Présentée par:

Liberto Calvet Ràfols(représenté par un conseil, Me Miquel Nadal Borràs)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Espagne

Date de la communication:

18 décembre 2002 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 10 décembre 2004 (non publiée sous forme de document)

Date de l’adoption de la décision:

25 juillet 2005

Objet: Interdiction de l’emprisonnement pour inexécution d’une obligation contractuelle.

Questions de procédure: Irrecevabilité ratione materiae.

Questions de fond: ---

Article du Pacte: 11.

Articles du Protocole facultatif: 1er et 3.

[ANNEXE]

ANNEXE

DÉCISION DU COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME EN VERTU DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX

DROITS CIVILS ET POLITIQUES

Quatre ‑vingt ‑quatrième session

concernant la

Communication n o  1333/2004 *

Présentée par:

Liberto Calvet Ràfols (représenté par un conseil, Me Miquel Nadal Borràs)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Espagne

Date de la communication:

18 décembre 2002 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 25 juillet 2005,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.1L’auteur de la communication, datée du 18 décembre 2002, est Liberto Calvet Ràfols, de nationalité espagnole, résidant à Vilanova i la Geltrú (province de Barcelone). Il prétend être victime d’une violation par l’Espagne de l’article 11 du Pacte. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 25 avril 1985. L’auteur est représenté par un conseil, M.  Miquel Nadal Borràs.

1.2Le 17 février 2005, le Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, agissant au nom du Comité, a accédé à la demande de l’État partie qui souhaitait que la question de la recevabilité de la communication soit examinée séparément du fond, conformément à l’article 97, paragraphe 3, du règlement intérieur du Comité.

Exposé des faits

2.1L’auteur a signé avec son épouse une convention de divorce qui a été approuvée par décision judiciaire en février 1990. À la suite de la demande de divorce présentée par l’ex‑épouse de l’auteur, le tribunal de première instance no 4 de Vilanova i la Geltrú a rendu une décision, en date du 7 mars 1992, confiant à la mère la garde de la fille encore mineure du couple et obligeant l’auteur à verser une pension alimentaire de 25 000 pesetas (150,28 euros par mois) à son ex‑épouse. Le 27 octobre 1995, l’ex‑épouse de l’auteur a saisi la chambre d’instruction no 6 de Vilanova i la Geltrú pour réclamer le paiement de mensualités qui restaient dues, trois pour l’année 1993, deux pour l’année 1994 et la totalité des mensualités de l’année 1995.

2.2Le 14 mars 2001, le douzième tribunal pénal de Barcelone a déclaré l’auteur coupable du délit d’abandon de famille défini à l’article 227 du Code pénal et l’a condamné à un emprisonnement de huit fins de semaine et au versement des mensualités arriérées à son ex‑épouse.

2.3L’auteur a fait appel, en arguant notamment que sa condamnation à une peine privative de liberté au motif du non‑paiement d’une dette pécuniaire constituait une violation de l’interdiction de l’emprisonnement pour inexécution d’obligations contractuelles consacrée par l’article 11 du Pacte. Par un arrêt du 5 juillet 2001, l’Audiencia Provincial de Barcelone a confirmé la décision susmentionnée mais a limité les versements à la période comprise entre le mois d’août 1994 et le 27 octobre 1995, date du dépôt de la plainte.

2.4L’auteur a formé un recours en amparo auprès du tribunal constitutionnel, faisant à nouveau valoir que sa condamnation à une peine privative de liberté au motif d’un manquement à une obligation contractuelle constituait une violation de l’article 11 du Pacte. Il a ajouté que l’article 227 du Code pénal constituait en soi une violation de l’article 11 du Pacte. Le tribunal constitutionnel a rejeté les deux arguments, estimant que le versement de la pension alimentaire n’était pas une obligation contractuelle mais une obligation légale et que la sanction visée à l’article 227 du Code pénal n’équivalait pas à un emprisonnement pour dettes mais punissait un comportement constitutif d’une infraction qualifiée par la loi, à savoir le manquement aux devoirs de soutien et d’assistance envers la famille établis par la loi.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que l’interdiction de l’emprisonnement pour inexécution d’obligations contractuelles consacrée à l’article 11 du Pacte n’a pas été respectée dans la mesure où il a été condamné à une peine privative de liberté pour n’avoir pas honoré une dette contractuelle alors que ce non‑paiement était uniquement dû à son manque de ressources et n’était pas intentionnel.

3.2L’auteur fait valoir également que l’article 227 du Code pénal constitue en soi une violation de l’article 11 du Pacte étant donné qu’il prévoit une peine d’emprisonnement pour le défaut de paiement de la pension alimentaire.

Observations de l’État partie concernant la recevabilité de la communication et commentaires de l’auteur

4.1L’État partie affirme que la communication est irrecevable en raison de son absence manifeste de fondement au regard de l’article 11 du Pacte, puisque l’auteur a été condamné non pas pour un manquement à une obligation contractuelle mais pour le manquement à l’obligation légale qui lui incombe de pourvoir aux besoins de sa famille. L’État partie ajoute que ce n’est pas parce que l’obligation est énoncée dans un document approuvé par les deux parties qu’elle est pour autant contractuelle puisqu’elle ne résulte pas de l’accord ainsi conclu mais de la disposition légale faisant obligation aux parents de toujours pourvoir aux besoins de leurs enfants et aux conjoints de se prêter mutuellement assistance pendant le mariage et, en cas de dissolution du mariage, lorsque l’un d’eux se trouve démuni. Par conséquent, la condamnation de l’auteur ne se fonde pas sur un contrat mais sur une loi.

4.2En ce qui concerne l’allégation relative à l’incompatibilité de l’article 227 du Code pénal avec l’article 11 du Pacte, l’État partie fait observer que la peine d’emprisonnement prévue par cet article ne sanctionne pas le non‑paiement de dettes mais le fait d’abandonner une famille dans le besoin à son sort; cette disposition ne se fonde donc pas sur un instrument contractuel mais sur une obligation légale.

5.1Dans une lettre datée du 4 avril 2005, l’auteur indique que l’article 227 du Code pénal a été modifié par la loi organique no 15/2003 et qu’en vertu de la nouvelle rédaction de l’article, entrée en vigueur le 1er octobre 2004, la peine d’emprisonnement de huit à 20 fins de semaines qui était prévue auparavant a été remplacée par une peine d’emprisonnement de trois mois à un an ou de six à 24 mois − amende.

5.2L’auteur répète que le non‑paiement de la pension alimentaire constitue un manquement à une obligation contractuelle, laquelle résulte de la convention signée par les deux conjoints, c’est‑à‑dire l’accord qu’ils ont conclu au moment de la séparation ou du divorce. Il s’agit donc bien d’une obligation contractuelle, même si elle a été confirmée par une décision judiciaire.

5.3L’auteur conclut que toute obligation contractuelle est une obligation légale dans la mesure où la loi règle l’ensemble des relations juridiques entre les personnes.

Délibérations du Comité

6.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si cette dernière est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire en vertu du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité s’est également assuré, conformément au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif, que l’auteur avait épuisé tous les recours internes disponibles.

6.4En ce qui concerne le grief de violation de l’article 11 du Pacte au motif que le défaut de paiement de la pension alimentaire a été sanctionné par une peine privative de liberté, le Comité note qu’il ne s’agit pas d’un manquement à une obligation contractuelle mais d’un manquement à une obligation légale définie par l’article 227 du Code pénal espagnol. L’obligation relative au versement de la pension alimentaire trouve sa source dans la loi espagnole et non dans la convention réglant les modalités de la séparation ou du divorce signée par l’auteur et son ex‑épouse. Par conséquent, le Comité estime que la communication est incompatible ratione materiae avec l’article 11 du Pacte et qu’elle est donc irrecevable en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif.

6.5Ayant conclu ce qui précède, le Comité estime qu’il n’a pas à s’interroger dans l’abstrait sur la compatibilité de l’article 227 du Code pénal avec l’article 11 du Pacte. La plainte introduite par l’auteur à cet effet constituant une actio popularis, le Comité la déclare irrecevable conformément à l’article premier du Protocole facultatif.

7.En conséquence, le Comité décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 1er et de l’article 3 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’auteur de la communication et à l’État partie.

[Fait en espagnol (version originale), en anglais et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

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