Observations finales concernant le quatrième rapport périodique de Bahreïn *

Le Comité a examiné le quatrième rapport périodique de Bahreïn (CEDAW/C/BHR/4) à ses 1951e et 1952e séances (voir CEDAW/C/SR.1951 et CEDAW/C/SR.1952), le 14 février 2023. La liste de points et de questions du Comité figure dans le document CEDAW/C/BHR/Q/4 et les réponses de Bahreïn dans le document CEDAW/C/BHR/RQ/4.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le quatrième rapport périodique de l’État partie, ainsi que son rapport de suivi (CEDAW/C/BHR/CO/3/Add.1) sur les précédentes observations finales du Comité (CEDAW/C/BHR/CO/3). Il remercie également l’État partie pour l’exposé oral de sa délégation et les éclaircissements complémentaires donnés en réponse aux questions que le Comité a posées oralement au cours du dialogue.

Le Comité félicite l’État partie pour sa délégation de haut niveau, qui était dirigée par la Secrétaire générale du Conseil suprême de la femme, Hala bint Mohammed Jaber Al Ansari, et comptait des représentants et représentantes du Conseil suprême de la femme, du Ministère des affaires étrangères, de la Choura, du Conseil supérieur de la magistrature, du ministère public, de l’Autorité nationale de réglementation de la santé, du Ministère de l’information, du Ministère de la justice, des affaires islamiques et des dotations, du Centre national de communication, du Ministère du développement social, du Ministère de l’éducation, du Ministère de la santé, du Ministère de l’intérieur, de la Commission des affaires législatives et des avis juridiques, du Ministère du travail, de l’Office de réglementation du marché du travail et d’une organisation de la société civile, ainsi qu’une personne spécialiste des droits humains, le Représentant permanent de Bahreïn auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève, M. Yusuf Abdulkarim Bucheeri, et d’autres membres de la Mission permanente de Bahreïn auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève.

* Adoptées par le Comité à sa quatre-vingt-quatrième session ( 6 - 24 février 2023 ).

B.Aspects positifs

Le Comité salue les progrès accomplis depuis l’examen, en 2014, du précédent rapport périodique de l’État partie (CEDAW/C/BHR/3) en matière de réformes législatives, notamment l’adoption des textes suivants :

a)Loi sur l’assurance sociale (loi no 14 de 2022) portant augmentation des taux de cotisation à la sécurité sociale, révision de la formule de calcul des prestations de retraite, recul de l’âge normal de départ à la retraite des femmes de 55 à 60 ans et révision du mode de versement des prestations dues à la cessation de service ;

b)Décret-loi no 16 de 2021 portant modification du Code du travail pour le secteur privé afin d’interdire les inégalités de salaire entre hommes et femmes pour un travail de valeur égale et abrogation de son article 30, qui énonce qu’il revient au (à la) ministre concerné(e) de déterminer les cas, les circonstances et les emplois dans lesquels les femmes ne peuvent pas travailler de nuit, ainsi que de son article 31, au titre duquel le (la) ministre concerné(e) est tenu(e) de statuer sur les professions dans lesquelles l’emploi des femmes est interdit ;

c)Loi no 23 de 2018 portant adoption de la loi sur l’assurance maladie, qui vise à garantir une assurance maladie aux employées de maison migrantes ou expatriées ;

d)Décret-loi no 59 de 2018 portant modification du Code du travail pour le secteur privé afin d’interdire la discrimination fondée sur le sexe, l’origine, la langue, la religion ou la croyance ;

e)Loi no 19 de 2017 portant adoption de la loi sur la famille ;

f)Décision no 26 de 2017, publiée par le Ministre du travail et du développement social, concernant les conditions et les procédures d’octroi de licences aux centres d’orientation familiale ;

g)Loi no 17 de 2015 sur la protection contre la violence domestique ;

h)Décret no 4 de 2014 du Conseil de la fonction publique qui rend obligatoire la création de comités pour l’égalité d’accès aux emplois dans les ministères et organismes officiels.

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et politique en vue d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité des genres, notamment l’adoption ou la mise en place de ce qui suit :

a)Plan national pour la promotion des femmes bahreïniennes (2013-2022), qui a été prolongé jusqu’en 2026 ;

b)Observatoire national numérique des indicateurs sur la représentation équilibrée des genres (2018) ;

c)Base de données et statistiques nationales sur la violence domestique (2017) ;

d)Stratégie nationale pour la protection des femmes contre la violence domestique (2015).

C.Objectifs de développement durable

Le Comité se félicite du soutien apporté par la communauté internationale aux objectifs de développement durable et préconise le respect de l ’ égalité des genres en droit ( de jure ) et dans les faits ( de facto ), conformément aux dispositions de la Convention sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes, dans tous les aspects de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l ’ horizon 2030. Il souligne l ’ importance de l ’ objectif 5 et de la prise en compte systématique des principes d ’ égalité et de non-discrimination dans la réalisation des 17 objectifs. Il demande instamment à l ’ État partie de reconnaître que les femmes et les hommes endossent des responsabilités égales eu égard à la réalisation des objectifs de développement durable et que les femmes, au même titre que les hommes, devraient être considérées comme des forces motrices du développement durable de l ’ État partie, et d ’ adopter des politiques et des stratégies en conséquence.

D.Parlement

Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif s ’ agissant de garantir la pleine mise en œuvre de la Convention sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes (voir A/65/38 , deuxième partie, annexe VI). Il invite l ’ Assemblée nationale, dans le cadre de son mandat, à prendre les mesures nécessaires en vue de mettre en œuvre les présentes observations finales avant la soumission du prochain rapport périodique, en application de la Convention.

E.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Réserves

Le Comité note que l’interprétation de la charia conformément à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes peut promouvoir la réalisation des objectifs de l’État partie et aider ce dernier à s’acquitter des obligations qui lui incombent au titre de la Convention. Le Comité prend note du décret-loi no 70 de 2014 dans lequel sont reformulées les réserves de l’État partie à l’article 2, au paragraphe 4 de l’article 15 et à l’article 16 de la Convention afin de veiller à ce qu’ils ne soient appliqués que « dans les limites de la charia islamique ». Le Comité note cependant avec préoccupation que ces réserves, telles que modifiées, constituent toujours un obstacle à la mise en œuvre de la Convention dans son ensemble.

Le Comité rappelle à l ’ État partie que les réserves aux articles 2 et 16 sont incompatibles avec l ’ objet et le but de la Convention (voir la déclaration du Comité sur les réserves, adoptée à la dix-neuvième session en 1998) et que le Comité, au paragraphe 66 de sa recommandation générale n o  33, recommande aux États parties de retirer leurs réserves à la Convention, en particulier à l ’ alinéa c) de l ’ article 2 c), à l ’ alinéa a) de l ’ article 5 et aux articles 15 et 16. Rappelant ses précédentes recommandations ( CEDAW/C/BHR/CO/3 , par. 10), le Comité invite l ’ État partie à réexaminer ses réserves à la Convention en vue de les retirer. Il demande notamment à l ’ État partie de retirer ses réserves à l ’ article 2, au paragraphe 4 de l ’ article 15 et à l ’ article 16. Ce faisant, l ’ État partie devrait tenir compte des pratiques de pays au contexte culturel et à l ’ ordonnancement juridique similaires qui ont réussi à aligner leur législation nationale sur leurs obligations internationales dans le domaine des droits humains, en particulier celles prévues par la Convention.

Droits des femmes et égalité des genres dans le contexte de la pandémie de maladie à coronavirus et des efforts de relèvement

Le Comité se félicite des efforts déployés par l’État partie pour adopter une approche tenant compte des questions de genre afin d’atténuer l’incidence de la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19) sur la participation économique des femmes. Il reste toutefois préoccupé par le fait qu’un grand nombre de travailleuses migrantes ou expatriées, en particulier les employées de maison migrantes ou expatriées, ont pâti de la pandémie, qui leur a fait perdre leur emploi et les a privées d’accès aux régimes de protection sociale. Le Comité rappelle à l’État partie que les femmes qui sont sous-représentées et qui appartiennent à des groupes défavorisés sont souvent désavantagées du fait de structures, d’institutions et de systèmes discriminatoires.

Dans le droit fil de sa note d ’ orientation sur les obligations des États parties à la Convention dans le contexte de la COVID-19, publiée le 22 avril 2020, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ adopter des mesures institutionnelles, législatives et autres en vue de combler les inégalités de longue date entre les femmes et les hommes et de donner un nouvel élan à l ’ action menée en faveur de l ’ égalité des sexes en s ’ attachant en priorité, dans la perspective de parvenir à un changement durable conformément aux objectifs de développement durable, à placer les femmes au cœur des stratégies de relèvement de la COVID-19  ;

b) De veiller à ce que les femmes et les filles, en particulier celles qui appartiennent à des groupes défavorisés et marginalisés, notamment les travailleuses migrantes et celles qui assurent des soins dans le milieu de vie non rémunérés, bénéficient des programmes et des stratégies de relèvement de la COVID-19 et des mesures de relance visant à atténuer les répercussions socioéconomiques de la pandémie.

Cadre législatif, statut juridique de la Convention et harmonisation des lois

Le Comité prend note avec satisfaction des réformes législatives engagées dans l’État partie. Toutefois, il est préoccupé par ce qui suit :

a)La discrimination à l’égard des femmes n’est pas explicitement interdite, conformément à l’article premier de la Convention, dans la législation interne ;

b)La révision de la législation discriminatoire, notamment le Code pénal et la loi sur la nationalité, a pris du retard ;

c)La modification de l’article 43 de la loi sur les associations, qui a été rendue plus restrictive par l’inclusion d’une disposition interdisant aux membres de conseils d’administration d’avoir une affiliation politique, a entraîné un rétrécissement de l’espace civique, ce qui pourrait limiter le droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association ;

d)Certaines organisations de la société civile œuvrant pour les droits des femmes n’auraient pas reçu de financement public ces trois dernières années.

Le Comité renouvelle ses précédentes recommandations et prie l ’ État partie  :

a) D ’ adopter une définition de la discrimination à l ’ égard des femmes qui englobe les manifestations directes et indirectes dans la sphère publique et dans la sphère privée, ainsi que les formes de discrimination croisée, conformément aux articles 1 et 2 de la Convention  ;

b) D ’ accorder une priorité élevée à son processus de réforme législative et de modifier ou d ’ abroger, sans délai et selon un calendrier précis, toute législation discriminatoire, y compris les dispositions discriminatoires contenues dans le Code pénal, le droit de la famille et la loi sur la nationalité, et de sensibiliser les parlementaires, les chefs religieux(ses), les responsables locaux, les défenseurs et défenseuses des droits des femmes et le grand public à la nécessité d ’ une réforme législative  ;

c) De modifier l ’ article 43 de la loi sur les associations afin qu ’ il soit plus inclusif et n ’ exclue pas les membres de conseils d ’ administration au motif d ’ une éventuelle affiliation politique  ;

d) De protéger les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d ’ association  ;

e) De fournir un soutien financier aux groupes de la société civile et aux organisations non gouvernementales de femmes selon un principe d ’ égalité et sans exclusive.

Mécanisme national de promotion des femmes

Le Comité prend note du rôle essentiel du Conseil suprême de la femme en tant que mécanisme national d’autonomisation et de promotion des femmes et en tant qu’organe consultatif de l’État partie pour la promotion des droits des femmes. Il salue le lancement du plan national pour la promotion des femmes bahreïniennes pour la période 2013-2022, la hausse du nombre de comités pour l’égalité d’accès aux emplois dans les secteurs public et privé et la création du centre consacré à la représentation équilibrée des genres, du centre d’appui aux femmes et du Centre d’information des femmes. Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles certaines parties prenantes de la société civile et parties prenantes non gouvernementales ne sont pas pleinement associées aux efforts de collaboration.

Rappelant ses précédentes recommandations ( CEDAW/C/BHR/CO/3 , par. 16), le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer encore sa coopération avec toutes les parties prenantes, en veillant à ce qu ’ elles participent pleinement à l ’ élaboration et à la mise en œuvre des stratégies et des programmes.

Institution nationale pour la promotion et la protection des droits humains

Le Comité note que l’institution nationale pour la promotion et la protection des droits humains a été accréditée avec le statut « B » en mai 2016 par l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme. Il constate avec inquiétude que la loi ne comporte aucune précision sur la procédure de sélection et de nomination des membres du Conseil des commissaires de l’institution. En outre, le Comité est préoccupé par le manque d’informations sur le nombre des plaintes reçues par l’institution et la suite qui leur a été donnée, ainsi que sur les ressources humaines, techniques et financières qui lui sont allouées.

Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre en œuvre les recommandations formulées par le Sous-Comité d ’ accréditation de l ’ Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l ’ homme afin de garantir une procédure de sélection et de nomination large et transparente et de renforcer l ’ indépendance de l ’ institution nationale pour la promotion et la protection des droits humains dans sa structure, sa composition et son processus de prise de décisions, de manière à la rendre pleinement conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris, joints en annexe à la résolution 48/134 de l ’ Assemblée générale en date du 20 décembre 1993). L ’ État partie est encouragé à demander une assistance technique à cet égard au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme.

Défenseuses des droits humains

Le Comité prend note avec inquiétude des rapports, y compris ceux des titulaires de mandat au titre d’une procédure spéciale des Nations Unies, dans lesquels il est fait état d’un rétrécissement de l’espace accordé aux défenseuses des droits humains et de représailles à leur encontre, y compris l’intimidation, le harcèlement, les menaces, les violences corporelles, la violence sexuelle, les interdictions de voyager et la détention arbitraire.

Le Comité demande instamment à l ’ État partie de renforcer et d ’ appliquer les mesures et les garanties visant à protéger les défenseuses des droits humains, les femmes journalistes et les opposantes politiques contre les actes de représailles.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité note que le rapport national sur la représentation équilibrée des genres est élaboré tous les deux ans par le Conseil suprême de la femme, en coopération avec le Ministère des finances et de l’économie nationale, et que l’État partie a mis en place un observatoire national des indicateurs sur la représentation équilibrée des genres. Le Comité prend note avec préoccupation de la décision de l’État partie de ne pas instaurer de mesures temporaires spéciales, telles qu’un système de quotas, dans les domaines où les femmes sont sous-représentées ou désavantagées, notamment dans la vie économique, politique et publique.

Invoquant le paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et sa recommandation générale n o 25 (2004) sur les mesures temporaires spéciales et rappelant ses précédentes recommandations ( CEDAW/C/ B HR/CO/3 , par. 18), le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De sensibiliser les parlementaires et autres responsables concernés au caractère non discriminatoire des mesures temporaires spéciales au sens de l ’ article 4, paragraphe 1, de la Convention, tel qu ’ interprété dans la recommandation générale n o  25, et de les former sur ce point  ;

b) D ’ adopter et de mettre en œuvre des mesures temporaires spéciales, y compris des quotas fixés dans la loi et le recrutement de femmes à titre prioritaire, en vue d ’ instaurer l ’ égalité de fait ou réelle entre les femmes et les hommes dans les domaines où les femmes sont sous-représentées ou désavantagées, y compris dans la vie politique, dans la prise de décisions et dans le secteur privé  ;

c) D ’ adopter une législation visant à encourager le recours à des mesures temporaires spéciales dans les secteurs public et privé.

Stéréotypes

Le Comité prend note avec inquiétude de l’accent mis par l’État partie sur les « devoirs des femmes envers la famille » dans sa Constitution. Il exprime à nouveau sa préoccupation quant à la persistance de stéréotypes traditionnels sur les rôles et responsabilités des femmes et des hommes dans la société et, en particulier, au sein de la famille.

Rappelant ses recommandations antérieures ( CEDAW/C/BHR/CO/3 , par. 20), le Comité recommande à l ’ État partie de continuer de mettre en œuvre des mesures, notamment de mener des campagnes de sensibilisation et d ’ éducation, visant à déconstruire les attitudes patriarcales et les stéréotypes profondément ancrés en ce qui concerne les rôles et responsabilités des femmes et des hommes au sein de la famille et dans la société. Il recommande également à l ’ État partie de promouvoir un partage égal des responsabilités familiales entre les hommes et les femmes.

Pratiques néfastes

Le Comité constate avec préoccupation que l’article 20 du Code de la famille fixe toujours l’âge minimum du mariage des filles à 16 ans, contre 18 ans pour les hommes, et que le mariage de personnes de moins de 16 ans peut être autorisé par le tribunal de la famille compétent. Il constate également avec inquiétude que la pratique néfaste de la polygamie n’a pas été interdite par la loi.

Rappelant la recommandation générale n o  31 du Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes et l ’ observation générale n o  18 du Comité des droits de l ’ enfant sur les pratiques préjudiciables, adoptées conjointement (2019), ainsi que ses recommandations antérieures ( CEDAW/C/BHR/CO/3 , par. 44), le Comité engage l ’ État partie à modifier l ’ article 20 du Code de la famille afin de fixer l ’ âge minimum du mariage à 18 ans pour les femmes comme pour les hommes et à interdire le mariage de toute personne de moins de 18 ans, sans exception. Le Comité recommande également à l ’ État partie d ’ interdire la polygamie, conformément à sa recommandation générale n o 21 (1994) sur l ’ égalité dans le mariage et les rapports familiaux.

Violence fondée sur le genre à l’égard des femmes

Le Comité note que le Conseil suprême de la femme a lancé en 2015 une stratégie nationale visant à protéger les femmes contre la violence domestique. Il note également qu’un projet de loi a été proposé pour abroger l’article 353 du décret-loi no 15 (1976) portant Code pénal, en vertu duquel l’auteur d’un viol peut échapper à la sanction en épousant la victime. Le Comité est néanmoins préoccupé par ce qui suit :

a)L’article 344 du Code pénal n’incrimine pas le viol conjugal et exclut celui-ci de la définition du viol ;

b)Aucun calendrier n’est fixé pour l’adoption du projet de loi portant abrogation de l’article 353 du Code pénal en vue d’incriminer uniformément le viol, notamment le viol commis par une seule personne, le viol collectif et le viol conjugal, et de supprimer l’exonération de responsabilité pénale de l’auteur d’un viol lorsque celui-ci épouse la victime ;

c)Les articles 16 et 334 du Code pénal prévoient une réduction des peines encourues par l’auteur d’une infraction lorsque celle-ci est commise au nom de l’« honneur » ;

d)Le manque de données, ventilées par âge, nationalité, appartenance ethnique, handicap, zone urbaine ou rurale et nature de la relation entre la victime et l’auteur, sur le nombre de cas signalés de violence fondée sur le genre à l’égard des femmes, les enquêtes menées, les poursuites engagées, les déclarations de culpabilité prononcées et les peines imposées ;

e)Le manque d’informations sur le nombre d’ordonnances de protection délivrées depuis l’entrée en vigueur de la loi sur la violence domestique et sur leur durée, ainsi que sur les sanctions imposées en cas de violation d’une telle ordonnance.

Rappelant ses précédentes recommandations ( CEDAW/C/BHR/CO/3 , par. 22) et sa recommandation générale n o 35 (2017) sur la violence à l ’ égard des femmes fondée sur le genre, portant actualisation de la recommandation générale n o  19, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De modifier l ’ article 344 du Code pénal afin d ’ incriminer le viol conjugal et de fonder la définition du viol sur l ’ absence de consentement plutôt que sur l ’ usage de la force  ;

b) D ’ accélérer l ’ adoption du projet de loi ayant pour objet l ’ abrogation de l ’ article 353 du décret-loi n o  15 (1976) portant Code pénal, au titre duquel l ’ auteur d ’ un viol peut être exonéré de responsabilité pénale s ’ il épouse la victime  ;

c) D ’ abroger ou de modifier les articles 16 et 334 du Code pénal afin d ’ exclure la possibilité de réduire les peines encourues par les auteurs d ’ actes commis au nom de l ’ « honneur » ou d ’ une coutume qui, s ’ ils n ’ étaient pas considérés comme tels, seraient punis comme des crimes  ;

d) De faire figurer dans son prochain rapport périodique des données statistiques, ventilées par âge, nationalité, appartenance ethnique, handicap, zone urbaine ou rurale et nature de la relation entre la victime et l ’ auteur, sur le nombre de cas signalés de violence fondée sur le genre à l ’ égard des femmes et sur les enquêtes menées, les poursuites engagées, les déclarations de culpabilité prononcées et les peines imposées  ;

e) De faire figurer également dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur le nombre d ’ ordonnances de protection délivrées depuis l ’ entrée en vigueur de la loi sur la violence domestique et sur leur durée, ainsi que les sanctions imposées en cas de violation d ’ une telle ordonnance.

Traite et exploitation de la prostitution

Le Comité prend note de la création en 2015 du Centre de protection et de soutien des travailleurs migrants, qui comprend un foyer spécifiquement destiné aux victimes de la traite. Il se félicite du rétablissement du Comité national de lutte contre la traite des personnes en 2022 et de l’élaboration par celui-ci d’une stratégie et d’un plan d’action pour lutter contre la traite des personnes, ainsi que de la mise en place d’un service téléphonique spécialisé d’aide aux victimes de la traite et de recueil des plaintes sur les employeurs qui soutirent de l’argent aux travailleurs pour transférer le parrainage de leur visa et leur permettre de changer d’emploi. Le Comité prend toutefois note avec inquiétude de la faible proportion de cas de trafic de main-d’œuvre qui donne lieu à des poursuites. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles les victimes de la traite hésitent à porter plainte par crainte de subir des représailles ou d’être expulsées. Le Comité note en outre avec préoccupation que les femmes qui se prostituent tombent sous le coup de la loi pénale dans l’État partie, et que les informations manquent sur les mesures prises pour décourager le recours aux services de prostitution et pour engager des poursuites dans les affaires d’exploitation de la prostitution des femmes.

Rappelant ses précédentes recommandations ( CEDAW/C/DNK/CO/8 , par. 20) et sa recommandation générale n o 38 (2020) sur la traite des femmes et des filles dans le contexte des migrations internationales, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De procéder à une analyse du phénomène du trafic de main-d ’ œuvre en vue de mieux comprendre l ’ écart entre le nombre d ’ enquêtes sur des affaires de trafic de main-d ’ œuvre et le nombre de poursuites sur lesquelles elles débouchent, et d ’ y remédier  ;

b) De renforcer les capacités de la police de l ’ immigration et des autres autorités chargées des affaires de traite en matière de conduite d ’ entretiens tenant compte des questions de genre, de repérage précoce des victimes de la traite et d ’ orientation de celles-ci vers les services appropriés, et de veiller à ce que les victimes puissent se signaler comme telles sans crainte d ’ être expulsées ou de subir des représailles  ;

c) De veiller à ce que les victimes de la traite aient accès à une protection et à des services de soutien aux victimes et à ce qu ’ elles puissent obtenir un permis de séjour temporaire, indépendamment de leur capacité ou de leur volonté de coopérer avec les autorités judiciaires  ;

d) De ne plus faire tomber les femmes qui se prostituent sous le coup de la loi pénale et de proposer aux femmes qui souhaitent sortir de la prostitution des programmes à cette fin, notamment de leur offrir d ’ autres possibilités de s ’ assurer des revenus  ;

e) De faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations complètes sur le problème de la prostitution, y compris sur les mesures prises pour décourager le recours aux services de prostitution et pour poursuivre et punir les personnes qui exploitent la prostitution.

Participation égale à la vie politique et publique

Le Comité prend note des efforts faits par l’État partie pour promouvoir la participation des femmes à la vie politique et publique. Il constate toutefois avec inquiétude que si certains progrès ont été accomplis, la représentation des femmes à l’Assemblée nationale, dans les conseils locaux et dans le système judiciaire reste extrêmement faible. Le Comité est également préoccupé par le fait que la modification apportée à l’article 43 de la loi sur les associations restreint indûment la participation des femmes à la vie politique, sur le fondement de leurs activités politiques passées.

Le Comité, rappelant ses précédentes recommandations ( CEDAW/C/BHR/CO/3 , par. 28) et ses recommandations générales n o 23 (1997) sur la participation des femmes à la vie politique et publique et n o 25 (2004) sur les mesures temporaires spéciales, recommande à l ’ État partie d ’ adopter des mesures temporaires spéciales sous forme de quotas, en fixant des objectifs assortis de délais, pour accélérer la réalisation de l ’ égalité réelle des femmes et des hommes dans la vie politique et publique, notamment à l ’ Assemblée nationale et dans les conseils locaux, les administrations publiques et l ’ ensemble du système judiciaire, en particulier les tribunaux des affaires familiales. Il recommande à l ’ État partie de continuer de s ’ employer à promouvoir la présence de femmes à des postes de direction dans les secteurs public et privé.

Les femmes et la paix et la sécurité

Le Comité se félicite de la volonté de l’État partie d’appliquer la résolution 1325(2000) du Conseil de sécurité sur les femmes et la paix et la sécurité et les autres résolutions ultérieures sur le sujet, en intégrant des éléments de la première dans le plan national pour la promotion des femmes bahreïniennes. Il relève cependant avec préoccupation qu’il n’a pas été envisagé d’adopter un plan d’action national pour l’application de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité.

Le Comité rappelle sa recommandation générale n o 30 (2013) sur les femmes dans la prévention des conflits, les conflits et les situations d ’ après conflit, et recommande à l ’ État partie, en coopération avec les représentants et représentantes des organisations de femmes de la société civile, de concevoir et d ’ adopter rapidement un plan d ’ action national pour l ’ application de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité sur les femmes et la paix et la sécurité.

Nationalité

Le Comité prend note avec préoccupation du retard pris dans l’adoption du projet de modification de la loi sur la nationalité visant à accorder aux Bahreïniennes les mêmes droits que ceux dont les Bahreïniens sont titulaires en matière de transmission de leur nationalité à leurs enfants. Il constate également avec préoccupation que le projet de modification ne prévoit pas la transmission automatique de la nationalité à l’enfant lorsque la femme est mariée à un étranger, contrairement à ce qui se passe lorsqu’un Bahreïnien est marié à une étrangère, ce qui fait courir à l’enfant de la femme le risque d’être apatride.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ accélérer l ’ adoption du projet de modification (2014) de la loi sur la nationalité et de le réviser pour faire en sorte que les Bahreïniennes aient le même droit que les Bahreïniens en matière de transmission de leur nationalité à leur enfant, y compris lorsqu ’ elles sont mariées à un étranger. Le Comité, comme il l ’ a fait précédemment ( CEDAW/C/BHR/CO/3 , par. 34), recommande à l ’ État partie d ’ adhérer à la Convention relative au statut des apatrides et à la Convention sur la réduction des cas d ’ apatridie.

Éducation

Le Comité se félicite de l’augmentation du pourcentage de femmes et de filles diplômées dans les filières des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques. Il note toutefois avec préoccupation que :

a)L’augmentation du nombre de femmes et de filles qui s’engagent dans les filières des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques n’a pas ouvert la voie à la hausse de la participation des femmes au marché du travail dans ces domaines ;

b)L’éducation complète en matière de santé sexuelle et procréative ne fait pas partie du programme national.

Rappelant ses précédentes recommandations ( CEDAW/C/BHR/CO/3 , par. 36) et sa recommandation générale n o 36 (2017) sur le droit des filles et des femmes à l ’ éducation, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De poursuivre et renforcer les mesures visant à diversifier davantage les choix éducatifs et professionnels des filles et des garçons, et de s ’ attaquer aux attitudes et stéréotypes traditionnels persistants qui limitent les possibilités pour les femmes et les filles de choisir des domaines d ’ étude et des parcours professionnels non traditionnels  ;

b) D ’ intégrer dans les programmes scolaires à tous les niveaux un enseignement adapté à l ’ âge sur la santé sexuelle et procréative, notamment sur les comportements sexuels responsables, les formes modernes de contraception et les infections sexuellement transmissibles  ;

c) D ’ envisager d ’ adhérer à la Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l ’ enseignement de l ’ Organisation des Nations Unies pour l ’ éducation, la science et la culture.

Emploi

Le Comité se félicite de l’adoption par l’État partie d’une législation interdisant la discrimination salariale, criminalisant le harcèlement sexuel sur le lieu de travail et supprimant les restrictions au travail de nuit pour les femmes. Le Comité est toutefois préoccupé par :

a)L’article 56 de la loi sur la famille, dans lequel le fait pour une femme de prendre un emploi sans le consentement de son époux après avoir contracté mariage est considéré comme un acte de désobéissance ;

b)Le manque d’informations sur l’application effective des articles 33 et 39 du Code du travail, qui interdisent les licenciements fondés sur l’état civil d’une femme ou sur la maternité et la discrimination salariale, respectivement.

Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De prendre des mesures immédiates pour abroger ou modifier l ’ article 56 de la loi sur la famille afin de garantir que les femmes puissent prendre un emploi sans le consentement de leur époux après avoir contracté mariage  ;

b) De renforcer les inspections du travail en vue de contrôler les conditions de travail et d ’ emploi des femmes et de veiller à ce que les employeurs respectent pleinement les articles 33 et 39 du Code du travail  ;

c) De recenser et de lever les obstacles à une participation égale des femmes à la vie active, notamment en s ’ attaquant aux rôles de genre traditionnels des hommes et des femmes et en facilitant l ’ accès des femmes aux postes de décision  ;

d) De ratifier la Convention de 1951 sur l ’ égalité de rémunération (n o  100) de l ’ Organisation internationale du Travail (OIT)  ;

e) De ratifier la Convention de 2019 sur la violence et le harcèlement (n o  190) de l ’ OIT.

Travailleuses migrantes

Le Comité prend note de l’institution d’un nouveau système de permis de travail conformément à la résolution no 1 de 2022, grâce à laquelle les titulaires de permis sont autorisé(e)s à travailler pour plusieurs employeurs. Il constate cependant que plus de la moitié des travailleuses migrantes officiellement enregistrées dans l’État partie sont employées comme travailleuses domestiques et regrette qu’elles ne puissent pas à ce titre prétendre au nouveau système de permis de travail. Il note en outre avec préoccupation :

a)Que le Code du travail ne s’applique pas aux travailleurs domestiques, dont la plupart sont des femmes migrantes ou expatriées dans l’État partie ;

b)Que le modèle de contrat domestique tripartite, qui régit la relation entre le travailleur ou la travailleuse, la personne qui l’emploie et l’organisme de recrutement, ne réglemente pas le nombre maximal d’heures de travail, la rémunération des heures supplémentaires et les périodes de repos, ce qui expose les travailleuses domestiques migrantes à l’exploitation, et que les employeurs qui recrutent directement des domestiques ne sont pas tenus de souscrire au contrat domestique tripartite ;

c)Que le système de parrainage qui lie les travailleurs et travailleuses migrant(e)s à la personne qui les emploie existe toujours dans la pratique.

Le Comité demande à l ’ État partie  :

a) De renforcer la protection juridique des travailleuses migrantes ou expatriées en étendant l ’ application du Code du travail aux domestiques  ;

b) D ’ adopter des lignes directrices sur les contrats, d ’ imposer des sanctions adéquates en cas de contrat abusif et de faire en sorte que les travailleuses migrantes ou expatriées soumises à un contrat abusif, qu ’ il ait été conclu par l ’ intermédiaire d ’ un organisme de recrutement ou bilatéralement avec l ’ employeur ou l ’ employeuse, aient accès à une aide juridique gratuite et à des mécanismes de plainte confidentiels et indépendants  ;

c) De continuer de prendre des mesures en vue de l ’ abolition effective du système de parrainage, et de solliciter l ’ assistance technique de l ’ OIT à cet effet  ;

d) D ’ envisager de ratifier la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (n o  189) de l ’ OIT .

Santé

Le Comité prend note des activités de sensibilisation menées par l’État partie concernant les maladies infectieuses, les services de planification familiale et les contraceptifs modernes. Il note également que le Ministère de l’éducation a élaboré, en coopération avec des organisations de la société civile, des programmes de formation à l’intention des enseignants et enseignantes et des étudiants et étudiantes pour aborder les questions relatives à la grossesse et au mariage. Il constate toutefois avec préoccupation :

a)Que l’article 40 de la loi sur la famille dispose qu’une femme ne peut pas s’abstenir d’avoir des enfants de son mari, sauf avec sa permission et pour une bonne raison ;

b)Que l’avortement est criminalisé par l’article 321 du Code pénal, qu’un médecin ne peut pratiquer un avortement que si la vie de la femme est en danger et que le projet de loi sur l’avortement actuellement examiné par le Parlement ne dépénalise l’avortement que dans les cas où le fœtus est malformé, et non dans les cas de viol ou d’inceste.

Rappelant ses précédentes recommandations ( CEDAW/C/BHR/CO/3 , par. 42) et sa recommandation générale n o 24 (1999) sur les femmes et la santé, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ abroger ou de modifier l ’ article 40 de la loi sur la famille afin que les femmes ne puissent pas être forcées par leur mari à avoir des enfants et qu ’ elles puissent décider librement du nombre et de l ’ espacement des naissances  ;

b) De modifier l ’ article 321 du Code pénal en vue de légaliser l ’ avortement au moins en cas de viol, d ’ inceste, de risque pour la vie ou la santé de la femme enceinte ou de malformation grave du fœtus, et de dépénaliser l ’ avortement dans tous les autres cas.

Autonomisation économique des femmes

Le Comité salue les mesures législatives que l’État partie a prises pour renforcer l’accès des femmes à l’assurance sociale et interdire la discrimination fondée sur le sexe dans l’accès au crédit. Il note cependant avec préoccupation que l’assurance sociale ne couvre pas les travailleurs migrants ou expatriés, y compris les femmes, qui représentent plus de la moitié de la population de l’État partie.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ étendre aux travailleurs migrants, y compris aux travailleuses migrantes, la protection et les avantages qui sont accordés aux ressortissants bahreïniens au titre de la loi n o  14 de 2022 sur l ’ assurance sociale.

Femmes en détention

Le Comité note avec satisfaction que le Ministère de l’intérieur a signé un mémorandum d’accord avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) autorisant le CICR à visiter les prisons et les centres de détention et à organiser des cours de formation sur les droits humains et le droit international humanitaire à l’intention des employés du Ministère. Il est toutefois préoccupé par les informations selon lesquelles les conditions de détention ne sont pas conformes aux normes internationales et par les allégations de mauvais traitements, d’agressions physiques et sexuelles, d’abus et de torture, ainsi que par les signalements indiquant que des femmes, notamment journalistes et militantes, qui sont détenues dans l’État partie sont privées d’accès à des installations de santé et des installations sanitaires.

Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que les femmes placées en détention provisoire bénéficient d ’ une assistance juridique adéquate et aient accès à la justice conformément aux Principes et lignes directrices des Nations Unies sur l ’ accès à l ’ assistance juridique dans le système de justice pénale et à ce que les conditions de détention des femmes, notamment dans les centres de rétention administrative, soient conformes aux Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l ’ imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok) et à l ’ Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela), à ce que toutes les informations relatives à des mauvais traitements ou des abus commis dans les lieux de détention donnent effectivement lieu à une enquête et à ce que les auteurs de ces actes soient poursuivis et dûment punis.

Mariage et rapports familiaux

Le Comité note que l’État partie a adopté la loi unifiée sur la famille (loi no 19 de 2017) et encourage la médiation dans les conflits familiaux. Il note toutefois avec inquiétude que, malgré ses recommandations antérieures (CEDAW/C/BHR/CO/3, par. 44), la loi unifiée sur la famille ne consacre toujours pas l’égalité et l’accès effectif à la justice dans les affaires familiales, notamment en ce qui concerne le mariage, le divorce, l’héritage et la garde des enfants. Il est préoccupé en particulier par :

a)L’obligation faite aux femmes d’obtenir l’approbation d’un tuteur masculin pour se marier ;

b)L’inégalité en matière de droits successoraux pour les femmes au titre de la charia ;

c)Le nombre limité de motifs pour lesquels les femmes peuvent demander le divorce en comparaison avec les hommes et les conséquences économiques négatives pour les femmes du divorce khoul’, qui exige que la femme renonce à ses droits financiers, notamment à sa dot ;

d)Le caractère profondément genré de la loi sur la garde et la tutelle des enfants, en particulier la priorité qui est donnée au père en tant que tuteur de l’enfant pendant le mariage et après le divorce, et la perte potentielle de la garde de l’enfant par la mère en cas de remariage de celle-ci.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager de réviser la loi sur la famille (loi n o  19 de 2017) afin que toutes ses dispositions s ’ appliquent de la même manière à toutes les personnes, quels que soient leur genre et leur appartenance religieuse. Il recommande également de mener des recherches complémentaires sur les droits des femmes en matière de médiation. Il recommande en outre à l ’ État partie  :

a) De supprimer l ’ obligation faite aux femmes d ’ obtenir l ’ approbation d ’ un tuteur masculin pour se marier  ;

b) D ’ entreprendre une réforme législative visant à garantir aux femmes et aux filles des droits successoraux égaux à ceux des hommes et des garçons  ;

c) De modifier la loi sur la famille (loi n o  19 de 2017) afin de supprimer toutes les dispositions discriminatoires relatives au divorce et de garantir la protection économique des femmes en cas de divorce, conformément à la recommandation générale n o  29 (2013) sur les conséquences économiques du mariage, et des liens familiaux et de leur dissolution ainsi qu ’ aux recommandations précédentes du Comité ( CEDAW/C/BHR/CO/3 , par. 46)  ;

d) De modifier la législation sur les tutelles afin que les deux parents soient reconnus comme les tuteurs de l ’ enfant, à moins que des circonstances particulières ne s ’ y opposent  ;

e) De faire en sorte que les femmes soient autorisées à être juges et médiatrices dans les conflits familiaux.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité invite l ’ État partie à s ’ appuyer sur la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing et à continuer d ’ évaluer la réalisation des droits consacrés par la Convention en vue de parvenir à une égalité réelle entre les femmes et les hommes.

Programme de développement durable à l’horizon 2030

Le Comité appelle à la réalisation de l ’ égalité réelle entre les genres, conformément aux dispositions de la Convention, tout au long du processus de mise en œuvre du Programme de développement durable à l ’ horizon 2030.

Diffusion

Le Comité prie l ’ État partie de veiller à la diffusion rapide des présentes observations finales, dans les langues officielles de l ’ État partie, à tous les niveaux des institutions étatiques concernées (national, régional et local), en particulier auprès du Gouvernement, des ministères, du Parlement et du système judiciaire, afin de permettre leur pleine mise en œuvre.

Ratification d’autres traités

Le Comité constate que l ’ adhésion de l ’ État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits humains contribuerait à favoriser l ’ exercice effectif par les femmes de leurs droits individuels et de leurs libertés fondamentales dans tous les aspects de la vie. Il l ’ invite donc à ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, auxquelles il n ’ est pas encore partie.

Suite donnée aux observations finales

Le Comité prie l ’ État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu ’ il aura prises pour appliquer les recommandations énoncées aux paragraphes 13 c), 19, 23 et 41 a) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité fixera la date à laquelle l ’ État partie devra lui remettre son cinquième rapport périodique en fonction d ’ un calendrier prévisible de soumission des rapports fondé sur un cycle d ’ examen de huit ans et adoptera une liste de points et de questions qui sera transmise à l ’ État partie avant la soumission du rapport, selon qu ’ il conviendra. Le rapport devra couvrir toute la période écoulée, jusqu ’ à la date à laquelle il sera soumis.

Le Comité invite l ’ État partie à se conformer aux directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument ( HRI/GEN/2/Rev.6 , chap. I).