Observations finales concernant les huitième et neuvième rapports périodiques présentés en un seul document du Bhoutan *

Le Comité a examiné les huitième et neuvième rapports périodiques (soumis en un seul document) du Bhoutan (CEDAW/C/BTN/8-9) à ses 1437e et 1438e séances, le 27 octobre 2016 (voir CEDAW/C/SR.1437 et 1438). La liste des points et des questions du Comité figure dans le document CEDAW/C/BTN/Q/8-9 et les réponses du Bhoutan dans le document CEDAW/C/BTN/Q/8-9/Add.1.

A.Introduction

Le Comité remercie l’État partie d’avoir présenté, en un seul document, ses huitième et neuvième rapports périodiques. Il le remercie également de ses réponses écrites à la liste des points et des questions soulevés par le groupe de travail d’avant session et se félicite de l’exposé oral de la délégation et des précisions apportées en réponse aux questions que le Comité a posées oralement durant l’échange de vues.

Le Comité félicite l’État partie pour sa délégation, qui était dirigée par le Représentant permanent du Royaume du Bhoutan auprès de l’Office des Nations Unies et d’autres organisations internationales à Genève, Kinga Singye, et qui était également composée de représentants de la Commission nationale pour les femmes et les enfants, de la Cour suprême, du Bureau du Procureur général, du Ministère de l’agriculture et des forêts, du Ministère des affaires étrangères et de la Mission permanente du Bhoutan.

B.Aspects positifs

Le Comité salue les progrès accomplis depuis l’examen, en 2009, du septième rapport périodique de l’État partie (CEDAW/C/BTN/7) dans le domaine de la réforme législative, notant en particulier l’adoption des lois suivantes :

a)La loi sur la prévention de la violence familiale, en 2013, et réglementation relative à la prévention de la violence domestique, en 2015;

b)La loi sur la protection de l’enfance, en 2011, qui contient des dispositions relatives à la lutte contre la traite des enfants;

c)La loi portant modification du Code pénal, en 2011, qui aggrave les peines pour le crime de viol.

Le Comité se félicite des efforts déployés par l’État partie pour améliorer son cadre politique en vue d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité entre les sexes, en particulier par l’adoption des mesures suivantes :

a)Le plan de développement national (2013-2018) qui vise à intégrer la problématique hommes-femmes dans les plans et programmes relevant du onzième plan quinquennal;

b)La politique nationale de l’emploi en 2012, qui vise à améliorer la scolarisation des femmes dans l’enseignement supérieur.

Le Comité se félicite qu’en 2009, depuis l’examen du précédent rapport, l’État partie a ratifié les Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés et la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

C.Parlement

Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif dans la pleine application de la Convention (voir la déclaration du Comité sur ses relations avec les parlementaires, adoptée à sa quarante-cinquième session, en 2010). Il invite le Parlement, conformément à son mandat, à prendre les mesures nécessaires pour mettre en œuvre les présentes observations finales d’ici à la présentation du prochain rapport au titre de la Convention.

D.Principaux domaines de préoccupation et recommandations

Statut juridique de la Convention, visibilité et harmonisation des lois

Le Comité prend note de la clarification apportée par la délégation de l’État partie précisant qu’aux termes de l’article 10 (25) de la Constitution de l’État partie, la Convention fait partie intégrante de sa législation et est directement applicable dans les tribunaux nationaux. Le Comité note toutefois qu’aucune information ne fait état de décisions judiciaires qui feraient référence aux dispositions de la Convention. Le Comité se félicite de la création d’une équipe spéciale chargée d’examiner le droit existant afin d’harmoniser les lois comportant des dispositions contradictoires, y compris des dispositions relatives aux femmes et aux enfants, mais il note que l’achèvement du processus d’harmonisation n’est assorti d’aucun calendrier.

Le Comité recommande que l’État partie :

a) Redouble d’efforts pour diffuser les informations concernant la Convention et les recommandations générales du Comité, ainsi que les programmes de renforcement des capacités à l’intention des juges, des procureurs et des avocats par l’intermédiaire de l’Institut national du droit du Bhoutan, qui a été créé pour dispenser une formation judiciaire et juridique continue;

b) Fixe un calendrier précis pour l’achèvement de l’harmonisation des lois et s’assure que les consultations actuellement conduites par la Commission des femmes, des enfants et des jeunes de l’Assemblée nationale soient participatives et comprennent une analyse sexospécifique approfondie de toutes les lois en vigueur dans l’État partie qui sont en contradiction avec d’autres textes législatifs ou avec la Convention.

Accès à la justice et mécanismes de recours judiciaire

Le Comité félicite l’État partie pour les efforts constants qu’il a déployés afin d’améliorer l’accès à la justice en fournissant une aide juridictionnelle aux termes de la loi Jabmi de 2003 et en créant des tribunaux spécialisés pour les femmes et les enfants. Le Comité note que le Bureau du Procureur général a conduit une évaluation des besoins concernant l’aide juridictionnelle en vue d’établir un cadre réglementaire national qui tienne compte des normes et pratiques internationales. Cependant, le Comité est préoccupé par l’absence de données concernant les difficultés d’accès à la justice que rencontrent les femmes, en particulier les femmes qui vivent dans les zones rurales où l’accessibilité physique est parfois limitée en raison de la topographie.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De veiller à ce que les femmes aient un accès effectif à la justice sur tout le territoire de l’État partie, en particulier dans les zones rurales, en remédiant aux difficultés d’accessibilité physique;

b) De tenir compte des directives fournies par le Comité dans sa recommandation générale n o  33 (2015) sur l’accès des femmes à la justice, surtout lors de l’établissement du cadre réglementaire national sur l’aide juridictionnelle;

c) De s’assurer que les tribunaux spécialisés pour les femmes et les enfants sont accessibles et dotés des moyens adéquats, et que les femmes sont informées par des programmes de sensibilisation des possibilités de recours juridique dont elles disposent.

Mécanisme national de promotion de la femme

Le Comité se félicite du fait que la Commission nationale pour les femmes et les enfants, qui est l’organe chargé de coordonner la promotion de la femme, ait été renforcé par l’augmentation de ses moyens et par la désignation d’un ministre à sa présidence, entre autres. Le Comité note en outre que la Commission fait actuellement l’objet d’un examen concernant son organisation suite à l’élargissement de son mandat au suivi de l’application de la loi sur la protection de l’enfance de 2011, de la loi sur l’adoption d’enfants de 2012 et de la loi sur la prévention de la violence familiale de 2013. Le Comité félicite l’État partie pour les efforts qu’il a déployés afin d’incorporer les objectifs de développement durable dans son manuel relatif à l’indicateur de la condition féminine, avec l’aide du Bureau national de statistique et de la Commission, et pour avoir distingué entre ses missions relatives aux enfants et celles qui concernent les femmes, de sorte que la composante concernant la condition féminine est désormais consacrée exclusivement à l’égalité des sexes. Il félicite également l’État partie d’avoir créé un outil d’évaluation des politiques fondé sur le bonheur national brut, dont l’un des paramètres d’évaluation des politiques nationales est l’égalité des sexes. Le Comité note que l’État partie élabore actuellement une nouvelle politique nationale d’égalité des sexes. Cependant, le Comité est préoccupé par :

a)La coordination limitée entre la Commission nationale pour les femmes et les enfants et les coordonnateurs pour l’égalité des sexes, en particulier au niveau des districts, et la faiblesse des formations qui leur sont dispensées;

b)L’insuffisance des informations concernant les activités que conduit la Commission afin de suivre la prise en compte de l’égalité des sexes dans tous les domaines, y compris l’élaboration des budgets;

c)L’absence de données ventilées sur les femmes et les filles, qui permettrait d’éclairer les activités de programmation de l’État partie.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De renforcer la coordination entre la Commission nationale pour les femmes et les enfants et les coordonnateurs pour l’égalité des sexes dans les districts, et de veiller à ce que les coordonnateurs pour l’égalité des sexes reçoivent une formation adéquate concernant les droits des femmes, en particulier en matière de prise en compte systématique de la problématique hommes­femmes;

b) De fournir dans le prochain rapport périodique des informations concernant les activités que la Commission nationale pour les femmes et les hommes conduit afin de suivre la prise en compte de l’égalité des sexes dans tous les domaines, y compris l’élaboration des budgets, et de veiller à ce qu’elle dispose des ressources humaines et financières nécessaires pour s’acquitter efficacement de son mandat élargi;

c) De redoubler d’efforts pour collecter des données ventilées sur les femmes et les filles et de veiller à ce que le projet de politique nationale d’égalité des sexes évite toute formulation ne faisant aucune différence entre les sexes et facilite la collecte et la diffusion de telles données;

d) De veiller à l’utilisation effective de l’outil d’évaluation fondé sur le bonheur national brut et du manuel relatif à l’indicateur de la condition féminine, qui incorpore les objectifs de développement durable et leurs indicateurs, dans l’évaluation de l’efficacité des politiques en matière de promotion de l’égalité des sexes.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité rappelle ses précédentes observations finales (CEDAW/C/BTN/CO/7, par. 15) et note une fois de plus avec préoccupation que, bien que l’État partie ait indiqué qu’il envisagerait d’élaborer une loi sur les mesures temporaires spéciales, aucune mesure de ce type n’a été adoptée pour accélérer la réalisation de l’égalité de fait entre les femmes et les hommes dans les domaines couverts par la Convention, en particulier en ce qui concerne l’éducation et la participation des femmes à la vie politique et publique. Le Comité est également préoccupé par le fait que les efforts visant à mieux faire comprendre les mesures temporaires spéciales sont entravés par les stéréotypes de genre et les préjugés selon lesquels ces mesures sont incompatibles avec un système fondé sur le mérite.

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter et d’appliquer pleinement des dispositions législatives sur les mesures temporaires spéciales visant à accroître la participation des femmes à la vie publique, à l’éducation et à l’emploi, conformément à l’alinéa 1 de l’article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o  25 (2004) du Comité sur les mesures temporaires spéciales, en tant que stratégie nécessaire pour accélérer l’instauration d’une égalité réelle des femmes et des hommes dans tous les domaines couverts par la Convention où les femmes sont sous-représentées ou défavorisées. Il recommande également à l’État partie de sensibiliser les parlementaires, les représentants de l’État et la population en général à la nécessité de recourir à des mesures temporaires spéciales.

Stéréotypes et pratiques préjudiciables

Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour mettre en œuvre le Plan d’action national pour la parité des sexes en vue de changer les comportements stéréotypés au sein de la population. Il demeure toutefois préoccupé face à la persistance de stéréotypes discriminatoires et d’attitudes patriarcales profondément ancrées concernant le rôle et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société. Le Comité note également avec préoccupation l’absence de données sur l’étendue de pratiques préjudiciables telles que la polygamie. Il rappelle ses précédentes observations finales [A/59/38 (Partie I), par. 115 et 116] et note que l’État partie n’a pas encore procédé à une analyse approfondie des stéréotypes discriminatoires existants afin d’évaluer leur impact sur la réalisation de l’égalité des sexes.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De renforcer les programmes d’éducation du public concernant les effets négatifs des stéréotypes discriminatoires sur l’exercice par les femmes de leurs droits, en particulier dans les zones rurales, et de revoir les programmes scolaires afin de s’assurer qu’ils facilitent l’élimination des stéréotypes sexistes;

b) D’intensifier la coopération avec les médias en vue d’éduquer le public et de le sensibiliser aux stéréotypes sexistes qui persistent à tous les niveaux de la société, et de contrôler l’utilisation par les médias de leurs directives éthiques afin qu’ils donnent une image positive des femmes et des filles comme acteurs de la vie politique, économique et sociale;

c) De réaliser des études nationales visant à analyser les stéréotypes discriminatoires existants afin d’évaluer leur impact sur la réalisation de l’égalité des sexes et à déterminer l’étendue et la prévalence de la pratique néfaste de la polygamie;

d) De surveiller et examiner régulièrement les mesures prises pour éliminer les stéréotypes sexistes et les pratiques préjudiciables, afin d’évaluer leurs effets.

Violence sexiste à l’égard des femmes

Le Comité se félicite de l’adoption par l’État partie de la loi sur la prévention de la violence familiale en 2013 et de son règlement d’application en 2015. Le Comité félicite également l’État partie de l’adoption en 2011 de la loi portant modification du Code pénal, qui aggrave les peines pour le crime de viol, et de la mise en place d’unités ou de bureaux de protection des femmes et des enfants dans un plus grand nombre de districts. Le Comité s’inquiète de l’absence de tribunaux spécialisés dans la violence sexiste à l’égard des femmes, y compris au sein de la famille. Il est particulièrement préoccupé par :

a)La prévalence de la violence sexiste à l’égard des femmes et des filles et le faible taux de signalement des cas de ce type;

b)Les informations indiquant qu’environ 74 % des femmes pensent que la violence familiale est justifiée en dépit des programmes et des activités de sensibilisation mis en œuvre par l’État partie;

c)Le fait que l’article 22 de la loi de 2013 sur la prévention de la violence familiale prévoit la médiation dans les cas de violence familiale qui sont qualifiés de délits;

d)Le nombre limité de refuges pour les femmes victimes de violence et le fait que ceux qui existent sont entièrement gérés et financés par des organisations de la société civile.

Conformément à sa recommandation générale n o  19 (1992) sur la violence à l’égard des femmes, le Comité recommande à l’État partie :

a) De veiller à ce que tous les cas de violence à l’égard de femmes et de filles fassent l’objet d’une enquête approfondie et efficace et que les auteurs de tels actes soient poursuivis et dûment sanctionnés, et de créer des tribunaux spécialisés chargés de connaître des affaires de violence sexiste, y compris de violence familiale, à l’égard des femmes;

b) D’entreprendre des campagnes de sensibilisation pour éliminer l’acceptation sociale de la violence familiale par les femmes, et d’identifier et de traiter les raisons profondes pour lesquelles les femmes victimes de violences ne signalent pas ces actes;

c) De modifier l’article 22 de la loi de 2013 sur la prévention de la violence familiale pour empêcher que les cas de violence familiale soient réglés par le biais de la médiation;

d) De mettre en place un système multisectoriel coordonné de services d’appui aux victimes et aux survivantes de la violence sexiste à l’égard des femmes conformément aux procédures normalisées pour la gestion des dossiers et l’orientation des femmes et des enfants en situation difficile et au programme commun pour la réduction de la violence à l’égard des femmes et des enfants, afin de contribuer au bonheur national brut;

e) D’élaborer un plan clair assorti d’un budget adéquat pour la mise en œuvre de la loi de 2013 sur la prévention de la violence familiale, de procéder à une évaluation des besoins en refuges pour les femmes victimes de violence dans l’État partie et de fournir un financement aux organisations non gouvernementales qui gèrent ces refuges;

f) De continuer à renforcer les capacités de la police du Bhoutan et des autres organes chargés de faire respecter la loi pour prévenir et traiter les cas de violence sexiste à l’égard des femmes et des filles par l’institutionnalisation de programmes de renforcement des capacités et l’augmentation du nombre d’unités de protection des femmes et des enfants.

Traite et exploitation de la prostitution

Le Comité se félicite de l’adoption de la loi de 2011 sur la protection de l’enfance, qui contient une section sur la lutte contre la traite des enfants, et des efforts déployés par l’État partie pour réviser la définition du crime de traite conformément aux normes internationales. Le Comité note que l’État partie a entrepris d’élaborer des procédures opérationnelles normalisées pour une action multisectorielle de lutte contre la traite des personnes et qu’une proposition visant à identifier l’organisme chef de file dans ce domaine a été soumise au Conseil des ministres. Toutefois, le Comité constate avec préoccupation que :

a)L’État partie reste un pays d’origine et de destination de la traite des personnes, en particulier des femmes et des filles, principalement à des fins de travail forcé et d’exploitation sexuelle, et ne compte pas suffisamment de refuges adaptés pour les femmes et les filles qui sont victimes de la traite;

b)Les filles, surtout dans les zones rurales, sont souvent victimes d’exploitation par le travail domestique;

c)L’on manque de données sur la prostitution des femmes et l’exploitation de la prostitution dans les établissements de divertissement (drayangs).

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De redoubler d’efforts pour s’attaquer aux causes profondes de la traite des femmes et des filles et pour assurer la réadaptation et la réinsertion sociale des victimes, notamment en leur donnant accès à des refuges et à une assistance juridique, médicale et psychosociale;

b) De collecter des données sur l’ampleur et les diverses formes de la traite des femmes et des filles, ventilées notamment par âge et par région;

c) De collecter des données sur la prostitution des femmes et l’exploitation de la prostitution, en particulier dans les drayangs , et de veiller à ce que l’évaluation prévue de la prostitution des femmes analyse les aspects sexospécifiques du recrutement et de l’exploitation des femmes et des filles;

d) De redoubler d’efforts pour développer la coopération bilatérale, régionale et internationale afin de prévenir la traite, y compris par l’échange d’informations et l’harmonisation des procédures judiciaires visant à poursuivre les trafiquants, en particulier avec les pays voisins et les autres pays d’Asie du Sud.

Participation à la vie politique et publique

Le Comité note que la représentation des femmes a augmenté de 3 % à la suite des élections locales de septembre 2016 et félicite l’État partie d’avoir élaboré un plan national d’action visant à promouvoir l’égalité des sexes dans les fonctions électives. Le Comité constate que les principales raisons de la faible représentation des femmes dans la vie politique sont liées aux stéréotypes sexistes, à un niveau d’instruction moins élevé et à un manque de ressources financières, qui sont d’ailleurs aussi les principales causes du mécontentement des femmes mesuré par l’indice du bonheur national brut de l’État partie. Le Comité est préoccupé par le fait que malgré les efforts déployés pour améliorer l’alphabétisation fonctionnelle des candidates à des postes dans les administrations locales, la représentation des femmes reste faible. Il note en particulier avec préoccupation que :

a)Les femmes n’occupent que 8 % des sièges à l’Assemblée nationale et 10 % dans les administrations locales;

b)Les femmes demeurent sous-représentées aux postes de décision, en particulier aux fonctions de ministre, juge et diplomate, et aux postes les plus élevés de la fonction publique;

c)L’État partie n’a pas adopté de mesures temporaires spéciales, notamment des quotas, pour accélérer la réalisation de l’égalité de fait entre les femmes et les hommes.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter des mesures, notamment des mesures temporaires spéciales, conformément à l’alinéa 1 de l’article 4 de la Convention et aux recommandations générales du Comité n o  25 (2004) et n o  23 (1997) sur les femmes dans la vie publique, telles que la mise en place d’un système de parité des sexes pour les nominations et le recrutement accéléré de femmes aux postes de responsabilité, afin que la participation pleine et égale des femmes au sein des organes pourvus par voie d’élection et de nomination, y compris dans la magistrature, au niveau ministériel, dans les services diplomatiques et dans la fonction publique ainsi que dans l’administration locale, devienne plus vite une réalité;

b) De garantir la mise en œuvre effective de la composante du plan d’action national pour la promotion de l’égalité des sexes dans les fonctions électives, qui vise à accroître le nombre de femmes candidates, et de répondre aux préoccupations concernant le test d’alphabétisme fonctionnel, qui est considéré comme un obstacle pour les femmes qui cherchent à participer aux élections locales;

c) D’accélérer l’adoption de la loi portant modification de la loi de 2008 sur le Fonds électoral public afin d’accroître le financement public pour les femmes candidates à une fonction politique aux élections nationales et locales.

Éducation

Le Comité salue les initiatives prises pour renforcer l’alphabétisation des femmes, telles que l’octroi de bourses pour les filles et la mise en œuvre du programme d’enseignement extrascolaire. Il relève que, conformément au Plan 2014-2023 d’éducation du Bhoutan, l’État partie a ouvert des « écoles centrales » en internat afin de faire baisser le fort taux d’abandon scolaire imputable au mariage et à la grossesse. Il note que ces mesures ont entraîné une diminution du nombre des « classes décentralisées », qui ont pour but de réduire l’éloignement de l’école et, ainsi, de rendre l’instruction plus accessible aux filles. Il est toutefois préoccupé par les taux élevés de l’abandon scolaire entre les niveaux primaire et secondaire et du taux élevé d’analphabétisme parmi les femmes et les filles. Il s’inquiète également du plus faible nombre d’enseignantes dans les écoles.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre des mesures pour assurer le maintien effectif des femmes et des filles dans le système éducatif, en particulier au moment du passage de l’école primaire à l’école secondaire et dans l’enseignement supérieur;

b) D’entreprendre une étude d’impact concernant l’efficacité des « écoles centrales » et la baisse du nombre des « classes décentralisées » sur celle des cas d’abandon scolaire dû au mariage et à la grossesse chez les filles, et de lui fournir des renseignements sur les résultats de ces études dans le prochain rapport périodique;

c) D’intensifier la mise en œuvre des programmes d’enseignement extrascolaire et d’autres programmes d’alphabétisation des adultes afin de faire reculer le nombre de femmes analphabètes;

d) D’augmenter le nombre d’enseignantes dans les écoles, en encourageant les femmes à s’inscrire dans les facultés et établissements de formation du personnel enseignant.

Emploi

Le Comité félicite l’État partie d’avoir porté le congé de maternité et le congé de paternité dans le secteur public de trois à six mois et de 5 à 10 jours, respectivement. Il prend note du fait que l’État partie a engagé des consultations avec le secteur privé pour la création de garderies d’enfants et l’octroi aux employés de conditions d’emploi plus favorables en ce qui concerne les prestations parentales. Le Comité remercie également l’État partie d’avoir intégré des indicateurs obligatoires relatifs à la parité dans les accords annuels d’évaluation des résultats (2016-2017) de tous les ministères et de tous les organismes autonomes. Il constate que, grâce au programme de développement des compétences pour l’emploi, au programme d’emploi à l’étranger et au programme pour l’emploi direct, un certain nombre de femmes ont été formées et ont trouvé un emploi. Toutefois, il est préoccupé par :

a)Des informations indiquant que le taux de chômage est plus élevé chez les femmes que chez les hommes et que le taux d’activité féminine a diminué en 2013;

b)Des informations selon lesquelles les femmes n’ont que peu de possibilités d’emploi en dehors du secteur agricole et du travail domestique, où les salaires sont faibles;

c)Du peu d’informations concernant les mesures concrètes prises pour lutter contre le harcèlement sexuel et du manque de données sur les plaintes déposées par des femmes pour discrimination à l’emploi et ses incidences sur les écarts salariaux.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’intensifier ses efforts pour appliquer pleinement les lois et les règlements en vigueur sur l’égalité entre hommes et femmes en ce qui concerne l’emploi et de réduire le chômage des femmes en facilitant leur entrée dans l’économie formelle par le biais, notamment, de la formation professionnelle et technique;

b) De renforcer l’action visant à éliminer les inégalités structurelles et la discrimination à l’emploi, tant horizontales que verticales; d’adopter des mesures plus progressistes sur l’éducation des enfants afin que les hommes et les femmes partagent les responsabilités; et d’augmenter le nombre de garderies d’enfants;

c) De recueillir des données statistiques sur l’étendue du problème de la discrimination sexuelle sur le lieu de travail, y compris sur les cas de harcèlement sexuel, et de conduire des inspections du travail régulières afin de faire respecter le droit du travail et les codes de conduite en ce qui concerne le harcèlement sexuel.

Santé

Le Comité salue l’État partie pour les efforts qu’il a déployés afin de réduire la mortalité maternelle et infantile en créant des dispensaires itinérants qui fournissent des services prénatals et postnatals aux communautés. Toutefois, il est préoccupé par le fait que, malgré la distribution gratuite de contraceptifs, les taux de grossesse précoce et d’infections sexuellement transmissibles, y compris du VIH, demeurent élevés parmi les jeunes femmes. Il constate que, selon l’article 146 de la loi de 2011 portant modification du Code pénal du Bhoutan, l’avortement est admissible uniquement si l’intervention est pratiquée de bonne foi pour sauver la vie de la mère ou si la grossesse résulte d’un viol ou d’un inceste. Il est toutefois préoccupé par le fait que la pratique de l’avortement continue d’être considérée comme une infraction pénale bien qu’il s’agisse d’un délit passible d’une peine d’emprisonnement d’une durée maximale de trois ans. Il est également préoccupé par l’incidence des suicides dans l’État partie, qui sont en partie imputables à la consommation de drogues et au manque de perspectives économiques.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De fournir aux femmes, notamment aux femmes et aux filles des zones rurales, davantage d’informations sur la santé sexuelle et procréative et davantage de services dans ce domaine, y compris des méthodes de contraception modernes;

b) De légaliser l’interruption de grossesse, notamment dans les cas où il existe des risques pour la santé de la femme ou des risques de graves malformations fœtales, et de la dépénaliser dans tous les autres cas, et de veiller à rendre disponibles et accessibles des méthodes d’avortement modernes et médicalement sûres, conformément à la recommandation générale n o  24 (1999) sur les femmes et la santé;

c) De prendre les mesures nécessaires pour lever les obstacles économiques et lutter contre la toxicomanie afin de réduire le taux de suicide parmi les femmes et les filles.

Prestations économiques et sociales

Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour appliquer des stratégies qui visent à améliorer la croissance économique telles que la politique du bonheur national brut. Il s’inquiète, toutefois, du manque d’informations sur la gamme complète des programmes de protection sociale dans l’État partie, en particulier ceux qui visent les groupes de femmes défavorisées telles que les femmes âgées, les femmes handicapées et les femmes chefs de famille. Le Comité constate que la politique nationale de protection sociale n’a pas été adoptée.

Le Comité recommande à l’État partie de lui communiquer, dans son prochain rapport périodique, des renseignements sur les programmes de protection sociale existants qui visent les femmes âgées, les femmes handicapées et les femmes chefs de famille et sur leur impact en matière d’élimination de la pauvreté. Il recommande aussi à l’État partie d’adopter la politique nationale de protection sociale.

Femmes des zones rurales

Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour éliminer la pauvreté dans les zones rurales, notamment en mettant en œuvre le programme de promotion de l’économie rurale. Toutefois, il s’inquiète des informations selon lesquelles les femmes des zones rurales ont un accès limité à de l’eau salubre, aux transports et aux marchés pour leurs produits. Le Comité est aussi préoccupé de ce que le processus de modernisation en cours dans l’État partie risque d’alourdir le poids sociétal qui pèse sur les femmes des zones rurales.

Le Comité recommande à l’État partie de lui fournir, dans son prochain rapport périodique, des renseignements au sujet de la situation générale des femmes des zones rurales et notamment de l’accès qu’elles ont à de l’eau salubre, aux transports et aux marchés pour leurs produits, et au sujet de l’impact qu’a sur elles le processus national de modernisation.

Réduction des risques de catastrophe et changements climatiques

Le Comité félicite l’État partie du volontarisme politique dont il a fait preuve dans le domaine des changements climatiques et qui l’a amené à figurer parmi les pays sans effet net sur les émissions de carbone. Il le félicite également d’avoir mené à bien le programme d’action national aux fins de l’adaptation pour réduire les risques résultant des changements climatiques et les facteurs de vulnérabilité induits par les débordements des lacs glaciaires dans les vallées de Punakha-Wangdi et Chamkhar et d’avoir adopté la deuxième phase du programme d’action. Il est toutefois préoccupé par le manque d’informations sur la participation des femmes à l’élaboration des politiques et des stratégies sur la réduction des risques de catastrophe et l’adaptation aux changements climatiques.

Le Comité recommande à l’État partie de lui fournir, dans le prochain rapport périodique, des renseignements sur la participation des femmes à l’élaboration de politiques et de stratégies de réduction des risques de catastrophe et d’adaptation aux changements climatiques, ainsi qu’à leur mise en œuvre. Il lui recommande également de veiller à ce que l’élaboration et l’application des politiques et des programmes relatifs à la réduction des risques de catastrophe et aux changements climatiques, ainsi qu’à d’autres situations d’urgence, soient fondées sur une analyse globale par sexe, et que ces programmes tiennent compte également des besoins de groupes de femmes défavorisées mais productives tels que les femmes des zones rurales.

Mariage et rapports familiaux

Le Comité rappelle ses précédentes observations finales (CEDAW/C/BTN/CO/7, par. 33 et 34) et constate que, selon la législation de l’État partie, la garde des enfants de moins de 9 ans continue d’être automatiquement accordée à la mère, à moins que les tribunaux n’en décident autrement, ce qui renforce les stéréotypes sexistes. Il s’inquiète aussi de l’existence de systèmes traditionnels d’héritage parallèlement à la loi sur les successions de 1980, ainsi que de la persistance des mariages précoces et forcés, en particulier dans la région orientale.

Le Comité recommande une nouvelle fois à l’État partie de modifier sa législation afin que les décisions relatives à la garde des enfants soient prises en fonction de l’intérêt supérieur de l’enfant. Il lui recommande également :

a) D’entreprendre une étude destinée à déterminer en quoi les différentes pratiques relatives à l’héritage, formelles ou informelles, sont discriminatoires pour les femmes et pour les filles;

b) De faire appliquer la loi de 1980 sur le mariage, qui fixe l’âge minimum du mariage à 18 ans pour les femmes et pour les hommes;

c) D’intensifier les efforts de sensibilisation afin de réduire le nombre des mariages précoces et des mariages d’enfants, notamment dans les zones rurales.

Protocole facultatif à la Convention

Le Comité encourage l’État partie à ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention et à approuver dès que possible la modification du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention, relatif à son nombre de jours de réunion.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité demande à l’État partie de tenir compte de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing dans ses initiatives visant à mettre en œuvre les dispositions de la Convention.

Programme de développement durable à l’horizon 2030

Le Comité appelle à la réalisation de l’égalité effective entre les sexes, conformément aux dispositions de la Convention, tout au long du processus de mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Diffusion

Le Comité demande à l’État partie de veiller à ce que les présentes observations finales soient diffusées rapidement, dans les langues officielles de l’État partie, auprès des institutions publiques compétentes à tous les niveaux (national, régional et local), et qu’elles soient communiquées en particulier au Gouvernement, aux ministères, au Parlement et à la magistrature, afin d’y donner suite intégralement.

Ratification d’autres traités

Le Comité note que l’adhésion de l’État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme renforcerait l’exercice par les femmes de leurs libertés et droits fondamentaux dans tous les aspects de la vie. Dès lors, le Comité encourage l’État partie à ratifier le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, ainsi que les autres instruments fondamentaux relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie.

Assistance technique

Le Comité recommande à l’État partie de rechercher l’assistance et la coopération internationales et de recourir à l’assistance technique pour élaborer et mettre en œuvre un vaste programme visant à faire appliquer lesdites recommandations et l’ensemble de la Convention. Le Comité demande également à l’État partie de poursuivre sa coopération avec les organismes et programmes spécialisés du système des Nations Unies.

Suivi des observations finales

Le Comité demande à l’État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des renseignements sur les mesures qu’il aura prises pour donner suite aux recommandations figurant aux alinéas e) et f) du paragraphe 19 et aux alinéas b) et c) du paragraphe 29 ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité invite l’État partie à soumettre son dixième rapport périodique en novembre 2020. En cas de retard, le rapport devra couvrir toute la période allant jusqu’à la date de soumission.

Le Comité invite l’État partie à suivre les directives harmonisées concernant l’établissement des rapports destinés aux organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, notamment un document de base commun et les rapports pour chaque instrument (voir HRI/GEN/2/Rev.6, chap . 1).