NATIONS

UNIES

CCPR

Pacte international

relatif aux droits civils

et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/SR.2229

31 janvier 2005

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Quatre-vingt-deuxième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 2229e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mercredi 20 octobre 2004, à 11 heures

Président: M.AMOR

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (suite)

Rapport initial de l’Albanie (suite)

La séance est ouverte à 11 h 15.

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport initial de l’Albanie (CCPR/C/ALB/2004/1; CCPR/C/82/L/ALB) (suite)

La délégation albanaise reprend place à la table du Comité.

Le PRÉSIDENT invite les membres du Comité à reprendre l’examen du rapport initial de l’Albanie (CCPR/C/ALB/2004/1) et donne la parole à la délégation de l’État partie pour qu’elle réponde aux questions qui avaient été posées oralement par les membres du Comité concernant les points 1 à 13 de la liste (CCPR/C/82/L/ALB).

M. NINA (Albanie) indique, en réponse à une question relative à l’invocation directe des dispositions du Pacte devant les tribunaux, que la Cour constitutionnelle a rejeté une demande qui lui avait été adressée par la Cour suprême concernant la constitutionnalité des articles 86 et 87 du Code pénal, en s’appuyant également sur l’article 7 du Pacte (décision no 3 de la Cour constitutionnelle). En ce qui concerne la décision no 25 de la même juridiction, qui porte sur le droit d’être représenté devant les tribunaux et qui renvoie au paragraphe 3 d) de l’article 14 du Pacte, la délégation albanaise ne dispose malheureusement pas de tous les éléments nécessaires pour éclairer davantage le Comité. Toutefois, d’une façon générale, les dispositions du droit interne portant sur les droits et libertés protégés par le Pacte sont régulièrement invoquées devant les tribunaux.

En ce qui concerne le rôle du médiateur (l’«avocat du peuple»), M. Nina souligne que les recommandations formulées par ce dernier sont tenues en très haute considération par les autorités et, si elles ne sont pas formellement contraignantes, elles font néanmoins pleinement autorité. Le fait que, comme dans d’autres pays où cette institution existe, le médiateur ne soit pas habilité à rendre des décisions ne signifie pas pour autant qu’il n’est pas en mesure de défendre les droits et libertés de l’individu. En particulier, il peut présenter au Parlement albanais les affaires qui lui sont soumises, il collabore étroitement avec les organisations non gouvernementales et les médias et conduit ses travaux dans la transparence, toutes choses qui offrent les garanties nécessaires à l’exécution de son mandat. D’une façon générale, l’institution du médiateur se veut ouverte à quiconque sollicite son assistance, et elle accueille chaque jour les Albanais ou les étrangers venus exposer leur cas. Depuis 2002, des «Journées portes ouvertes» sont organisées avec succès dans plusieurs villes du pays, afin de mieux identifier les besoins et les problèmes de la population et tenter de leur donner une solution à l’échelle locale. La lourdeur de la bureaucratie, le coût des procédures et parfois le comportement de certains fonctionnaires sont autant d’obstacles au règlement des problèmes des particuliers que le médiateur entend surmonter de façon à restaurer la confiance de la population dans les institutions de l’État et la loi, et à modifier le regard qu’elle porte sur les autorités. Il est prévu d’organiser d’autres «Journées portes ouvertes» dans cinq villes reculées du pays. En ce qui concerne le nombre des plaintes reçues par le médiateur, le Comité trouvera des indications chiffrées dans le texte des réponses aux questions orales qui lui a été communiqué (document sans cote, en anglais seulement), ainsi que dans le rapport annuel du médiateur pour 2003, dont un exemplaire a été remis au secrétariat.

M. PAPANDILE (Albanie), répondant à une question qui avait été posée au sujet du projet de loi sur la prévention et la répression du terrorisme, relève qu’il y a eu apparemment un malentendu, car le projet de loi a été adopté sous l’intitulé «loi sur les mesures de lutte contre le financement du terrorisme», et qu’il n’y a donc pas deux lois différentes sur la question. La loi sur les mesures de lutte contre le financement du terrorisme a été adoptée en juillet 2004, et la délégation albanaise en tient un exemplaire traduit en anglais à la disposition des membres du Comité. En ce qui concerne la question de l’extradition d’un terroriste vers un pays qui n’a pas aboli la peine capitale, M. Papandile rappelle la règle du droit albanais selon laquelle il est interdit d’extrader une personne vers un État dont la législation réprime le crime qu’elle a commis plus sévèrement que le droit albanais. Pour ce qui est de la définition des termes «terroriste» et «acte terroriste», il convient de noter que le premier terme est défini dans la nouvelle loi sur les mesures de lutte contre le financement du terrorisme, tandis que le deuxième est défini dans le Code pénal. La définition de ce qu’est un «terroriste» aux termes de la loi sur les mesures de lutte contre le financement du terrorisme renvoie d’ailleurs à la définition de l’acte terroriste figurant dans le Code pénal.

M. NINA (Albanie), répondant à une question relative aux dérogations possibles aux dispositions du Pacte, dit qu’effectivement, compte tenu de l’article 175 de la Constitution, le paragraphe 4 de l’article 9 et le paragraphe 1 de l’article 10 du Pacte peuvent faire l’objet de dérogations pendant l’état d’urgence. Le droit de ne pas être soumis à des tortures et des peines ou traitements cruels et dégradants, prévu par l’article 25 de la Constitution, ne souffre cependant aucune limitation en quelque circonstance que ce soit, y compris durant l’état d’urgence. M. Nina assure également les membres du Comité que la question des dérogations aux dispositions du Pacte sera soumise une nouvelle fois à l’examen des autorités compétentes de son pays.

M. OMARI (Albanie), répondant aux questions qui ont été posées sur l’application du principe de l’égalité entre hommes et femmes, précise tout d’abord que le Code de la famille qui a été adopté récemment consacre l’égalité en droits des époux. Les biens acquis par la femme avant le mariage restent sa propriété pendant le mariage, à moins que les époux n’en conviennent autrement par contrat. La propriété constituée par chacun des conjoints pendant le mariage est réputée commune aux époux, à moins qu’ils n’en conviennent autrement par contrat. En matière d’héritage, le droit coutumier (kanun) défavorise la femme par rapport au mari, ainsi que les filles par rapport aux fils. Mais le droit coutumier n’est plus en vigueur en Albanie depuis 1928, et il n’en subsiste que quelques vestiges, notamment la vendetta dans certaines zones du pays (essentiellement le nord) où la mentalité patriarcale est encore très forte et où les femmes sont victimes de discrimination.

En ce qui concerne la question de savoir de quelle aide matérielle dispose une femme indigente dans une procédure de divorce, il est à noter que le Centre de promotion de la femme est la seule institution qui assure gratuitement la défense des femmes dans ce cadre, l’État n’offrant l’aide juridictionnelle – aux femmes comme aux hommes – que dans un procès pénal. Plus généralement, le Parlement albanais a adopté le 1er juillet 2004 une loi progressiste prévoyant des mesures concrètes destinées à promouvoir l’égalité de chances des hommes et des femmes, à mettre fin à la discrimination directe et indirecte, à assurer l’égalité des hommes et des femmes dans la participation à la vie publique, en particulier grâce à l’élaboration de politiques visant à promouvoir l’égalité dans l’administration centrale et locale. Toutefois, la nouvelle loi ne s’applique pas à la vie religieuse ni à la sphère privée. Le Conseil des ministres et l’administration publique doivent veiller à ce que l’égalité de chances entre hommes et femmes soit protégée par des lois, établir et appliquer des programmes destinés à faire évoluer les mentalités, et mettre en place des mécanismes institutionnels pour appuyer les programmes en matière d’égalité de chances qui sont proposés par la société civile et les institutions de l’État. Les employeurs sont tenus de respecter le principe d’égalité entre hommes et femmes dans les critères de recrutement ainsi que dans les conditions de travail, les perspectives de carrière et les possibilités de formation continue. À travail égal, ils doivent verser un salaire égal et prendre des mesures pour lutter contre le harcèlement sexuel au travail. L’égalité des chances entre hommes et femmes doit en outre être respectée et favorisée à tous les niveaux, c’est-à-dire dans l’élaboration et la mise en place des politiques nationales et locales, au sein des partis politiques et des organisations non gouvernementales, ou encore dans les sélections permettant d’accéder aux hautes fonctions de l’État et à des postes dans l’administration mais aussi dans les institutions indépendantes. Pour favoriser l’équilibre entre personnel masculin et personnel féminin dans les institutions publiques, il a été décidé de donner la priorité, à qualification et expérience professionnelle comparables, aux candidatures féminines.

M. NINA (Albanie) indique que les autorités de son pays sont résolues à supprimer la peine de mort en toutes circonstances et à accélérer le processus législatif en vue de ratifier le plus tôt possible le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

M. PAPANDILE (Albanie) dit que la «reprise du sang» est considérée comme un meurtre plus grave que les autres, puni d’un emprisonnement de 20 ans au minimum ou de la réclusion à perpétuité, au lieu d’un emprisonnement de 15 à 25 ans. Quiconque menace une personne isolée ou un mineur dans le cadre de la «reprise du sang» encourt en outre une amende ou une peine pouvant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement.

Concernant le nombre de mineurs isolés, les chiffres donnés dans les réponses écrites ne couvraient que les mineurs de 15 ans (âge qui marque la fin de la scolarité obligatoire); les chiffres communiqués à M. Kälin par une organisation non gouvernementale albanaise correspondent peut‑être à tous les mineurs de 18 ans, mais paraissent quelque peu exagérés.

La délégation ne dispose pas de statistiques sur les actions engagées d’office par les procureurs mais les communiquera ultérieurement par écrit. Dans l’affaire du décès de Grazmend Tahirllari, des peines de 16 ans, 3 ans et 5 mois d’emprisonnement ont été prononcées à l’encontre des policiers Lorenc Balliu, Albert Myftari, Dahnor Ganolli, Robert Qyli et Sokol Gurishta, et le directeur de la division régionale de police et le chef du commissariat de Korça ont tous deux été démis de leurs fonctions. Vingt-six cas d’actes arbitraires portant atteinte à la liberté des citoyens commis par des fonctionnaires de police – punis d’une amende ou d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à sept ans en vertu de l’article 250 du Code pénal – ont été recensés à ce jour pour l’année 2004, et 34 en 2003. Les actes de torture sont compris dans ces statistiques. Le nombre de policiers impliqués dans des activités relevant du trafic s’élève à 2 pour 2004, contre 13 pour 2003. Des renseignements plus complets sur ce sujet seront fournis par écrit. Le Parlement a adopté en 2004 une loi qui permettra aux autorités d’assurer la protection des témoins et des collaborateurs de justice selon une organisation moderne permettant une coopération internationale. Le Conseil des ministres, divers ministères et les services du Procureur général ont commencé à élaborer un grand nombre de règlements d’application et ont pris d’autres mesures administratives en vue de la mise en œuvre de ce nouveau texte.

M. HAJDARAGA (Albanie), répondant aux questions relatives à la traite des êtres humains, dit que le Ministère de l’ordre public a créé, depuis 2001, le centre de lutte contre la traite à Vlora en coopération avec l’Allemagne, l’Italie et la Grèce. En 2003, le centre d’aide aux victimes de la traite a été institué à Liza et le centre d’accueil des demandeurs d’asile a été créé en 2004. En ce qui concerne l’indemnisation des victimes, l’Albanie a signé et soumis à son Parlement pour ratification la Convention européenne relative au dédommagement des victimes d’infractions violentes et procède à la nécessaire révision de sa législation interne.

Pour ce qui est des questions touchant à la santé, M. Hajdaraga tient à la disposition des membres du Comité des tableaux statistiques sur la malnutrition.

M. NINA (Albanie) dit, à propos des mesures prises pour réduire la mortalité maternelle et infantile, que la stratégie du Ministère de la santé repose sur l’amélioration et l’intégration des structures orientées vers la mère et l’enfant dans les trois niveaux du système de soin, l’amélioration de la qualité des services, la formation du personnel de santé, le renforcement du cadre législatif, la sensibilisation du grand public et les services de conseil et le perfectionnement du système de collecte et d’analyse de données. La prévention, par des campagnes de vaccination des mères et des enfants, est une priorité. La couverture vaccinale était de 95 % en 2001 et le vaccin contre la rubéole a été introduit dans les programmes de vaccination. Un système assurant la chaîne du froid pour le stockage des vaccins a été mis en place dans tout le pays. Enfin, on cherche à améliorer l’état nutritionnel des enfants en encourageant les mères à allaiter le bébé jusqu’à l’âge de six mois et en améliorant les pratiques alimentaires pour prévenir la malnutrition et lutter contre les carences. Des renseignements plus complets sur les soins de santé seront communiqués ultérieurement par écrit.

Le PRÉSIDENT remercie la délégation et invite les membres du Comité à poser des questions supplémentaires s’ils le souhaitent.

M. WIERUSZEWSKI dit qu’il serait particulièrement intéressant de pouvoir lire le texte de la nouvelle loi sur les victimes de la traite et de disposer également d’un descriptif des mesures concrètes adoptées en accompagnement de ce texte, par exemple la mise en place de foyers.

Sir Nigel RODLEY souhaite préciser la question qu’il avait posée précédemment au sujet de la torture. Il se demande pourquoi, en cas de torture, l’article 250 du Code pénal albanais, qui porte sur les actes arbitraires, est appliqué plutôt que les articles 86 et 87 qui visent expressément la torture et prévoient des peines plus lourdes. De plus, il croit comprendre qu’il n’existe pour la victime d’actes de torture à proprement parler ou d’actes arbitraires imputables à un agent de l’État, aucune autre possibilité d’être indemnisée que de se retourner contre l’auteur des faits, en tant qu’individu. En ce qui concerne l’affaire Tahirllari, Sir Nigel Rodley a entendu avec intérêt la réponse et se félicite des mesures prises contre les policiers en cause, mais il souhaiterait savoir aussi ce qu’il est advenu du médecin qui avait délivré un faux certificat de décès imputant la mort à un coma éthylique ainsi que du médecin qui avait été renvoyé de l’hôpital pour avoir contesté ce certificat.

M. KÄLIN se réjouit que l’Albanie envisage de ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international des droits civils et politiques. Par ailleurs, il ressort des réponses qui ont été apportées que l’avortement constitue toujours une méthode de planification familiale. On peut donc se demander s’il existe un lien entre la pratique de l’avortement et le fait qu’il naît beaucoup plus de garçons que de filles en Albanie.

Le PRÉSIDENT rappelle à la délégation qu’elle pourra répondre en détail à ces questions par écrit dans les trois jours qui suivent la séance. Il est toutefois bon d’instaurer un échange avec le Comité en donnant une première réponse générale aux questions. Si elle le souhaite, la délégation peut disposer de quelques minutes pour s’y préparer.

La séance est suspendue à 12 h 10; elle est reprise à 12 h 25.

M. OMARI (Albanie) dit que l’avortement n’est pas utilisé comme une méthode de planification familiale et qu’il existe des centres spéciaux créés par l’État et par des ONG. L’augmentation du nombre d’avortements, qui représente un problème grave, s’explique par la pauvreté extrême de certaines jeunes femmes qui n’ont d’autre choix que d’avorter, n’ayant pas les moyens de subvenir aux besoins de l’enfant, et par l’émancipation sexuelle à laquelle on assiste depuis que l’Albanie s’est ouverte au monde dans les années 1990. Les jeunes femmes, ignorant les moyens de contraception, se retrouvent enceintes et sont contraintes d’avorter sous la pression de leur famille et de la société, afin d’échapper à la honte. Le fait qu’il naisse plus de garçons que de filles en Albanie a toujours existé; ce phénomène a peut-être des explications génétiques mais n’est pas la cause des avortements dans la mesure où les méthodes permettant de connaître le sexe de l’enfant avant la naissance sont très peu développées.

M. NINA (Albanie) dit, au sujet des suites de l’affaire Tahirllari, que l’avocat du peuple a rendu ses conclusions; le médecin qui a donné le second avis médical n’a pas été renvoyé de l’hôpital mais a été muté, sans que cette mesure ait le moindre lien avec l’affaire. En ce qui concerne le premier médecin, ce n’était pas un expert et son avis n’a donc pas eu d’incidences sur les poursuites pénales menées à l’encontre des policiers auteurs des faits, ni sur les peines qui leur ont été infligées.

Le PRÉSIDENT remercie la délégation albanaise et l’invite à continuer à répondre aux questions écrites, en reprenant à la question no 17.

M. PAPANDILE (Albanie) dit que les difficultés auxquelles se heurtent les autorités judiciaires sont notamment la faiblesse des infrastructures, le manque de formation des juges, l’insuffisance des salaires et l’absence de système d’évaluation du travail des magistrats. Le Ministère de la justice élabore actuellement un projet de loi pour réglementer les infrastructures judiciaires et motiver les juges, en créant de meilleures conditions de travail. La surveillance du système judiciaire est assurée par le Haut Conseil de la magistrature et par le Ministère de la justice et s’exerce au moyen d’inspections périodiques et d’interventions à la suite de plaintes. Les inspections ont donné les résultats suivants: en 2004, trois juges ont été démis de leurs fonctions, trois juges ont reçu des critiques assorties d’un avertissement, un juge a reçu des critiques et un autre a été rétrogradé. En ce qui concerne les services d’un conseil (question no 18), le système fonctionne globalement bien. L’aide juridictionnelle, gratuite, n’est assurée que pour les affaires pénales; il faut reconnaître que les services fournis ne sont pas de bonne qualité parce que les avocats sont insuffisamment rémunérés. Dans le cadre de la réforme des services de la défense, le Parlement a élaboré un projet de loi visant à régir en détail tout ce qui concerne l’assistance d’un avocat et les services de conseil, en s’inspirant des textes européens et internationaux, notamment en matière d’indépendance des avocats. Le Parlement a adopté un texte complétant et modifiant la loi relative à la profession de notaire.

Toute arrestation résultant de l’application de mesures de sécurité est toujours ordonnée par un procureur et avalisée par un juge. En cas de violation, la victime peut déposer une plainte pénale et demander des dommages‑intérêts, en même temps ou dans le cadre d’une action civile distincte. Les nombreux retards enregistrés dans les procédures tiennent à une déficience de l’infrastructure, à l’absence de base de données contenant les adresses précises, aux changements fréquents dans l’organisation de certaines institutions ou encore à des modifications législatives.

M. PAPANDILE (Albanie) explique que le Haut Conseil de la magistrature prend actuellement des mesures pour poursuivre la réforme du système judiciaire et le rendre plus indépendant, fiable et opérationnel, notamment en améliorant les procédures relatives à l’élection des juges, à la supervision de leurs activités et aux mesures disciplinaires. Il a aussi élaboré un programme de travail assorti d’échéanciers, dont l’exécution a commencé en juillet 2004. Quant aux allégations d’entraves à l’indépendance et à l’impartialité des magistrats du fait de l’ingérence de représentants de l’État et entre agents publics, le Haut Conseil de la magistrature a eu à cœur d’en vérifier la véracité. Il ressort des vérifications auxquelles le Haut Conseil et des institutions internationales ont procédé que les cas d’ingérence indue dans le fonctionnement du système judiciaire sont en diminution, comme l’atteste aussi le fait que l’État a rarement gain de cause dans les affaires auxquelles il est partie. Les atteintes à l’indépendance des hauts magistrats semblent être de plus en plus rares. Pour ce qui est des mesures prises par le Ministère de la justice, on notera que le service de l’exécution des décisions judiciaires traite davantage d’affaires dans lesquelles l’État ou une de ses institutions est débiteur. Par ailleurs, le Premier Ministre a établi un groupe de travail, qui compte des représentants du Département de l’exécution des décisions judiciaires, du Ministère des finances et des institutions débitrices concernées, qui est chargé d’examiner les moyens de mettre en application les décisions de justice. Au nombre des mesures prises pour accélérer l’exécution des décisions judiciaires, on notera tout particulièrement l’uniformisation des pratiques exécutoires, par la diffusion de formulaires types dans tous les services concernés, la publication de consignes et de guides sur l’exécution des décisions judiciaires, le suivi du travail des huissiers de justice, le recrutement de personnel dûment formé, le renforcement des mécanismes d’inspection, la coopération avec d’autres autorités compétentes, comme le Bureau du Procureur, le Ministère de l’ordre public et le Ministère des finances et l’imposition d’amendes et le risque de poursuites pénales pour quiconque entrave le cours de la justice.

En ce qui concerne le droit à protection de la vie privée (question no 20), M. Papandile décrit les mécanismes de supervision judiciaire, et en particulier les garanties en matière de liberté et de secret de la correspondance et de tout autre moyen de communication qui figurent dans la Constitution. Conformément au Code de procédure pénale, l’interception de courrier et les écoutes téléphoniques doivent être autorisées par un tribunal. Dans les affaires urgentes, elles peuvent être ordonnées par un procureur, mais cette décision doit être sanctionnée dans les 48 heures par un tribunal, faute de quoi les opérations doivent cesser et leurs résultats ne peuvent pas être utilisés.

M. NINA (Albanie), répondant à la question no 21, qui porte sur les compétences du Comité d’État des cultes, dit que cet organe relève du Conseil des ministres et est chargé d’assurer la coordination entre les diverses communautés, associations et organisations religieuses, de négocier les accords conclus entre ces communautés, associations et organisations et le Gouvernement, d’organiser des tables rondes sur des sujets relevant de sa compétence, d’entretenir des relations avec d’autres organismes publics sur des questions relatives aux écoles privées et de mener des études sur les programmes d’enseignement des écoles religieuses et sur des questions culturelles. Traditionnellement, deux religions coexistent en Albanie, le christianisme et l’islam, qui sont organisées en quatre communautés (communauté musulmane, église orthodoxe autocéphale d’Albanie, église catholique et communauté mondiale becktachie).

M. HAJDARAGA fait observer que l’on trouve un excellent exemple de coexistence religieuse en Albanie, où les différentes communautés ont appris à vivre et à survivre ensemble pendant des siècles.

M. PAPANDILE, répondant à la question du Comité concernant le harcèlement dont les journalistes seraient régulièrement victimes (question no 22), indique qu’à l’heure actuelle, il n’existe aucune disposition spéciale pour protéger les journalistes en tant que tels, mais que l’article 120 du Code pénal garantit à tous les citoyens une protection contre la diffamation. Cela étant, les institutions compétentes ont commencé les préparatifs en vue de l’élaboration d’une nouvelle législation concernant la liberté de la presse, en particulier en vue de renforcer la protection juridique des journalistes et d’améliorer leur statut, conformément aux normes internationales et européennes. De plus, certaines initiatives visant à modifier les dispositions du Code pénal relatives à la presse sont en cours.

Pour ce qui est des compétences et des activités du Conseil des recours auprès du Conseil national de la radio et de la télévision (CNRT), M. Papandile précise que ce conseil est chargé d’examiner les plaintes du grand public concernant la violence, la sexualité et les atteintes à la dignité dans les émissions de radio et de télévision; d’analyser la position du public sur les questions de morale et d’éthique et de veiller à ce que les radios et les télévisions privées respectent la morale et l’éthique dans leurs programmes. Le Conseil des recours auprès du CNRT a mené trois enquêtes nationales sur des questions d’éthique et de morale, dont les résultats ont été diffusés auprès du grand public. En 2004, il a axé ses activités sur la sensibilisation des professionnels des médias pour qu’ils adoptent les codes déontologiques inspirés des normes européennes en la matière. Il diffuse également des informations au moyen d’un bulletin semestriel «Antenna», qui est distribué à tous les services de radio et de télévision.

Mme EMINI (Albanie) répondant à la question relative aux droits de la femme et de l’enfant, dit que le Ministère du travail des affaires sociales prend les dispositions nécessaires en vue de la signature de deux protocoles additionnels à la Convention relative aux droits de l’enfant, le Protocole facultatif relatif à la vente d’enfants, à la prostitution des enfants et à la pornographie mettant en scène des enfants et le Protocole facultatif relatif aux enfants dans les conflits armés, ce qui aidera le pays à adapter sa législation visant à prévenir le travail des enfants et leur exploitation. Le Code du travail offre une protection spéciale aux enfants, sur la base de la Convention no 182 de l’OIT: les enfants ne peuvent pas travailler plus de six heures par jour; les enfants de 14 à 16 ans peuvent travailler dans le cadre d’un contrat d’apprentissage et occuper de petits emplois pendant leurs vacances d’été; les enfants de 16 à 18 ans peuvent exécuter des travaux faciles qui ne soient pas dangereux. Le Ministère du travail et des affaires sociales a par ailleurs créé un département du travail des enfants qui coordonne les activités, les projets et les programmes menés dans ce domaine. Il a également mis en place, à un niveau interinstitutionnel, le Comité directeur sur la réduction du travail des enfants, qui apporte un appui politique à la coordination et à la mise en œuvre du programme pour la réduction du travail des enfants à l’échelon national. Les activités du Département du travail des enfants visent à mettre en place un cadre institutionnel permanent pour la mise en œuvre du programme national de réduction du travail des enfants et pour intégrer les préoccupations dans ce domaine dans les stratégies et politiques nationales qui sont élaborées par le Comité directeur au niveau interministériel, et notamment dans les politiques macroéconomiques. Il est également chargé de compiler le rapport sur les politiques nationales relatives au travail des enfants et de formuler des recommandations en vue de faciliter l’application de ces politiques en s’assurant le concours de toute une série de parties prenantes et d’institutions aux niveaux local et central. Le Ministère du travail et des affaires sociales s’emploie également à renforcer ses capacités de détection et de suivi, notamment en assurant la formation des inspecteurs du travail et des représentants des institutions qui s’occupent de la question à tous les niveaux. Les activités de contrôle au niveau national sont organisées en coopération étroite avec l’Inspection du travail, en vue de prendre des mesures concrètes contre les employeurs qui ne respectent pas la loi. Une étude est en cours afin d’aligner la législation nationale sur les normes internationales relatives au travail des enfants. Le Ministère du travail et des affaires sociales s’efforce aussi de sensibiliser le public par différentes activités et publications (manuels pour les inspecteurs du travail, affiches, bulletins périodiques et brochures). Enfin, le 12 juin, dans le cadre de la Journée internationale contre le travail des enfants, le Ministère du travail et des affaires sociales a organisé une cérémonie spéciale dont la presse s’est largement fait l’écho.

Le PRÉSIDENT remercie la délégation albanaise et l’invite à achever les réponses à la prochaine séance.

La séance est levée à 13 heures.

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