femmes et les filles contre les déplacements forcés et assurer l’accès des femmes et filles déplacées aux services de base.

Rappelant que la Convention est applicable à chaque stade du cycle de déplacement, comme il l ’ a indiqué dans sa recommandation générale n o  30 (2013), le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De s ’ attaquer aux risques spécifiques que courent les différents groupes de femmes et filles réfugiées ou déplacées à l ’ intérieur du pays qui subissent des formes multiples et croisées de discrimination telles que les femmes rurales, les femmes âgées, les veuves et les femmes handicapées et de répondre à leurs besoins particuliers;

b) D ’ adopter des mesures pratiques pour prévenir toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes et des filles, notamment la violence sexuelle et l ’ exploitation, et assurer la protection des intéressées;

c) De veiller à l ’ installation de mécanismes de mise en œuvre de la responsabilité dans tous les camps de personnes déplacées et d ’ assurer l ’ accès immédiat des victimes aux services médicaux et, en particulier, aux services de santé sexuelle et procréatrice, y compris les soins obstétricaux de haute qualité;

d) De créer un mécanisme de collecte de données sur le nombre des personnes déplacées à l ’ intérieur du pays, ventilées par sexe, âge et appartenance ethnique, ainsi que sur leurs conditions de vie.

Groupes de femmes défavorisés

Le Comité déplore :

a)Qu’il n’existe dans l’État partie aucun plan stratégique visant à assurer les droits socioéconomiques des groupes de femmes défavorisés, notamment les femmes handicapées, les femmes batwa et les femmes atteintes d’albinisme, ni aucun mécanisme de protection sociale répondant spécialement à leurs besoins;

b)Que les veuves, les mères célibataires et les femmes âgées soient victimes de discrimination dans l’État partie;

c)Que les obstacles physiques et sociaux rencontrés par ces femmes dans tous les domaines entrant dans le champ d’application de la Convention, notamment la stigmatisation et la discrimination profondes dont elles sont victimes, aggravent leur situation d’exclusion, leur extrême pauvreté et leur vulnérabilité aux violences sexistes et à l’exploitation sexuelle.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ adopter une loi générale sur la protection sociale des personnes handicapées, des Batwa et des personnes atteintes d ’ albinisme et de créer un mécanisme de suivi de son application pour veiller à ce que les auteurs d ’ actes de discrimination et de violence sexiste commis à leur encontre soient dûment punis et les victimes dûment indemnisées;

b) D ’ effectuer un recensement pour déterminer le nombre des personnes handicapées, des Batwa et des personnes atteintes d ’ albinisme qui vivent dans l ’ État partie, ventilés par sexe, âge et région;

c) De veiller à ce que les femmes en situation de vulnérabilité bénéficient de mesures spéciales sur le plan de l ’ accès à la justice, à la vie politique et publique, à l ’ éducation, aux activités génératrices de revenus et aux soins de santé, notamment aux services de santé sexuelle et procréative.

Femmes en détention

Le Comité constate avec préoccupation que 45 % des femmes qui se trouvent en prison sont en détention provisoire, ce qui témoigne de l’inefficacité du système de justice pénale de l’État partie. Il déplore les conditions de vie des femmes en détention provisoire, notamment la surpopulation carcérale, le fait que ces femmes ne soient pas systématiquement séparées des détenus du sexe masculin ni des femmes condamnées et le fait qu’elles n’aient pas suffisamment accès à une alimentation et à des soins de santé appropriés. Il déplore également le nombre de femmes détenues avec des nourrissons et de jeunes enfants, ainsi que l’absence de mesures sociales de protection et de soins concernant les enfants de femmes détenues séparés de leurs mères.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De se pencher de toute urgence sur la durée excessive de la détention provisoire et de mettre immédiatement en liberté les femmes accusées d ’ infractions mineures;

b) De mettre en œuvre les Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l ’ imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok) et de garantir la séparation des hommes et des femmes détenus, pour confier la supervision des femmes à des gardiennes et mettre en place des installations et services de santé suffisants, ainsi que des traitements appropriés, en particulier en faveur des femmes enceintes et des femmes détenues avec leurs enfants.

Mariage et rapports familiaux

Le Comité juge préoccupant que l’État partie n’ait pas mis en œuvre ses recommandations antérieures de 2001 (A/56/38, par. 56) et 2008 (CEDAW/C/BDI/CO/4, par. 12) l’invitant à donner la priorité à la révision du code des personnes et de la famille, à accorder les mêmes droits aux deux conjoints en matière de possession, d’acquisition, de gestion, de jouissance et de disposition des biens et à mettre fin à la discrimination pour uniformiser l’âge de mariage pour tous. En outre, il constate qu’en attendant la mise au point définitive d’un projet de loi relatif aux successions, aux régimes matrimoniaux et aux libéralités qui existe depuis 2009, le droit coutumier continue de régir ces matières, privant les femmes de leurs droits prévus par les articles 13 à 16 de la Convention. Il déplore également l’absence d’un cadre législatif régissant les unions libres et assurant l’égalité économique des femmes et des hommes, en particulier à la dissolution d’une telle union.

Rappelant ses recommandations générales n o  21 (1994) sur l ’ égalité dans le mariage et les rapports familiaux et n o  29 (2013) sur les conséquences économiques du mariage, des liens familiaux et de leur dissolution, en plus de la Recommandation générale/observation générale conjointe n o  31 du Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes et n o  18 du Comité des droits de l ’ enfant sur les pratiques préjudiciables (2014), le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ établir de toute urgence la version définitive du projet de code des personnes et de la famille révisé et celle du projet de loi relatif aux successions, aux régimes matrimoniaux et aux libéralités pour les adopter, conformément aux recommandations que l ’ État partie a acceptées lors de l ’ examen périodique universel en 2013 (voir le document A/HRC/23/2, par. 515);

b) De créer des mécanismes de suivi permettant de contrôler l ’ application effective de ces textes, en particulier dans les zones rurales;

c) D ’ accélérer l ’ élaboration et l ’ adoption d ’ une loi régissant les aspects économiques de l ’ union libre.

Collecte et analyse de données

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intensifier la collecte, l ’ analyse et la diffusion de données exhaustives, ventilées par sexe, âge, infirmité, appartenance ethnique, lieu géographique et situation socioéconomique, ainsi que l ’ utilisation d ’ indicateurs mesurables pour évaluer l ’ évolution de la situation des femmes et les progrès accomplis sur la voie de l ’ obtention de l ’ égalité matérielle par les femmes dans tous les domaines entrant dans le champ d ’ application de la Convention.

Protocole facultatif et modification du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention.

Le Comité encourage l ’ État partie à ratifier le Protocole facultatif à la Convention et à accepter, aussitôt que possible, la modification apportée au paragraphe 1 de l ’ article 20 de la Convention concernant la durée des sessions du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité invite l ’ État partie à tenir compte de la Déclaration et du Programme d ’ action de Beijing dans ses initiatives visant à mettre en œuvre les dispositions de la Convention.

Programme de développement durable à l’horizon 2030

Le Comité lance un appel en faveur de la concrétisation de l ’ égalité matérielle entre les sexes, conformément aux dispositions de la Convention, tout au long du processus de mise en œuvre du Programme de développement durable à l ’ horizon 2030.

Diffusion

Le Comité demande à l ’ État partie de veiller à ce que les présentes observations finales soient communiquées en temps utile, dans ses langues officielles, aux institutions publiques compétentes à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au Gouvernement, aux ministères, au Parlement et à l ’ appareil judiciaire, afin d ’ en assurer l ’ application intégrale.

Assistance technique

Le Comité recommande à l ’ État partie de lier la mise en œuvre de la Convention à ses efforts de développement et de mettre à profit l ’ assistance technique régionale ou internationale à cet égard.

Ratification d’autres traités

Le Comité relève que l ’ adhésion de l ’ État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme permettrait aux femmes de mieux exercer leurs droits de l ’ homme et leurs libertés fondamentales dans tous les domaines de la vie. Cela étant, le Comité encourage l ’ État partie à ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, auxquelles il n ’ est pas encore partie.

Suite donnée aux observations finales

Le Comité demande à l ’ État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des renseignements sur les mesures qu ’ il aura prises pour donner suite aux recommandations émises au paragraphe 33 et à l ’ alinéa a) du paragraphe 51 ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité invite l ’ État partie à lui soumettre son septième rapport périodique en novembre 2020. En cas de retard, ce rapport devra porter sur toute la période allant jusqu ’ à sa date de soumission.

Le Comité demande à l ’ État partie de suivre les directives harmonisées concernant l ’ établissement des rapports destinés aux organes créés en vertu d ’ instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, notamment les directives concernant l ’ élaboration du document de base commun et des documents spécifiques aux différents instruments (voir le document HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).