Nations Unies

CED/C/22/3

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

3 juin 2022

Français

Original : espagnol

Comité des disparitions forcées

Rapport sur le suivi des communications émanant de particuliers *

A.Introduction

1.Le présent rapport est soumis en application de l’article 79 du Règlement intérieur du Comité, qui dispose que le Rapporteur ou le groupe de travail chargé du suivi afin de vérifier que les États ont pris des mesures pour donner effet aux constatations du Comité rend régulièrement compte à celui-ci des activités de suivi menées.

2.On trouvera dans le présent rapport les renseignements que le Comité a reçus quant à la suite donnée aux constatations et aux décisions qu’il a adoptées conformément aux critères d’évaluation suivants :

Critères d’évaluation

Application

A

Les mesures prises sont satisfaisantes dans l’ensemble

Mesures partiellement satisfaisantes

B

Des mesures concrètes ont été prises, mais des renseignements et des mesures supplémentaires sont nécessaires

Non-application

C

Une réponse a été reçue, mais les mesures prises ne permettent pas de donner effet aux constatations ou aux recommandations

Pas de réponse

D

Aucune réponse n’a été reçue concernant une ou plusieurs recommandations ou certaines parties des recommandations

B.Renseignements reçus et examinés au 1er avril 2022

Communication no 1/2013, Yrusta et del Valle Yrusta c . Argentine

Date des constatations :

11 mars 2016

Constatations :

Violation des articles 1er, 2, 12 (par. 1), 17, 18, 20 et 24 (par. 1 à 3) de la Convention, en ce qui concerne Roberto Agustín Yrusta, et des articles 12 (par. 1), 18, 20 et 24 (par. 1 à 3), en ce qui concerne les auteures.

Mesures de réparation demandées :

a)Reconnaître la qualité de victime aux auteures, afin qu’elles puissent participer effectivement aux enquêtes conduites sur la mort et la disparition forcée de leur frère ;

b)Veiller à ce que l’enquête ne se limite pas aux causes de la mort de M. Yrusta mais comporte aussi une enquête approfondie et impartiale sur sa disparition ;

c)Poursuivre, juger et punir les responsables ;

d)Accorder aux auteures une réparation et les indemniser rapidement, équitablement et de manière adéquate ;

e)Prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer le respect effectif des garanties de non-répétition, notamment mettre en place et tenir à jour des registres conformément aux prescriptions de la Convention, et garantir l’accès à l’information à toutes les personnes ayant un intérêt légitime conformément aux articles 17 et 18 de la Convention ;

f)Rendre publiques les constatations et en diffuser largement le contenu, en particulier, mais pas exclusivement, auprès des membres des forces de sécurité et du personnel pénitentiaire chargés de s’occuper des personnes privées de liberté.

Décisions adoptées par le Comité les 22 septembre, 24 octobre et 15 décembre 2016

3.Le Comité a accordé une prolongation de délai à deux reprise. La deuxième fois, il a fait savoir à l’État partie que s’il n’avait pas reçu le rapport de suivi à la date indiquée, il procéderait à l’évaluation des mesures prises pour donner effet à ses recommandations en se fondant sur les informations à sa disposition. Le 15 décembre 2016, l’État partie a renouvelé sa demande de prorogation. Le Comité a rejeté cette demande et a informé l’État partie qu’il allait procéder à l’évaluation sur la base des renseignements en sa possession, comme indiqué dans sa note du 24 octobre 2016.

Commentaires formulés par les auteures le 18 décembre 2016

4.Les auteures ont réaffirmé qu’aucune mesure n’avait été prise pour donner effet aux constatations du Comité et ont fourni des informations sur les démarches entreprises par les proches de la victime pour donner suite aux recommandations du Comité et obtenir leur mise en application.

Lettre de suivi envoyée par le Comité le 25 avril 2017

5.Dans la lettre de suivi qu’il a adressée à l’État partie au nom du Comité, le Rapporteur a rappelé que, conformément au paragraphe 14 des constatations adoptées par le Comité, l’État partie était prié de faire parvenir à celui-ci, dans un délai de six mois à partir de la date de transmission desdites constatations, des renseignements sur les mesures qu’il aurait prises pour donner suite aux recommandations.

6.Le Comité a noté que :

a)Plus d’un an après la transmission des constatations, l’État partie n’avait toujours pas fourni d’informations au titre du suivi ;

b)D’après les informations disponibles sur la suite donnée aux constatations, l’État partie n’avait pas adopté de mesures pour donner effet à celles-ci et, par conséquent, l’atteinte aux droits des auteures perdurait et s’aggravait.

7.Au vu de ce qui précède, le Comité a informé l’État partie de sa décision de faire état dans son rapport à l’Assemblée générale de l’application insatisfaisante de ses recommandations, à la date d’établissement dudit rapport, et de réexaminer la suite donnée à ses constatations à sa session suivante.

Commentaires supplémentaires formulés par les auteures les 13 juin et 17 juillet 2017

8.Les auteures ont demandé des renseignements sur l’état d’avancement de la procédure de suivi et ont fait savoir qu’il n’avait pas encore été donné suite aux constatations du Comité.

9.Elles ont également indiqué avoir rencontré des représentants du Secrétariat d’État aux droits de l’homme à Buenos Aires à la suite de la décision du Comité. À cette occasion, les autorités s’étaient engagées à œuvrer à l’application de la décision, en particulier à faire progresser l’enquête et à veiller à ce que l’affaire soit renvoyée devant les juridictions fédérales compétentes en matière de disparition forcée. Elles s’étaient en outre engagées à prendre des mesures de réparation en faveur des victimes. Cependant, aucune mesure n’avait été adoptée à cet effet.

10.Les auteures ont également précisé qu’elles avaient été en contact permanent avec le département du Secrétariat d’État aux droits de l’homme chargé des différends internationaux, mais ont ajouté que la réticence du gouvernement provincial avait empêché toute avancée.

Réponse communiquée par l’État partie le 8 septembre 2017

11.L’État partie a fait des observations sur les mesures prises concernant chacune des recommandations du Comité.

Recommandation formulée au paragraphe 12 a) des constatations

12.L’État partie a indiqué que les sœurs de M. Yrusta n’avaient pas qualité pour se constituer partie civile dans la procédure pénale dans le cadre de laquelle il était enquêté sur les causes du décès de M. Yrusta car, en vertu de l’article 93 du Code de procédure pénale de la province de Santa Fe, seule la personne lésée par une infraction entraînant la mise en mouvement de l’action publique, ou ses héritiers réservataires, avaient qualité pour se constituer partie civile dans la procédure pénale. En conséquence, le 24 juin 2015, la chambre pénale de la Cour d’appel de la première circonscription judiciaire de Santa Fe avait rejeté le recours en inconstitutionnalité et confirmé la décision du juge d’instruction de rejeter la demande des sœurs de M. Yrusta de se constituer partie civile.

13.L’État partie a également indiqué que les auteures n’avaient pas non plus qualité pour agir en tant que partie civile dans l’enquête menée par les juridictions fédérales.

14.Toutefois, en tant que victimes, les auteures avaient le droit de participer aux enquêtes conformément aux dispositions de l’article 80 du Code de procédure pénale de la province de Santa Fe, et c’était bien ce qu’elles faisaient, par l’intermédiaire de leur représentant, qui avait demandé en leur nom que soient appliquées toute une série de mesures d’administration de la preuve.

Recommandation formulée au paragraphe 12 b) des constatations

15.L’État partie a indiqué que deux enquêtes étaient en cours dans le cadre de l’affaire concernant M. Yrusta : une enquête sur le décès de M. Yrusta, menée par les tribunaux ordinaires de la province de Santa Fe, et une enquête sur sa disparition forcée, menée par les juridictions fédérales après le renvoi de l’affaire ordonné par la Cour suprême de justice de Santa Fe le 18 octobre 2016. L’État partie a décrit les mesures d’enquête qui avaient été prises tout au long de la procédure et indiqué que, selon la Cour suprême de justice de Santa Fe, l’infraction de disparition forcée avait cessé avant le décès de M. Yrusta, étant donné que celui-ci avait déjà repris contact avec sa famille, qui avait connaissance de l’endroit où il se trouvait. Le tribunal fédéral a fait appel au parquet chargé de la lutte contre la violence institutionnelle, qui relève du Bureau du Procureur général de la nation et dont la mission consiste à engager les procédures pénales et à diriger les enquêtes et les procès dans les affaires concernant des infractions commises en usant de violence institutionnelle, dont les victimes sont essentiellement des personnes en situation de vulnérabilité.

Recommandation formulée au paragraphe 12 c) des constatations

16.L’État partie a indiqué que les affaires pénales pertinentes étaient en cours. Il a également indiqué que, le 18 mars 2014, les services compétents de la Cour suprême de justice de Santa Fe (Secretaría de Gobierno) avaient ordonné la conduite d’une enquête administrative sur la manière dont le premier juge et le procureur chargés de l’enquête sur le décès de M. Yrusta s’étaient acquittés de leurs fonctions. Dans un arrêt de septembre 2016, la quatrième chambre pénale de la Cour d’appel de Santa Fe avait conclu que tant le juge que le procureur avaient commis des irrégularités au cours de l’instruction. Le 16 mai 2017, il a été demandé au juge et au procureur en cause de fournir des éléments à leur décharge qu’ils considéraient pertinents s’agissant des fautes qui leur étaient imputées. Les affaires étaient en cours.

Recommandation formulée au paragraphe 12 d) des constatations

17.Un dialogue avait été engagé avec les auteures en vue de convenir des modalités d’une réparation adéquate.

Recommandation formulée au paragraphe 12 e) des constatations

18.L’État partie a indiqué qu’il existait deux registres des faits de violence institutionnelle : celui de l’Unité de l’enregistrement, du traitement systématique et du suivi des plaintes pour actes de torture et autres formes de violence institutionnelle, qui était placé sous la responsabilité de la Direction nationale des politiques de lutte contre la violence institutionnelle, qui relevait du pouvoir exécutif, et celui du Programme de lutte contre la violence institutionnelle, qui était placé sous l’autorité du Bureau du Défenseur général de la nation, organe indépendant du pouvoir doté d’une autonomie de fonctionnement.

Recommandation formulée au paragraphe 13 des constatations

19.L’État partie a indiqué que des démarches avaient été entreprises en ce sens avec les autorités provinciales.

Commentaires formulés par les auteures le 17 septembre 2017

20.Les auteures ont indiqué que l’interprétation qui avait été faite de l’article 93 du Code de procédure pénale de Santa Fe était arbitraire et que le fait de restreindre la participation aux héritiers réservataires de la victime n’était pas conforme à l’esprit de la loi. La terminologie utilisée n’avait rien à voir avec la participation des proches de la victime à l’établissement de la vérité. En outre, les auteures ont indiqué qu’elles exerçaient la garde de la mère de M. Yrusta, sa seule héritière, dont l’état de santé était fragile depuis un certain temps. Cela avait été signalé aux autorités de l’État partie, mais n’avait pas été pris en compte.

21.Les auteures estimaient que la loi donnait qualité aux membres de la famille pour se constituer partie civile et que les héritiers réservataires pouvaient par conséquent être partie civile à la procédure pénale de plein droit et non en tant qu’héritiers d’un droit de la victime. En l’espèce, les dispositions du droit successoral qui avaient motivé le rejet de la demande des auteures de se constituer partie civile établissaient un ordre de préférence pour la transmission des droits et obligations découlant de la succession d’un défunt. Or, la capacité d’ester en justice reconnue par le Code de procédure pénale pour se constituer partie civile dans le cas d’infractions entraînant la mise en mouvement de l’action publique n’avait aucun rapport avec l’application du droit successoral. Les auteures estimaient par conséquent que bien que n’étant pas intéressées à la succession, elles devaient pouvoir se constituer partie civile pour exercer leur droit à la vérité.

22.Les auteures indiquaient que la qualité de victime, telle que reconnue dans le système procédural de Santa Fe, avait un caractère limité et restrictif. La victime n’avait pas la faculté de demander que soient mises en œuvre des mesures d’administration de la preuve, ou d’engager une procédure. Les auteures soulignaient qu’il n’avait été fait droit à aucune de leurs demandes en matière de preuve. Elles faisaient valoir que les dépositions enregistrées dans le cadre de l’enquête n’avaient pas pu être contrôlées par les victimes puisque celles-ci ne disposaient pas d’informations sur le déroulement de l’enquête. Les auteures réitéraient par conséquent leur demande tendant à ce que leur soit reconnue la qualité pour se porter partie civile dans le cadre de l’enquête menée dans l’affaire concernant leur frère.

Décision adoptée par le Comité le 18 avril 2019

23.Critère d’évaluation : B (mesures partiellement satisfaisantes). L’État partie a pris des mesures additionnelles pour mettre en œuvre les constatations, mais des informations et des mesures supplémentaires sont nécessaires. Le Comité a décidé d’adresser une lettre de suivi à l’État partie.

Mesures prises par le Comité le 10 mai 2019

24.Le Comité a envoyé une lettre de suivi à l’État partie dans laquelle il le remerciait pour ses rapports de suivi des 15 février et 7 mars 2018 et lui faisait part de ses conclusions et recommandations au titre du suivi.

25.Le Comité a rappelé que les mesures que l’État partie avait prises n’étaient pas satisfaisantes au regard des recommandations formulées dans les constatations et répétées dans le cadre de la procédure de suivi le 6 octobre 2017.

Qualité des deux sœurs de M . Yrusta pour se porter partie civile (par .  12 a) des constatations)

26.Le Comité a mis en relief les préoccupations suivantes :

a)Les deux sœurs de M. Yrusta ne s’étaient toujours pas vu reconnaître la qualité de partie civile, qui leur permettrait de participer pleinement à l’enquête, conformément aux dispositions de l’article 24 de la Convention. Le Comité constatait que selon l’État partie, les auteures n’avaient pas épuisé les recours internes disponibles pour faire annuler le rejet de leur demande de se porter partie civile. L’État partie affirmait en particulier que les auteures auraient dû former un recours extraordinaire au niveau fédéral contre l’arrêt de la Cour suprême de justice de la province de Santa Fe, puisque leur droit de se porter partie civile relevait de la compétence fédérale. Il affirmait également que le fait que la réglementation provinciale ne reconnaissait pas aux auteures la qualité pour agir était en contradiction avec les droits constitutionnels et avec les instruments internationaux. Le Comité constatait également que, selon l’État partie, la loi du 13 juillet 2017 relative aux droits et garanties reconnus aux victimes d’une infraction permettait aux auteures, en tant que sœurs de la victime directe d’une infraction ayant entraîné la mort, de se porter partie civile et qu’à ce titre, elles étaient en droit d’engager une procédure ;

b)Le parquet fédéral no 1 de Córdoba avait demandé au tribunal fédéral no 1 de Córdoba, par une lettre officielle en date du 31 octobre 2017, d’autoriser les deux sœurs à se constituer partie civile. Or, le Comité constatait qu’un an plus tard, il n’avait toujours pas été donné suite à cette demande ;

c)Bien qu’elles aient qualité de victimes en vertu du système procédural de la province de Santa Fe, les sœurs de M. Yrusta n’avaient pas obtenu des autorités compétentes qu’elles fassent droit à quatre des demandes les plus importantes qu’elles avaient formulées au titre de l’enquête sur la mort de celui-ci, à savoir : l’exhumation du corps, la réalisation d’une nouvelle autopsie par un agent extérieur aux forces de sécurité provinciales, la réalisation d’un nouvel examen des objets trouvés dans l’anus et l’estomac de M. Yrusta et la communication des résultats des radiographies ;

d)L’État partie avait fait droit à d’autres demandes des sœurs de M. Yrusta au sujet de l’enquête (analyse du registre de garde du Service pénitentiaire provincial des jours qui avaient précédé le décès de M. Yrusta, analyse du dossier médical et du registre d’entrée et de sortie du personnel, et teneur des dépositions du personnel infirmier), mais ne leur avait pas communiqué les résultats correspondants ;

e)L’État partie n’avait pas indiqué aux auteures s’il avait requis les autres mesures d’enquête qu’elles avaient demandées (notamment se faire communiquer les dépositions des agents pénitentiaires) ;

f)Les auteures n’avaient pas non plus été informées que la plainte concernant le décès de M. Yrusta avait été classée et elles n’avaient pas eu accès au dossier puisqu’elles n’étaient pas partie civile, en dépit des droits que leur reconnaissait le Code de procédure pénale en tant que victimes.

27.Compte tenu de ce qui précède, le Comité a renvoyé l’État partie au paragraphe 12 a) de ses constatations du 11 mars 2016 et lui a demandé une nouvelle fois de reconnaître aux sœurs de M. Yrusta la qualité de partie civile et, conformément aux droits qui étaient les leurs en qualité de victimes et de partie civile, de leur permettre d’engager une procédure et de participer effectivement à l’enquête concernant la disparition forcée et la mort de leur frère.

Enquête approfondie et impartiale sur la disparition et la mort de M . Yrusta (par . 12 b) des constatations)  

28.Le Comité a constaté que, dans le cadre de l’enquête menée au sujet de la présumée disparition forcée de M. Yrusta, les auteures avaient été entendues, que des dispositions avaient été prises pour recueillir des éléments de preuve, notamment des documents administratifs auprès du Service pénitentiaire de Córdoba et des rapports et d’autres éléments du dossier relatif à l’exécution des peines auprès du juge d’application des peines chargé du cas de M. Yrusta, et que des rapports et d’autres pièces concernant M. Yrusta avaient été demandés au juge de Coronda (province de Santa Fe). Le Comité a toutefois regretté que l’enquête sur la disparition en soit toujours au stade préliminaire.

29.Le Comité a noté les informations selon lesquelles, dans le cadre de l’enquête administrative ouverte en mars 2014 sur les irrégularités reprochées à la procureure et au premier juge chargés d’enquêter sur les causes de la mort de M. Yrusta, le Procureur général a ordonné qu’ils soient suspendus de leurs fonctions pour une durée de cinq jours en tenant compte de l’absence d’antécédents disciplinaires.

30.Le Comité a également noté que le 27 octobre 2017, la procureure no 7 du parquet no 5 avait fait appel de l’ordonnance de classement rendue le 20 octobre 2017 par la septième chambre du tribunal pénal de première instance et demandé la réouverture du dossier portant sur la mort de M. Yrusta, et que l’affaire avait été renvoyée devant la Cour d’appel de Santa Fe en décembre 2017. Il a en outre noté que, le 26 décembre 2017, le Procureur général près la Cour suprême de justice de la province de Santa Fe avait demandé au premier procureur près la Cour d’appel de Santa Fe de se prononcer sur l’utilité de procéder à une nouvelle autopsie « compte tenu de son pouvoir d’appréciation technique », et de procéder à un examen des appels téléphoniques que M. Yrusta avait passés aux membres de sa famille avant son décès.

31.Dans sa note, le Comité a salué les initiatives susmentionnées et a demandé à l’État partie de lui fournir des renseignements additionnels sur les mesures prises pour rouvrir l’enquête sur la mort de M. Yrusta et mener une enquête approfondie et impartiale sur sa disparition, conformément au paragraphe 12 b) de ses constatations du 11 mars 2016.

Poursuite, jugement et punition des responsables de la disparition et de la mort de M . Yrusta (par .  12 c) des constatations)

32.Le Comité a constaté que depuis la date du dernier rapport de l’État partie concernant la suite donnée à ses constatations en date du 11 mars 2016, la mise en application de la recommandation formulée au paragraphe 12 c) desdites constatations n’avait pas progressé. En conséquence, il a demandé une nouvelle fois à l’État partie de poursuivre, de juger et de punir les responsables de la disparition et de la mort de M. Yrusta.

Réparation et indemnisation rapide, équitable et adéquate des auteures de la communication (par .  12 d) des constatations)

33.Le Comité a souligné que, bien que l’État partie ait affirmé dans son rapport de suivi du 8 septembre 2017 qu’un accord avait été trouvé avec les auteures en ce qui concernait la réparation et l’indemnisation, les dernières informations qu’il avait reçues indiquaient le contraire.

34.Le Comité a pris note de ce que selon l’État partie, les auteures et leur mère avaient la possibilité d’engager une action civile pour obtenir une réparation financière du préjudice subi. Toutefois, il ressortait des informations disponibles que l’exercice des droits à indemnisation ou à compensation était lié au résultat de la procédure pénale, et que les auteures ne pourraient donc faire valoir leur droit à réparation devant une juridiction civile qu’en cas de condamnation pénale. Le Comité a également souligné que, d’après les informations dont il disposait, l’estimation financière du préjudice que les auteures avaient remise aux autorités à la demande de celles-ci était restée sans suite, les auteures n’ayant obtenu aucune forme de réparation ou d’indemnisation.

35.Par conséquent, conformément au paragraphe 12 d) des constatations du 11 mars 2016, le Comité a une nouvelle fois demandé à l’État partie d’accorder réparation aux auteures et de les indemniser rapidement, équitablement et de manière adéquate.

Mise en place et tenue de registres des personnes privées de liberté pouvant être consultés par toutes les personnes ayant un intérêt légitime, conformément aux dispositions des articles 17 et 18 de la Convention (par .  12 e) des constatations)

36.Le Comité a noté que, d’après les informations communiquées par l’État partie, le Service pénitentiaire fédéral disposait d’une base de données numérique dans laquelle était consigné le dossier personnel unique de toute personne placée dans un établissement relevant de ce service et que, s’il n’existait pas encore de registre national unifié des personnes privées de liberté, en avril 2017, la Chambre des députés avait commencé à travailler sur un projet de loi portant création d’un registre unique des détenus. Il a cependant constaté avec regret que plus de trois ans après l’adoption de ses constatations, les provinces ne disposaient toujours pas de registres des détenus.

37.En conséquence, conformément au paragraphe 12 e) de ses constatations, le Comité a renouvelé sa recommandation tendant à ce que l’État partie prenne toutes les mesures nécessaires pour mettre rapidement en place des registres des personnes privées de liberté qui puissent être consultés par toutes les personnes ayant un intérêt légitime.

Publication et diffusion des constatations

38.Le Comité a pris note des informations communiquées par l’État partie selon lesquelles la Direction du suivi des affaires de violence institutionnelle et des infractions relevant de la compétence fédérale, organe du Ministère de la sécurité de la nation, avait transmis les constatations aux forces de sécurité fédérales pour information et diffusion. Il a également pris note de ce qu’en 2018, l’étude du présent cas aurait été inscrite dans deux programmes de formation organisés par le campus virtuel du Secrétariat aux droits de l’homme et au pluralisme culturel, l’un ouvert au public et l’autre destiné aux agents des forces de police et des services pénitentiaires.

39.Le Comité a pris note avec satisfaction de ces mesures, mais a estimé qu’elles ne constituaient qu’une mise en œuvre partielle de la recommandation formulée au paragraphe 13 de ses constatations. Compte tenu de ce qui précède, il a une nouvelle fois engagé l’État partie à rendre publiques lesdites constatations et à en diffuser largement le contenu.

Réponse communiquée par l’État partie le 10 septembre 2019

40.L’État partie a fait des observations sur les mesures prises concernant trois des recommandations du Comité.

41.En ce qui concerne la recommandation tendant à ce qu’il reconnaisse aux auteures la qualité de victimes et de partie civile, leur permettant ainsi de participer effectivement aux enquêtes relatives au décès et à la disparition forcée de leur frère, l’État partie a indiqué qu’il avait été demandé qu’il soit fait droit à la demande des auteures de se constituer partie civile dans l’enquête sur les causes du décès de M. Yrusta.

42.Pour ce qui est de la recommandation tendant à ce que l’enquête sur le cas de M. Yrusta ne se limite pas aux causes de sa mort mais comporte aussi une enquête approfondie et impartiale sur sa disparition à la suite de son transfert de Córdoba à Santa Fe, l’État partie a indiqué que le 16 août 2018, le parquet fédéral no 1 de Córdoba avait demandé le classement de l’affaire au motif que la disparition forcée n’avait pas pu être prouvée, puisqu’il n’y avait pas eu défaut d’informations ou refus de communiquer des informations sur le lieu où se trouvait la personne disparue. En particulier, le parquet a confirmé que les services pénitentiaires des provinces de Córdoba et de Santa Fe étaient pleinement informés du transfert de M. Yrusta de Córdoba à Santa Fe, que ce transfert s’était fait avec l’autorisation du juge de l’exécution des peines compétent et que l’une des premières mesures prises après la prise en charge de M. Yrusta par le Service pénitentiaire de Santa Fe avait été de lui permettre de communiquer avec sa famille ; M. Yrusta avait ainsi communiqué avec ses sœurs dans les vingt-quatre heures suivant son arrivée à l’établissement pénitentiaire de Coronda, le 16 janvier ainsi que les 22, 24, 29 janvier et 4 février 2013. Enfin, l’État partie a affirmé qu’il ne s’agissait pas d’un transfert clandestin, comme le prétendent les auteures.

43.Concernant l’enquête sur les causes du décès de M. Yrusta, l’État partie a également indiqué qu’il avait pris des dispositions pour citer les auteures à comparaître le 31 juillet 2019, mais que celles-ci n’avaient pas comparu car il n’avait pas été possible de déterminer le lieu où elles se trouvaient. Une audience avait également été fixée au 1er août 2019 pour recueillir le témoignage de deux autres personnes qui étaient privées de liberté dans le même secteur que M. Yrusta. Le 7 août 2019, il a été procédé à une reconstitution de la scène des faits survenus dans l’unité no 1 de la prison de Coronda, afin de déterminer la hauteur de la fenêtre de la cellule et la hauteur à laquelle était attachée la toile trouvée sur les lieux. Cependant, la fenêtre d’où la photographie avait été prise lors de la reconstitution était placée à une distance inférieure à celle constatée sur la photographie prise le jour des faits, raison pour laquelle cette mesure avait été renouvelée et il avait été demandé de reconstituer la scène photographiée en tenant compte de la longueur de la toile. L’État partie a indiqué en conclusion que l’enquête était en cours.

44.En ce qui concerne l’enquête administrative sur les irrégularités commises par les magistrats qui ont pris part à l’examen de l’affaire, l’État partie a indiqué que le 26 juin 2019, le Bureau du Procureur général de la Cour suprême de justice de Santa Fe avait décidé d’imposer au juge pénal de Sante Fe une sanction disciplinaire de cinq jours de suspension de ses fonctions.

45.Enfin, en ce qui concerne la recommandation tendant à ce que les constatations soient rendues publiques et leur contenu largement diffusé, l’État partie a indiqué que le rapport avait été transmis aux forces fédérales de sécurité pour information et diffusion, et que la Direction nationale chargée de l’éducation aux droits de l’homme, qui relève du Secrétariat aux droits de l’homme et au pluralisme culturel, avait inscrit l’affaire en tant qu’étude de cas au programme des cours « Violence institutionnelle, discours sociaux et droits de l’homme » et « Droits de l’homme et sécurité publique ».

Commentaires formulés par les auteures le 24 septembre 2019

46.Les auteures considéraient que les déclarations de l’État partie étaient inexactes et incorrectes et que les recommandations du Comité n’étaient toujours pas mises en application.

47.Les auteures ont souligné en particulier que l’État partie n’avait toujours pas diffusé les constatations auprès du grand public et qu’il continuait d’en limiter la diffusion aux organes de sécurité fédéraux, ce qui était insuffisant parce que les responsables directs ne faisaient pas partie des forces fédérales mais des forces provinciales et parce qu’il importait qu’une décision selon laquelle l’État avait engagé sa responsabilité internationale soit diffusée largement. Les auteures ont donc demandé à l’État partie de diffuser les constatations aux moyens des médias nationaux et provinciaux.

48.Les auteures ont également affirmé qu’elles ne pouvaient toujours pas prendre part à la procédure et faire en sorte qu’une enquête sérieuse soit menée sur les faits. Si elles ont constaté que le parquet avait déployé des efforts pour recueillir des informations sur les causes du décès de M. Yrusta, elles ont également affirmé qu’il n’avait toujours pas été procédé à une répartition des responsabilités en la matière et que l’enquête restait insuffisante. Elles ont également indiqué que le Bureau du Procureur avait écarté la qualification de disparition forcée, sans qu’elles aient été autorisées à participer à la procédure.

49.Les auteures ont en outre soutenu que l’affirmation de l’État partie selon laquelle M. Yrusta avait communiqué avec elles dans les vingt-quatre heures suivant son transfert clandestin à Coronda était fausse, et qu’il importait peu qu’elles aient eu connaissance du lieu où il se trouvait vingt-quatre, quarante-huit ou cent vingt heures après.

50.Enfin, les auteures ont affirmé que l’État partie ne leur avait toujours pas offert réparation et qu’il n’avait pas non plus mis en place des registres des personnes privées de liberté adéquats et accessibles.

Décision adoptée par le Comité le 18 septembre 2020

51.Critère d’évaluation : B (mesures partiellement satisfaisantes). L’État partie a pris des mesures additionnelles, mais des mesures et des renseignements supplémentaires sont nécessaires. Le Comité a décidé d’adresser une lettre de suivi à l’État partie.

52.Le Comité a remercié l’État partie pour son rapport de suivi en date du 10 septembre 2019. Il a conclu que les mesures prises par l’État partie n’étaient pas satisfaisantes au regard des recommandations formulées dans les constatations et renouvelées dans le cadre de la procédure de suivi le 6 octobre 2017 et dans la note du 19 mai 2019.

53.Le Comité a formulé en particulier les observations suivantes :

a)Concernant le paragraphe 12 a) des constatations, l’État partie a pris des mesures additionnelles, mais des mesures et des renseignements supplémentaires sont nécessaires ;

b)Concernant le paragraphe 12 c) des constatations, aucune réponse n’a été reçue concernant une ou plusieurs recommandations ou certaines parties des recommandations ;

c)Concernant le paragraphe 12 d) des constatations, aucune réponse n’a été reçue concernant une ou plusieurs recommandations ou certaines parties des recommandations ;

d)Et en ce qui concerne le paragraphe 12 e) des constatations, des mesures concrètes ont été prises, mais des renseignements et des mesures supplémentaires sont nécessaires.

54.Compte tenu de ce qui précède, le Comité a décidé de maintenir ouverte la procédure de suivi des constatations et d’envoyer une nouvelle lettre de suivi à l’État partie.

Réponse communiquée par l’État partie le 25 novembre 2021

55.L’État partie a fait des observations sur les mesures prises concernant les recommandations du Comité.

Participation des auteures en tant que victimes à l’enquête sur la mort et la disparition de M . Yrusta

56.L’État partie fait observer que si, à l’époque des faits, les auteures ne pouvaient pas se constituer partie civile parce que le Code de procédure pénale de Santa Fe réservait cette possibilité aux personnes lésées ou à leurs héritiers réservataires, la législation a été modifiée en 2018 par la loi no 13.746, qui permet désormais aux auteures de se constituer partie civile. La demande des auteures de se constituer partie civile a été initialement rejetée par le juge d’instruction en application de la législation en vigueur au moment des faits, mais les auteures ont eu la possibilité concrète de participer, en tant que victimes, aux enquêtes sur la mort et la disparition de leur frère, en formulant plusieurs demandes de mesures d’administration de la preuve qui ont été acceptées par le parquet et dont l’exécution a été ordonnée par le juge, notamment une demande de nouvel examen des objets trouvés dans le corps de M. Yrusta et la convocation des membres du personnel infirmier de l’unité de la prison pour qu’ils fassent une déposition.

57.Le 1er juillet 2019, la nouvelle procureure a informé le représentant des auteures qu’elle était désormais chargée de l’affaire et a demandé à communiquer avec les auteures afin de les informer de leur droit de se constituer partie civile et des différentes procédures pouvant être engagées. Dans son rapport, elle a expressément déclaré qu’elle comprenait que les sœurs de M. Yrusta avaient le droit de se porter partie civile, mais qu’il fallait pour cela qu’elles demandent à nouveau à être représentées par M. Ganon, qui n’exerçait plus les fonctions de défenseur public de la province de Santa Fe, mais celles d’avocat. Elle a également souligné que les auteures devaient déclarer leur nouvelle adresse légale afin d’être informées de toute procédure qu’elles pourraient engager. Malgré cela, les auteures n’avaient pas soumis de déclaration écrite à cet effet. Un juge de première instance avait rendu, le 17 juin 2019, une décision par laquelle, entre autres mesures, il convoquait les auteures à une audience fixée au 31 juillet 2019 afin de leur permettre de se constituer partie civile. Cependant, le ministère public a signalé que les auteures ne s’étaient pas présentées à l’audience prévue et qu’elles n’avaient pas indiqué par écrit les raisons de leur absence.

Enquête approfondie sur la disparition de M . Yrusta

58.L’État partie fait observer que le 18 octobre 2016, la Cour suprême de justice de Santa Fe a ordonné l’ouverture d’une enquête sur la disparition de M. Yrusta. Comme il a déjà été signalé au Comité, le parquet fédéral no 1 a conclu que M. Yrusta avait été transféré de Córdoba à Santa Fe au su des services pénitentiaires des deux provinces et avec l’autorisation du juge de l’application des peines compétent. En outre, comme cela a été indiqué, l’intéressé avait communiqué avec ses sœurs dans les vingt‑quatre heures suivant son arrivée à l’établissement pénitentiaire de Coronda, et à plusieurs reprises pendant sa détention dans cette unité. Par conséquent, le 16 août 2018, le ministère public a demandé le classement de l’affaire au motif que la disparition forcée n’avait pas été prouvée.

59.Le 14 janvier 2021, le parquet fédéral a demandé une nouvelle fois le classement de l’affaire en se fondant sur plusieurs éléments de preuve, notamment les autorisations et les dossiers de transfert, les soins prodigués par l’équipe médicale de l’institut de Coronda le 16 janvier 2013 et les copies des relevés des communications téléphoniques avec les auteures les 16, 22, 24 et 29 janvier et le 4 février 2013.

60.L’État partie souligne qu’à la date de l’adoption des constatations, le ministère public enquêtait sur la disparition forcée présumée de M. Yrusta depuis moins d’un mois, de sorte que le Comité n’était pas en possession de toutes les informations recueillies à ce jour.

Poursuite et punition des responsables

61.L’État partie rappelle que l’affaire CUIJ no 21-06995476-3 portant sur le crime de torture suivi du décès de M. Yrusta est actuellement examinée par le service spécial (no 135) du ministère public chargé des infractions complexes de Santa Fe, en application de l’article 144 ter du Code pénal. Dans son rapport daté du 9 avril 2021, le Bureau du Procureur régional no 1 de Santa Fe détaille les mesures prises et les changements survenus concernant les juges chargés d’instruire l’affaire. Le 28 octobre 2020, le juge d’instruction a ordonné que les mis en cause soient entendus le 26 novembre 2020. Cependant, le Collège des juges de première instance a décidé de suspendre les audiences car le juge, décédé de la maladie à coronavirus (COVID-19) le 9 décembre 2020, était en arrêt maladie. Le nouveau juge chargé de l’affaire a ordonné que les mis en cause soient entendus le 27 avril 2021. L’avocat des mis en cause a déposé une requête en annulation de l’ordonnance de comparution, requête qui a été rejetée le 15 octobre 2021. Le dossier a récemment été transmis au service spécial (no 135) du ministère public chargé des infractions complexes afin que le parquet puisse déterminer s’il convient de déposer un acte d’accusation.

62.Le Bureau du Procureur général de la Cour suprême de justice de Santa Fe a transmis en temps voulu la décision en date du 26 juin 2019 (procès-verbal no 24, point 10) par laquelle la Cour suprême de justice de Santa Fe a suspendu le juge pénal de Santa Fe de ses fonctions pendant cinq jours à titre de sanction disciplinaire.

Mesures de réparation et indemnisation des victimes

63.L’État partie fait savoir que, le 27 septembre 2021, le représentant des auteures a déposé une demande de réparation financière au titre des procédures engagées. Cette demande portait sur un montant de 12,6 millions de pesos argentins (environ 122 000 dollars É.-U.), auquel venait s’ajouter le montant des honoraires professionnels et des contributions, qui représentait environ 20 % du montant de la réparation financière. Un dossier administratif a donc été constitué, et le Secrétariat provincial des droits de l’homme travaille actuellement avec les services compétents du pouvoir exécutif provincial afin d’élaborer une proposition raisonnable qui soit conforme aux critères actuels du système universel de protection des droits de l’homme. L’État partie s’engage à rendre compte rapidement de l’exécution de cette mesure de réparation.

Garanties de non-répétition

64.Selon une note du Sous-Secrétariat aux affaires pénitentiaires, des mesures concrètes ont été prises en 2021 à l’échelle du Service pénitentiaire fédéral pour renforcer les dispositions législatives relatives à la notification immédiate des transferts. Ainsi, le 8 février 2021, un protocole pour le transfert des personnes privées de liberté sous la responsabilité du Service pénitentiaire fédéral a été adopté. Ce protocole prévoit que les personnes privées de liberté doivent être détenues, dans la mesure du possible, dans des établissements proches du lieu de vie de leur famille, de leur communauté, de leur avocat et de l’autorité judiciaire compétente, de manière à ce qu’elles puissent exercer leur droit d’avoir un maximum de contacts avec le monde extérieur. Il exige également que la division ou le service de l’aide sociale de chaque établissement tienne à jour un registre des noms et des coordonnées des proches ou des parents que la personne privée de liberté a désignés comme personnes à informer de toute décision relative à son transfert. Il garantit également le droit de toute personne privée de liberté d’être entendue et de s’opposer, par l’intermédiaire de son avocat, à son transfert, ainsi que le contrôle juridictionnel préalable de la mesure. Enfin, il prévoit des mesures concrètes garantissant aux personnes transférées dans des établissements éloignés le droit de communiquer sans intermédiaire avec leur famille et leurs représentants.

65.L’État partie ajoute qu’à l’initiative des autorités de la province de Santa Fe en décembre 2019, le Service pénitentiaire relève désormais non plus du Ministère de la sécurité mais du Ministère de l’intérieur, de la justice et des droits de l’homme.

Publication et diffusion des constatations

66.L’État partie fait observer que la Direction de la formation de l’administration pénitentiaire a été créée en application d’une décision du 28 juillet 2020 et précise qu’en 2021, le Secrétariat aux droits de l’homme a collaboré avec cet organisme pour diffuser les constatations du Comité.

Commentaires formulés par les auteures le 8 décembre 2021

67.Le 8 décembre 2021, les auteures ont informé le Comité que les recommandations figurant dans les constatations du Comité des disparitions forcées et du Comité contre la torture n’avaient toujours pas été mises en application :

a)L’enquête sur cette affaire et la sanction des responsables de la torture et du meurtre de M. Yrusta en prison n’avançait pas. Les responsables du décès de M. Yrusta pouvaient facilement être identifiés et punis, car il s’agissait des membres du personnel qui étaient en service le jour du meurtre. Cependant, à ce jour, aucune de ces personnes n’avait été poursuivie. Les membres de l’appareil judiciaire qui avaient contribué à faire passer le meurtre pour un suicide n’avaient pas non plus été sanctionnés ;

b)Les proches de la victime ne pouvaient toujours pas participer directement aux enquêtes, et l’État partie n’avait toujours pas modifié les lois qui ne garantissaient pas la représentation à titre gratuit des proches des victimes d’infractions commises par l’État ;

c)L’État partie n’avait pas non plus fait de progrès en ce qui concernait la publication et la diffusion des constatations des deux Comités concernant les faits dont M. Yrusta avait été victime. Aucune information relative à cette affaire n’avait été diffusée auprès du public, que ce soit au niveau provincial ou au niveau national ;

d)L’État n’avait pas non plus progressé dans le processus d’indemnisation.

Décision adoptée par le Comité le [ ... ] avril 2022

68.Critère d’évaluation : B (mesures partiellement satisfaisantes). Le Comité a décidé de demander davantage d’informations aux deux parties. Il a demandé à l’État partie de fournir des renseignements supplémentaires sur l’indemnisation des auteures. Il a par ailleurs demandé aux auteures de fournir des renseignements supplémentaires sur les raisons pour lesquelles elles ne s’étaient pas présentées à l’audience du 31 juillet 2019 pour se porter partie civile et n’avaient pas soumis de déclaration écrite, comme l’a indiqué la procureure chargée de l’affaire.